Les moyens du contrôle

Les moyens du contrôle

Après avoir fixé les objectifs, il convient d'appréhender les moyens permettant de les atteindre. Il s'agit actuellement d'un régime de contrôle préalable permettant de vérifier la conformité de l'exploitation envisagée au modèle agricole prédéfini. Issu d'un long processus législatif, le contrôle des structures est toujours en vigueur (Sous-section I). La mise en place d'un nouveau cadre prenant la forme d'un permis d'exploiter apparaît plus adaptée aux enjeux actuels (Sous-section II).

Les moyens actuels : le contrôle des structures

– Définitions préalables. – Le contrôle des structures est le terme donné à l'ensemble des règles conditionnant le droit d'exploiter, à l'exclusion de tout contrôle sur le droit de propriété. Il est fondé sur les objectifs étudiés préalablement et s'impose aux exploitants agricoles, s'agissant d'une législation d'ordre public. Depuis la loi d'avenir de 2014, le contrôle s'appuie sur quatre notions (C. rur. pêche marit., art. L. 331-1-1) :
  • l'exploitation agricole, constituée de l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime 1502004406062 ;
  • l'agrandissement d'exploitations ;
  • la réunion d'exploitations. L'agrandissement et la réunion d'exploitations consistent, pour un exploitant individuel ou une société 1506887630560, en l'accroissement de la superficie exploitée. Avec l'installation, elles forment un triptyque largement utilisé par le législateur pour désigner les opérations contrôlées. Cette formulation permet d'englober la quasi-totalité des opérations juridiques de transmission d'exploitation ;
  • la superficie totale mise en valeur, représentant l'ensemble des superficies exploitées par le demandeur, sous quelle que forme que ce soit et toutes productions confondues, en appliquant les équivalences fixées par le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) pour les différents types de production. En sont exclus les bois, taillis et friches, ainsi que les étangs hors élevage piscicole.
– Les outils du contrôle. – Le contrôle des structures s'appuie sur deux outils :
  • le schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA), mis en place pour tenir compte des réalités locales en respectant les objectifs généraux de la politique agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 312-1). Il fixe les conditions de mise en œuvre du contrôle en déterminant les orientations de la politique régionale d'adaptation des structures d'exploitations agricoles 1501791624105. Il est établi dans le respect des spécificités des différents territoires ainsi que de l'ensemble des enjeux économiques, sociaux et environnementaux définis dans le plan régional de l'agriculture durable.À ce titre :
  • la surface agricole utile régionale moyenne (SAURM), créée en remplacement de l'historique surface minimum d'installation (SMI). Sa fonction est similaire : elle fixe un seuil au-delà duquel l'autorisation d'exploiter est nécessaire 1501790829262(C. rur. pêche marit., art. L. 312-1 et R. 312-3).
Le contrôle de l'activité agricole s'effectue sur la base des régimes classiques de l'autorisation préalable (§ I) et de la déclaration préalable (§ II). Certaines opérations échappent néanmoins au contrôle (§ III). Cette législation étant d'ordre public, son inobservation entraîne des sanctions (§ IV).

Les opérations soumises à autorisation préalable

– Nature juridique de l'autorisation d'exploiter. – La décision accordant ou refusant l'autorisation d'exploiter est rendue au terme d'un arrêté préfectoral, acte administratif unilatéral. Ainsi, les recours contre la décision relèvent des juridictions administratives.
L'autorisation préalable constitue le régime de contrôle de droit commun et la procédure s'applique lorsque les conditions en sont remplies. Les différents cas de contrôle jouent indépendamment les uns des autres, mais peuvent aussi se cumuler ou se compléter. Certaines situations imposent le contrôle de la personne exploitante (A), d'autres les biens exploités (B). Il existe enfin des règles spécifiques aux opérations sociétaires (C).

Les conditions relatives à la personne

– Un contrôle limité à trois hypothèses. – Les personnes physiques ou morales sont parfois tenues de solliciter une autorisation d'exploiter, indépendamment de la superficie envisagée (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 3°). Ainsi, les installations, agrandissements ou réunions bénéficiant à une exploitation agricole existante sont soumis à autorisation préalable dans les trois hypothèses suivantes :
  • si l'un de ses membres exploitant 1501708172952ne remplit pas les conditions de capacité 1502012281865ou d'expérience professionnelle 1501706836237fixées par voie réglementaire ;
  • si aucun de ses membres n'est exploitant ;
  • si l'exploitant est pluriactif, remplit les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, et dispose de revenus extra-agricoles supérieurs à 3 120 fois le montant horaire du SMIC, sauf s'il s'agit d'une installation progressive 1501708296704.

Les conditions relatives au bien exploité

– Un contrôle systématique. – Quelle que soit la superficie de l'exploitation envisagée, une autorisation d'exploiter est nécessaire lorsque l'installation, l'agrandissement ou la réunion d'exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 2°) :
  • supprime une exploitation dont la superficie excède le seuil fixé par le SDREA ou ramène la superficie de l'exploitation en deçà de ce seuil 1502010235801 ;
  • prive une exploitation d'un bâtiment essentiel à son fonctionnement, sauf s'il est reconstruit ou remplacé.
– Un contrôle en cas de dépassement des seuils. – Une autorisation d'exploiter doit être obtenue lorsque :
  • l'installation, l'agrandissement ou la réunion d'exploitation a pour conséquence l'exploitation d'une surface totale excédant le seuil fixé par le SDREA (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 1°) ;
  • l'agrandissement ou la réunion d'exploitations porte sur des biens situés à une distance du siège de l'exploitation supérieure à celle fixée (de manière facultative) dans le SDREA (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 4°) ;
  • la création ou l'extension de capacité des ateliers de production hors-sol dépasse le seuil fixé par le SDREA (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 5°).

Le contrôle des opérations sociétaires

– Droit commun. – Lorsque l'exploitation agricole est réalisée dans un cadre sociétaire, le contrôle des structures s'applique dans les conditions de droit commun quant à la personne et aux biens envisagés.
– Adaptation des notions. – La définition des opérations relevant du contrôle des structures est adaptée à l'exploitation sociétaire.
Ainsi :
  • l'installation consiste en :
  • l'agrandissement résulte de l'acquisition, l'apport ou la mise à disposition 1502540252208de foncier à une société déjà exploitante ;
  • la réunion d'exploitation est la conséquence d'une fusion de sociétés d'exploitation ou d'un apport d'une ou plusieurs exploitations individuelles à une société préexistante 1502540488937.
– Contrôle de la double participation. – La double participation désigne la situation d'un exploitant participant activement à plusieurs exploitations. Cette situation est susceptible d'entraîner un double contrôle :
  • au niveau de la société : si la prise de participation constitue une installation, un agrandissement ou une réunion d'exploitations soumis à contrôle ;
  • au niveau de l'associé : s'il participe de manière effective et permanente aux travaux de l'exploitation sociétaire, il est considéré comme mettant personnellement en valeur les unités de production de cette société (C. rur. pêche marit., art. R. 331-1).
Dans ce cas, la demande d'autorisation est faite par l'associé agrandissant son exploitation à travers la société. À ce titre, il déclare la superficie totale mise en valeur en tenant compte de toutes les superficies exploitées par la société sous quelle que forme que ce soit, directement ou indirectement.

La procédure de demande d'autorisation d'exploiter (C. rur. pêche marit., art. R. 331-1 et s.)

Une instruction technique (DGPE/SDPE/2016-561) du 7 juillet 2016 a été établie par la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises, service compétitivité et performance environnementale et valorisation des territoires. Elle est destinée aux préfets de région, aux DRAAF et à la DDT. Elle détaille les modalités de la procédure d'instruction des demandes d'autorisation et des déclarations d'exploiter.

Les opérations soumises à déclaration préalable

– Un régime dérogatoire au profit de l'entreprise familiale. – Dans les hypothèses soumises à contrôle, la déclaration préalable se substitue à la procédure de droit commun sous les conditions cumulatives suivantes (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, II) :
  • le bien à mettre en valeur est reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus ;
  • et les conditions suivantes sont toutes remplies :Le régime de la déclaration préalable s'applique également aux cessions de parts sociales exclusivement familiales, peu important la forme de la société.

La procédure de la déclaration préalable

L'autorité compétente et le SDREA applicable sont les mêmes qu'en matière d'autorisation préalable. La déclaration préalable est déposée sur papier libre (par lettre recommandée AR ou par voie électronique) par la personne physique bénéficiaire de la transmission.

Elle comprend :

Cette déclaration est obligatoirement déposée préalablement à l'exploitation (C. rur. pêche marit., art. R. 331-7).

Les opérations exemptées de contrôle

– Les exemptions de droit commun. – L'interprétation a contrario des règles du contrôle fait apparaître un espace de liberté. En effet, une opération ne relevant pas d'un contrôle total et ne franchissant pas le seuil de superficie maximale n'est pas soumise au contrôle des structures 1506889091764. Par ailleurs, les opérations sociétaires suivantes sont également dispensées de contrôle (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, I, 1°) :
  • la transformation en société d'une exploitation individuelle détenue par une personne physique en devenant l'unique associé exploitant ;
  • l'apport à une société de plusieurs exploitations individuelles détenues par deux époux ou deux partenaires pacsés en devenant les deux seuls associés exploitants.
– La particularité des opérations réalisées par la SAFER. – Les rétrocessions réalisées par la SAFER bénéficient d'une procédure particulière. En effet, l'avis favorable donné à l'opération par le commissaire du gouvernement vaut autorisation (C. rur. pêche marit., art. L. 331-2, III). À l'inverse, si d'autres candidats sont prioritaires, une décision motivée tient lieu de refus d'autorisation d'exploiter. Ainsi, le contrôle de l'État s'effectue directement par la décision du commissaire du gouvernement. Toutefois, elle ne présente pas les mêmes garanties que la procédure de droit commun 1506890191564. Cette solution présente l'avantage de simplifier les démarches et de faciliter l'intervention de la SAFER.
– L'hypothèse d'une procédure collective. – Dans le cadre d'une procédure collective, la cession de l'entreprise est exemptée de la procédure de contrôle, sauf à respecter les règles de priorité du SDREA en présence d'une pluralité d'offres de reprise (C. com., art. L. 642-1, al. 3).

Les sanctions applicables en cas de non-respect

– Un arsenal diversifié. – La législation relative au contrôle des structures est contraignante. Elle comprend plusieurs dispositions sanctionnant le non-respect de la procédure :
  • la mise en demeure de faire cesser l'infraction : lorsqu'une exploitation non autorisée ou non déclarée est constatée, le préfet adresse à l'exploitant une mise en demeure imposant soit le dépôt de la demande d'autorisation ou de déclaration en cas d'omission, soit la cessation de l'activité en cas de refus d'autorisation (C. rur. pêche marit., art. L. 331-7, al. 1) ;
  • la sanction administrative : à défaut de régularisation après la mise en demeure, l'administration a la possibilité de prononcer une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 € par hectare(C. rur. pêche marit., art. L. 331-7, al. 5) 1502524484702 ;
  • la sanction économique : l'exploitation contrevenant au contrôle des structures perd toutes les aides financières étatiques (C. rur. pêche marit., art. L. 331-9) ;
  • les sanctions civiles :

L'incidence du contrôle des structures sur certains contrats

La validité de certains actes est soumise au respect du contrôle des structures : baux ruraux, cessions de baux, statuts de sociétés agricoles avec apport de baux, etc.

Ainsi, il est nécessaire de préciser dans l'acte le régime d'autorisation applicable à l'opération et de spécifier si l'autorisation d'exploiter a été obtenue. À défaut, il convient d'informer les parties de leurs obligations et des conséquences du refus d'autorisation
<sup class="note" data-contentnote=" Pour une présentation détaillée et des modèles de clause : JCl. Notarial Formulaire, &lt;em&gt;V°&lt;/em&gt; Exploitation agricole, Formules, fasc. 175, Contrôle des structures.">1505983918294</sup>. Le preneur est alors tenu de déclarer la superficie et la nature des biens qu'il exploite (C. rur. pêche marit., art. L. 331-6).

Demain, un nouveau contrôle : le permis d'exploiter

Le contrôle des structures existe depuis près de quarante ans. Son objectif initial était de maintenir un nombre élevé d'agriculteurs sur des exploitations de taille limitée. Or, la réalité est tout autre. En effet, sur la même période, le nombre d'agriculteurs s'est effondré. À l'inverse, la taille des exploitations a considérablement augmenté.
Dans le cadre d'une exploitation diversifiée du territoire agricole, allant du maraîchage périurbain à l'exploitation industrielle de grandes plaines, la recherche d'un modèle unique est un non-sens. Par ailleurs, la limitation de la taille des exploitations n'est pas la solution à tous les maux de l'agriculture, bien au contraire. Le temps est venu de considérer l'exploitation agricole en fonction de son projet économique, environnemental et social.
La sauvegarde d'une exploitation qualitative et quantitative des terres implique également une nouvelle vision de l'autorisation d'exploiter. Dans ce cadre, une refonte complète du contrôle des exploitations se justifie 1503330432573.
En s'appuyant sur des objectifs révisés 1503331410450, des pistes de réflexion fonctionnelles (§ I) et formelles (§ II) méritent une attention particulière.

Une réforme de fond de l'autorisation

– L'objet du contrôle : le projet d'entreprise agricole. – Dans un premier temps, il convient de modifier les éléments soumis au contrôle de l'administration. Ainsi, les vérifications concerneraient l'existence d'un projet d'entreprise agricole, et en particulier :
  • sa viabilité économique : débouchés de commercialisation des produits, nombre d'emplois envisagés, business plan certifié, etc. ;
  • son impact environnemental : obtention d'une certification environnementale reconnue ;
  • sa dimension et sa cohérence territoriale : adaptation de la surface exploitée et de son implantation aux besoins économiques et écologiques du projet ;
  • les compétences agronomiques, technologiques, environnementales et administratives des exploitants ;
  • la valorisation de la multifonctionnalité du territoire exploité.
– Les hypothèses de contrôle. – Il convient également de redessiner le contour des hypothèses déclenchant le contrôle. Si l'installation fait nécessairement l'objet d'un contrôle, la question mérite d'être nuancée concernant les agrandissements, les réductions et les cessions de parts sociales.
Dans un souci de simplification, il serait préférable de ne pas soumettre systématiquement les agrandissements et les réductions d'exploitations à un nouveau contrôle. L'intervention de l'administration serait limitée aux modifications portant sur les éléments substantiels contrôlés dans le projet initial. Ainsi, le contrôle ne s'appliquerait qu'à l'occasion d'une modification du projet d'entreprise.
Au niveau des cessionnaires ou apporteurs, il est indispensable de vérifier que l'apport ou la cession ne réduit pas les compétences au sein de l'exploitation. Le contrôle concernerait ainsi uniquement les associés exploitants. Les porteurs de capitaux non exploitants ne sont pas contrôlés en tant que tels, mais uniquement si leur arrivée dans la société est susceptible de réduire les compétences d'exploitation. Toutefois, si leur influence capitalistique amène à modifier le projet d'entreprise, un contrôle est nécessaire. Ainsi, il ne s'agirait pas de contrôler l'identité des apporteurs de capitaux, mais uniquement la capacité des exploitants à réaliser le projet d'entreprise.

Une forme d'autorisation rénovée

L'autorisation nécessite également une rénovation formelle, autour du binôme bien connu permis/déclaration préalable.
– Le permis d'exploiter. – Le projet d'entreprise étant le point névralgique du contrôle, le permis d'exploiter deviendrait l'autorisation de droit commun lors d'une installation 1503517491105ou d'une modification substantielle du projet initial 1503517511663. L'autorité compétente délivrerait le permis après vérification du respect des critères du projet d'entreprise, aucune exploitation n'étant possible avant.
– La déclaration préalable d'exploitation. – Afin de permettre à l'administration d'agir en cas de non-respect des critères, il est indispensable de prévoir une obligation de déposer une déclaration préalable d'exploiter lorsque des modifications non soumises à permis sont envisagées. Ainsi, les opérations suivantes seraient soumises à déclaration préalable :
  • l'agrandissement ou la réduction significative des surfaces exploitées, sans autre modification du projet d'entreprise 1503520184806 ;
  • les modifications des critères contrôlés allant vers une amélioration environnementale de l'exploitation 1503518663863, du niveau de compétence 1503518731655ou économique 1503518845175 ;
  • l'adjonction d'activités engendrant une multifonctionnalité de l'exploitation, sans dénaturation du projet initial 1503518980418.
– La liberté d'exploiter. – Ce nouveau régime permet d'envisager une liberté d'exploiter lors des ajustements de taille non significatifs et sans modification du projet d'entreprise.
– Aides et sanctions. – Pour accompagner une telle réforme et favoriser ses chances de réussite, un régime d'aides incitatives et de sanctions adaptées est à mettre en place. Les aides directes et indirectes à l'installation ou à l'exploitation doivent être réorientées vers les critères d'exploitation 1503521179538. Dans le même temps, les sanctions économiques, administratives et civiles existantes à ce jour devraient être maintenues.