CGV – CGU

PARTIE II – Du développement à la consolidation : la maturité de la société
Titre 1 – Les ressources et schémas pour développer l’entreprise
Sous-titre 2 – Les quasi-fonds propres, une ressource hybride mésestimée

Chapitre III – Les emprunts obligataires convertibles, un outil gagnant/gagnant

a20229-5 – Du titre de créance vers le titre de capital. – Essentiels au sein de la « boîte à outils » du financement, les emprunts obligataires convertibles vont permettre aux sociétés et à leurs associés de financer l’exploitation sans dilution immédiate du capital.
L’hybridation entre capital et dette est dès lors paroxysmale, puisque la nature même de l’outil est d’assimiler une avance financière d’abord à une dette, puis, potentiellement, à un titre de capital. Cela fait de l’obligation ordinaire (simple titre de créance) une valeur mobilière dite « composée », c’est-à-dire une valeur mobilière donnant accès au capital (et même parfois à d’autres titres de créance comme nous l’évoquerons ci-dessous).
Pour la société, cette ressource de financement est d’un coût intermédiaire entre celui des associés (plus-value / dividendes) et celui des autres dettes (financières ou d’exploitation). La nature particulière de l’obligation convertible (OC) aboutira à améliorer l’analyse financière réalisée par les autres créanciers. Il s’agit donc pour l’entreprise d’un « entre-deux » particulièrement intéressant quand les associés ne veulent ou ne peuvent resouscrire ou ouvrir le capital, et que les dettes externes ont été totalement utilisées.
En outre, durant la première phase de vie de l’obligation convertible, la société n’a à décaisser que les intérêts versés périodiquement306, ce qui préserve son besoin en fonds de roulement, à l’inverse d’une dette financière traditionnelle pour laquelle les échéances plus élevées comportent une part d’amortissement du capital prêté.
Pour les associés, l’émission d’obligations convertibles permettra de soutenir le financement de leur projet en évitant une dilution immédiate qui aboutirait à un partage des décisions et du profit, pas toujours souhaité ni souhaitable.
Pour le créancier, elle permettra une rémunération plus attractive307, versée périodiquement, et une réelle participation à l’aventure entrepreneuriale308, avec l’espoir d’en partager ultérieurement le profit.
a20229-6 – L’enjeu central de la décision de conversion. – À l’échéance du terme de l’obligation convertible, le jour où son capital devra potentiellement être remboursé par la société, un choix devra être opéré entre son paiement en numéraire ou sa conversion en titres sociaux.
Le principe reste que le créancier dispose de ce pouvoir.
Si la société a suffisamment prospéré, grâce notamment à ce type de financement, le créancier obligataire aura intérêt à exercer le droit de conversion de son obligation en titres de capital. Il deviendra ainsi associé de la société, selon un rapport d’échange prévu dès la souscription des obligations convertibles309, aux conditions statutaires, et à celles qui auront préalablement, éventuellement, été négociées dans le cadre d’un pacte d’associés visant cette hypothèse. Son capital initialement investi sera alors égal aux titres reçus dont la valeur serait, quant à elle, significativement supérieure.
Si la société n’a pas rencontré la réussite espérée, le créancier choisira de se voir rembourser du capital avancé. Bien entendu, eu égard au niveau de risque auquel il s’est exposé, il ne se contentera pas d’une rémunération par l’intérêt qui lui aura été versé. Le capital sera ainsi majoré d’une prime de non-conversion (PNC) convenue lors de la souscription des obligations convertibles. Cette somme lui permettra à cet instant de parvenir à un taux de rentabilité interne (TRI) de son investissement cohérent avec le niveau de risque auquel il s’est exposé au cours de la période précédente310.
Cette capacité de provoquer ou non la conversion reste toutefois négociable, et il est loisible au stade de la négociation de l’émission obligataire que la société tente de conserver ce droit, ou de l’aménager311.
a20229-7 – Une ouverture bienvenue aux SARL. – D’une utilisation classique et massive par les investisseurs financiers, les obligations convertibles constituent en principe un instrument financier, un titre donnant accès au capital, au sens du Code monétaire et financier, propre aux sociétés par actions.
En principe seulement, car depuis l’ordonnance du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises, les SARL, pourtant réputées interdites d’émettre des valeurs mobilières, sont également en mesure d’émettre des obligations, et par extension non contestée des obligations convertibles, des titres « soumis aux dispositions applicables aux obligations émises par les sociétés par actions »312.
a20229-8 – Un usage inégalement développé. – Sur décision collective des associés, les sociétés peuvent élargir significativement leur source de financement en faisant appel à des obligataires.
Pour autant, leur usage est relativement insuffisant au sein des PME et ETI, dont les associés ne sont pas toujours des investisseurs financiers professionnels. Dans la majorité des cas, les associés privilégient des apports en compte courant d’associé, avec, parfois, une incorporation postérieure au capital social.
On peut le regretter, car le mécanisme obligataire est tout à fait attractif et présente une lisibilité et une sécurité intéressantes tant pour la société (qui ne subit pas l’aléa d’un retrait de compte courant impromptu et n’a pas obligatoirement de garantie à donner)313 que pour les investisseurs (à la recherche d’un rendement par la perception d’un intérêt, et pour qui la valorisation future de leur intégration potentielle au capital ne fait plus débat, dès lors que le rapport d’échange est bien convenu dès l’origine).
a20229-9 – Une procédure d’émission peu complexe. – Pour les sociétés par actions, il est nécessaire :

que le capital social soit intégralement libéré ;

et que la société ait établi au moins deux bilans régulièrement approuvés (à défaut, elle peut obtenir la garantie d’une société qui remplit cette condition, ou faire procéder à la vérification de sa situation financière par un commissaire aux comptes spécialement désigné à cet effet).

En ce qui concerne les SARL, celles-ci doivent avoir désigné un commissaire aux comptes et disposer des trois derniers exercices sociaux de douze mois régulièrement approuvés par les associés.
Au-delà de ces conditions, la décision d’émission d’obligations convertibles donnant potentiellement accès au capital sera prise collectivement par les associés, qui décideront de procéder à l’émission, autoriseront l’augmentation du capital susceptible d’en résulter314, arrêteront et approuveront les termes du contrat d’émission. Si la société est dotée d’un commissaire aux comptes, celui-ci doit donner son avis sur l’émission ainsi que sur le choix des éléments de calcul du prix. Il est à noter que dès l’instant où l’obligation peut donner accès au capital, les associés en place disposent d’un droit préférentiel de souscription315.
a20229-10 – Une ingénierie à décupler. – Nous avons évoqué ci-dessous le mécanisme obligataire, c’est-à-dire caractérisé par une dette, avec une possibilité de conversion en capital, en actions.
Cependant, il ne s’agit pas du seul mécanisme obligataire possible, car la pratique a créé de multiples variantes, permettant d’émettre une valeur mobilière adaptée totalement à la situation envisagée, aux besoins de l’entreprise comme à ceux des investisseurs. Voici une liste non exhaustive résumant les principes de ces autres obligations :

ORA : obligations remboursables en actions. Dans cette situation, le souscripteur ne peut demander le remboursement en numéraire de l’obligation souscrite. Il se verra octroyer des actions (de la société émettrice elle-même… voire même d’une autre société dont la société émettrice serait détentrice de titres !). Le risque est donc plus élevé qu’une obligation convertible puisque le capital remboursé n’est pas fixe mais dépend de l’évolution de la valeur de l’action ;

Oceane : obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes. Ce type d’obligations est assez intéressant pour les associés de la société émettrice car à l’échéance des obligations, et en cas de conversion, la société pourra éviter une augmentation de capital trop importante (et dilutive pour les associés en place), en livrant au souscripteur des actions qu’elle rachète à certains associés, ou des actions dont elle disposerait déjà en autodétention ;

Obsa : obligations à bons de souscription d’actions. Le détenteur de l’obligation se voit également octroyer un bon de souscription d’actions (BSA). L’obligation est dite « ordinaire », elle donne lieu au versement d’un coupon et doit être remboursée en numéraire à son échéance. L’investisseur pourra en parallèle souscrire à une augmentation de capital à une valeur fixée par avance. Pour l’émetteur, l’avantage est de verser une rémunération plus basse, et de pouvoir planifier ses ressources en fonds propres.

Nous arrêterons là l’inventaire pourtant passionnant, en en citant d’autres, sur des modèles assez semblables, démontrant l’ingénierie sans limites possible en pratique : obligations convertibles en actions assorties de bons de souscription d’actions (Ocabsa), obligations remboursables en numéraire ou en actions nouvelles et existantes (Ornane), obligations remboursables en numéraire ou en actions nouvelles et existantes assorties de bons de souscription d’actions (Ornanebsa), obligations à option de remboursement en numéraire et/ou en actions existantes (Ornae), obligations à bons de souscription d’actions remboursables (Obsar), obligations à bons de souscription et/ou d’acquisition d’actions remboursables (Obsaar), obligations subordonnées remboursables en actions (Osra) et obligations échangeables en actions (OEA).

306) Étant précisé que les obligations peuvent être à taux fixe, taux variable, voire à taux nul (obligation dite « zéro coupon »).
307) Le niveau de risque étant relativement élevé, et le rang de remboursement inférieur aux dettes d’exploitation et financières, le taux de rémunération sera nécessairement plus élevé que celui d’un prêt traditionnel. Il sera rarement inférieur à 3 % et pourra atteindre 6 à 7 %.
308) Les obligataires se réunissent au sein d’assemblées dédiées et bénéficient d’un droit légal de communication et de surveillance de la société débitrice qui les distinguent, à nouveau, des autres créanciers et des associés.
309) Ce rapport d’échange, librement négocié, correspond au nombre d’obligations convertibles devant être souscrites pour obtenir un titre de capital en cas de conversion.
310) Le taux de la PNC est négocié en fonction du taux d’intérêt versé annuellement. Plus celui de l’intérêt est bas, plus celui de la PNC sera élevé. Le créancier obligataire voudra souvent atteindre un TRI annuel global de l’ordre de 10 à 15 %, incluant l’intérêt versé annuellement et la PNC. La négociation de ces deux taux est essentielle du point de vue de la société (coût immédiat ou atermoyé) comme de celui de l’investisseur (exposition au risque et niveau de rémunération potentielle).
311) Un remboursement en numéraire peut, par exemple, être négocié lors de la survenance de certaines circonstances précises (levée de fonds significative, octroi d’un prêt traditionnel non accessible initialement).
312) Codifié in C. com., art. L. 223-11.
313) Cela est même interdit pour les SARL (C. com., art. L. 223-11, al. 4).
314) Dans l’hypothèse d’une conversion.
315) Lequel peut être supprimé dans certaines situations.
Aller au contenu principal