CGV – CGU

PARTIE II – Du développement à la consolidation : la maturité de la société
Titre 2 – Les risques qui pourraient faire vaciller l’entreprise ont-ils été bien identifiés ?
Sous-titre 2 – Les pactes Dutreil, terrain de jeu pour l’ingénierie notariale

Chapitre II – Les améliorations et assouplissements

20373 – Un dispositif devenu complexe. – Au fil du temps, le dispositif s’est considérablement densifié540. De nouvelles possibilités de structuration ont été ouvertes, mais descontraintes supplémentaires ont aussi vu le jour. En outre, les nombreux commentaires de l’administration fiscale ont parfois rendu difficile l’application de certains schémas de transmission.
20374 – Ouvrir de nouvelles perspectives. – À l’heure où certains s’interrogent sur le bien-fondé de ce dispositif, il serait peut-être temps de le revisiter pour en faire un outil pérenne, simple et souple qui puisse s’adapter à la vie des entreprises.
Trois grands principes pourraient gouverner ce futur dispositif :

1. l’entreprise a de multiples interactions (sociales, économiques et sociétales) avec son environnement ; en conséquence, toute disparition d’une entreprise a des répercussions bien au-delà de sa seule disparition ;

2. au même titre qu’un apport en société, une transmission d’entreprise à titre gratuit ne génère pas de liquidité ; le coût fiscal doit donc être le plus faible possible, quitte à être, pour partie, reporté au jour où l’entreprise deviendra liquide ;

3. l’entreprise doit pouvoir s’adapter à son environnement et donc restructurer son capital, sans contrainte fiscale.

Un dispositif Dutreil simplifié et revisité
En conséquence de cela, nous pourrions préconiser un dispositif d’exonération partielle de droits de donation ou de succession qui ne serait plus lié à la conclusion d’un pacte mais à un simple engagement de conserver les titres par le bénéficiaire de la transmission541, afin d’éviter d’engager dans un pacte des associés qui n’ont rien à voir avec la transmission, et ce sans condition de détention d’une quote-part minoritaire du capital social.
L’exonération serait de 90 % de la base taxable si la conservation des titres a lieu pendant neuf ans.
Dans ce laps de temps de neuf ans, il serait possible d’opérer tout type de restructuration (fusion, apport de titres, scission…), avec report de l’engagement sur les titres issus de la restructuration ; si des liquidités sont perçues à l’occasion de l’une de ces opérations, il y aurait une exigibilité des droits à hauteur des titres cédés selon une dégressivité ci-après exposée.
Si une cession de tout ou partie des titres devait intervenir avant le terme des neuf ans, la remise en cause porterait uniquement sur les titres cédés et serait dégressive en fonction de la date à laquelle la cession a lieu :

cession dans les deux ans : remise en cause totale ;

cession entre trois et quatre ans : remise en cause de l’abattement de 75 % à hauteur de la moitié et qui passerait donc à 37,5 % pour le recalcul des droits de mutation ;

cession au-delà de la quatrième année et avant la neuvième année : remise en cause de l’abattement de 75 % à hauteur d’un quart et qui passerait donc à 56,25 % pour le recalcul des droits de mutation.

Enfin, la fonction de direction devrait être exercée soit par l’auteur de la transmission, soit par un ou plusieurs bénéficiaires de la transmission pendant toute la durée de l’engagement.
20375 – À court terme, des refontes techniques. – En attendant cette refonte du dispositif Dutreil, que nous appelons de nos vœux et qui donnerait de la visibilité au dispositif, nous avons retenu quelques ajustements techniques qui pourraient être souhaitables.

Section I – Une non-remise en cause systématique

20376 – Le cadre. – Pendant les engagements, collectif puis individuel – lesquels, on le rappelle, figent une quotité de titres –, les héritiers ou légataires, notamment, peuvent avoir besoin de rendre liquide une partie de leur participation.
Imaginons une société holding non animatrice qui détient une société opérationnelle sur laquelle un engagement Dutreil a été conclu. La société holding détient par ailleurs de la trésorerie.
À l’occasion de la succession du dirigeant, ses héritiers prennent un engagement de conservation des titres de la société holding, laquelle prend elle-même un engagement de conservation des titres de la société opérationnelle.
Comme nous l’avons vu ci-dessus, les titres de la société holding vont bénéficier d’une décote à hauteur de sa participation dans la société opérationnelle et au regard de ses autres actifs.
20377 – Un dispositif figé. – Si les héritiers souhaitent récupérer tout ou partie de la trésorerie dans la société holding par réduction de capital, ils sont bloqués pour réaliser l’opération dans la mesure où ils ont une obligation de conservation des titres pendant la durée des engagements ci-dessus décrits.
Dans cette hypothèse, il nous semble important que les héritiers puissent récupérer cette trésorerie sans remise en cause du dispositif Dutreil qui porte sur la société fille. Or, en l’état des textes, une telle réduction de capital n’est pas possible car le dispositif prévoit que l’ensemble des détentions doivent rester inchangées pendant toute la période de détention collective puis individuelle.
20378 – Autoriser les opérations sans incidence sur les titres en Dutreil. – Nous préconisons donc une modification du texte afin de permettre cette opération sans remise en cause du dispositif Dutreil, dans la mesure où la société holding conserve le même nombre de titres soumis à engagement.

Section II – Une confirmation de la possibilité de continuer à exercer dans la société pour le donateur

20379 – Dutreil réputé acquis et exercice d’une profession. – En présence d’un pacte Dutreil réputé acquis portant sur les titres d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la doctrine BOFiP admet que la direction puisse être assurée par le donateur aux côtés du donataire qui doit avoir une fonction de direction réelle.
Quid en présence d’une société soumise à l’impôt sur le revenu ? Un associé d’une telle société qui y exerce sa profession peut-il transmettre à son fils ou sa fille une quote-part de ses titres tout en continuant à y exercer sa profession542 ? Le silence gardé par l’administration sur ce point interpelle, car les commentaires du BOFiP sont restrictifs543.
20380 – Une clarification. – Au regard des exigences imposées dans le cadre de ce régime de faveur, il serait difficilement concevable d’admettre que le donateur d’une sociétésoumise à l’impôt sur les sociétés puisse continuer à diriger la société aux côtés du donataire, alors que le même donateur d’une société soumise à l’impôt sur le revenu ne pourrait plus travailler dans la société dans laquelle il dispose peut-être encore de la majorité des droits de vote et du capital.
En tout état de cause, nous appelons de nos vœux à ce que cette incertitude soit levée dans un prochain commentaire BOFiP.

Section III – Confirmation de la possibilité d’un engagement post mortem en présence d’une société interposée

20381 En application du second alinéa du a) de l’article 787 B du Code général des impôts, lorsque les titres transmis par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif formel de conservation, les héritiers ou légataires peuvent conclurent, dans les six mois du décès, un engagement collectif de conservation dit post mortem.
Ce dispositif trouve-t-il à s’appliquer en présence d’un niveau ou deux niveaux d’interposition ?
Pour ce qui concerne l’engagement réputé acquis, les commentaires de l’administration visent expressément l’hypothèse d’une détention indirecte, ce qui n’est pas le cas en présence d’un engagement post mortem.
Là encore, une interprétation stricte fait planer un doute même si l’on ne comprendrait pas bien les raisons qui justifieraient que l’on exclue de l’engagement post mortem les sociétés par interposition.
Nous appelons donc de nos vœux une communication de l’administration fiscale confirmant que l’engagement post mortem trouve bien à s’appliquer en présence d’un ou deux niveaux d’interposition.

540) Depuis sa création, le dispositif Dutreil a connu quatorze réformes successives.
541) Comme on le connaît en matière d’apport de titres à une société holding avec le dispositif de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts, ou bien encore avec l’article 150 UB II du même code pour ne citer que deux exemples.
542) Sa fille ou son fils devant impérativement y exercer sa profession si elle (ou il) veut pouvoir bénéficier du réputé acquis.
543) BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, § 280.
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