L'appropriation des biens abandonnés

L'appropriation des biens abandonnés

Les procédures concernant les biens sans maître et les biens présumés sans maître (§ I) ne sont pas les seules procédures applicables à l'appréhension de propriétés privées abandonnées par une personne publique. Parallèlement, d'autres procédures existantes sont susceptibles d'être appliquées au territoire agricole (§ II) 1494754093446.

Les procédures applicables aux biens sans maître ou présumés sans maître

– La définition des biens sans maître ou présumés sans maître. – Sont qualifiés de biens sans maître les biens immobiliers faisant partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté. Cela suppose que la procédure des successions vacantes n'ait pas été mise en œuvre. Il existe également les biens présumés sans maître. L'article 72 de la loi d'avenir pour l'agriculture 1493563687758a assimilé aux biens sans maître les immeubles n'ayant pas de propriétaire connu et pour lesquels les taxes foncières n'ont pas été acquittées depuis plus de trois ans, ou l'ont été par un tiers. Cette assimilation permet aux communes de disposer d'un moyen d'appropriation des biens à moindre coût afin de les céder à des agriculteurs.
– La propriété des biens sans maître ou présumés sans maître. – Les biens sans maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. En cas de renonciation à exercer ce droit, la propriété des biens est transférée soit à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre, soit à l'État (CGPPP, art. L. 1123-1 à L. 1123-3 et C. civ., art. 713) ou bien encore au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres dans les zones définies à l'article L. 322-1 du Code de l'environnement. La procédure des biens sans maître a vocation à prendre le relais de celle applicable aux successions en déshérence 1493220865790. Les biens issus de ces successions demeurent obligatoirement la propriété de l'État lorsqu'il en demande l'envoi en possession. Cet élément les distingue des biens sans maître 1493549662972. Toutefois si pendant trente ans personne ne revendique leur propriété, ils tombent dans la catégorie des biens sans maître et appartiennent en principe à la commune. En cas de renonciation, ils appartiennent à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à l'État en cas de refus de ce dernier.
– Particularité des terres cultivées. – Dans l'hypothèse où la parcelle sans maître est cultivée, l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés non bâties est attribuée à l'exploitant. Opération purement fiscale, l'imposition à la taxe foncière ne peut, par elle-même, créer ou consacrer des droits quelconques sur le bien. Ainsi, le paiement de l'impôt ne peut être invoqué par l'assujetti que comme présomption de l'existence d'un droit de propriété. De sorte que si l'immeuble est appréhendé par la commune au titre des biens sans maître, l'exploitant n'a pas la possibilité de s'opposer à la commune sauf à faire jouer la prescription acquisitive dans les conditions de droit commun 1495386012158.

Les autres procédures d'appropriation appliquées au territoire agricole

Au nombre des procédures d'appropriation applicables aux terres agricoles, se trouvent : la procédure des successions vacantes (A) et la déclaration de parcelle en état d'abandon (B).

La procédure des successions vacantes

La procédure concernant les successions vacantes est peu utilisée. Cependant, depuis 2016, le notariat est en mesure de jouer un rôle en la matière.
– L'absence d'héritiers légaux ou testamentaires. – Lorsque les biens des personnes décédées sans héritiers sont abandonnés 1493214103051, la succession est qualifiée de succession vacante (C. civ., art. 809 et s.).
Il en est ainsi lorsque :
  • le défunt ne laisse aucun héritier légal ni aucun légataire, ou lorsque la totalité des héritiers a renoncé à la succession ;
  • ou lorsque les héritiers n'ont pas exercé leur option successorale dans le délai de six mois à compter de l'ouverture de la succession, de manière tacite ou expresse.
La Direction de l'immobilier de l'État est désignée curatrice. À l'issue de la procédure, les biens appartiennent à l'État à condition de demander l'envoi en possession en sa qualité de successeur irrégulier. Une fois cette saisine judiciaire conférée 1493221271419, la succession est alors appelée « succession en déshérence » 1493217885856. En pratique, l'envoi en possession est demandé lorsqu'il existe de l'actif après l'apurement du passif.

Le notariat et la procédure des successions vacantes : une solution pour les parcelles agricoles abandonnées

La loi permet aux notaires de confier la curatelle d'une succession vacante à l'autorité administrative chargée du domaine
<sup class="note" data-contentnote=" L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, relative à la justice du 21&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; siècle, art. 47 : JO 19 nov. 2016, texte n° 1.">1494708111141</sup>. Il convient d'adresser une requête à ce titre au président du tribunal de grande instance du lieu d'ouverture de la succession
<sup class="note" data-contentnote=" JCl. Notarial Répertoire, &lt;em&gt;V°&lt;/em&gt; Succession vacante ou en déshérence, fasc. unique, n° 60.">1493217310375</sup>.

Le curateur désigné prend possession des biens et poursuit l'exploitation de l'entreprise agricole. Il est légalement autorisé à vendre les biens (C. civ., art. 810-2). La vente est réalisée notamment par acte notarié (C. civ., art. 810-3).

Cette possibilité ouvre des perspectives dans les hypothèses, nombreuses en pratique, où les agriculteurs riverains souhaitent acquérir les parcelles dépendant d'une telle succession.

La déclaration de parcelle en état d'abandon

– Le périmètre communal. – La procédure de déclaration en état d'abandon est susceptible d'être mise en œuvre à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune (CGCT, art. L. 2243-1). L'état d'abandon manifeste est constaté de manière provisoire dans un procès-verbal signé par le maire, mentionnant la nature des travaux indispensables pour faire cesser l'état d'abandon.
– La demande préalable de cessation d'abandon du propriétaire. – Il est demandé au propriétaire de remédier à l'état d'abandon. En cas de refus, le maire constate par procès-verbal définitif l'état d'abandon du bien (CGCT, art. L. 2243-3). Les procès-verbaux par lesquels le maire constate l'état d'abandon manifeste d'une parcelle ne constituent que de simples mesures préparatoires à la décision de déclarer cette parcelle en l'état d'abandon manifeste et de procéder à son expropriation. Ces procès-verbaux ne portent par eux-mêmes aucune atteinte directe au droit de propriété de leurs destinataires 1493558298620. Une procédure d'expropriation est alors engagée pour déclarer cessibles les propriétés. Cette procédure est motivée par la réalisation d'une opération d'utilité publique de restauration, de rénovation ou d'aménagement du territoire. La mise en valeur du territoire agricole entre pleinement dans cet objectif.

Le choix anticipé des procédures utilisées

Les immeubles sans propriétaires connus, laissés à l'abandon, sont source de difficultés pour les communes. Lors de la revente du bien acquis selon l'une de ces procédures, elles sollicitent le notariat notamment en raison des modalités de la publicité foncière.

La procédure d'appropriation des biens sans maître ou réputés sans maître n'oblige pas à recourir à un acte authentique pour le transfert du bien dans le domaine de la collectivité
<sup class="note" data-contentnote=" Rép. min. n° 19684 : JO Sénat Q 20 oct. 2016, p. 4630. Les conclusions de la 2&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; commission du 109&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; Congrès des notaires de France (Lyon, 2013) préconisent le recours à la publicité foncière obligatoire de la prise de possession du bien sans maître. – V. aussi : S. Lamiaux, Les biens sans maître et présumés sans maître : JCP N 2015, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt; 42-43, 1184.">1493570505580</sup>.

La profession doit faire preuve d'une grande vigilance puisqu'il n'est pas envisageable de revendre un bien appréhendé selon une procédure irrégulière ou inutilisable
<sup class="note" data-contentnote=" D. Dutrieux, Le point sur le régime des biens vacants et sans maître : JCP N 2010, n° 10, art. 1120.">1493566185257</sup>.

L'idéal est d'aider les communes à ne pas commettre d'erreur dans le choix de la procédure utilisée.