Les chemins ruraux

Les chemins ruraux

L'origine des chemins ruraux

Les chemins vicinaux non classés comme voies communales par inscription sur les listes dressées par les conseils municipaux ou les préfets à la date de l'ordonnance de 1959 1494081112364 sont devenus des chemins ruraux. Ils constituent une catégorie résiduelle de voies appartenant à la commune dans la mesure où ils regroupent toutes les parcelles n'ayant pas été classées par ailleurs au moyen des documents suivants :
  • les arrêtés de classement et de déclassement du domaine public ;
  • les tableaux de classement et les plans concernant les voies communales ;
  • les registres et les plans établis suite à l'ordonnance de 1959 ;
  • les registres des arrêtés municipaux concernant la gestion, la surveillance et la police des voies communales et chemins ruraux ;
  • les titres de propriété ainsi que les plans annexés ;
  • et les jugements attributifs de propriété.
– L'intérêt des chemins ruraux. – Les chemins ruraux ne sont pas réservés à l'usage des seules professions agricoles. Ils ont une vocation universelle. Ils constituent une pièce maîtresse de la richesse et de la diversité du territoire. Vecteurs économiques, corridors écologiques, ils maintiennent le lien entre les différents acteurs participant au développement durable du territoire. Au surplus, ils sont utilisés pour les loisirs 1494082098419.

L'évolution métrique des chemins ruraux

Il existe en France un réseau d'environ 425 000 kilomètres de voies communales et 700 000 kilomètres de chemins ruraux 1494084475266.
Au cours des quarante dernières années, plus de 250 000 kilomètres de chemins ruraux ont disparu.
L'association « Chemins de Picardie » a constaté la disparition de 10 000 kilomètres de réseau sur les 40 000 kilomètres répertoriés au cadastre 1494160050073. Leur disparition s'explique par le défaut d'entretien finissant par les rendre impraticables, l'intégration sauvage aux propriétés riveraines, l'ensemencement et la mise en pâture.
Les chemins ruraux présentent des différences fondamentales avec d'autres notions voisines telles que les chemins communaux et les chemins d'exploitation (Sous-section I). Ils créent en effet des droits et des obligations pour les propriétaires riverains(Sous-section II). Leur aliénation est également soumise à des règles strictes et exclusives (Sous-section III).

Les chemins ruraux et les notions voisines

Les chemins ruraux ne se confondent pas avec les chemins communaux (C. voirie routière, art. L. 141-1) 1494752065977 (§ I). Il existe également d'importantes différences entre les chemins ruraux et les chemins d'exploitation (§ II).

Les chemins ruraux et les chemins communaux

– Propriété de la commune : domaine public/domaine privé. – Les chemins communaux, également dénommés « voies communales », relient les zones habitées. Relevant du domaine public de la commune, ils sont inaliénables.
À l'inverse, les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune (C. rur. pêche marit., art. L. 161-1 et CGPPP, art. L. 2212-1). Ainsi, ils sont aliénables et prescriptibles dans les conditions de droit commun (C. civ., art. 2272 à 2275). L'inscription des chemins sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ne constitue pas une présomption d'appartenance au domaine communal lorsque leur régime juridique n'est pas clairement établi au moment de l'adoption du plan.
– L'entretien des chemins. – Les dépenses d'entretien des voies communales sont obligatoirement supportées par la commune (C. communes, art. L. 221-2). À l'inverse, l'entretien des chemins ruraux par la commune tel que le curage des fossés, le désherbage des chemins, leur empierrement ou le rebouchage des trous est facultatif.
La politique agricole commune met l'accent sur le soutien au développement rural par l'intermédiaire du FEADER 1494770314537. Elle consacre notamment la possibilité d'allouer des aides publiques aux travaux de création ou d'entretien de chemins ruraux contribuant à la conservation du patrimoine rural et au développement de l'agriculture 1494769882588. Ces aides sont accordées suite à l'inscription des demandes dans un projet tel que le plan de développement rural régional ou l'Agenda 21 1494770489573. Les travaux de création ou d'entretien des chemins ruraux bénéficient également de subventions du FEADER.
La commune dispose de pouvoirs de police lui permettant d'interdire la circulation. Elle peut également proscrire certaines pratiques afin de protéger les espaces naturels, les paysages ou leur mise en valeur à des fins notamment agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 161-5 et CGCT, art. L. 2213-4). Lorsque la commune assure l'entretien des chemins ruraux ou améliore leur viabilité, elle engage sa responsabilité en cas d'incident lié à un défaut d'entretien.

Les chemins ruraux et les chemins d'exploitation

– Les critères d'identification des chemins 1494316101561. – Les chemins d'exploitation servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 162-1), soit qu'ils les traversent, soit qu'ils les abordent, soit qu'ils y aboutissent. Il s'agit le plus souvent d'anciens chemins privés permettant la desserte de parcelles composant de grands domaines. La desserte de plusieurs fonds est le critère d'identification de ces chemins 1500191321716, utilisés aujourd'hui pour l'exploitation de parcelles appartenant à différents propriétaires, sans que leur statut ne soit envisagé ni précisé. En l'absence de titre, ils sont présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun de la portion attenante à son fonds et dans la proportion de ses intérêts 1494229153891. Leur usage est commun à tous les riverains.
– L'assiette des chemins d'exploitation. – Le déplacement de l'assiette d'un chemin d'exploitation implique l'agrément de tous les utilisateurs. Sa suppression nécessite également l'accord de tous les propriétaires concernés. Une décision administrative ne peut en aucun cas se substituer à la décision des propriétaires.
Certains chemins d'exploitation sont également créés par les associations foncières lors des opérations d'aménagement foncier agricole et forestier (C. rur. pêche marit., art. L. 123-8 et L. 123-9) 1494752439287. Lors de la dissolution de l'association, ces chemins reviennent soit aux communes, soit à un ou plusieurs propriétaires riverains.
– L'accès des chemins d'exploitation, voies privées. – Les chemins d'exploitation constituent des voies privées. Ils sont entretenus par les propriétaires riverains, lesquels ont la possibilité d'en interdire l'usage au public. Les propriétaires ont tout intérêt à en interdire l'accès. En effet, la tolérance est punitive puisqu'en cas de contestation sur la nature d'un chemin, les tribunaux recherchent s'il sert exclusivement ou non à l'exploitation ou à la desserte des fonds riverains 1494757687804.
Lorsqu'ils sont ouverts à la circulation publique, le maire y exerce toutefois des pouvoirs de police.
À l'inverse, la circulation sur les chemins ruraux est ouverte au public, cette occurrence ne suffisant néanmoins pas à exclure la qualification de chemin d'exploitation 1494066727352.
– Les difficultés posées par l'absence de références cadastrales. – L'absence de numérotation cadastrale rend délicate l'identification juridique des chemins. Ainsi, la reconnaissance effective d'un chemin d'exploitation donne parfois lieu à contentieux.
L'appartenance au domaine public dépend en effet des deux critères alternatifs suivants :
  • l'affectation directe à l'usage du public ;
  • et l'existence d'aménagements indispensables à l'exécution d'un service public (CGPPP, art. L. 2111-1).
L'objectif assigné au cadastre est l'identification des propriétaires redevables des taxes foncières 1500192856970. Une partie du territoire n'est pas cadastrée au motif qu'elle n'est pas productive d'impôts fonciers. Cela concerne notamment les chemins ruraux et les chemins d'exploitation, même s'ils n'en ont pas l'apparence sur le plan cadastral.

Les droits et obligations liés aux chemins ruraux

Les riverains disposent de droits sur les chemins ruraux.
Il s'agit notamment :
  • d'un droit à l'accès, d'un droit de déversement des eaux, d'un droit de préemption 1500500706888 ;
  • et d'un droit de réparation des dommages causés par des tiers pour l'utilisation du chemin.
En contrepartie de ces droits, des obligations leur sont imposées.
– La servitude d'écoulement des eaux. – Les propriétés riveraines situées en contrebas des chemins ruraux reçoivent les eaux découlant naturellement de ces chemins. Elles sont ainsi soumises à une servitude d'écoulement des eaux. Leurs propriétaires ne peuvent faire aucune œuvre tendant à empêcher le libre écoulement des eaux qu'ils sont tenus de recevoir (C. rur. pêche marit., art. D. 161-15). Par conséquent, il leur est interdit de rejeter sur ces chemins et leurs dépendances des eaux insalubres ou susceptibles de causer des dégradations, d'entraver l'écoulement des eaux de pluie, de gêner la circulation ou de nuire à la sécurité publique (C. rur. pêche marit., art. D. 161-14).
Les propriétaires ayant fait ouvrir des fossés ou canaux sur leurs terrains le long d'un chemin rural sont obligés de les entretenir de manière à empêcher les eaux de nuire à la viabilité du chemin. Ils sont également responsables de la sécurité liée à la circulation. À ce titre, des injonctions municipales par voie d'arrêté sont susceptibles d'être adressées aux propriétaires impertinents.
– La servitude de curage. – Les propriétaires riverains sont tenus d'effectuer régulièrement le curage des cours d'eau et l'entretien de la rive par élagage et recépage de la végétation arborée (C. env., art. L. 215-14), afin de préserver la faune et la flore dans le respect des écosystèmes aquatiques.
Lorsque des travaux de curage sont effectués par la commune, le propriétaire a l'obligation de laisser passer les agents chargés de la surveillance des opérations et les entrepreneurs effectuant les travaux sur son terrain. Le préfet est en mesure de prescrire toute mesure de curage nécessaire à la prévention des inondations ou au libre écoulement des eaux.
– L'interdiction de clôturer. – En principe, les propriétaires sont libres de clore leur propriété (C. civ., art. 647). Par exception, l'édification d'une clôture sur les chemins ruraux nécessite une autorisation municipale (C. rur. pêche marit., art. D. 161-15). La violation de cette disposition constitue une infraction pénale (C. rur. pêche marit., art. L. 161-28). En effet, dans la mesure où les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune, ils relèvent des dispositions répressives de droit commun relatives aux contraventions contre les biens (C. pén., art. R. 631-1 à R. 635-1) 1494766059580.
– Le bornage des chemins ruraux. – En principe, le maire délivre des certificats individuels de bornage permettant la délimitation des chemins ruraux par rapport aux terrains contigus. À défaut, le bornage contradictoire est effectué à l'initiative d'un propriétaire riverain ou de la mairie. En cas de conflit, la procédure de bornage judiciaire s'applique.

La propriété des chemins ruraux

Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (§ I). Leur aliénation est soumise à des règles singulières (§ II).

La présomption de propriété des chemins ruraux

– La présomption d'appartenance à la commune. – Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (C. rur. pêche marit., art. L. 161-3). En effet, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé appartenir à sa commune de situation. L'affectation à l'usage du public se présume, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par l'accomplissement régulier d'actes de surveillance ou de voirie par l'autorité municipale. Cette présomption simple s'étend non seulement à l'assiette du chemin rural, mais aussi à ses dépendances, telles que les talus et les berges 1494081314296. En revanche, les haies sont présumées appartenir aux propriétaires riverains dont elles protègent les cultures 1494081410387.
– La revendication de la propriété des chemins ruraux. – Il appartient au propriétaire revendiquant la propriété du sol de faire échec à cette présomption 1494081519032 :
  • soit en produisant un titre de propriété ;
  • soit en invoquant une prescription acquisitive (C. civ., art. 2227) 1494077112342.
Le fait qu'un chemin figure au cadastre sous le nom de chemin rural ne suffit pas à prouver qu'il a effectivement cette nature juridique. En cas de litige, les indications cadastrales constituent de simples présomptions. Les contestations relèvent de la compétence du juge judiciaire.

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété requiert une attention particulière.

Les mentions figurant dans un acte authentique réduisent en effet à néant la présomption de propriété de la commune. La jurisprudence exige néanmoins que la portée des clauses ne soit pas équivoque
<sup class="note" data-contentnote=" Cass. 3&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; civ., 19 févr. 2013, n° 11-26.997.">1494767654265</sup>. À titre d'exemple, il convient d'éviter la formule « formant un seul tenant » souvent utilisée en pratique afin d'éviter toute difficulté d'interprétation par le juge.

L'aliénation des chemins ruraux

– Les conditions préalables à l'aliénation. – Lorsqu'un chemin n'est plus affecté à l'usage du public, sa vente est susceptible d'intervenir après une enquête diligentée par le conseil municipal (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). En cas de pluralité de communes propriétaires du chemin, les maires concernés prennent un arrêté commun 1494780174921, précisant l'objet de l'enquête, la date à laquelle elle s'ouvre et les heures et le lieu où le public prend connaissance du dossier afin de formuler ses observations. La durée de l'enquête est fixée à quinze jours (C. rur. pêche marit., art. R. 161-26).
La désaffectation d'un chemin rural résulte d'un état de fait 1494155872460. La circonstance que des chemins ruraux ne soient plus affectés à l'usage du public ne fait pas obstacle à ce qu'une commune décide de les affecter de nouveau à cet usage en accomplissant les actes de surveillance et de voirie nécessaires 1494173659727.
En l'absence de désaffectation, la délibération est entachée de nullité. Ainsi, lorsque le chemin constitue une voie de passage, il est toujours affecté à l'usage du public 1494149316249. Une décision de déclassement n'est pas nécessaire. Elle n'est requise que pour déclasser dans le domaine privé les voies appartenant au domaine public. Ce qui n'est pas le cas des chemins ruraux dépendant du domaine privé communal.

Aliénation d'un chemin rural et avis de la Direction de l'immobilier de l'État

Dans les communes de plus de 2 000 habitants, la délibération décidant de la cession de tout ou partie d'un chemin rural est prise au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'État. Cet avis est réputé donné à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la saisine. Une délibération prise sans cet avis ou sans saisie de la Direction de l'immobilier de l'État
<sup class="note" data-contentnote=" Antérieurement France Domaine.">1500501226988</sup>un mois avant la réunion du conseil municipal est entachée d'illégalité.

– Les particularités des chemins ruraux inscrits sur le plan départemental d'itinéraire de promenade et de randonnée (PDIPR). – Lorsqu'un chemin est inscrit sur un plan départemental d'itinéraire de promenade et de randonnée, la vente prévoit, à peine de nullité, soit son maintien, soit un itinéraire de substitution (C. env., art. L. 361-1). En outre, le conseil municipal a l'obligation de proposer au conseil départemental un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée avant toute décision ayant pour effet la suppression d'un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17).
– Les chemins ruraux compris dans un périmètre d'AFAF. – Dans le cadre d'une opération d'aménagement foncier agricole et forestier, il appartient à la CCAF de proposer au conseil municipal la création, l'aménagement du tracé ou la suppression d'un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17). Le silence gardé pendant deux mois vaut approbation de la mesure proposée.
Cependant, lorsque le chemin est inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, la décision du conseil municipal doit être expresse.
– La délimitation des chemins ruraux et l'action en bornage. – Préalablement à toute mutation, il convient de délimiter les chemins ruraux avec les propriétés privées riveraines. Il s'agit d'une action en bornage relevant de la compétence exclusive des géomètres experts (C. civ., art. 646).
– Le droit de préemption des propriétaires riverains. – Lorsque la décision de vente des chemins ruraux est prise, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenants à leurs propriétés (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). Cela concerne tous les propriétaires possédant au moins une parcelle contiguë au chemin rural, même si le chemin ne constitue pas un accès à leur propriété 1494148448777. Le lien physique avec le chemin rural est le fait générateur de la mise en demeure, peu important l'utilité qu'en retire le propriétaire riverain.
Les dispositions du Code rural et de la pêche maritime instaurent ainsi un véritable droit de préemption au profit des propriétaires riverains 1494148654887. En effet, le défaut de mise en demeure entraîne la nullité de la délibération et, par conséquent, celle de la vente elle-même 1494775065277. Par ailleurs, le Conseil d'État considère que cette formalité constitue une condition substantielle de la vente 1494775207121.
Ce droit de préemption s'exerce sur la partie du chemin attenant aux propriétés concernées. Lorsque le chemin passe entre deux propriétés, chaque riverain acquiert en priorité la moitié de la surface du chemin du côté où il borde sa propriété, sur toute la longueur de sa clôture 1494773982409.
– La vente de chemins ruraux : seul modus operandi. – Si les propriétaires riverains ne donnent pas suite à la mise en demeure d'acquérir, la vente du chemin rural suit les règles édictées en matière de biens communaux 1494174766308, à l'exclusion de toute autre procédure, notamment l'échange 1494173926826. Le Conseil d'État prohibe l'échange des chemins ruraux, considérant que le législateur n'a pas entendu ouvrir aux communes, pour l'aliénation des chemins ruraux, d'autres procédures que celle de l'article L. 161-10 du Code rural et de la pêche maritime 1500729933141. La solution est identique lorsqu'il s'agit d'en rectifier l'assiette 1500730381602.

L'aliénation des chemins ruraux et le notariat

La rédaction d'un acte de vente d'un chemin rural nécessite certaines précautions
<sup class="note" data-contentnote=" J.-P. Borel, Vente d&#039;un chemin rural : précisions sur la notion de propriétaire riverain et sur la portée de la notification prévue par l&#039;article L. 161-10 du Code rural : JCP N 2014, 19.">1494781839261</sup>.

Il convient en effet de vérifier :