CGV – CGU

Partie IV – Hériter
Titre 1 – Les règles de conflit applicables à la succession
Sous-titre 1 – Vue mondiale sur les règles de conflit en matière successorale
Chapitre I – Les systèmes unitaires

3351 Un système unitaire est un système qui dispose d’un seul élément de rattachement, lequel va permettre de désigner la loi applicable à l’intégralité du patrimoine d’une personne.

Il en découle que la loi désignée s’appliquera tant à ses biens mobiliers qu’à ses biens immobiliers.

Il convient de dénombrer six systèmes unitaires.

Selon l’élément de rattachement unique retenu par l’État, deux situations peuvent apparaître. La mise en œuvre de l’élément de rattachement conduit à la désignation d’une seule et unique loi nationale (Section I). Mais la mise en œuvre de l’élément de rattachement peut aussi conduire à la désignation d’une pluralité de lois nationales (dépeçage) (Section II).

Section I – Rattachement unique aboutissant à l’application d’une loi unique

3352 Il est possible de recenser, parmi les éléments de rattachement aboutissant à l’application d’une loi unique : la nationalité du défunt (§ I), la dernière résidence du défunt (§ II), la résidence habituelle du défunt (§ III), la résidence du défunt si celle-ci est effective depuis plus de cinq ans, avec un rattachement subsidiaire pour celui de la nationalité, sur requête pour le cas où cette condition de durée fait défaut (§ IV), la loi du for  (§ V), et enfin la loi du dernier domicile du défunt (§ VI).

§ I – La nationalité

3353 Par application de la nationalité comme élément de rattachement, la loi matérielle applicable à tous les biens composant la succession du défunt sera la loi de l’État dont le défunt avait la nationalité le jour de son décès. Cette loi s’appliquera à tous les biens que le défunt possédait le jour de son décès, qu’ils soient de nature mobilière ou immobilière et quel que soit le lieu où ils se trouvent.

Ce système est celui qui s’applique dans de nombreux pays du monde, notamment en Afghanistan, en Algérie, en Andorre, en Angola, en Arabie saoudite, au Bahreïn, en Bosnie-Herzégovine, au Burundi, au Cap-Vert, en Corée du Sud, à Cuba, en Égypte, aux Émirats arabes unis, en Géorgie, en Iran, en Irak, au Japon, en Jordanie, au Koweït, au Laos, au Liban, en Libye, au Liechtenstein, en Macédoine, en Mauritanie, au Maroc, au Monténégro, au Mozambique, en Niger, aux Philippines, au Qatar, au Rwanda, au Sénégal, en Serbie, en Slovaquie, en Slovénie, en Somalie, au Soudan, au Suriname, en Syrie, à Taïwan. D’autres États utilisent également ce critère, toutefois assorti d’aménagements.

§ II – La dernière résidence

3354 La dernière résidence est l’élément de rattachement qui retient la loi de l’État de la dernière résidence du défunt comme critère unique de détermination de la loi applicable. La notion de résidence est très présente dans les pays appartenant aux systèmes de droit continental. Un développement lui sera consacré ci-après dans le chapitre dédié au droit international privé français. De nombreux pays utilisent cet élément de rattachement, tels que notamment le Danemark, l’Islande, Israël, Macao, la Norvège, le Pérou et d’autres États qui là encore utilisent cet élément de rattachement en prévoyant des correctifs à l’application systématique de celui-ci.

§ III – La résidence habituelle

3355 La résidence habituelle est l’élément de rattachement utilisé depuis l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 650/2012 dont il sera question ci-après473.

Dans les États membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni, la loi applicable à la succession d’une personne est celle de sa résidence habituelle considérée le jour de son décès.

Les États utilisant ce rattachement sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

§ IV – La dernière résidence sous condition de durée

3356 Un autre élément de rattachement a été mis en place par la convention nordique474, en ce qui concerne le Danemark, la Norvège, l’Islande, la Finlande et la Suède. Il s’agit de la dernière résidence sous condition de durée. Lorsque la situation internationale met en jeu inclusivement plusieurs de ces cinq États, l’élément de rattachement servant à désigner la loi applicable à la succession du défunt est la dernière résidence de celui-ci, si celle-ci a eu une durée minimum de cinq années. À défaut, « au cas cependant où le défunt n’aurait pas été résidant de cet État depuis cinq ans, c’est la législation de l’État dont il était ressortissant qui sera appliquée, si un héritier ou un légataire dont les droits sont fondés sur cette législation le requiert »475.

§ V – Le for

3357 La loi du for est la loi du juge saisi476. Il existe autant de lois du for qu’il y a d’États dans le monde. Cet élément de rattachement, certainement parce qu’il est difficile à appréhender en pratique, est de fait peu utilisé. Peu d’États s’y réfèrent ; on le retrouve notamment dans la partie est du Cameroun.

§ VI – Le dernier domicile du défunt

3358 Récemment, la Principauté de Monaco, par une loi n° 1.448 du 28 juin 2017, a modifié sa règle de conflit en matière successorale en retenant un élément de rattachement unique pour déterminer la loi applicable à toute succession comportant des éléments d’extranéité. Ce rattachement est celui « du domicile du défunt au jour de son décès »477.

Cet exemple de modification récente de la règle de droit international privé opéré par cette principauté doit amener chacun des professionnels que sont les notaires à vérifier systématiquement les éléments de rattachement en vigueur retenus par les États concernés par la succession dont ils sont saisis au moment où ils procèdent au règlement de celle-ci.

Si les six éléments de rattachement unitaire qui viennent d’être énoncés favorisent une unité de la loi applicable à une succession internationale, il existe un élément de rattachement qui, bien qu’unique, aurait tendance à aboutir à un morcellement de la succession en ce que, lorsqu’il est mis en jeu, il en résulte l’application de plusieurs lois à une même succession.

Section II – Rattachement unique aboutissant à l’application d’une pluralité de lois

3359 Il s’agit de la loi du lieu de situation des biens dépendant de la succession, dite lex rei sitae.

Dans les pays retenant pour élément de rattachement ce critère spatial de situation des biens, il ne sera pas rare d’aboutir à ce que l’on appelle le « dépeçage » de la succession. Dans ces cas, celle-ci devra être réglée en conformité avec autant de lois qu’il y aura de biens, tant meubles qu’immeubles, situés dans différents États.

Cet élément de rattachement est notamment retenu par le droit international privé de la plupart des provinces du Mexique et en Uruguay.

Parallèlement à ces systèmes à éléments de rattachement uniques, il existe un second groupe d’États qui utilise plusieurs éléments de rattachement selon la nature des biens dépendant de la succession du défunt. Ces États appliquent le système de la scission.


473) V. infra, n° a3407.
474) Accord entre le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède signé à Copenhague le 9 décembre 1975, portant modification de la convention nordique du 19 novembre 1934, relative à l’héritage et à la liquidation des successions (https://treaties.un.org/doc/publication/UNTS/Volume%201021/v1021.pdf).
475) Accord modificatif de la convention nordique préc., art. premier.
476) Sur la lex fori, V. P. Carlier, L’utilisation de la lex fori dans la résolution des conflits de loi, thèse droit, Université du Droit et de la Santé, Lille II, 2008.
477) Ainsi Me S. Lerond et Me X. Lordkipanidze, avocats spécialistes en patrimoine et en fiscalité internationale, commentent : « La nouvelle loi monégasque définit le domicile comme le lieu du principal établissement. Dans la plupart des cas, ce critère du dernier domicile devrait correspondre à celui européen de la “dernière résidence habituelle du défunt”, évitant ainsi les conflits de lois successorales entre les États de l’Union et Monaco. Ainsi tout résident monégasque qui détiendra des biens à la fois à Monaco et dans différents États de l’UE aura sa succession soumise à une loi unique : la loi monégasque » (Une réforme du droit monégasque facilite le règlement des successions internationales : LEXplicite 24 oct. 2017 [www.lexplicite.fr/une-reforme-du-droit-monegasque-facilite-le-reglement-des-successions-internationales]).
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