L'activité accessoire de l'agriculteur

L'activité accessoire de l'agriculteur

– Production d'énergie et définition de l'activité agricole. – Traditionnellement, l'agriculture est la culture de la terre pour la faire produire 1506871377726. Selon la jurisprudence ancienne, l'agriculture supposait la culture d'un fonds 1506871822051et le droit rural était lié à un critère foncier 1506871945796. En 1988, le législateur a supprimé cette référence au foncier et défini pour la première fois l'activité agricole 1506872037288. Elle correspond à toute activité liée « à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal » (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1). Fondamentalement, l'agriculteur est celui qui cultive la vie, y compris dans un cadre hors-sol, afin d'obtenir un produit de la nature 1506872373611. Cette définition de l'activité agricole par nature laisse peu de place aux énergies renouvelables, hors culture d'éléments destinés à être transformés en biocarburants 1506874354369. Aussi, le législateur est-il venu compléter son principe, en réputant agricoles certaines autres activités, par détermination de la loi 1506874193844. Ainsi, est agricole « la production et, le cas échéant, la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles » (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1). L'unité de méthanisation est nécessairement exploitée par un agriculteur. L'énergie doit également être commercialisée par l'exploitant agricole ou une structure détenue majoritairement par des agriculteurs (C. rur. pêche marit., art. D. 311-18, al. 1). Un registre permanent des matières premières est tenu afin d'en apprécier l'origine (C. rur. pêche marit., art. D. 311-18, al. 1).

Nouvelles énergies et crise de l'identité agricole

L'agriculture ne se réduit pas à la culture destinée aux biocarburants et à la méthanisation agricole. En effet, il est fréquent de voir un agriculteur couvrir ses bâtiments d'exploitation de panneaux photovoltaïques en vue de revendre l'électricité produite
<sup class="note" data-contentnote=" B. Pellecuer, Énergies renouvelables et agriculture, perspectives et solutions pratiques, éd. France agricole, 2007.">1506876478160</sup>. Cette activité n'est cependant pas agricole : il s'agit d'une activité commerciale
<sup class="note" data-contentnote=" F. Roussel, Production d&#039;énergie photovoltaïque et droit rural : RD rur. 2008, repère 7.">1506876474922</sup>. La solution est identique pour les éoliennes éventuellement déployées par l'exploitant
<sup class="note" data-contentnote=" J. Foyer, Les éoliennes et le droit rural : RD rur. 2008, repère 3.">1506876602816</sup>. L'activité agricole ne cesse pourtant de s'étendre. Ainsi en est-il du tourisme rural (C. tourisme, art. L. 343-1). Plus encore, au-delà de sa fonction nourricière traditionnelle, l'agriculteur est reconnu comme producteur de biens immatériels bénéficiant à tous : l'entretien du paysage rural, la gestion des sols et la préservation de l'environnement
<sup class="note" data-contentnote=" H. Bosse-Platière, De l&#039;exploitation à l&#039;entreprise agricole. Déclin ou renouveau du droit rural ? : JCP N 2010, 1257, n° 20.">1506877951557</sup>. Le droit rural gagnerait à faire évoluer encore davantage la définition de l'activité agricole, surtout dans la perspective d'assurer la pérennité des entreprises agricoles et de leur donner les moyens de toutes les fonctions dont on les rend responsables. Cette évolution se justifie d'autant plus que le législateur considère la transition énergétique comme l'une des finalités de la politique agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 1), et que nombre d'agriculteurs comptent sur la revente de l'électricité pour autofinancer leurs nouveaux bâtiments. Paradoxalement, le droit rural se situe ici en retrait du droit fiscal. En effet, sous certaines conditions, la production d'électricité d'origine photovoltaïque ou éolienne par un exploitant agricole entre dans son bénéfice agricole (CGI, art. 75 A).

– L'activité au sein des sociétés agricoles. – Les sociétés agricoles ont nécessairement un objet en rapport avec l'activité agricole. Ainsi, l'EARL a pour objet l'exercice d'activités réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime (C. rur. pêche marit., art. L. 324-2). Or, cette activité agricole doit être exercée à titre exclusif et pas seulement à titre principal 1506881253606. L'objet agricole n'est toutefois pas remis en cause en cas de méthanisation réalisée avec plus de la moitié d'intrants provenant de l'exploitation, s'agissant d'une activité agricole par détermination de la loi 1506881418303. En outre, la loi « Grenelle 2 » permet à certaines sociétés agricoles d'exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil dont les générateurs sont fixés ou intégrés aux bâtiments dont elle est propriétaire 1506881610002. Ce texte concerne les GAEC, les EARL et les GFA 1506881613863. Le législateur leur permet ainsi de vendre l'électricité produite par des panneaux photovoltaïques sur les bâtiments dont elles sont propriétaires sans être requalifiées en sociétés commerciales. En dehors de ces exceptions, les sociétés agricoles ne peuvent avoir pour objet d'exploiter des énergies renouvelables. L'agriculteur a alors recours à une société commerciale dédiée 1506881889921. Mais l'extension de l'objet de certaines personnes morales n'a pas été accompagnée d'une redéfinition de l'activité agricole. Ce point n'est pas sans poser de problèmes dans le cas des GFA, bénéficiant de certains avantages fiscaux, tels qu'une exonération en matière de droits de mutation à titre gratuit (CGI, art. 793). Il existe un risque de perdre cet avantage, dès lors que la mise en place d'une énergie renouvelable, bien que conforme à l'objet civil du GFA, n'est pas une activité agricole mais une activité commerciale 1506981694439. La doctrine fiscale exigeait en effet que le patrimoine du GFA ne comprenne que des immeubles à destination agricole 1507398994914. La jurisprudence est également sévère sur ce point. Ainsi a-t-elle prononcé la déchéance du régime de faveur alors que seuls trois hectares étaient en infraction sur 105, faisant perdre l'avantage fiscal y compris sur la fraction représentative des immeubles ruraux 1506981208977. La doctrine fiscale semble toutefois avoir implicitement abandonné cette exigence 1507399215327. Cela n'empêche pas néanmoins une certaine incompatibilité entre le GFA et les énergies nouvelles. En effet, l'exonération reste remise en cause si une installation photovoltaïque ou une éolienne a été installée en vertu d'un bail emphytéotique, au lieu du bail à long terme prévu par le texte légal 1506980930065. Outre la discordance entre le droit fiscal et le droit rural, il existe donc une contrariété entre l'objet des personnes morales agricoles et la définition de l'activité agricole, les deux éléments étant pourtant corrélés.
– La conciliation avec le statut du fermage. – L'exclusion de principe des énergies renouvelables de l'activité agricole pose problème dans le cadre du bail rural 1506892618305. La production d'électricité en vue de sa revente étant une activité commerciale (C. com., art. L. 110-1), son installation constitue un changement de destination (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27). Par conséquent, si le bail rural proscrit les activités commerciales, le bailleur est fondé à demander la fin de l'activité illicite 1506893579392. Il peut au surplus demander la résiliation du bail en raison de la destination commerciale donnée aux biens loués 1506894352058. Il s'agit ainsi d'une exception au principe légal limitant les causes de résiliation du bail rural au non-paiement du fermage et aux « agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds » (C. rur. pêche marit., art. L. 411-31). La solution est sévère pour le fermier, n'ayant pas plus la possibilité de louer l'installation à une société commerciale en vertu du principe de prohibition de la sous-location (C. rur. pêche marit., art. L. 411-35, al. 5). À l'inverse, le bailleur n'a pas la faculté d'installer des énergies renouvelables sur les biens exploités par son preneur, sauf à compromettre la jouissance de ce dernier 1506894816131.

Agrivoltaïque et vitivoltaïque

Les énergies renouvelables ne se développent pas nécessairement au détriment des surfaces cultivables ou en superposition des bâtiments existants. Plusieurs expérimentations d'installation de panneaux photovoltaïques mobiles au-dessus de plants de vigne ont déjà été effectuées, en symbiose avec les cultures. Ainsi, en modifiant l'inclinaison des panneaux, il est possible de laisser passer le soleil pour favoriser la photosynthèse, de mettre la plante à l'ombre, ou de la protéger de la grêle. Quelques prototypes existent déjà dans le sud de la France
<sup class="note" data-contentnote=" Agrivolta fait de l&#039;ombre… intelligemment : La Tribune 5 juill. 2017. – Agrivolta propose des ombrières intelligentes : La Provence 29 sept. 2017.">1506896589803</sup>. Aucun texte ne régit encore cette situation. Il convient néanmoins de considérer qu'il s'agit d'une activité agricole, étant effectuée « par un exploitant agricole » et ayant « pour support l'exploitation » (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1). Le risque est toutefois de voir se développer des cultures-prétextes, facilitant la mise en place de nouvelles fermes photovoltaïques. Pour éviter cet écueil, certains pays tels que le Japon imposent un maintien minimum de la production agricole existante avant l'installation des panneaux
<sup class="note" data-contentnote="
&lt;em&gt;Japanese farmers producing crops and solar energy simultaneously : Science in society&lt;/em&gt; 16 oct. 2013.">1506897590606</sup>.