Le bail réel solidaire

Le bail réel solidaire

– Des aides à l'accession à la propriété à bout de souffle. – Le responsable des difficultés d'accession à la propriété est désigné depuis longtemps par les pouvoirs publics français : il s'agit du coût de l'immobilier ! Ainsi, le législateur a mis en place des solutions fondées sur des aides de la collectivité permettant aux citoyens modestes d'acquérir leur résidence principale.
La plupart de ces aides consistent à alléger le poids de l'endettement par des prêts bonifiés, tels que le prêt à taux zéro (PTZ) et le prêt d'accession sociale (PAS). À l'exception de la location-accession 1500706391968, les autres mécanismes mis en place n'ont pas marqué l'histoire 1500714355168.
Par ailleurs, l'augmentation constante du prix des logements met en exergue les deux défauts majeurs du système. D'une part, il laisse un espace béant dans l'offre de logements entre les foyers aisés susceptibles d'acquérir dans le secteur privé et les ménages défavorisés bénéficiant des aides publiques. La classe intermédiaire, trop riche ou pas assez, est souvent laissée de côté. Le problème est particulièrement caractérisé chez les jeunes dans les zones tendues. D'autre part, les mécanismes existants ne permettent pas de maintenir un parc de logements accessible sur la durée. En effet, passée l'acquisition par le foyer éligible au montage proposé, le logement entre dans la sphère économique classique, devenant inabordable pour les plus modestes. Au surplus, la plus-value de revente profite uniquement au vendeur 1500709166518.
– Le bail réel solidaire : plus brillant que le BRILO ? – Le législateur invente ainsi de nouveaux montages censés alléger la facture des logements. L'objectif est double : permettre au plus grand nombre d'acquérir leur résidence principale 1500705704988et faire en sorte que les efforts collectifs profitent successivement à plusieurs ménages.
À ce titre, le bail réel immobilier relatif au logement (BRILO) fut lancé en février 2014 1500322862017. Accessible aux classes intermédiaires, ce nouvel outil basé sur une dissociation du foncier et du bâti permet de vendre les constructions indépendamment du terrain d'assiette. À l'inverse des baux classiques conférant un droit réel 1504016966951, les clauses d'affectation et anti-spéculatives sont admises dans le BRILO.
À peine un mois plus tard, la loi ALUR 1500323636002créait les organismes de foncier solidaire (OFS) 1500323519845, postes avancés d'un nouveau contrat programmé par la loi « Macron » du 6 août 2015 1500321098777, créé par ordonnance du 20 juillet 2016 1498287052846et utilisable depuis un décret du 10 mai 2017 1498287111206 : le bail réel solidaire (BRS) (CCH, art. L. 255-1 et s.).
Jusqu'à présent, le BRILO n'a pas brillé 1500705190898. Sans doute ne se démarque-t-il pas suffisamment des outils existants 1500710388158.
Le bail réel solidaire, reposant également sur la dissociation du sol et du bâti, bénéficie d'une nouveauté majeure : pour la première fois, l'aide de la collectivité profite à plusieurs ménages successivement. En effet, l'aide publique ne se rapporte plus à un avantage personnel octroyé au premier bénéficiaire du contrat, mais reste attachée au bien. Ainsi, la nécessité collective prend le pas sur l'intérêt individuel, le profit « réel » remplace le profit « personnel ».
Le BRS est d'ores et déjà plus efficace que le BRILO, le premier bail réel solidaire ayant été signé le 18 décembre 2017 1512914571073. D'autres sont prévus très prochainement un peu partout en France 1515187873349.

La conclusion du bail réel solidaire

– Un bail à durée et parties variables. – Le bail réel solidaire est un contrat par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété de logements, pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Il comprend, le cas échéant, l'obligation pour le preneur de construire ou de réhabiliter des constructions existantes (CCH, art. L. 255-1, al. 1). L'engagement du bailleur se prolonge au-delà de la durée du bail initial. En effet, à chaque changement de preneur, le bail réel solidaire est prorogé pour la durée d'origine, du fait de l'agrément par l'OFS de l'acquéreur du logement.
– Des droits réels du BRS. – À la différence du bail de droit commun, créateurs de droits de créance, le bail réel solidaire confère au preneur des droits réels. La loi ne précise pas de quels droits il s'agit et leur analyse nécessite un renvoi aux droits réels attachés aux autres baux réels.
Ainsi, à défaut de qualification, les « droits réels issus du bail réel solidaire » mentionnés à l'article L. 255-9 du Code de la construction et de l'habitation rappellent les droits réels portant sur la chose du bailleur et autorisant le preneur à construire sur le terrain d'autrui ou à réhabiliter les constructions existantes, comme dans le bail emphytéotique (C. rur. pêche marit., art. L. 451-1), le bail à construction (CCH, art. L. 251-3) et le bail à réhabilitation (CCH, art. L. 252-2).
L'autre droit réel transmis au preneur et justifiant l'emploi du pluriel est un droit de propriété temporaire sur les constructions édifiées en cours de bail (CCH, art. L. 255-7, al. 3).
Le preneur jouit librement des droits nécessaires à l'opération de construction et du droit de propriété temporaire des constructions édifiées, ces droits pouvant être hypothéqués, cédés et saisis (CCH, art. L. 255-9).
Le bail réel solidaire peut être consenti à un preneur occupant l'habitation (CCH, art. L. 255-2). Il peut également s'agir d'un opérateur construisant ou réhabilitant des logements. Dans cette hypothèse, l'opérateur s'engage à vendre les droits réels immobiliers (CCH, art. L. 255-3) ou à les mettre en location (CCH, art. L. 255-4). Ainsi, l'analyse des parties au bail réel solidaire en dessine les contours (A). Elle conditionne également les singularités du contrat (B).

Les parties au bail réel solidaire

Le bail réel solidaire implique nécessairement la participation d'un organisme de foncier solidaire en qualité de bailleur (I). En revanche, deux catégories de preneurs coexistent (II).

Le bailleur : l'organisme de foncier solidaire

– Un nouvel acteur de la mixité sociale. – Le bailleur est nécessairement un organisme de foncier solidaire (CCH, art. L. 255-1). Il s'agit d'une personne morale de droit public ou de droit privé agréée par le représentant de l'État dans la région, dont la principale singularité est le statut d'organisme à but non lucratif. En pratique, les organismes de foncier solidaire seront sans doute des associations, fonds de dotation et fondations 1500988472216.
Même si ces structures déterminent librement leur champ d'action, leur principale mission est de garantir la pérennité des baux réels solidaires. À ce titre, elles réalisent des logements et des équipements collectifs conformément à la politique d'aide au logement définie par la loi (CCH, art. L. 301-1) 1500726658435. Cela implique d'acquérir des terrains nus ou bâtis, d'en assurer la gestion et d'en demeurer propriétaire. Les organismes de foncier solidaire ont en outre l'obligation d'affecter l'intégralité de leurs bénéfices au maintien ou au développement de cette activité, leurs réserves étant destinées à la gestion des baux en cours (C. urb., art. R. 329-3). Cette affectation impérative oblige l'organisme de foncier solidaire à distinguer comptablement le résultat lié aux baux réels solidaires de celui provenant d'autres activités exercées, le cas échéant.
Indépendamment des bénéfices engendrés par ses activités, le financement de l'organisme de foncier solidaire s'opère par perception d'apports en nature ou en numéraire de toute personne publique ou privée, par voie de libéralités, voire par appel public à la générosité.

Les preneurs

– Trois variantes se dessinant dès l'origine. – Le bail réel solidaire consenti par l'organisme de foncier solidaire n'est pas nécessairement consenti aux occupants du logement (a). Il peut également l'être à un opérateur (b), susceptible de prendre deux engagements différents.
Ainsi, les variantes du bail réel solidaire sont au nombre de trois.
Le preneur occupant
– Un preneur aux revenus modestes. – L'organisme de foncier solidaire peut consentir le bail réel solidaire directement à un preneur occupant le logement (CCH, art. L. 255-2). C'est le cas en pratique lorsque le bailleur est propriétaire d'un immeuble bâti ne nécessitant pas de réhabilitation.
Pour limiter ce montage aux ménages modestes n'ayant pas la possibilité de se constituer un patrimoine immobilier autrement, les ressources des preneurs et le prix de cession des droits réels sont encadrés par décret en Conseil d'État 1500572275000. En dépit des difficultés des classes intermédiaires à acquérir leur logement, le bail réel solidaire ne leur est pas destiné eu égard aux conditions de ressources exigées 1500743127073.
À l'instar du plafond du prix de cession, le montant de la redevance dont s'acquitte le preneur occupant est fixé par décret en Conseil d'État. Cette redevance tient compte « des conditions d'acquisition du patrimoine par l'organisme de foncier solidaire et, le cas échéant, des conditions financières et techniques de l'opération de construction ou de réhabilitation des logements ». Les conditions d'occupation du logement sont également prises en compte (CCH, art. L. 255-8). En contrepartie, le preneur occupant est titulaire d'un droit réel, susceptible d'être donné en garantie dans le cadre d'un prêt bancaire, et pouvant être cédé par la suite.
Pour que le bail réel solidaire présente un intérêt, il est indispensable que la redevance soit faible 1500969135424. Cette modicité correspond à l'aide de la collectivité aux preneurs successifs.
Le logement est destiné à être occupé à titre de résidence principale pendant toute la durée du bail. La plupart du temps, l'occupant sera naturellement le titulaire des droits réels. Mais, sauf interdiction contractuelle prévue au contrat, il n'est pas exclu d'imaginer une location du logement, dès lors qu'il s'agirait de la résidence principale des locataires.
En ce qui concerne les relations entre le bailleur et le preneur, les textes ne détaillent pas les charges et conditions des baux réels solidaires. Ils prévoient logiquement l'absence de faculté de résiliation unilatérale de la part du bailleur 1504552531256, ainsi que l'absence de reconduction tacite du bail (CCH, art. L. 255-6). Cette absence de reconduction tacite peut surprendre, s'agissant d'un bail appelé par définition à s'étendre au-delà de la durée prévue à l'origine du contrat. Elle est sans doute liée juridiquement à la pratique habituelle l'excluant pour les démembrements de propriété comparables 1504430445760. Elle l'est sans doute également dans l'esprit de ses initiateurs comme la conséquence d'un rechargement quasi systématique renvoyant régulièrement la durée du bail réel solidaire à son point de départ. Indiscutable avec un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, ce raisonnement est fragilisé en cas de bail proche de dix-huit ans, à moins qu'il ne traduise également la volonté d'un montage autorisant à ne pas conserver un même titulaire plus d'une vingtaine d'années, dans le but de bénéficier au plus grand nombre 1504552606666. Ce choix induirait en revanche une dégradation de la valeur du bien et rapprocherait le BRS du BRILO.
Le preneur opérateur
– Promoteur privé ou bailleur social. – L'organisme de foncier solidaire, propriétaire d'un terrain à bâtir ou d'un immeuble nécessitant d'importants travaux de rénovation, a la faculté de signer un bail réel solidaire avec un opérateur chargé de construire ou de réhabiliter des logements. Cet opérateur peut être un promoteur privé, un bailleur social ou une société d'économie mixte par exemple.
Les parties définissent entre elles les obligations de l'opérateur. À ce titre, le bénéficiaire du bail réel solidaire s'engage à vendre les logements concernés (i), ou à les donner en location (ii).
L'opérateur vendeur
– La variante la plus courante. – L'opération engageant le preneur à vendre les droits réels immobiliers attachés aux logements construits ou réhabilités est la plus complexe des trois variantes du bail réel solidaire. En pratique, il s'agira sans doute de la plus courante (CCH, art. L. 255-3).
Ce montage intéresse trois parties différentes, intervenant chacune deux fois. Il se déroule en trois temps, les deux derniers étant concomitants : le bail entre l'organisme de foncier solidaire et l'opérateur (1), la vente par l'opérateur à l'occupant (2), et le bail entre l'organisme de foncier solidaire et l'occupant (3). S'agissant de contrats portant sur des droits réels, les actes à établir à chaque étape sont authentiques.
Le bail entre l'organisme de foncier solidaire et l'opérateur
– Le BRS-initial. – Le postulat de départ est le suivant : l'organisme de foncier solidaire est propriétaire d'un bien immobilier non bâti ou à réhabiliter, inutilisable en logements 1500741808313. Il le donne à bail réel solidaire à un opérateur chargé de construire ou de réhabiliter des logements 1500734641915. L'opérateur s'oblige également à céder ses droits sur les logements créés aux acquéreurs agréés par l'OFS.
Notre confrère Frédéric Roussel, bâtisseur de ce nouvel outil 1500743962573, qualifie le bail réel solidaire régularisé entre l'organisme de foncier solidaire et le constructeur de « BRS-Initial » 1500743771603. Ce bail initial est réductible, son assiette diminuant à l'occasion de chaque bail signé entre l'organisme de foncier solidaire et l'acquéreur final.
– Le BRS et la copropriété. – Sauf les rares cas de constructions de maisons individuelles ou en volumétrie, le BRS-Initial porte sur des biens à construire ou réhabiliter dans le cadre d'une copropriété. Trop récent pour que des exemples avérés permettent d'en saisir toutes les subtilités techniques, ce bail réel solidaire doit cependant s'adapter aux règles de la copropriété.
Il est possible de proposer le montage suivant, assis sur la gémellité de deux états descriptifs de division différents, l'un portant sur les droits à construire loués par l'OFS, l'autre sur les lots privatifs vendus par le promoteur.
Le bail étant « réductible » plutôt que « divisible », l'organisme de foncier solidaire établit un état descriptif de division primaire du foncier, antérieurement à la signature du « BRS-Initial ». Ce document répartit en différents lots les droits à construire attachés au sol. Parallèlement, le promoteur prépare un projet d'état descriptif de division-règlement de copropriété classique, attachant à chaque lot privatif une quote-part de partie commune équivalente aux droits à construire du lot correspondant de l'état descriptif de division primaire 1504553561324.
Dans le cadre du BRS-Initial, l'OFS transmet au promoteur l'ensemble des lots de droits à construire. Par la signature concomitante de l'état descriptif de division-règlement de copropriété préparé par l'opérateur, il y a corrélation parfaite entre les tantièmes de charge foncière affectés aux lots objets du BRS-Initial et les tantièmes de copropriété attachés à la globalité des lots privatifs de la copropriété.
À chaque réduction du « BRS-Initial » liée à une vente de lot de copropriété par l'opérateur, le « BRS-Utilisateur » correspondant porte sur les tantièmes de droit à construire correspondant aux millièmes de copropriété attachés au lot vendu par le promoteur 1500991859646.
La vente par l'opérateur à l'occupant
– La vente achevée, la VEFA, la VIR, etc. – Dans le cadre des droits réels conférés par le bail réel solidaire initial, le constructeur édifie ou rénove les logements. Il cède ensuite les droits réels immobiliers correspondant à l'appartement ou à la maison à des particuliers agréés par l'organisme de foncier solidaire répondant aux conditions de ressources. Cette vente peut intervenir avant l'achèvement des constructions dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement ou d'immeuble à rénover, ou après l'achèvement dans le cadre d'une vente classique. Il peut également s'agir de la souscription de droits sociaux donnant vocation à la jouissance du bien.
Le prix de cession est fixé par décret en Conseil d'État (CCH, art. L. 255-2). Il est limité par la nature même du bien acquis, la cession portant uniquement sur les droits réels correspondant à la partie bâtie, le foncier restant la propriété de l'organisme de foncier solidaire 1500745493553. Ainsi, l'intérêt du bail réel solidaire s'accroît dans les zones « tendues », où la part du foncier dans le prix d'achat du bien est substantielle.
Le preneur a la faculté d'hypothéquer ses droits réels, notamment en garantie du prêt souscrit pour les acquérir.
Concomitamment à la vente, l'acquéreur régularise un bail réel solidaire portant sur les droits réels acquis avec l'organisme de foncier solidaire.
Le bail entre l'organisme de foncier solidaire et l'occupant
– Le BRS-Utilisateur. – Le bail réel solidaire destiné à l'utilisateur final, qualifié de BRS-Utilisateur 1500748859703, est signé entre l'organisme de foncier solidaire et l'acquéreur du logement, concomitamment à la vente des droits réels régularisée avec le promoteur.
Ce bail prévoit le paiement d'une redevance devant rester modeste, permettant à l'utilisateur de s'en acquitter en sus des remboursements d'emprunts, de la taxe foncière et des éventuelles charges de copropriété, toutes dépenses qu'il n'avait pas auparavant.
Par l'effet conjugué de la cession des droits réels et de la signature du BRS-Utilisateur, les droits réels que le constructeur tenait du BRS-Initial en sont automatiquement soustraits. La régularisation d'un avenant n'est pas nécessaire, la réduction ayant lieu automatiquement. Ainsi, le bail réel solidaire initial s'éteint lorsque l'ensemble des droits réels d'origine est transmis.
L'opérateur loueur
– Une variante de repli. – L'objectif originel du bail réel solidaire étant la transmission de droits réels au profit de ménages modestes, il est permis de s'interroger sur la pertinence d'avoir instauré une variante permettant à l'opérateur de louer les logements (CCH, art. L. 255-4). Dans un tel cas, la situation du preneur s'apparente en effet à celle du locataire lambda d'un logement social. Tout juste peut-on préciser que les plafonds de loyers et de ressources applicables sont spécifiques aux baux réels solidaires.
En pratique, cette variante constitue une solution de transition ou de repli dans l'hypothèse où il n'y aurait pas de candidats au bail réel solidaire.
Ce bail fonctionne comme le BRS-Initial (V. n° ), à l'exception de l'engagement de louer substitué à l'engagement de vendre du promoteur. Rien n'interdit que le même BRS-Initial contienne un double engagement. Eu égard à la philosophie du montage, la vente est à privilégier, mais un engagement alternatif de location à défaut d'avoir pu vendre paraît de bon aloi.

Les particularités du bail réel solidaire

Le bail réel solidaire présente les particularités d'être rechargeable (I) et anti-spéculatif (II).

Un bail rechargeable

– Davantage de bénéficiaires. – La principale particularité du bail réel solidaire résulte dans le rechargement de la durée du bail à chaque mutation. En effet, à chaque changement de titulaire, le bail réel solidaire repart pour sa durée originelle (CCH, art. L. 255-12).
Ainsi, l'avantage transmis initialement pour faciliter l'accession à la propriété du premier occupant se renouvelle avec chaque nouveau locataire, à l'infini. La valeur du logement ne s'érode pas autrement que par la vétusté. La faculté des droits réels immobiliers à être donnés en garantie aux banques perdure. Le législateur espère ainsi maintenir un parc de logements « durablement » sociaux, accessible sur plusieurs générations, et faire profiter à un plus grand nombre de ménages des efforts de la collectivité.
Le nombre de ménages bénéficiaires de ces aides augmentera mécaniquement par l'addition de toutes les familles ayant été titulaires de droits réels sur l'ensemble des logements concernés. Le résultat sera à comparer avec le nombre de logements créés grâce aux aides bénéficiant uniquement au premier ménage installé. Les retombées de l'aide seront en revanche moindres pour chaque bénéficiaire.

Un bail anti-spéculatif

– Des gains mieux répartis. – Le bail réel solidaire est conçu pour éviter toute spéculation. Il confère à chaque preneur successif un droit identique à celui du preneur initial. Ainsi, le preneur du bail réel solidaire n'a jamais vocation à devenir propriétaire du terrain. À l'inverse du Pass foncier « bail à construction », il ne bénéficie pas de la plus-value liée à la reconstitution d'un droit de propriété plein et entier.
Par ailleurs, le prix de cession est limité à la valeur initiale des droits réels actualisée (CCH, art. L. 255-5) 1500992103406, majorée de la valorisation des travaux effectués entre l'acquisition et la cession. Aucune dérogation n'est permise, la sanction du dépassement du prix maximum étant la nullité de la vente (CCH, art. L. 255-11) 1500993111096.
Par leur ampleur, les systèmes antérieurs constituaient un tremplin vers un début de richesse pour une petite quantité d'élus 1500990170446. Le bail réel solidaire devrait profiter à un plus grand nombre de ménages et leur apporter un enrichissement qu'ils n'auraient pas eu sans lui.

Le fonctionnement du bail réel solidaire

– Un fonctionnement sans particularité notable. – Le bail réel solidaire étant très encadré par la loi, son fonctionnement n'engendre pas de difficultés particulières. Le paiement régulier de la redevance et le respect des conditions du bail (CCH, art. L. 255-7 et L. 255-8) 1500752088555permettent à l'occupant de jouir de son logement en toute quiétude.
Pour le preneur, les inconvénients apparaissent en cas de transmission (A) et à l'expiration du bail (B).

Une transmission encadrée

– Un formalisme déroutant pour un preneur vivant. – La transmission des droits résultant d'un bail réel solidaire est un parcours long et fastidieux pour le preneur. Le formalisme commence par l'envoi au cessionnaire ou au donataire d'une offre préalable de cession ou de donation, reprenant toutes les clauses importantes du bail. En cas de mutation à titre onéreux, le prix de vente des droits réels immobiliers est limité à leur valeur initiale, simplement actualisée. Calquée sur le mécanisme d'une offre de prêt bancaire, cette offre de contrat doit être maintenue par le preneur au moins trente jours et ne peut être acceptée par son bénéficiaire avant un délai de dix jours à compter de sa réception 1500840943558.
Lorsque le bénéficiaire de l'offre l'a acceptée, le titulaire du BRS a trente jours pour en informer l'organisme de foncier solidaire en lui demandant l'agrément du cessionnaire choisi. Il joint à sa demande un dossier complet permettant notamment de justifier l'éligibilité du nouvel élu aux conditions légales (CCH, art. L. 255-10).
L'organisme de foncier solidaire dispose ensuite d'un délai de deux mois pour analyser le dossier, contrôler les modalités principales du contrat proposé 1500987887986, vérifier l'éligibilité de l'acquéreur ou du donataire à la conclusion d'un bail réel solidaire, et enfin délivrer l'indispensable agrément (CCH, art. L. 255-11).
En cas de refus d'agrément dans le cadre d'une cession à titre onéreux, le cédant peut demander à l'organisme de foncier solidaire de lui proposer un autre cessionnaire. À défaut de le faire dans les six mois, l'organisme de foncier solidaire se porte acquéreur des droits réels appartenant au preneur. En cas de refus d'agrément lors d'une donation, le bail réel solidaire peut être résilié conventionnellement, le preneur étant indemnisé de la valeur de ses droits dans les conditions prévues au bail (CCH, art. L. 255-13).
À l'instar de certains auteurs, « on se demande quelle est l'utilité d'une telle multiplication des délais, à moins que l'affaire étant si mauvaise à réaliser, il soit nécessaire d'y réfléchir à plus d'une fois pour la conclure… » 1500841529168.
– Le droit de préemption de l'organisme de foncier solidaire. – L'agrément donné par l'organisme de foncier solidaire à tout nouveau preneur est incontournable, fidèle à la philosophie de ce bail à long terme. Mais le bailleur ne se borne pas à la vérification de l'éligibilité du cessionnaire à la conclusion d'un bail réel solidaire. Il bénéficie en effet d'un droit de préemption 1500842366548dans les deux mois 1500842640218de la transmission de l'offre préalable à toute cession ou donation (CCH, art. L. 255-15).
L'exercice du droit de préemption implique l'indemnisation du preneur. La valeur de ses droits est fixée conformément aux stipulations du bail, dans la limite mentionnée à l'article L. 255-5 du Code de la construction et de l'habitation.
– La transmission successorale des droits au bail réel solidaire. – La transmission successorale des droits attachés au bail réel solidaire fait également l'objet d'un encadrement contraignant (CCH, art. L. 255-14). Le texte appréhende différemment la situation du conjoint survivant et des autres ayants droit. Les conditions d'éligibilité et d'agrément ne sont pas opposables au conjoint survivant.
En revanche, la transmission aux autres ayants droit est contrôlée. Ainsi, dans l'hypothèse où un ayant droit répond aux conditions d'éligibilité pour prétendre au bénéfice d'un bail réel solidaire, le bail fait l'objet d'une prorogation de plein droit d'une durée identique à celle du bail d'origine. Si l'ayant droit ne remplit pas ces conditions, il dispose d'un délai de douze mois à compter du décès 1500966172964pour céder les droits réels à un acquéreur éligible agréé par l'organisme de foncier solidaire. À défaut de cession dans le délai prévu, le bail réel solidaire est résilié, l'ayant droit étant indemnisé par l'organisme de foncier solidaire de la valeur des droits réels immobiliers dans les conditions prévues par le bail.
En pratique, il y aura certainement des successions avec un conjoint survivant, des ayants droit éligibles et d'autres non, et des difficultés de partage. Il est probable que ces situations se termineront par la résiliation du bail, ersatz d'expropriation.

La fin du bail réel solidaire

Le bail réel solidaire s'éteint par la résiliation ou l'arrivée du terme.
En cas de non-exécution de ses obligations par le preneur, notamment de non-paiement de la redevance, le bail peut être résilié. L'indemnité de résiliation tient compte du manquement ayant entraîné la résiliation du bail (CCH, art. L. 255-8). Néanmoins, le preneur ne risque pas de perdre toutes ses économies dans un projet trop ambitieux pour lui 1500989377166. Dans cette hypothèse, les sûretés assises sur les droits réels s'éteignent, indépendamment de leur date initiale d'échéance.
À l'arrivée du terme du bail réel solidaire 1512684379168, les droits réels immobiliers du preneur s'éteignent. Cette extinction entraîne une indemnisation semblable à celle prévue pour les ventes. Le bailleur recouvre alors la pleine jouissance du bien.
En cas de location par le preneur de son logement, la mention de la date d'extinction du BRS dans le contrat entraîne automatiquement l'extinction de la location du bien à l'arrivée du terme du bail réel solidaire. À défaut d'avoir stipulé cette mention pourtant impérative, les occupants ont le droit de se maintenir dans les lieux pendant une durée maximale de trente-six mois à compter de la date d'expiration du bail réel solidaire, dans des conditions équivalentes à celles prévues au bail de location du logement.