La protection du majeur déclaré vulnérable en droit a1470
- Les mesures de protection juridique. - S'agissant de la protection juridique, sur laquelle nous allons désormais concentrer nos propos, le législateur a bâti, au fil du temps, au gré des réformes, un système de protection organisé mais complexe, comportant en son sein toute une série de mesures dont le point commun résulte dans le fait, d'une part, qu'elles découlent toutes d'une décision judiciaire
et, d'autre part, qu'elles peuvent être mises en place soit pour protéger le patrimoine, ce qui est classique, soit pour protéger la personne, ce qui est plus novateur, soit pour protéger les deux (C. civ., art. 415, al. 1er). En attendant l'avènement d'une possible « mesure unique de protection », appelée de ses v?ux par le rapport Caron-Déglise
, elles sont aujourd'hui au nombre de quatre : trois d'entre elles sont classiques ; la quatrième est plus récente.
S'agissant des mesures traditionnelles, et si l'on respecte un système de graduation, la première d'entre elles est la sauvegarde de justice. Traitée aux articles 433 à 439 du Code civil, il s'agit d'une mesure provisoire qui n'emporte ni assistance ni représentation. La personne sous sauvegarde de justice conserve ainsi le droit d'accomplir tous les actes de la vie civile, sauf, le cas échéant, ceux confiés par le juge à un mandataire spécial. La protection de la personne vénérable réside ici dans le fait que « les actes qu'elle a passés et les engagements qu'elle a contractés pendant la durée de la mesure peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d'excès », outre qu'ils pourraient être annulés pour insanité d'esprit en vertu de l'article 414-1 du Code civil (C. civ., art. 435, al. 2). La sauvegarde de justice est la mesure de protection juridique la plus légère et la plus courte, sa durée ne pouvant pas dépasser un an, renouvelable une fois par le juge des tutelles. Elle peut cesser dans l'intervalle dès que la personne a recouvré ses capacités ou qu'une mesure plus contraignante a été mise en place.
La deuxième est la curatelle, qui est un régime d'assistance instauré au soutien de la personne vulnérable qui, en raison d'une altération de ses facultés personnelles, a « besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile » (C. civ., art. 440, al. 1er). Destinée à s'appliquer à la protection de la personne ou à la protection de ses biens, la curatelle peut être simple ou renforcée, auquel cas le curateur représente son protégé pour les actes de la vie courante (principalement la perception des revenus et le règlement des dépenses), tout en continuant à associer ce dernier aux actes les plus importants (C. civ., art. 472)
.
La troisième mesure classique, la plus incapacitante, est la tutelle, qui est un régime de représentation pour les personnes qui doivent être représentées de manière continue dans les actes de la vie civile (C. civ., art. 440, al. 3). Elle concerne les personnes majeures qui ne peuvent plus veiller sur leurs intérêts du fait de l'altération de leurs facultés mentales ou lorsque leurs facultés corporelles sont altérées au point d'empêcher l'expression de leur volonté. Ces personnes sont alors frappées d'une incapacité d'exercice quasi générale, en ce qui concerne les actes patrimoniaux, mais non, en principe, dans le domaine des actes personnels puisqu'elles conservent notamment le droit de vote, le droit de se marier et de se pacser ou encore le droit d'accepter seules le principe de la rupture du mariage. La personne sous tutelle peut accomplir seule les actes autorisés par l'usage, tels que les présents d'usage, les dons ou les achats modiques. Elle peut bénéficier d'un allègement de la tutelle, soit dans le jugement d'ouverture de la mesure, soit au cours de celle-ci. Le juge peut ainsi autoriser la personne sous tutelle à accomplir seule, ou avec l'assistance du tuteur (et non plus par voie de représentation), un certain nombre d'actes énumérés par le juge (C. civ., art. 472).
Notons que le Code civil envisage ces deux derniers régimes de protection dans une seule et même section. La raison de ce traitement unifié est simple : tutelle et curatelle, bien que différentes, sont soumises à des règles communes. Elles demeurent néanmoins deux mesures de protection distinctes répondant à des règles spécifiques à chacune d'entre elles. Enfin, rappelons que pour ces mesures, à défaut de choix du majeur pour désigner par avance l'organe protecteur (C. civ., art. 448), la loi prend le parti de la confiance faite aux proches : en vertu du principe général de priorité familiale
, le juge ne peut désigner un mandataire professionnel en qualité de curateur ou de tuteur qu'après avoir épuisé les solutions au sein du couple puis, à défaut, dans l'entourage familial ou amical de la personne protégée (C. civ., art. 449)
.
Ce souci d'associer plus étroitement encore les familles à la protection d'un proche vulnérable, mais aussi - il ne faut pas se leurrer - de désengorger les tribunaux, a poussé le législateur, au travers de l'ordonnance du 15 octobre 2015
, à créer une nouvelle mesure de protection juridique : l'habilitation familiale, laquelle a fait l'objet d'un toilettage depuis lors à l'occasion de la loi du 23 mars 2019
. Cette mesure hybride - en ce qu'elle est ordonnée par le juge mais emprunte, dans le même temps, certaines règles du mandat de protection future - permet au proche (ascendants, descendants, frères et s?urs, conjoint, partenaire ou concubin) d'une personne qui souffre d'une altération de ses facultés personnelles, de la représenter (dans sa version initiale) ou simplement de l'assister (dans sa version amendée) pour la réalisation de certains actes relatifs à son patrimoine ou à sa personne. Elle peut être prévue soit pour un acte déterminé, soit pour une série d'actes (habilitation spéciale), soit pour tous les actes, quelle que soit leur qualification (habilitation générale). Concrètement, il s'agit ainsi d'offrir aux familles où règne une bonne entente une solution plus souple et plus facile à mettre en ?uvre que les mesures de protection traditionnelles. Aussi ce dispositif repose-t-il sur le consensus familial et n'a vocation à être ordonné que dans les situations non conflictuelles où chacun s'accorde sur le choix d'un proche pour représenter la personne en situation de vulnérabilité et sur les modalités de protection de celle-ci. Cette absence de conflit familial justifie, aux yeux du législateur, que l'habilité soit exonéré du formalisme prévu habituellement dans le cadre d'une curatelle ou d'une tutelle, à savoir l'autorisation préalable du juge pour passer certains actes et l'obligation de rendre annuellement des comptes.