3303 La nouvelle loi n’a prévu aucune règle de compétence territoriale. Il semble toutefois prudent de respecter les règles prévues par le règlement Bruxelles II bis, et ce en cas de saisine ultérieure du juge.
3304 Le divorce sans juge est un divorce dans lequel aucune juridiction n’intervient. Le législateur français n’a prévu aucune règle de compétence territoriale tant pour les avocats que pour le notaire amené à intervenir.
La fiche 6 de la circulaire du 26 janvier 2017 précise que le notaire n’est assujetti à aucune règle de compétence territoriale et a vocation à recevoir tout acte émanant de parties françaises ou étrangères, domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce.
Aucun lien n’est exigé entre le couple et l’ordre juridique français. Ainsi ce divorce est ouvert à tout couple même s’il ne présente et n’a jamais présenté aucun lien avec la France. Un notaire français pourrait donc en principe être amené à enregistrer une convention de divorce entre deux époux de nationalité étrangère, résidant à l’étranger et n’ayant aucun bien en France. Une grande liberté s’ouvre donc aux époux qu’il faudra limiter lorsqu’il sera question de la loi applicable au divorce et de la circulation de la décision.
3305 La question se pose de savoir si cette ouverture totale prévue par la loi française est ou non compatible avec les règles européennes relatives au divorce. La réponse dépend de la nature que l’on retient de ce type de divorce : si le notaire pouvait être assimilé à une « autorité » prononçant le divorce, celui-ci pourrait entrer dans le champ d’application des règlements européens. Mais, dans la réalité, le notaire se contente d’un simple contrôle formel, sans aucune fonction décisionnelle.
Il faut en conclure que le divorce conventionnel ne rentre pas dans le champ d’application des différents règlements européens, soit : Bruxelles II bis pour le principe du divorce et la responsabilité parentale ; le règlement « Aliments » pour les prestations alimentaires après divorce ; le règlement « Régimes matrimoniaux » pour la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.
En effet, ces instruments européens supposent l’intervention d’une autorité intervenant au nom de l’État.
3306 Cette procédure de divorce simplifiée soulève des difficultés pratiques :
la langue de la rédaction de la convention : la convention et ses annexes peuvent être établies en langue étrangère402 ;
l’envoi de la lettre recommandée : lorsque l’un des époux a sa résidence à l’étranger, cet envoi peut ne pas pouvoir être réalisé. Compte tenu des termes de l’article 229-4 du Code civil, il ne semble pas possible de recourir à une lettre recommandée électronique.
Si la convention doit être déposée au rang des minutes d’un notaire, la loi n’exige pas qu’il s’agisse d’un notaire français. Toutefois, il paraît peu probable que la convention prenne date certaine et force exécutoire dans un État étranger. Selon l’article 8 du décret du 28 décembre 2016, les agents diplomatiques français en poste à l’étranger ne sont pas compétents pour recevoir l’acte de dépôt.
3307 Le divorce conventionnel se déroule sans l’intervention d’une autorité judiciaire. Si un contentieux apparaît lors du divorce ou de l’après-divorce, il nécessitera la saisine du juge qui devra alors asseoir sa compétence sur les règles applicables en la matière.
Ce retour au juge peut apparaître par exemple lors de la présence d’un enfant mineur qui demanderait son audition403lors du divorce.
Dans ce cas, le juge aux affaires familiales devra vérifier au préalable sa compétence sur le fondement du règlement Bruxelles II bis.
Un contentieux pourrait aussi apparaître après le prononcé du divorce.
Les époux pourraient tout d’abord solliciter une révision de la prestation compensatoire. La loi du 28 novembre 2016 n’ayant pas envisagé de modification conventionnelle, celle-ci sera nécessairement judiciaire. Il conviendra de saisir le juge compétent au regard des règlements européens : si celui-ci ne connaît que le divorce judiciaire, il pourra ne pas être enclin à respecter la convention des époux et son équilibre.
Les époux pourraient ensuite contester la convention elle-même, notamment pour vice du consentement. À la différence de la convention homologuée lors du divorce par consentement mutuel, la convention de divorce sans juge peut être remise en cause. On peut se demander quel sera le juge compétent pour connaître de la validité ou de la nullité de la convention.
Si le divorce conventionnel permet donc en principe de s’affranchir des règles de compétence territoriales, elle ne dispense pas de déterminer la loi applicable au divorce.