Les logements en propriété ou en location

Les logements en propriété ou en location

– Un accroissement constant du parc de logements… toujours insuffisant. – Les règles de l'économie de marché sont imparables. La loi de l'offre et de la demande, reposant sur l'équilibre entre la quantité des biens offerts et demandés, s'applique à l'immobilier comme aux autres produits du commerce. Ainsi, tant que la demande est supérieure à l'offre, le prix des logements augmente.
En métropole, le parc de logements s'accroît de 1 % par an depuis trente ans, soit presque deux fois plus que la population sur la même période 1494261135663. Cela reste néanmoins insuffisant pour permettre à tous d'occuper un logement.
– La vacance, premier symbole d'un parc de logements déséquilibré. – Le territoire français connaît de très grandes disparités de situations : certaines aires urbaines voient la demande de logements surpasser l'offre, tirant les prix vers le haut. Dans d'autres, une offre plus forte que la demande se caractérise de deux façons : par la vacance et par la baisse des prix.
Si la vacance est le premier marqueur d'un parc de logements déséquilibré, elle est proportionnellement beaucoup moins élevée dans les villes compactes que dans les villes étendues.
– La fluctuation des prix, second symbole d'un parc de logements déséquilibré. – Alors que les prix flambent dans les grandes villes jouissant de nouvelles liaisons de transport, d'un dynamisme économique et d'une image positive 1500118837665, les prix ne décollent pas dans de nombreuses cités provinciales marquées par une baisse de l'activité, de l'accessibilité ou des services publics. Parfois même, ils s'effondrent 1500120137208. Ainsi, une véritable fracture géographique se crée, accentuant les déséquilibres économiques, sociaux et territoriaux. La fracture sociale n'existe plus seulement entre les centres-villes et les banlieues, elle s'instaure également entre les aires urbaines dynamiques et les autres.
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L'équilibre entre l'offre et la demande de logements se recherche principalement au niveau local, où se rencontrent les intérêts des propriétaires (Sous-section I) et des locataires (Sous-section II).

Les propriétaires

– De la difficulté de devenir propriétaire. – Paradoxalement, l'augmentation régulière des prix de l'immobilier depuis les années 1970 (V. n° ) se déroule dans une période économique terne, peu propice à une hausse équivalente des revenus 1504557096460. Cette décorrélation entre les perspectives macro-économiques et la valeur des biens immobiliers crée, pour les primo-accédants, une véritable difficulté à devenir propriétaires de leur habitation 1501355587144.
Pourtant, l'immense majorité des Français rêvent toujours de posséder leur logement 1500123166080, et 62 % d'entre eux ont atteint leur rêve. Certains l'ont même dépassé, possédant une ou plusieurs résidences secondaires 1501014594521. Cependant, ces logements occasionnels sont rarement situés dans les villes compactes 1504457471452.
La majorité des propriétaires immobiliers possèdent leur résidence principale (§ I). Cependant, une partie non négligeable de ces propriétaires donne des logements en location (§ II).

Des surprises en Europe

Être propriétaire de sa résidence principale est souvent appréhendé comme une preuve de richesse ou comme une garantie contre les coups du sort.
Pourtant, selon une étude de décembre 2016 diligentée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) 1500125481073, les pays d'Europe comptant le plus de propriétaires sont aussi les plus pauvres. Ainsi, 96,5 % des Roumains sont propriétaires de leur habitation. Ce pourcentage dépasse les 80, voire les 90 % pour les citoyens des pays de l'ex-URSS. Sa moyenne atteint 71 % pour les Espagnols, Italiens, Grecs et Portugais.
En revanche, les pays européens connaissant la plus forte croissance économique sont aussi ceux où le taux de propriétaires est le plus faible, comme l'Allemagne avec 45 % ou les Pays-Bas avec 56,2 %, mais avec seulement 9,2 % de propriétaires sans emprunt en cours.
Ces chiffres vont à l'encontre des idées reçues, mais cachent une très grande disparité quant à la qualité des logements.

Les résidences principales

– La « gentrification ». – L'augmentation constante des prix de l'immobilier se traduit de facto par une « gentrification » des cœurs des villes compactes. Cet embourgeoisement des cités correspond, selon Wikipédia, à « un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s'approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit exclusif d'une couche sociale supérieure » 1498384982185.
Dès que la mixité n'est pas imposée, que ce soit par des contraintes physiques 1498385470776ou réglementaires 1499533866324, la nature humaine conduit inexorablement à ce phénomène 1498496331213.
– Un frein à la mixité sociale. – La « gentrification » agit comme un cercle vicieux. Lorsque les groupes sociaux aisés migrent vers un quartier dont ils (re)découvrent les avantages, ils réhabilitent les bâtiments et contribuent à un accroissement des valeurs immobilières, n'hésitant pas à mettre la pression sur les pouvoirs publics pour une amélioration de l'environnement général, notamment scolaire. Les plus défavorisés n'ont pas les moyens de régler les loyers en hausse et sont souvent contraints de quitter le quartier. Ainsi, la gentrification est-elle un processus contribuant positivement à la réhabilitation des quartiers et négativement à la ségrégation sociale.
Ce phénomène urbain est intimement lié aux villes compactes, voire aux métropoles 1498386625363. La tertiarisation des villes accentue le processus, en attirant des populations nouvelles souvent cultivées, désireuses d'un cadre de vie adapté à leurs attentes.
Sauf à craindre un renouvellement des populations trop important modifiant les équilibres électoraux 1498387556589, les maires des grandes villes ont tendance à favoriser cette gentrification, permettant de jeter une lumière éclatante sur la qualité de leur bilan urbanistique. Mais n'est-ce pas une vision à court terme ? Ne fait-on pas perdurer, par l'absence de mixité, les tensions existant autrefois entre la ville et sa banlieue, en leur permettant d'avancer plus profondément dans la cité au risque d'opposer demain les quartiers entre eux ?
– Un frein à la mixité générationnelle. – Lorsque les logements de centre-ville sont inabordables, les jeunes ménages désireux de devenir propriétaires sont contraints de se délocaliser en périphérie. En terme d'accession à la propriété, la mixité sociale est ainsi quasi inexistante au cœur des villes, mais la mixité générationnelle souffre également 1500113786280.

Les logements donnés en location

– La mixité sociale, ennemie du bailleur. – Dans l'immense majorité des cas, l'objectif principal des bailleurs est de maximiser la rentabilité de leur propriété. La hausse sensible du prix de l'immobilier ces dernières années les conduit à augmenter les loyers dans une période de déficit de logements.
Bien évidemment, au cœur d'une législation rendant les expulsions compliquées, la solvabilité des locataires est primordiale. Dès lors, un locataire aisé présentant au surplus des garanties de paiement du loyer constitue le Graal du bailleur. Dans ce contexte, tout ce qui risque de déranger ce locataire d'une manière ou d'une autre apparaît comme dangereux. C'est notamment le cas de la mixité sociale, le risque aux yeux du bailleur étant que le preneur souhaite rester au milieu des membres de sa classe sociale.
Il n'est pas certain que, de l'autre côté du bail, le locataire ait les mêmes attentes.

Les locataires

– Deux parcs, deux redevances… – Il existe une très grande différence entre les dépenses liées au logement selon que l'on dépend du parc privé ou social. D'après le baromètre Sofinscope, le budget moyen dédié au logement des Français, hors charges et remboursement d'emprunt, s'élève à 631 €. Cela cache de profondes disparités. Ainsi, les locataires du parc privé (§ I) dépensent 662 € par mois, quand le budget moyen mensuel des locataires HLM (§ II) est de 470 € 1501270973726.

Le logement loué dans le parc privé

– La crainte d'une augmentation des loyers. – En matière d'habitation, les loyers suivent les courbes des prix des logements et de l'attractivité des villes. Même en dehors des zones de location très tendues, et à l'exception des agglomérations en déclin où la vacance locative peut tirer les loyers vers le bas, les locations privées sont rarement bon marché. Pour autant, il faut bien se loger ! À ce titre, les locataires les moins fortunés font souvent des sacrifices pour conserver leur logement.
– Les classes d'âge à risque. – Les étudiants et les retraités sont particulièrement sensibles à ces augmentations de loyer, les premiers n'ayant pas de revenus, les seconds voyant leur pension diminuer régulièrement.
Les étudiants et les seniors bénéficient néanmoins de résidences dédiées, censées leur faciliter la vie par l'apport de services extérieurs. Si les avantages fiscaux de ces résidences services contribuent à leur développement, ils n'allègent en rien le montant des loyers. Ainsi, il est fréquent que les étudiants leur préfèrent une colocation source d'économie sur les fonctions mutualisées, et que les retraités soient dans l'incapacité de trouver des places dans des maisons collectives à des prix correspondant à leur budget 1501353508027. Parfois, ces deux classes d'âge se retrouvent dans un phénomène bien connu des classes les moins favorisées en passe de retrouver une nouvelle popularité : l'habitat intergénérationnel 1498288885940.
Le rallongement de la durée des études et l'augmentation de l'espérance de vie constituent de véritables difficultés, liées notamment à la dépendance aux aides financières des pouvoirs publics. Pour les plus âgés, les aides récupérables sur les successions permettent d'alléger la perte sèche pour la collectivité. Pour les étudiants, la moindre annonce d'une baisse des APL de 5 € par mois est susceptible de créer une crise politique grave 1501855307202...
Ainsi, imaginer et promouvoir de nouvelles solutions pour ces classes d'âge à risque devient une nécessité 1512917872715. À ce titre, l'exemple des logements sociaux destinés à la colocation étudiante mérite approbation 1501854988002.
– Le phénomène « Airbnb ». – Dans les métropoles les plus courues, la pratique des plates-formes de location touristique aggrave cette situation. Elle engendre une diminution de 50 % du volume des biens à louer de manière classique 1492528208803, faisant grimper les loyers par le simple effet de la loi de l'offre et de la demande. Les locations nues de trois ans minimum sont délaissées pour des baux en meublés de quelques jours, plus rémunérateurs 1501354373747. Par voie de conséquence, les locataires de longue durée sont chassés des centres-villes 1498478842517. L'importance du phénomène est telle que certains propriétaires délaissent régulièrement leur logement au profit d'une résidence secondaire délocalisée.
Bien entendu, la mixité sociale est une victime collatérale de ce phénomène. Indépendamment des problèmes de fiscalité 1512682684054, il convient de prendre des mesures en urgence pour la préserver. La ville de Paris a montré l'exemple en annonçant un enregistrement obligatoire des personnes louant leur logement en meublé touristique sur une plate-forme numérique à compter de décembre 2017. Mais le résultat est plus que décevant 1512682880509, engendrant plus d'illégalités que de remises en question 1517575866110. Comme dans une course de lièvres tentant de rattraper une tortue, d'autres communes ont également décidé de réguler les locations de meublés touristiques 1513255888537.
Toutes ces difficultés du secteur locatif privé sont dues à l'incapacité des pouvoirs publics de permettre à chacun de se loger à moindre coût dans des logements sociaux. Cette pénurie d'habitations à loyers modérés et le panel des personnes éligibles contribuent à pérenniser cette situation insatisfaisante.

Le logement social

– Un logement (social) pour (presque) tous. – Toute personne française ou autorisée à séjourner régulièrement sur le territoire français, ayant, avec l'ensemble des personnes de son foyer, des ressources annuelles imposables ne dépassant pas un plafond maximum, est susceptible d'obtenir un logement social 1509284905064. Les conditions de ressources sont révisées au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice INSEE de référence des loyers (IRL).
Aujourd'hui, sur le seul critère des revenus, dix-huit millions de ménages, soit environ deux sur trois, sont éligibles à un dispositif n'offrant qu'un peu moins de cinq millions de logements sociaux 1512914189463. Le nombre de foyers éligibles est ramené à environ un tiers si l'on exclut les propriétaires d'un logement adapté à leurs besoins. Ce tiers restant suffit néanmoins à provoquer un engorgement du système, obligeant près de deux millions de ménages à attendre de plus en plus longtemps un logement social 1498481249363. Quant aux foyers habitant déjà en HLM, ils parviennent de moins en moins à accéder à la propriété ou à rejoindre le parc locatif privé. Ils s'accrochent souvent à ce qu'ils ont 1512936774107, même quand la famille s'agrandit ou que la situation recommande un déménagement 1501348911282.
Dans ce système, les plus pauvres n'ont pas accès au logement social. Ainsi, en 2015, 6 % seulement des 340 000 logements attribués l'ont été à l'un des 125 000 ménages très pauvres en attente d'appartement et vivant avec moins de 500 € par mois 1509284650367. Dès lors, un réexamen périodique de la situation des locataires du parc social est envisagé 1512917601732, ainsi que la fixation d'une durée des baux d'habitation du secteur public à douze ou quinze ans par exemple 1512918256777.
– Un classement dans le classement. – Jusqu'à présent, les différentes catégories de logements sociaux étaient attribuées aux locataires en fonction de leurs revenus, d'une part, et des prêts et subventions accordés lors de la construction, d'autre part. Schématiquement, la partition se jouait ainsi :
  • les logements financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) 1501314135486étaient réservés aux personnes en situation de grande précarité ;
  • les logements relevant des prêts locatifs à usage social (PLUS) 1501314198136correspondaient aux habitations à loyer modéré traditionnelles, accessibles au plus grand nombre ;
  • les logements des secteurs PLS (prêt locatif social) et PLI (prêt locatif intermédiaire) étaient attribués aux familles ayant des revenus trop élevés pour accéder aux logements des deux premières catégories, mais trop bas pour pouvoir se loger dans le secteur privé.
– La lutte contre la ghettoïsation. – Aujourd'hui, la conscience des méfaits de la ghettoïsation conduit au renforcement des politiques visant à une meilleure répartition des personnes relevant des différentes classes sociales dans chaque quartier. Comme il est difficile de faire venir les plus fortunés dans des « zones » 1499526589664où ils n'ont pas envie d'aller, ces politiques se concentrent sur une relocalisation des ménages les moins favorisés ailleurs que dans les quartiers déjà paupérisés 1498311159129. Dès lors, il convient de prévoir, dans les quartiers concernés, davantage de logements sociaux, mais également une répartition accrue des logements PLAI, PLUS et PLS en fonction du besoin de mixité de chaque endroit.
– Les dernières mesures. – Dresser une liste exhaustive des mesures mises en place pour favoriser la mixité dans le logement ne peut présenter, au mieux, qu'un intérêt passager, tant les réglementations s'empilent ou se remplacent sans fin.
Le dernier texte phare en la matière est la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 1499528379593, dont la moitié des 224 articles se concentre dans un titre intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l'habitat ». Trois mesures ressortent du lot, emblématiques d'une volonté d'avancer plus vite et mieux vers la mixité.
La première consiste dans l'obligation d'attribuer 25 % des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville 1499528999599aux 25 % des ménages les plus pauvres ayant déposé une demande de logement.
La deuxième correspond à la décorrélation des loyers sociaux du financement d'origine des logements concernés. Avec la loi LEC, tous les logements devraient être éligibles à tous les locataires sociaux, un appartement financé en PLS dans un quartier attractif pouvant à présent être proposé en loyer PLAI.
La troisième mesure était censée, par plusieurs dispositions différentes, renforcer l'application de l'article 55 de la loi SRU 1498385558198, auxquelles de nombreuses communes sont en infraction 1517576575784. Il semble qu'en pratique, elle permette à certaines agglomérations d'exciper de l'absence d'une bonne desserte des transports en commun pour s'exonérer de la règle 1501356404044.