La contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants

La contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants

- L'obligation de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. - Aux termes de l'article 371-2 du Code civil, « chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ». Cette obligation constitue l'un des devoirs de l'autorité parentale. Cette obligation va au-delà de celle, strictement alimentaire, à laquelle les parents sont tenus en vertu des articles 205 et suivants du Code civil. Elle vise tous les besoins de l'enfant, qu'il s'agisse de sa santé, son éducation, ses loisirs, sa culture?
Cette obligation s'exécute, en principe, en nature. Cependant, en cas de séparation des parents, la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants prend généralement la forme d'une pension alimentaire versée par l'un des parents à l'autre. En cas de résidence alternée égalitaire, il peut ne pas y avoir de pension alimentaire, chacun assumant directement les frais engagés pendant les périodes de cohabitation avec l'enfant. Mais cette dispense de paiement d'une pension n'est pas automatique.
La résidence de l'enfant est fixée par décision du juge dans 73 % des cas chez sa mère. Elle est fixée chez le père dans 7 % des cas et la résidence alternée représente 17 % des situations. C'est donc la mère qui est le plus souvent créancière de cette pension due par le père. Dans des situations familiales conflictuelles ou en raison de l'éloignement géographique consécutif à une séparation, le lien paternel peut se trouver réduit à cette obligation financière.
- Le montant de la pension alimentaire. - Quelles que soient les modalités de séparation des parents (séparation de fait, dissolution de Pacs ou divorce), ceux-ci peuvent convenir du lieu de résidence de l'enfant et du montant de la pension alimentaire. À défaut d'accord, la pension est fixée par le juge en fonction des revenus et charges de chacun et des besoins de l'enfant.
Un barème, réévalué chaque année, est publié par le ministère de la Justice . Ce barème est indicatif. Il constitue un outil d'aide à la décision, mais il ne dispense pas le juge d'apprécier au cas par cas chaque situation et de statuer en considération des seules facultés contributives des parents et des besoins des enfants . À titre d'exemple, selon le barème 2017, pour un revenu mensuel de 1 600 ? le montant de la pension par enfant s'élevait à 142,31 ? pour un enfant à charge, à 121,27 ? pour deux enfants, et à 105,47 ? pour trois enfants. Certaines études de l'Observatoire des inégalités et de l'Insee mettent en évidence la faiblesse des pensions alimentaires, source de paupérisation après une séparation, surtout pour les femmes vivant seules avec leurs enfants.
- L'indexation et la révision de la pension alimentaire. - La pension alimentaire peut être indexée afin qu'elle ne subisse pas l'érosion liée à l'évolution du coût de la vie. Le juge dispose d'un pouvoir souverain pour décider l'indexation de la pension. Généralement, l'indice de référence retenu est l'indice des prix à la consommation publié par l'Insee.
La pension alimentaire peut également faire l'objet d'une révision à la demande de l'un ou l'autre des parents. Le demandeur doit démontrer un élément nouveau pour justifier sa demande à la hausse (dépenses de santé, frais de scolarité,) ou à la baisse (augmentation des revenus du créancier). Ainsi 170 000 demandes de révision sont introduites en France chaque année. Ce contentieux contribue à l'engorgement des juridictions. Pour y remédier, le législateur a souhaité transférer aux caisses d'allocations familiales la mission de procéder aux révisions des pensions alimentaires. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition y voyant l'introduction d'un principe dangereux, à savoir la modification par une personne privée d'une décision judiciaire, sans garantie suffisante ; d'autant plus que les caisses d'allocations familiales risquaient d'être en conflit d'intérêts.
- Les garanties de paiement. - Pour garantir le paiement des pensions alimentaires, le parent créancier dispose, outre des voies de recours ordinaires de tout créancier muni d'un titre exécutoire, de règles particulières que sont le paiement direct et le recouvrement public.
Le paiement direct . Tout créancier d'une pension alimentaire dispose de cette voie d'exécution spécifique pour recouvrer sa créance. Il peut se faire payer directement le montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le débiteur de la pension. Pour mettre en ?uvre la procédure de paiement direct, le créancier doit justifier d'un acte exécutoire et d'une échéance totalement ou partiellement impayée. La demande de paiement direct doit être faite par l'intermédiaire d'un huissier de justice. Cette voie d'exécution permet le recouvrement des sommes à venir ainsi que l'arriéré impayé, mais seulement dans la limite des six dernières échéances.
Le recouvrement public . En cas d'échec du recouvrement de la pension alimentaire, le créancier peut requérir le procureur de la République afin de faire recouvrer la créance par le comptable public. Comme pour le paiement direct, il peut être recouru au recouvrement public pour toute pension alimentaire ou assimilée. Mais le recouvrement public a un caractère subsidiaire : le créancier doit prouver qu'il a épuisé tous les autres moyens de recouvrement. Le créancier doit adresser sa demande au procureur de la République et, si ce dernier autorise le recouvrement public, il saisira le comptable public qui sera chargé d'obtenir le paiement des sommes dues. Le recouvrement porte sur les termes à échoir et l'arriéré des six dernières échéances à compter de la demande.
Malgré les voies d'exécution particulières qui garantissent le paiement des pensions alimentaires, le problème des impayés constitue un fait de société.
- Le problème des impayés. - Le règlement de la pension alimentaire constitue la forme de substitution de l'obligation d'entretien et d'éducation de son enfant. Ce règlement n'est pas une option. Il oblige son débiteur. Pourtant, sur fond de misère sociale, de mauvaise foi ou de destruction des liens familiaux, 30 % à 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont irrégulièrement. Ce fléau des pensions alimentaires impayées gangrène les relations familiales et fragilise les personnes les plus vulnérables et particulièrement les enfants vivant au sein de familles monoparentales.
Rappelons que le défaut de paiement d'une pension alimentaire est sanctionné pénalement par le délit d'abandon de famille. L'infraction est constituée par le fait de ne pas exécuter pendant plus de deux mois une décision judiciaire, une convention judiciairement homologuée ou une convention de divorce sous seing privé déposée au rang des minutes d'un notaire, imposant de verser au profit d'un mineur une pension . L'abandon de famille est sanctionné d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 ? d'amende.
- Le rôle de la caisse d'allocations familiales. - La fixation, la révision et le recouvrement des pensions alimentaires génèrent un contentieux important. Pour désengorger les tribunaux de ce contentieux familial, le législateur a chargé les caisses d'allocations familiales de plusieurs missions.
Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Une agence spécifique au sein des caisses d'allocations familiales a été créée pour centraliser la gestion des pensions alimentaires. Elle constitue le service centralisé pour l'information des créanciers et des débiteurs de pensions alimentaires, la gestion des demandes d'allocation de soutien familial, l'aide au recouvrement des pensions impayées et les demandes en vue de rendre les accords exécutoires.
L'allocation de soutien familial. Cette allocation est attribuée au parent qui assume seul un enfant. Elle peut être versée soit à titre d'avance, dans l'attente du recouvrement contre le débiteur, soit à titre définitif si le débiteur s'avère insolvable. Elle peut être versée en substitution d'un débiteur défaillant ou en complément d'une pension dont le montant est inférieur à l'allocation de soutien familial.
Le recouvrement de la pension par la CAF. La caisse d'allocations familiales (CAF) remplit également une mission en matière de recouvrement des pensions alimentaires. La caisse peut apporter son aide au recouvrement des créances dues au titre de l'entretien des enfants. Ces interventions peuvent prendre différentes formes. D'abord, lorsque la CAF verse à titre d'avance l'allocation de soutien familial, elle est automatiquement subrogée dans les droits du créancier. Ensuite, même si le créancier ne bénéficie pas de cette allocation, il peut donner mandat à la CAF de recouvrer la pension qui lui est due. Enfin, la CAF est habilitée à mettre en ?uvre un paiement direct, une saisie sur salaire, voire un recouvrement public.
L'émission de titres exécutoires. Depuis le 1er avril 2018, les concubins et les partenaires de Pacs qui se séparent peuvent demander au directeur de la CAF de donner force exécutoire à l'accord par lequel ils fixent le montant de la contribution à l'entretien et à l'éducation de leur enfant . La décision de la CAF produira les effets d'un jugement et constituera un titre exécutoire pouvant fonder notamment une procédure de recouvrement public.
- La déjudiciarisation du contentieux des pensions alimentaires. - L'accroissement des missions de la CAF en matière de pensions alimentaires et la création d'une agence spécifique en son sein révèlent la volonté du législateur de déjudiciariser cette matière. La loi de programmation de la justice du 23 mars 2019 adoptée par le Parlement prévoyait que la révision des pensions serait réalisée par la CAF. Il n'y a plus qu'un pas pour lui confier le soin de fixer elle-même le montant de la pension. Comme nous l'avons indiqué, le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition qui n'est donc pas entrée en vigueur. Mais cette politique des petits pas démontre clairement la voie de la déjudiciarisation. Est-ce que la CAF serait meilleure garante des intérêts des enfants et des parents aux lieu et place des magistrats ? Nous ne sommes pas de cet avis. Nous pouvons au contraire craindre qu'une administration soit pourvue d'autant de pouvoirs pour fixer le montant d'une créance, émettre un titre exécutoire et procéder à son recouvrement.
- Conclusion du chapitre II. - Quatre décennies de libéralisme juridique ont mis en coupe réglée la famille. Traditionnellement, la famille était considérée comme la racine de la société, la communauté naturelle qui encadre et protège l'individu, particulièrement les plus vulnérables dont les enfants. Pour assurer cette protection, la cohésion du groupe familial devait être garantie et privilégiée.
Le paradigme a changé. La liberté individuelle de s'unir et de se désunir, de constituer une famille, puis de la dissoudre est consacrée en droit. La primauté de cette liberté individuelle est affirmée contre la cohérence du groupe familial et du corps social et contre les droits individuels des autres membres de la famille.
La responsabilité individuelle vis-à-vis des enfants constitue le contrepoids de cette liberté. L'obligation d'éducation et d'entretien ne disparaît pas avec la séparation des parents. Mais, dans les situations familiales conflictuelles, les relations entre l'enfant et ses parents s'altèrent et le rôle d'un parent peut se réduire au seul lien financier de versement d'une pension alimentaire. Cette situation porte le germe d'une destruction de la solidarité familiale.
Ce droit de la famille destructeur de la famille produit des effets délétères en matière de cohésion familiale et de protection des individus et surtout des enfants. Les difficultés économiques et sociales achèvent de précariser les plus vulnérables, car la société ne protège pas ceux que la famille ne protège plus.