CGV – CGU

PARTIE I – De la création au développement : la naissance de l’entreprise

Titre 2 – Les impacts sur la personne et sur le patrimoine du chef d’entreprise

20098 – Le contexte. – Selon la théorie du patrimoine, créée et développée par les professeurs Aubry et Rau124, le patrimoine est :

une universalité de droit ; c’est un tout avec l’actif et le passif ;

et une émanation de la personnalité. Toute personne a un patrimoine et un seul. Le patrimoine est indivisible de la personne et tout individu est tenu de payer ses dettes avec ses biens présents ou à venir.

Le patrimoine est donc un tout.
Dans le prolongement de cette théorie, cela a amené un auteur125 à synthétiser les choses de la façon suivante :

un patrimoine est nécessairement attaché à une personne ;

une personne ne peut posséder qu’un patrimoine ;

une personne a nécessairement un patrimoine.

Cette conception d’un patrimoine unique attaché à la personne a irradié tout le droit français. C’est ainsi que l’article 2284 du Code civil énonce que : « Quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». L’article 2285 du même code poursuit en indiquant que : « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ».
20099 Les conséquences de cette conception sont lourdes pour l’entrepreneur individuel : les dettes nées de l’exploitation de son activité professionnelle sont garanties par l’ensemble de ses actifs, qu’ils soient professionnels ou privés. Le risque de l’entrepreneur individuel est donc sans limites.
Le chef d’entreprise qui décide de structurer son activité au sein d’une société n’est pas non plus à l’abri de cette notion d’unicité du patrimoine. Tout d’abord, toutes les sociétés ne sont pas à risque limité. Ensuite, même si la société est à risque limité, le dirigeant d’une telle société pourra voir engager son patrimoine privé par les actes qu’il aura réalisés en tant que mandataire social.
20100 – Les évolutions. – Avec le temps, et au gré de nombreuses réformes, cette notion traditionnelle d’unicité du patrimoine s’est estompée. De façon à encourager le développement de l’entreprise tout en permettant à son créateur de ne pas engager tout son patrimoine dans cette aventure, le législateur a développé des outils pour dissocier le patrimoine professionnel du patrimoine privé126.
Néanmoins, l’étanchéité entre les « deux patrimoines » n’est jamais totale et il y existe toujours en arrière-plan l’idée qu’une personne disposant d’un patrimoine non professionnel devra répondre des engagements pris au sein de son patrimoine professionnel127.
Au-delà des risques que peut prendre l’entrepreneur, et qu’il est prêt à assumer, il faut aussi analyser les conséquences que cela pourra avoir pour son conjoint ou son partenaire. Celles-ci ne seront pas identiques selon que cette personne participe, ou non, à l’activité.
20101 – Plan. – Compte tenu de ces enjeux, la personne qui demain voudra se lancer dans la création d’une activité à vocation commerciale, artisanale, industrielle, libérale ou agricole, devra mesurer les risques patrimoniaux encourus (Sous-titre I) afin d’être en mesure de les anticiper dans une stratégie préventive (Sous-titre II).

124) Selon Aubry et Rau : « Le patrimoine est l’ensemble des biens d’une personne envisagée comme formant une universalité de droit c’est-à-dire une masse de biens de nature et d’origine diverse et matériellement séparée ne sont réunis par la pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même personne ».
125) P. Dupichot, L’unicité du patrimoine aujourd’hui. Observations introductives : JCP N 2009, no 1356, no 5.
126) La loi no 2010-658 du 15 juin 2010, dite « loi Novelli » a été en ce sens révolutionnaire en consacrant officiellement la notion de patrimoine d’affectation par la possibilité offerte à l’entrepreneur individuel de limiter les biens affectés à son activité par la création de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) même si cette forme sociale n’a pas eu le succès escompté. Elle a d’ailleurs été supprimée pour finalement donner un véritable statut à l’entrepreneur individuel au travers d’une loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, en cours de finalisation à l’heure où ces lignes sont écrites.
127) C’est notamment le cas des extensions de procédure prévues à l’article L. 621-2 du Code de commerce.
Aller au contenu principal