Le notaire confronté à la vulnérabilité de fait a1583

- Une vigilance accrue. - Face à un client manifestement affaibli mais civilement capable, le notaire - accentuons le propos - doit faire preuve d'une vigilance extrême .
Certes, et il convient de le rappeler en préambule, en l'absence de circonstances particulières et exception faite des vérifications d'usage mentionnées sur les registres d'état civil , le notaire n'a pas à vérifier l'état mental de ses clients. Fait-il rappeler ici que toute personne physique majeure, si âgée soit-elle, est capable de contracter, sauf lorsque la loi dit le contraire. Bien évidemment, le notaire doit refuser son ministère, à peine d'engager sail n'est pas sain d'esprit, mais lorsque l'auteur de l'acte est majeur et qu'aucun régime de protection n'a été pris à son endroit, le notaire n'a pas à vérifier ses aptitudes mentales, sauf si un indice laisse à penser le contraire. C'est là, bien évidemment, que naît la situation de trouble, la zone grise, celle de tous les dangers : lorsque le notaire éprouve seulement un doute sur l'intégrité des facultés mentales de son client.
À vrai dire, à défaut de certitude sur les réelles facultés de discernement de la personne qu'il reçoit, le notaire a un choix clair qui s'offre à lui : s'il est persuadé que le consentement de son client existe et qu'il est éclairé, il reçoit l'acte en ayant cependant une obligation de diligence et de prudence. Au rebours, si le notaire constate des troubles cognitifs majeurs tels qu'il est convaincu de l'incapacité de son client, il doit refuser de recevoir l'acte. Mais, dans bien des cas, l'atteinte cognitive est légère et son impact sur la capacité de la personne difficile à évaluer. Que peut et que doit faire le notaire dans ce cas ? Comment doit-il procéder quand il a des doutes sur la capacité de son client à prendre une décision éclairée, ou quand il se demande si un tiers n'abuserait pas de la vulnérabilité de son client pour obtenir des dispositions à son avantage ?

Gare aux nouveaux clients

V. A. Tani, <em>Preuve de l'insanité d'esprit et vigilance du notaire</em> : <em>JCP</em> N 5 juill. 2019, n<sup>o</sup> 27, 1227.
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Pour forger sa conviction sur l'état de la personne, le mieux reste encore pour le notaire de bien connaître ses clients et leur entourage : une relation suivie et ancienne permet souvent de s'apercevoir de la diminution ou de l'altération des facultés cognitives d'un client ; c'est l'avantage du « notaire de famille ». Cela étant, si cette figure balzacienne est loin d'avoir disparu, chacun sait que la clientèle se montre de nos jours de plus en plus volatile. Ainsi il arrive qu'un notaire soit amené à recevoir un acte pour des clients qu'il connaît peu, voire pas du tout. Certains mauvais esprits peuvent même être tentés de se tourner vers un autre notaire que leur conseil habituel, en nourrissant l'espoir qu'il sera moins porté à déceler la diminution (en raison de l'âge par exemple) d'un proche. C'est pourquoi le notaire doit faire preuve d'une prudence renforcée lorsqu'il est appelé à instrumenter un acte avec un client qu'il ne connaît pas ou peu.