CGV – CGU

PARTIE III – De la consolidation à la pérennisation et à la diversification : la transformation de la société
Titre 2 – La société, bien plus que le véhicule d’un projet professionnel ou patrimonial
Sous-titre 4 – Les fondations reconnues d’utilité publique et les fonds de dotation

Chapitre II – Les fonds de dotation

20754 – Une alternative à la fondation. – Si la fondation reconnue d’utilité publique est la forme la plus aboutie pour développer des actions philanthropiques, ses contraintes et ses inconvénients restent souvent rédhibitoires, pour un premier projet, amenant le chef d’entreprise à s’orienter vers un fonds de dotation qu’il pourra faire évoluer par la suite vers une fondation reconnue d’utilité publique.
20755 – Une liberté contractuelle très étendue. – La création du fonds de dotation est très simple dans la mesure où les statuts relèvent pour l’essentiel de la liberté contractuelle et que les formalités de constitution ne sont guère plus lourdes que pour l’immatriculation d’une société. Une fois les statuts signés et une simple déclaration déposée en préfecture, cette dernière, après avoir fait un contrôle formel du dossier, émet un récépissé et procède à la publication au Journal officiel.
20756 – Son origine. – Le fonds de dotation est né de la loi dite « LME » du 4 août 2008902, suivie d’un décret du 11 février 2009903 et de divers textes réglementaires904.
20757 – La définition légale d’un fonds de dotation. – En vertu de l’article 140 de la loi « LME » précitée qui l’a créé : « Le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d’une œuvre ou d’une mission d’intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l’accomplissement de ses œuvres et de ses missions d’intérêt général ».
20758 – Plan. – Nous allons donc étudier, tout d’abord, les modalités de création et de fonctionnement d’un fonds de dotation (Section I), avant de voir de quelle façon et par qui le fonds de dotation va être contrôlé (Section II), pour enfin terminer par son régime fiscal (Section III).

Section I – Les modalités de création et de fonctionnement d’un fonds de dotation

20759 – Les personnes pouvant créer un fonds de dotation. – Une personne physique, comme une personne morale, peut créer un fonds de dotation. Dans notre hypothèse de travail, à savoir la création d’une « fondation actionnaire » dont l’objectif est d’y mettre tout ou partie des titres d’une société opérationnelle, directement ou indirectement, nous serons en présence d’une personne physique, créatrice du fonds de dotation.
20760 – Les modalités d’exercice du fonds de dotation. – Le fonds de dotation pourra réaliser son objet social par l’emploi de ses ressources :

soit directement par la réalisation d’une mission d’intérêt général (fonds opérateur) ;

soit indirectement, par un reversement à une personne morale à but non lucratif qui poursuit elle-même une œuvre ou une mission d’intérêt général (fonds redistributeur).

Un fonds de dotation n’aura pas à choisir entre un fonds opérateur et un fonds redistributeur dans la mesure où il pourra être à la fois les deux, le choix s’opérant en raison, bien souvent, des opportunités mais aussi des contraintes logistiques et des coûts.
20761 – La nature de la dotation. – Le principe de tout fonds de dotation, comme de toute fondation, est d’affecter les seuls revenus de la dotation à des œuvres d’intérêt général. La loi prévoit néanmoins la possibilité de déroger à cette règle si les statuts le prévoient. Dans ces conditions, le fonds pourra dépenser sa dotation, c’est-à-dire vendre des titres ou des actifs qu’elle détient. Cette hypothèse n’est possible que si les statuts l’ont expressément prévu905.
20762 – Durée. – Aucune contrainte n’existe en la matière. Le fonds de dotation peut être constitué pour une durée limitée ou bien sans durée, situation la plus fréquente.
20763 – Dénomination. – Toute forme de dénomination est possible.
20764 – Le patrimoine du fonds de dotation. – Il va se composer :

de la dotation initiale en capital qui lui est apportée par le fondateur, dans notre cas, des titres de société, le plus souvent d’une société holding non animatrice ;

et des dons manuels, donations et legs qui lui seront consentis au cours de sa vie.

Le fonds de dotation peut comprendre tout type d’actif, en pleine propriété et/ou en usufruit, et/ou en nue-propriété. Le chef d’entreprise pourrait donc tout à fait créer un fonds de dotation en y apportant, dans un premier temps, seulement l’usufruit temporaire de tout ou partie de son entreprise, afin de permettre à la fois à ce fonds de dotation d’avoir des ressources pour mener ses missions et de pouvoir revenir sur son schéma si celui-ci ne répond finalement pas à ses attentes ; la dotation complémentaire pouvant venir dans un second temps, sous forme de donation ou de testament, si le fonds de dotation a vocation à se pérenniser.
20765 – Une dotation minimale. – À l’origine facultative, l’article 85 de la loi no 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire instaure une dotation initiale minimum qui ne peut excéder 30 000 €. Le décret no 2015-49 du 22 janvier 2015 en a fixé le montant à 15 000 €, ce qui rend le fonds de dotation très accessible.
20766 – Une dotation qui peut être consomptible. – En principe, les biens apportés en dotation au fonds sont capitalisés, ce qui va procurer des revenus. Le fonds ne peut pas disposer des dotations en capital dont il bénéficie, ni les consommer. Il ne peut utiliser que les revenus de celles-ci. Néanmoins, il peut être prévu statutairement la possibilité pour le fonds de consommer sa dotation en aliénant les biens qui ont été donnés ou apportés906. Ce sera le cas pour les fonds de dotation créés pour soutenir une cause qui a vocation à s’éteindre, comme le soutien aux victimes de telle catastrophe naturelle ou de tel attentat.
20767 – Les ressources. – L’article 140, III, alinéa 2 de la loi « LME » du 4 août 2008 prévoit que : « Les ressources du fonds sont constituées des revenus de ses dotations, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu ».
20768 – Interdiction de recevoir des fonds publics. – À la différence d’une fondation reconnue d’utilité publique, le fonds de dotation, par principe, ne peut recevoir de fonds publics. La loi prévoit qu’il ne pourra être dérogé à cette règle qu’à titre exceptionnel, pour une œuvre ou un programme d’actions déterminé, sous réserve d’un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget907.
20769 – Les règles de gouvernance du fonds de dotation. – Il doit comprendre au minimum un conseil d’administration composé d’au moins trois membres, nommés, pour la première fois, par le fondateur. Au-delà de cette contrainte de base, la loi prévoit que « les statuts déterminent librement sa composition, ainsi que les conditions de nomination et de renouvellement de ses membres »908.
Lorsque la dotation excède 1 000 000 d’euros, le conseil d’administration doit être assisté d’un comité consultatif, composé de personnes non membres du conseil d’administration. Ce comité a pour finalité de faire des propositions d’investissement et d’en assurer le suivi909.
En dehors de ce cadre légal, le fondateur dispose d’une liberté totale pour organiser les règles de gouvernance, avec un fonctionnement dual possible (un conseil d’administration et un conseil de surveillance par exemple).
20770 – Les formalités de constitution. – Le fonds de dotation est déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social.
Le dossier déposé comprend :

les statuts du fonds de dotation ;

la liste des administrateurs ;

l’imprimé de demande de publication du fonds au Journal officiel.

La personnalité morale du fonds de dotation est acquise à compter de sa publication au Journal officiel.
20771 – Dissolution et dévolution. – Si le fonds de dotation est créé pour une durée indéterminée, sa dissolution peut néanmoins être prononcée. Elle peut être statutaire si les statuts comprennent des hypothèses de dissolution (comme par exemple une durée du fonds de dotation ou la disparition de la dotation), volontaire ou bien judiciaire. Si le fonds de dotation comprend des actifs au jour de sa dissolution, ils ne peuvent être transmis qu’à un autre fonds de dotation ou bien à une fondation reconnue d’utilité publique.

Section II – Le contrôle du fonctionnement du fonds de dotation

20772 – Un contrôle étatique. – Le fonds de dotation sera sous le contrôle administratif du préfet qui « peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles »910.
De façon concrète, le contrôle du préfet s’opérera soit à l’occasion du dépôt du rapport annuel d’activité, soit à l’occasion d’une demande d’autorisation de faire appel à la générosité publique.
20773 – Le rapport annuel d’activité. – Dans les six mois de la clôture de l’exercice, le fonds de dotation transmet au préfet son rapport d’activité, comprenant ses comptesannuels et le rapport du commissaire aux comptes, s’il en a été nommé un911, auquel est joint l’extrait de la délibération du conseil d’administration qui l’a approuvé.
20774
20775 – L’appel à la générosité publique. – Un fonds de dotation peut faire appel à la générosité publique s’il y est préalablement autorisé par le préfet. En vertu de l’article 12 du décret du 11 février 2009, ci-dessus précité (V. supra, no 20756), le refus ne peut intervenir que dans les hypothèses suivantes :

l’appel à la générosité n’a pas pour objectif de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement ;

un administrateur du fonds a fait l’objet depuis moins de cinq ans d’une condamnation définitive pour une infraction prévue par le Code pénal ;

le préfet a suspendu l’activité du fonds ou a saisi l’autorité judiciaire d’une demande de dissolution.

20776 – Dysfonctionnements graves. – En cas de dysfonctionnement grave du fonds de dotation, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d’effet, décider par un acte motivé publié au Journal officiel de suspendre l’activité du fonds pendant une durée de six mois au plus.
20777
20778 – Mission d’intérêt général non assurée. – En vertu de l’article 140, VII, dernier alinéa de la loi du 4 août 2008 précitée, la dissolution judiciaire peut être demandée par le préfet, après mise en demeure restée infructueuse, lorsque le fonds de dotation ne remplit pas sa mission d’intérêt général.

Section III – Le régime fiscal attaché au fonds de dotation

20779 – La fiscalité attachée au fonds de dotation. – Elle est liée à sa vocation d’intérêt général ; elle est donc identique à celle applicable aux fondations reconnues d’utilité publique.
En pratique, il va être distingué entre le fonds opérateur (qui mène lui-même les missions) et le fonds redistributeur (qui reverse ses fonds à un autre fonds de dotation ou à une fondation qui va mener les actions d’intérêt général).
20780 – Le fonds opérateur. – Si le fonds est opérateur, il devra cumulativement :

revêtir l’un des caractères énumérés à l’article 200 (particuliers) ou 238 bis (entreprises) du Code général des impôts ;

avoir une gestion désintéressée ;

ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes ;

avoir à tout le moins des activités non lucratives significativement prépondérantes et n’affecter les dons et/ou les revenus des dons qu’au secteur non lucratif.

20781 – Le fonds redistributeur. – Si le fonds est redistributeur, seule la condition désintéressée doit être satisfaite au niveau du fonds redistributeur. En revanche, les organismes bénéficiaires devront remplir les conditions imposées au fonds opérateur.
20782 – Une fiscalité uniforme. – Dès lors que les conditions ci-dessus énoncées sont satisfaites, la fiscalité attachée aux dons est la même que celle dont bénéficient les associations et les fondations, à savoir :

pour les particuliers, une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des sommes données dans la limite de 20 % du revenu imposable ;

pour les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu, une réduction d’impôt égale à 60 % du montant des versements dans la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires.

Les versements représentatifs de la dotation initiale ouvrent droit aux mêmes réductions d’impôt.
20783 – Fiscalité des revenus. – Sous réserve que la dotation ne soit pas consomptible, les revenus mobiliers et immobiliers du patrimoine du fonds de dotation sont exonérés de l’impôt sur les sociétés. Si, à l’inverse, les statuts du fonds de dotation prévoient la possibilité de consommer la dotation, les dividendes seront imposés à l’impôt sur les sociétés au taux réduit de 15 %, les autres types de revenus patrimoniaux étant taxés au taux de 10 ou 24 %
20784 – Droits de mutation à titre gratuit. – Les donation et legs consentis au fonds de dotation sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dès lors que ledit fonds répond aux conditions ci-dessus énoncées et résultant de l’article 200, 1, g) du Code général des impôts912.

902) L. no 2008-776, 4 août 2008, art. 140 et 141.
903) D. no 2009-158.
904) Circ. 19 mai 2009 ; Circ. 22 janv. 2010 ; CNC, avis no 2009-01, relatif aux règles comptables applicables aux fondations et fonds de dotation, modifiant le règlement no 99-01 du 5 février 2009.
905) L. 4 août 2008, art. 140, III, al. 6.
906) L. 4 août 2008, art. 140, III.
907) L. 4 août 2008, art. 140, III, al. 1.
908) L. 4 août 2008, art. 140, V.
909) D. no 2009-158, 11 févr. 2009, art. 2.
910) L. 4 août 2008, art. 140, VII, al. 1er.
911) Le fonds de dotation a l’obligation de nommer un commissaire aux comptes dès lors que ses ressources excèdent 10 000 € par an.
912) Et ce en vertu de l’article 795, 14o du Code général des impôts.
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