CGV – CGU

PARTIE III – De la consolidation à la pérennisation et à la diversification : la transformation de la société
Titre 1 – Penser à la société pour porter un projet patrimonial
Sous-titre 2 – Une société patrimoniale pour investir et gérer

Chapitre I – Contrer les limites de l’indivision

20646 – La chape de plomb du droit des biens. – Le notaire, conseil des familles et des entreprises, a pu mesurer à travers les âges les difficultés et contraintes imposées par le Code civil en cas de détention d’un actif en indivision. Qu’il s’agisse de biens immobiliers ou de droits sociaux, une détention indivise n’apparaît que très rarement satisfaisante. Les raisons en sont multiples : encadrement des décisions, durabilité des situations, aléa à moyen terme sur l’identité du propriétaire final.
Éviter les inconvénients de l’indivision par la mise en place d’une structure sociétaire est un véritable « sport notarial national », même si aucun excès n’est bon.
L’indivision ne dispose pas de la personnalité morale. En cela, les actifs indivis appartiennent par quote-part aux différents indivisaires, et font partie de leur patrimoine personnel. La première difficulté réside donc dans le fait que les règles impératives des droits des biens s’appliqueront à la propriété de ces quotes-parts778.
La mise en place d’une convention d’indivision ne sera pas de nature à régler l’ensemble de ces problématiques.
20647 – L’instabilité de la propriété. – La combinaison des articles 815 (« Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision »), et 1873-3 (« La convention peut être conclue pour une durée déterminée qui ne saurait être supérieure à cinq ans ») du Code civil aboutit à jeter un aléa important sur la stabilité de l’identité et des quotes-parts des propriétaires.
Si tant est que les indivisaires consentent conventionnellement à demeurer ensemble, ils devront nécessairement renouveler cet engagement tous les cinq ans. Cette durée se révèle extrêmement courte, donc aléatoire lorsqu’il s’agit de gérer, d’organiser et transmettre un patrimoine à long terme, qu’il s’agisse de biens et droits immobiliers ou de participations d’entreprise.
20648 – L’instabilité ultra-générationnelle. – La constitution d’un patrimoine personnel se conjugue presque systématiquement avec un objectif de transmission. En cas d’indivision, les quotes-parts de propriété détenues sont par principe soumises aux règles successorales. Les ayants-droit deviennent, ensemble, titulaires de ces quotes-parts, créant pour l’occasion une seconde indivision.
Ces règles aboutissent ainsi à ce que la structure de propriété de l’actif ne soit pas choisie et devienne inadaptée. Tel est le cas par exemple lorsqu’un actif est détenu, après des décès successifs, indivisément par différentes branches familiales, à des générations distinctes (entre cousins et cousines, oncles et tantes), aux intérêts parfois divergents et aux modes de communication moins fluides qu’entre parents/enfants ou frères/sœurs.
20649 – Des règles décisionnelles simples… mais si lacunaires. – On peut aussi mettre en avant les règles décisionnelles concernant les actifs soumis au régime de l’indivision. L’article 815-3 du Code civil prévoit une majorité de deux tiers des droits indivis pour un certain nombre de décisions (actes d’administration, mandat d’administration, vente de meubles en vue d’un désendettement, certains baux). Tout autre acte que ceux visés nécessitera un accord unanime, soit à chaque fois qu’il sera nécessaire, soit dans le cadre plus global de la convention779.
20650 – Des offensives indirectes, mais lourdes, des créanciers. – L’état d’indivision fait peser sur l’actif le risque des créanciers personnels des indivisaires. Comme conséquence de l’absence de personnalité morale de l’indivision, les quotes-parts de propriété détenues par les indivisaires font partie intégrante de leur patrimoine personnel.
En cela, elles font naturellement partie du droit de gage général des créanciers de chacun d’entre eux, au même titre que l’entrepreneur individuel développé ci-dessus.
Les créanciers n’ont toutefois pas la capacité de saisir directement les droits indivis (C. civ., art. 815-17, al. 2). Cependant, ils pourront mettre les autres indivisaires dans unesituation très délicate puisqu’ils pourront provoquer le partage par voie judiciaire. Les coïndivisaires n’auront alors d’autre choix, s’ils entendent conserver la propriété de l’actif, que d’acquitter la dette de l’indivisaire défaillant. Mais encore faudra-t-il qu’ils disposent des moyens nécessaires. Ainsi la carence de l’un est indéniablement de nature à compromettre la propriété des autres.

778) Elles s’appliquent pari passu aux droits sociaux d’une société, si ces droits font l’objet d’une indivision. Le « fractionnement » de l’actif au travers des parts sociales de la société patrimoniale permet d’éviter cette indivision et de faciliter le partage.
779) Avec le défaut de durabilité de celle-ci, et sa difficulté d’exécution qu’il ne faut pas mésestimer en situation de conflit.
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