L'indispensable valorisation des modes de jouissance cessibles

L'indispensable valorisation des modes de jouissance cessibles

Le statut du fermage est actuellement le mode d'accès au foncier agricole le plus répandu 1505075356553. Dans sa configuration actuelle, il profite principalement aux exploitations familiales. Or, l'installation hors cadre familial monte en puissance 1503137848987. Par ailleurs, la mise en place de véritables entreprises agricoles suppose la cessibilité des baux. Ainsi, il est indispensable d'encourager l'utilisation de modes de jouissance stables et cessibles, afin d'assurer la pérennité de l'exploitation, au-delà du preneur initial. À ce titre, le bail cessible hors cadre familial mérite une attention particulière (Sous-section I). Il convient également d'encourager une utilisation accrue du bail emphytéotique (Sous-section II).

Le bail cessible hors cadre familial

Historiquement, le législateur favorise la transmission des exploitations familiales. Ainsi, à défaut de successeur familial, l'exploitation est le plus souvent démantelée. Cette situation est regrettable, d'autant que la mondialisation des échanges impose une véritable évolution des exploitations françaises. Issu d'une réforme relativement récente 1505249131907, le bail cessible hors cadre familial constitue une véritable solution 1505076895359. Il n'a pourtant pas rencontré le succès escompté auprès du monde agricole 1505249618081. Après avoir rappelé son régime (§ I) et son utilité (§ II), il convient d'appréhender les raisons de sa faible utilisation (§ III).

Le régime juridique du bail cessible

– Un bail librement cessible. – Il est possible de conclure un bail cessible au gré du locataire. Ce contrat obéit à un régime spécifique (C. rur. pêche marit., art. L. 418-1 à L. 418-5), ainsi qu'aux dispositions du statut du fermage compatibles 1505253372234. Le bail cessible autorise le preneur à le céder à toute personne physique ou morale de son choix. À peine de nullité de la cession et de résiliation du bail, il est tenu de notifier au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception un projet de cession mentionnant l'identité du cessionnaire et la date de l'opération. Le bailleur disposant d'un motif légitime d'opposition à la cession saisit le tribunal paritaire dans un délai de deux mois. Passé ce délai, il est réputé l'accepter (C. rur. pêche marit., art. L. 418-4).
– Un bail authentique d'au moins dix-huit ans. – Le bail cessible hors cadre familial est régularisé en la forme authentique. Sa durée minimum étant de dix-huit ans, il est publié au service de la publicité foncière compétent. À défaut de congé, il est renouvelé pour une période de neuf ans (C. rur. pêche marit., art. L. 418-3). Le bailleur refusant le renouvellement du bail est tenu au paiement d'une indemnité au preneur, sauf agissement fautif de celui-ci. Cette indemnité compense la dépréciation du fonds du preneur, ses frais de déménagement et de réinstallation (C. rur. pêche marit., art. L. 418-3, al. 3).
– Un loyer majorable. – Le loyer est en principe celui de droit commun (C. rur. pêche marit., art. L. 411-11), avec une faculté de majoration de 50 % des maxima prévus pour les baux à long terme.
– Un bail doté d'une valeur patrimoniale. – La reconnaissance de la cessibilité du bail implique nécessairement celle de sa patrimonialité. Il en résulte la légalisation du pas-de-porte 1505252572429. Ainsi, le bail cessible n'est pas soumis aux dispositions interdisant de monnayer la cession, sans aucune restriction (C. rur. pêche marit., art. L. 418-5) 1506251619412.

L'utilité du bail cessible

– Une nouvelle vision du faire-valoir indirect. – Le bail cessible constitue une nouvelle possibilité d'envisager l'entreprise agricole pour le preneur, en permettant son installation sur des unités économiques viables, valorisables et transmissibles. Il est également accompagné de mesures attractives pour le propriétaire. Il bénéficie d'avantages économiques grâce à la possibilité d'obtenir un loyer supérieur et d'un régime fiscal attractif, aligné sur celui des baux à long terme 1505576828695. Par ailleurs, il recouvre une relative liberté de disposition du bien loué à travers le refus de renouvellement du contrat. Cette possibilité est toutefois limitée par l'obligation de dédommager le preneur. Enfin, les deux parties ont la possibilité d'adapter le bail à leurs besoins au moyen de clauses dérogatoires au statut du fermage, sous réserve de l'accord de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux (C. rur. pêche marit., art. L. 418-1, al. 5).

Les raisons d'un échec

Malgré l'absence de statistiques, il semble que très peu de baux cessibles aient été signés 1505578059824. Les raisons de cet échec sont probablement multiples :
  • la résistance du monde rural, y compris des bailleurs et des preneurs, à l'ouverture de l'exploitation à des personnes sortant du cercle familial ;
  • la crainte des preneurs et du monde rural en général de voir le montant des fermages s'envoler, remettant en cause les équilibres économiques actuels et, par conséquent, la rentabilité des exploitations ;
  • l'existence d'imprécisions dans son régime juridique. À ce titre, plusieurs ajustements seraient bienvenus, et notamment :

L'utilisation accrue du bail emphytéotique

Le bail cessible hors cadre familial peinant à s'installer comme alternative au statut du fermage, il convient de s'interroger sur la possibilité d'utiliser d'autres outils. À ce titre, il est intéressant de se pencher sur le bail emphytéotique, contrat intégré depuis longtemps au droit rural 1506278884864.

Le régime du bail emphytéotique

– Caractéristiques. – Le bail emphytéotique confère au preneur, dénommé « l'emphytéote », un droit de jouissance réel et cessible pour une durée déterminée de plus de dix-huit ans et moyennant une redevance appelée « canon emphytéotique ». Il s'agit d'un bail spécial non soumis au statut du fermage (C. rur. pêche marit., art. L. 451-1 et s.). Compte tenu de sa durée supérieure à douze ans et du droit réel conféré au preneur, il est soumis à publicité foncière 1506284528705.
– Cessibilité du bail. – Le droit réel issu du bail emphytéotique est librement cessible, sans aucune limitation 1505637956754. Il est susceptible d'être grevé d'hypothèques ou de servitudes prenant fin avec le bail.
– Liberté contractuelle. – En dehors de la durée et de la cessibilité, les parties disposent d'une grande liberté pour établir le contenu du contrat, la réglementation étant supplétive (C. rur. pêche marit., art. L. 451-3, al. 2). Elles sont ainsi en mesure de rédiger une convention parfaitement adaptée à leurs besoins.
– Améliorations et constructions. – L'emphytéote bénéficie du droit d'accession pendant la durée du contrat (C. rur. pêche marit., art. L. 451-10). À son terme, le bailleur accède à la propriété des améliorations, plantations et constructions réalisées par le preneur, ce dernier ayant l'interdiction de les détruire ou de demander une indemnité (C. rur. pêche marit., art. L. 451-7, al. 2). Cette règle étant supplétive de volonté, les parties ont la faculté de convenir d'une indemnisation de l'emphytéote.

L'intérêt du bail emphytéotique

– Pour le bailleur. – Plusieurs avantages sont susceptibles d'intéresser le bailleur :
  • négocier avec son preneur la mise en place d'une obligation d'investir. Cette démarche permet d'impliquer le propriétaire dans la mise en valeur du fonds 1506282584575 ;
  • bénéficier des améliorations réalisées par le preneur par le jeu de l'accession en fin de bail ;
  • l'absence de droit au renouvellement tacite, permettant de bénéficier d'une visibilité sur la date de reprise.
Pour permettre au bail emphytéotique de devenir une alternative véritablement intéressante pour le bailleur, il conviendrait de lui appliquer les avantages fiscaux attachés aux baux à long terme 1508223476543.
– Pour le preneur. – Le preneur trouve également dans ce bail plusieurs intérêts :
  • la possibilité de fixer une redevance modique, celle-ci étant toutefois le plus souvent la contrepartie de l'engagement de réaliser des investissements sur le fonds loué 1506283532713 ;
  • la possibilité de consentir des sûretés réelles sur le bien loué, sources d'accès à des financements permettant d'accompagner le développement de l'entreprise 1506455703423 ;
  • la possibilité de convenir avec le bailleur d'une liberté totale dans l'usage du bien, évitant ainsi les difficultés en cas de diversification vers des activités non agricoles 1506285323680 ;
  • la possibilité de ne pas exploiter personnellement le fonds, sans risquer une résiliation du bail.