CGV – CGU

PARTIE II – Du développement à la consolidation : la maturité de la société
Titre 3 – Ingénierie notariale : de nouvelles compétences au service des entreprises
Sous-titre 2 – Le rôle du notaire demain au service des entreprises

Chapitre I – Une nouvelle approche rédactionnelle

20514 Au-delà des cadres préétablis et des chemins balisés, la pratique de l’écrit ne pourrait-elle pas être repensée par la profession et les pouvoirs publics pour répondre davantage aux attentes actuelles des entreprises et plus largement de la société ?
Comme le démontrent les développements ci-dessus, la législation laisse une bien maigre place bien au notaire et tout particulièrement à l’authenticité en droit des sociétés. Pour autant le notaire est un rédacteur libre de faire de l’authenticité une opportunité au service des attentes actuelles des entreprises, de leurs dirigeants et de leurs associés. Nous évoquerons la façon dont les actes de société sont préparés (Section I), puis celle dont les statuts sont rédigés (Section II), avant de nous arrêter sur certains outils rédactionnels peu usités jusqu’à présent qui peuvent, pourtant, présenter de réels atouts (Section III).

Section I – Anticipation, prévention et règlement des conflits

20515 Il est intéressant de relever que l’ordonnance de Colbert de 1673, qui constitue l’un des premiers textes organisant le droit des affaires, conférait une très grande place à la relation humaine, à l’affectio societatis, au point de soumettre obligatoirement tout différend survenant entre associés à l’arbitrage et non aux juridictions consulaires.
Aujourd’hui, l’ère est tout à la fois à la prévention du conflit, à la pacification des relations humaines et à la déjudiciarisation du règlement des conflits.
Or l’intervention du notaire, en phase d’élaboration de l’écrit, ne peut que favoriser cet élan d’anticipation et être un vecteur de prévention. Deux pratiques outre-Atlantique, en droit des affaires, peuvent inspirer notre propre pratique professionnelle : le recours à un deal mediator (Sous-section I) ou encore à un swingman (Sous-section II). Le notaire médiateur ou arbitre a également une raison d’être (Sous-section III).
Sous-section I – Le notaire et le deal mediator
20516 – La notion de deal mediation. – Comment définir ce qu’est la deal mediation ? À commencer peut-être par ce qu’elle n’est pas : la locution prête à confusion car il ne s’agit pas d’une médiation à la façon d’un mode alternatif de gestion des conflits, mais bien d’une action préventive.
La page d’accueil du site https://intermedies-mediation.com/670 est éloquente en affichant un article d’un médiateur français, Claude Amar, intitulé : Deal Mediation ? La meilleure façon de résoudre un conflit est de le prévenir671.
La deal mediation s’inscrit dès lors en amont, en phase de négociation du contrat, dans une démarche quasi maïeutique672.
20517 – Le rôle du deal mediator. – Cette pratique repose sur le postulat que le conseil de l’une des parties à l’acte ne cherche qu’à préserver les intérêts de son client, en faisant abstraction de l’économie générale de l’accord. À l’inverse, l’objectif du deal mediator est d’amener les cocontractants au meilleur accord possible.
Le deal mediator doit exercer sa mission en toute impartialité et indépendance. Il accompagne les parties dans leurs réflexions et leurs échanges, sans prendre position, sans émettre d’opinion personnelle. Or n’est-ce pas là la posture professionnelle du notaire dans son exercice quotidien ?
Le deal mediator a pour mission d’organiser les négociations, d’amener les parties à trouver un accord, en pacifiant les échanges en tant que de besoin, et à veiller à la mise en place de l’accord négocié de la sorte673.
20518 – Les avantages procurés par le recours à un deal mediator. – Claude Amar674, dans l’article susvisé, est d’avis que le deal mediator :

« – permet de déjouer des malentendus en clarifiant les différents points de vue issus, par exemple, d’une différence culturelle ;

a une parfaite compréhension de l’accord négocié et serait déjà familiarisé avec les subtilités de celui-ci (si son intervention était requise postérieurement à l’occasion de la survenance d’un litige) ;

dispose d’une capacité à identifier les intérêts de chaque partie et à les assister pour imaginer des solutions pour satisfaire ces intérêts ;

aide les parties à évaluer correctement les risques ».

Voilà un costume qui paraît parfaitement ajusté à notre fonction… Une nouvelle prestation que pourrait proposer le notaire en vue de la conclusion de contrats en droit des affaires. La prévention du conflit est source d’économies substantielles et gage d’efficacité économique. Autant d’avantages à mettre à la disposition de nos clients.
Si cette mission est consubstantielle à la réception d’un acte authentique, elle pourrait faire l’objet d’une facturation d’honoraires de conseil à l’occasion de l’établissement d’un acte en la forme sous seing privé rédigé par un autre conseil.
Une autre pratique outre-Atlantique mérite que l’on s’y intéresse : le recours à un swingman.
Sous-section II – Le notaire et le swingman
20519 Il ne s’agit pas, bien entendu, d’aborder ici cette notion sous un angle sportif en évoquant le statut de cet athlète capable de jouer à plusieurs postes, mais de l’appréhender sous l’angle du droit des affaires.
20520 – Qu’est-ce qu’un swingman en droit des affaires ? – Alors que le deal mediator intervient en amont de la conclusion de l’accord commercial ou de la signature de l’acte, le swingman est le tiers dont la mission est de résoudre un conflit interne à la structure en cours de vie sociale, l’accord ayant déjà été scellé.
C’est ainsi que l’on trouve, dans des pactes d’actionnaires et d’associés, des clauses dont la teneur vise à résoudre un cas de mésentente en nommant un swingman, et à éviter d’aller jusqu’à contraindre l’un ou l’autre des associés à céder sa participation675.
20521 – La joint-venture. – La joint-venture676, haut lieu de frictions et de tensions entre sociétés membres, constitue le terrain de prédilection du swingman. Il prend part aux délibérations des organes de direction, tout en restant tiers à la structure, et son rôle est de donner l’avantage à la stratégie qui lui semble la plus pertinente. Sa voix est prépondérante en cas de mésentente.
20522 – Une fonction proche de celle du kansayaku japonais. – Son rôle est proche de celui du kansayaku japonais677. Le kansayaku est l’un des acteurs principaux de la gouvernance des entreprises japonaises. Il ne s’apparente ni à un auditeur interne ni à un auditeur externe. Il est tout à la fois tiers à la structure, tout en prenant part aux délibérations des organes de direction, et investi d’une mission de médiateur en cas de mésentente et de paralysie.
20523 – Une nouvelle vocation notariale ? – Peut-on, dès lors, imaginer qu’à l’occasion de la rédaction de statuts ou d’un pacte d’actionnaires ou d’associés ou de tout autre contrat commercial, soit insérée une clause visant à solliciter la présence d’un notaire aux délibérations des organes de direction pour le rendre médiateur voire arbitre en cas de litige et de mésentente ?
Sous-section III – Le notaire face aux modes alternatifs de règlement des différends (Mard)
20524 En France, se développent grandement les modes alternatifs de règlement des différends (Mard), dans un élan de déjudiciarisation. Les objectifs poursuivis sont à vrai dire multiples, comme l’énonce Philippe Baillot678 : « désengorger les tribunaux, transférer au secteur privé une charge régalienne, réduire le coût de gestion des conflits, accélérer leur traitement, pacifier les relations sociales, préserver les liens commerciaux… ». Ces « circuits de dérivation du contentieux »679 présentent quelques similitudes avec les démarches entreprises par le deal mediator ou encore le swingman, tout en ayant chacun un processus qui leur est propre.
Citons quelques Mard :
20525 – La transaction. – Cette notion est définie à l’article 2044 du Code civil comme étant « (…) un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
Les parties peuvent demander au juge compétent d’homologuer leur accord afin qu’il acquière force exécutoire et qu’il puisse, de la sorte, donner lieu à la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, quel que soit le mode alternatif de règlement des différends retenu.
On ne peut que promouvoir, une fois encore, les vertus de l’acte authentique revêtu de la force exécutoire. La Cour de cassation a admis qu’un notaire pouvait recevoir une transaction en lui conférant force exécutoire680.
Mais l’on se doit également de mentionner le vote de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021681 qui prévoit désormais en son article 44 qu’un acte d’avocat portant accord issu d’une transaction, d’une médiation, d’une conciliation ou encore d’une procédure participative puisse obtenir apposition d’une formule exécutoire par le greffe.
20526 – La convention de procédure participative. – Cette modalité est prévue à l’article 2062 du Code civil et consiste en « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ». Chaque partie doit s’en remettre à un avocat.
Cette convention, conclue pour une durée déterminée, précise l’objet du litige ainsi que la nature et les modalités de transfert des pièces devant être produites en vue de parvenir à sa résolution.
Aucun juge ne pourra être saisi avant l’échéance du terme mentionné dans la convention, sauf toutefois à ce que l’une des parties n’ait pas respecté les engagements qu’elle a souscrits dans la convention. Si, à l’issue de la convention, aucun accord n’a pu être trouvé, les parties pourront alors librement saisir le juge. Si la signature d’une convention intervient postérieurement à l’ouverture de la procédure, alors elle n’entrera en force qu’au jour du retrait du rôle par le juge.
20527 – La procédure collaborative. – Ce mode de résolution amiable, extrêmement proche du précédent, suppose également la signature d’une convention aux termes de laquelle les parties en conflit, chacune étant conseillée par un avocat, s’engagent conjointement à trouver une solution amiable au litige qui les oppose. Toutefois, à la différence de la procédure participative, cette technique ne résulte d’aucun texte et n’est que le fruit de la pratique de terrain exercée par les avocats. Une procédure collaborative ne peut être engagée en cas de saisine préalable d’un juge. En cas d’échec de la procédure collaborative, les avocats-conseils devront se désister, n’étant pas autorisés à poursuivre leur mission en phase contentieuse.
20528 – Les modes alternatifs de règlement des différends pratiqués par le notariat. – Si les modes alternatifs énoncés ci-dessus sont partiellement du ressort du barreau, le Conseil supérieur du notariat promeut, pour sa part, la professionnalisation des notaires en matière de médiation et d’arbitrage.
20529 – La médiation. – Le médiateur, bien qu’intervenant postérieurement à la naissance du conflit contrairement au deal mediator, se comporte, pour autant, de façon similaire : sa mission ne consiste aucunement à prendre parti. Le médiateur accompagne les parties en conflit dans leurs échanges, en organisant les débats et en s’efforçant de les conduire à un accord amiable dont elles définiront seules les contours.
À l’appui de dix-huit centres de formation, plus de cent cinquante notaires avaient déjà été formés au début de l’année 2022. Le droit des sociétés est propice au développement de cette activité notariale, tout autant que le droit de la famille ou encore le droit des biens.
20530 – L’arbitrage. – L’arbitrage se distingue fondamentalement de la médiation en ce que l’arbitre prend parti et tranche le litige à la demande des parties. Il ne s’agit plus d’un mode amiable, à la façon de ceux énoncés ci-dessus, mais bien d’un mode alternatif et définitif de règlement des différends.
Les parties doivent avoir prévu le recours éventuel à ce mode de règlement alternatif avant même que le litige ne survienne au moyen d’une clause compromissoire insérée dans le contrat les liant.
À défaut d’anticipation et en cas de litige les opposant, les parties peuvent encore y avoir recours en signant un compromis d’arbitrage. Y seront alors mentionnés le nom des arbitres constituant le tribunal arbitral, l’objet du litige qu’il leur faudra trancher, et les règles procédurales qui trouveront à s’appliquer.
Il est toujours possible de conclure un compromis d’arbitrage quand bien même un juge aurait été saisi. De même, il est toujours possible pour le non-professionnel de préférerla saisine d’un juge à une procédure arbitrale quand bien même figurerait dans le contrat qu’il a signé une clause compromissoire.
Selon la volonté des parties, le tribunal arbitral statue en droit ou en équité, en rendant une sentence arbitrale dotée de la force obligatoire, voire de la force exécutoire à la vue d’une ordonnance d’exequatur rendue par le juge.
A priori, sauf à ce que les parties en aient voulu autrement, une sentence arbitrale n’est pas susceptible d’appel. Elle peut, en revanche, faire l’objet d’un recours en annulation dans des cas très spécifiques : en cas d’incompétence de l’un des arbitres ou de violation d’une règle d’ordre public.
20531

La prévention du conflit et la promotion de modes alternatifs de règlement des différends trouvent toute leur place dans la phase d’élaboration des contrats, notamment en droit des affaires, que ce soit sous la houlette d’un deal mediator ou au moyen de l’insertion de clauses désignant un tiers médiateur ou un arbitre en cas de mésentente.
Mais la rédaction des statuts, qui demeurent la pierre angulaire du projet d’entreprise, ne pourrait-elle pas elle-même être améliorée dans l’idée d’accroître la sécurité des tiers ?

Section II – Des statuts de société revisités

20532 La structuration des statuts pourrait, nous semble-t-il, être repensée en y insérant systématiquement un exposé (Sous-section I), en respectant un plan uniforme (Sous-section II) et en y adjoignant un document de synthèse, prélude d’un Kbis augmenté (Sous-section III). Ne pourrait-on pas aller jusqu’à imaginer que la signature des statuts établis en la forme authentique puisse conférer la personnalité morale à la société (Sous-section IV) ?
Sous-section I – Les vertus d’un exposé
20533 De façon quasi systématique, pour ne pas dire uniforme, les statuts d’une société ne comportent, à ce jour, aucun exposé. Or, à la vue de ce qui précède, un exposé pourrait être le lieu d’une restitution des réflexions orchestrées par le deal mediator par exemple, ou tout simplement le lieu de l’expression d’attentes de la part des signataires. Pourraient y être consignés les objectifs qui gouvernent le projet entrepreneurial et les raisons qui ont conduit les fondateurs à faire route ensemble.
Cet exposé pourrait apporter un début de réponse aux nombreuses difficultés soulevées par la notion d’intérêt social.
20534 – La délicate notion d’intérêt social. – La loi Pacte no 2019-486 du 22 mai 2019 est venue ajouter un alinéa supplémentaire à l’article 1833 du Code civil, lequel est ainsirédigé : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
L’intérêt social est une notion à laquelle les juges ont souvent recours sans pour autant qu’il en existe une définition clairement établie. Que faut-il entendre par intérêt social ? À défaut de définition précise, il est possible de concevoir l’intérêt social comme étant l’objectif poursuivi au travers de l’activité sociale, foncièrement distinct d’un quelconque objectif individuel poursuivi par l’une ou l’autre des parties prenantes, potentiellement contraire aux aspirations propres à chaque associé.
Dès lors, comment s’articulent entre elles les notions d’objet social et d’intérêt social ?
20535 – La portée de l’objet social au regard de la qualification de la société. – Si l’objet social est un élément de qualification secondaire concernant les sociétés commerciales, dans la mesure où le caractère commercial résulte de la forme sociale indépendamment de la nature de l’activité économique, il en va tout autrement pour les sociétés civiles dont l’objet doit nécessairement être civil à titre principal sous peine de requalification et de conséquences juridiques et fiscales.
20536 – Les conséquences du dépassement de l’objet social selon la nature de la société. – D’une façon générale, qu’il s’agisse d’une société civile ou d’une société commerciale, les contours de son objet social déterminent sa capacité selon le principe de spécialité. La société ne peut agir que dans le cadre de son objet social et ses dirigeants ne doivent pas en dépasser les limites.
S’agissant toutefois des SARL et des sociétés par actions, commerciales par la forme, à risque limité, elles demeurent engagées à l’égard des tiers de bonne foi par les actes qui seraient réalisés par leurs dirigeants dépassant l’objet social, sans aller jusqu’à le modifier. Les dirigeants engagent, néanmoins, leur responsabilité à l’égard des associés en pareille hypothèse.
S’agissant des sociétés civiles, dans lesquelles le risque est illimité pour les associés, la donne est différente : la société n’est pas engagée à l’égard des tiers par les actes réalisés par le gérant, dépassant l’objet social.
20537 – La constitution de garanties, terrain de confrontation entre objet social et intérêt social. – La constitution d’une garantie pour le compte de tiers doit-elle être conforme à l’objet social et à l’intérêt social pour être licite ?
Si la Cour de cassation a statué que la constitution d’une garantie contraire à l’intérêt social d’une société à risque limité n’en était pas moins valable682, là encore, il en va tout autrement s’agissant d’une société à risque illimité.
Si elles sont à risque illimité, ces sociétés ne sont tenues que par les actes relevant de leur objet social. En cas de dépassement, les juges ont parfois maintenu la garantie incriminée au motif qu’à défaut de relever de l’objet social au sens littéral, cette garantie pouvait s’y rattacher, indirectement, comme étant pour autant conforme à l’intérêt de la société683. Cette analyse pourrait être confortée, par ailleurs, par une décision prise à l’unanimité des associés entérinant la conformité de la convention avec l’intérêt social, voire une actualisation de l’objet social.
Nous serions confrontés à cette problématique dans le cas, par exemple, d’une société civile se portant garante du remboursement de la dette contractée par une structure commerciale, en présence d’un lien capitalistique entre les deux entités.
Si, en revanche, la constitution de la garantie est considérée comme étant contraire à l’intérêt social en ce qu’elle compromet, par exemple, l’existence même de la société, elle sera annulée, et ce quand bien même elle serait conforme à l’objet social.
Pierre-Marie Reverdy s’est interrogé sur la portée de ces arrêts rendus en matière d’affectation hypothécaire à la garantie de la dette d’autrui : ne pourrait-on pas imaginer que tout engagement souscrit au nom et pour le compte d’une société civile, non expressément visé dans l’objet social, supposé contraire à l’intérêt social, puisse être frappé de nullité ? Tout acte, même conforme à l’objet social, n’encourt-il pas le risque d’être frappé de nullité, en l’état de la jurisprudence actuellement développée par la Cour de cassation, sur le fondement du non-respect de l’intérêt social684 ?
On voit combien l’absence de définition explicite de ce qu’est l’intérêt social est source de contentieux.
20538 – Un exposé qui ferait office de lexique ? – Compte tenu des développements qui précèdent, ne pourrait-on pas imaginer un exposé qui ait pour ambition de donner une définition de ce qu’est l’intérêt social, après avoir relaté ce qui a conduit les signataires à entreprendre ce projet ?
L’exhaustivité ne pourrait vraisemblablement pas être atteinte, mais une tentative de délimitation pourrait prévenir certains contentieux.
L’intérêt social, défini dans cet exposé, pourrait être perçu comme une nouvelle délimitation des pouvoirs du gérant. Ce dernier ne pourrait agir que dans le respect de l’objet social et de l’intérêt social.
L’exposé étant rédigé, il nous faudrait, dans un deuxième temps, nous atteler à la rédaction du corps même des statuts à proprement parler.
20539

Sous-section III – Un document de synthèse en fin de statuts et une fiche d’identité juridique, sociale, fiscale, synthétique
20540 Un document de synthèse en fin d’acte permettrait de prévenir un certain nombre de difficultés rencontrées par les praticiens.
20541 – La répartition des pouvoirs au sein de la société. – Il est très surprenant de constater, au regard des questions récurrentes posées au Cridon, que la délimitation despouvoirs de chacun au sein de la société suscite un très grand nombre de questions de la part des praticiens.
Aussi peut-on se demander s’il ne serait pas de bonne pratique d’insérer en fin de statuts un tableau synoptique permettant de connaître en quelques instants les compétences de chaque organe : gérant/président, directoire, conseil d’administration, conseil de surveillance, assemblée générale ordinaire, assemblée générale extraordinaire, avec mention des quorum et majorités requis et des éventuelles restrictions statutaires.
Peut-être ces informations pourraient-elles également figurer sur le Kbis ? La question reste toutefois délicate s’agissant des restrictions statutaires qui, par nature, ne sont pas opposables aux tiers. Elles le deviendraient par ce procédé et s’en trouveraient dénaturées.
Il est intéressant, tout de même, d’observer que les extraits d’immatriculation de certains de nos voisins européens sont beaucoup plus fournis que les nôtres.
Pour preuve, notamment, les extraits d’immatriculation allemands qui mentionnent, indépendamment de la dénomination, de l’adresse du siège social, de l’objet social, du montant du capital social, de la forme sociale, et des dates clés (signature des statuts, immatriculation, début d’activité), les règles de représentation en déclinant l’identité des gérants et l’étendue de leurs pouvoirs, mais également l’identité des personnes titulaires d’une délégation de pouvoirs, en capacité d’engager conjointement avec le gérant la société (Prokurist).
20542 – Une fiche d’identité juridique, sociale, fiscale, synthétique visant à accroître la lisibilité des règles sociétaires. – Afin de renforcer la lisibilité des règles de fonctionnement sociétaires, il est proposé la création d’une fiche, qui porterait le nom de « Fiche d’information des entreprises et des sociétés » (Fides). Cette fiche pourrait être rendue obligatoire pour les formes sociales au sein desquelles la liberté est consacrée comme principe (la Société Libre et/ou la SAS).
Elle serait mise à disposition des parties prenantes de la société :

exhaustivement et à première demande des associés et des souscripteurs, sous réserve d’un engagement de confidentialité ;

partiellement et à l’initiative du dirigeant aux autres parties prenantes (clients, fournisseurs, financeurs, partenaires commerciaux, salariés, etc.).

La fiche devrait être actualisée à l’occasion de toute modification de l’un des paramètres mentionnés et serait certifiée par un notaire afin de lui conférer une solide crédibilité.
Son contenu pourrait être le suivant :

Reprise des éléments de l’extrait d’immatriculation.

Dirigeants : ajout des modalités de nomination/révocation (décision collective ou non), de la date de fin du mandat, de la mention d’une limitation de pouvoirs, du montant de leur rémunération.

Autres organes de gouvernance qui ne représentent pas la société vis-à-vis des tiers : mêmes informations que pour les dirigeants, et mention de l’implication décisionnelle et/ou consultative.

Table de capitalisation avec nature et nombre de droits sociaux émis, prise de garantie sur ces droits sociaux, proportionnalité ou non des droits de vote et droits financiers, état des délégations octroyées sur les futurs droits sociaux à émettre.

Mode de libération des actions : suivant les dispositions légales, ou selon la règle statutaire.

Transmission des droits sociaux : agrément tel que prévu par les textes, agrément selon des dispositions statutaires contractuelles, ou libre cessibilité.

Inaliénabilité : présence de la clause, de sa durée.

Mention de la présence de clauses ayant un impact sur la propriété des droits sociaux (clause d’exclusion, sortie conjointe, sortie forcée, etc.).

Mention de la présence d’une clause de valorisation des droits sociaux, hors commun accord ou expertise.

Mention de la présence d’un pacte extrastatutaire opposable à la société, ou dont elle est gestionnaire.

Décisions collectives : champ d’application, modalités sommaires, quorum et majorité (avec mention particulière pour les modifications statutaires), mention des associés disposant d’une majorité à eux seuls ou d’une minorité de blocage (incluant la représentation des personnes morales associées).

Régime fiscal de la société, et date d’option.

Régime social des dirigeants, et date d’option.

Commissaire aux comptes : présence, identité, date de fin de mandat, historique des certifications de comptes (présence de réserves à la certification, présence de conventions réglementées).

Un tableau synoptique, en fin de statuts ou décliné en annexe aux statuts, ou encore venant enrichir notre actuel Kbis, ainsi que cette fiche « Fides » permettraient peut-être d’accroître la sécurité juridique de nos actes notamment au regard de l’identité et de la capacité des mandataires sociaux, signataires.
Mais à vrai dire, un autre gage de sécurité juridique, majeur, serait de supprimer le délai s’écoulant entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société.
Sous-section IV – Des statuts authentiques qui conféreraient la personnalité morale
20543 – Le principe. – L’alinéa 1 de l’article 1842 du Code civil dispose que : « Les sociétés autres que les sociétés en participation visées au chapitre III jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ». À l’exception près de la société en participation et de la société créée de fait, l’acte de naissance de la société est centré sur son immatriculation auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS).
C’est donc à cet instant que la société va disposer d’un patrimoine définitivement propre, qu’elle pourra fonctionner selon ses statuts et exploiter des activités distinctes de celles de ses associés. C’est aussi à cet instant que s’achèvera une période très nébuleuse au cours de laquelle la société aura été réputée « en cours de formation », puis « en cours d’immatriculation ».
La signature des statuts sociaux, instant pourtant hautement symbolique, ne représente donc à ce jour qu’une « première » phase au cours de laquelle les associés, qui auront d’ores et déjà pu agir au nom de la société, vont véritablement formaliser leur projet, leurs règles de fonctionnement, mais sans voir encore naître leur société.
20544 – Les méandres de la période dite « de formation ». – Le laps de temps s’écoulant entre la signature des statuts et l’immatriculation effective de la société nourrit, hélas, un contentieux abondant.
Rappelons les lignes directrices du dispositif :
La société étant privée de capacité juridique dans l’attente de son immatriculation, un acte la concernant ne peut être accompli que par la voie de l’exception légale énoncéeà l’article 1843 du Code civil et, le cas échéant, à l’appui du deuxième alinéa de l’article L. 210-6 du Code de commerce.
L’article 1843 du Code civil dispose que : « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci ».
Quant au deuxième alinéa de l’article L. 210-6 du Code de commerce, il est ainsi rédigé : « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société ».
Or, comme la Cour de cassation a eu l’occasion de le rappeler685, cette reprise d’engagement ne peut s’opérer que dans le strict respect des dispositions de l’article 6 du décret no 78-704 du 3 juillet 1978 et, là encore, le cas échéant, de celles de l’article R. 210-5 du Code de commerce, énonçant, à eux deux, trois modalités distinctes :

une liste des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation peut être annexée aux statuts. Elle sera de la sorte approuvée par l’ensemble des associés signataires et l’immatriculation de la société emportera reprise de ces engagements par la société elle-même ;

les associés peuvent, dans les statuts ou par acte séparé, à l’unanimité, donner mandat à l’un d’eux, plusieurs d’entre eux, ou encore au gérant non associé, à l’effet de conclure un acte au nom et pour le compte de la société en formation. Le mandat devra être rédigé avec précision et rigueur pour emporter valable reprise à compter de l’immatriculation de la société ;

enfin, postérieurement à l’immatriculation de la société, un acte conclu en son nom et pour son compte du temps de sa formation peut être repris sur décision prise, sauf clause statutaire contraire, à la majorité des associés.

Et c’est à ce stade qu’apparaît la principale source de contentieux : ces trois modalités de reprise supposent pour être efficientes que les actes en cause aient été conclus « au nom et pour le compte de la société en formation » et non « par la société en formation », faute de quoi les conventions seraient frappées de nullité absolue686. La confirmation de l’acte irrégulier au moyen d’un acte d’exécution postérieur à l’immatriculation de la société n’est pas admise687.
Par ailleurs, autre source de litige : l’acte peut ne pas être frappé de nullité, ayant été conclu « au nom et pour le compte de la société en formation », sans pour autant être repris par la société immatriculée pour diverses raisons.
En ce cas, seul sera engagé le signataire, la société n’étant pas tenue par les engagements ainsi souscrits. On notera toutefois qu’une décision relativement récente de la Cour de cassation permet d’adoucir le propos, la Haute juridiction ayant considéré que la société pouvait encore se substituer à l’associé signataire dans l’exécution du contrat litigieux avec l’accord des parties688.
20545 – Un principe récent, et pour lequel un débat demeure tout à fait possible. – Les dispositions ci-dessus reprises du Code civil ne sont apparues que relativement récemment dans notre législation, puisqu’elles sont issues de la loi du 24 juillet 1966, s’agissant des sociétés commerciales et de la loi du 5 janvier 1978, s’agissant des sociétés civiles.
Concernant ces dernières, il est intéressant de noter que la loi prévoyait expressément que les sociétés constituées avant son entrée en vigueur, et non immatriculées deux ans après celle-ci, conserveraient leur personnalité morale. Ce n’est que par l’effet, très tardif, de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qu’il a été fait obligation à ces sociétés de procéder à leur immatriculation. Nombreux sont les notaires qui ont été confrontés à ces problématiques, lorsque la perte de la personnalité morale de la société a automatiquement emporté transfert de leur patrimoine aux associés.
La personnalité morale, et sa reconnaissance, ne sont pas et ne doivent pas être une construction purement technique.
Notre législation actuelle, qui lie l’acquisition de la personnalité morale à la formalité de l’immatriculation, est un leurre dans la mesure où elle résulte d’une autre volonté, technique elle aussi, de catégoriser les groupements et de les identifier au sein de l’annuaire que constitue le registre du commerce et des sociétés.
Hélène Paerels-Albot relève que la personnalité morale va conférer « à l’entité supra-individuelle, qui en est dotée, la qualité de personne juridique »689. Cette reconnaissance n’est pourtant pas systématiquement conditionnée à l’immatriculation, notamment lorsqu’il s’agit de faire valoir judiciairement l’exercice d’un droit sur le patrimoine d’un groupement690.
La personne « juridique » ne doit-elle être conçue, reconnue, qu’à travers sa capacité à être titulaire d’un droit de propriété ? Cette conception apparaît très partielle, et très lacunaire.
Un autre raisonnement conduirait à reconnaître la personnalité morale aux groupements organisés en vue d’une expression collective ou encore d’une gestion collective691.
Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 janvier 1954 peut parfaitement inspirer et nourrir la réflexion au sujet de la nature d’un groupement qui « fait société » :
« Attendu que la personnalité morale n’est pas une création de la loi : elle appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés ».
Nous pourrions également citer le professeur Frédéric Zénati-Castaing dans un registre tout à fait similaire et plus contemporain : « Toute copropriété est, dans notre droit, candidate à la personnification pour cette raison. Il suffit qu’elle se dote d’une possibilité d’expression collective pour que s’opère cette métamorphose, conformément à la théorie de la réalité technique des personnes morales adoptée par la jurisprudence »692.
20546 – Modalités et intérêts de la procédure d’immatriculation. – L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés est aujourd’hui assurée par les greffiers des tribunaux de commerce, lesquels ont majoritairement un statut d’officier public et ministériel693. Ainsi, une des premières vertus de l’immatriculation est de donner date certaine à la naissance de la société. Bien entendu, la formalité n’a pas cette seule vocation. En parallèle, l’immatriculation procède d’un contrôle de légalité de la société et de ses composantes par le greffier, lui permettant une naissance et une activité licites.
Cependant, force est de constater que cette formalité n’est plus véritablement une difficulté, tant la création de sociétés a été simplifiée au fil des années. À ceci près que la formalité entraîne inévitablement, nous l’avons vu, un délai qui, comme tout délai dans cette matière, nuit intrinsèquement à la vie des affaires. Ce délai vient également s’ajouter aux délais préparatoires précédemment subis par les fondateurs, et pourrait faire l’objet d’un raccourcissement. La plupart des professionnels le savent pour l’avoir vécu : ces jours perdus dans l’attente de l’immatriculation peuvent avoir des effets extrêmement délicats, lourds financièrement, ou délétères – et en tout état de cause hautement anxiogènes – sur une opération particulière. A fortiori lorsque la société est créée dans l’objectif d’acquérir un patrimoine particulier (souscription à une levée de fonds, acquisition d’un fonds de commerce, prise à bail, acquisition immobilière, etc.), parfois au moyen d’un financement bancaire : l’absence d’immatriculation ou son retard complexifie et fragilise la réalisation de l’opération principale sous-jacente (qui implique naturellement d’autres parties prenantes que les seuls associés fondateurs) ; obstacle capable à lui seul dans certains cas de mettre un terme prématuré et définitif à l’opération en cause.
20547 – Le notaire offre compétence et responsabilité à la création de sociétés. – Le notaire est parfois chargé de rédiger et de régulariser des statuts sociaux en la forme authentique. Il dispose de toutes les compétences techniques nécessaires pour cela, au-delà de ses qualités intrinsèques de médiateur et de conseil des parties. Le notaire est par ailleurs habilité à recueillir les fonds destinés à être apportés au capital social pour toutes les sociétés qui nécessitent une libération immédiate des droits sociaux souscrits.
En sa qualité d’officier public et ministériel, et en vertu des principes généraux de responsabilité (C. civ., art. 1240), il est tenu d’assurer en tout temps l’efficacité des actes qu’il instrumente. À ce titre, il lui sera donc évidemment interdit de régulariser les statuts d’une société sans s’être préalablement assuré qu’elle puisse in fine être immatriculée au RCS. Il devra, en amont de la signature, vérifier scrupuleusement que toutes les conditions légales sont remplies, et réunir la documentation nécessaire à la réalisation de la formalité d’immatriculation694. À défaut, sa responsabilité serait bien évidemment engagée, au même titre que celle du greffier qui aurait immatriculé à tort une société qui ne remplirait pas les conditions requises. En outre, les dispositions spéciales de l’article R. 123-89 du Code de commerce prévoient expressément que : « Le notaire qui rédige un acte comportant, pour les parties intéressées, une incidence quelconque en matière de registre est tenu de procéder aux formalités correspondantes à peine d’une amende civile de 15 à 750 euros prononcée par le tribunal judiciaire, sans préjudice de l’application de sanctions disciplinaires et de l’engagement de sa responsabilité, garantie dans les conditions prévues au chapitre III du décret no 55-604 du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice ».
20548

De la personnalité morale acquise au jour de la signature de statuts authentiques

Pour fluidifier le processus de création de société, permettre à cette dernière d’exister et de débuter son activité immédiatement, sur la base de la collaboration, statutaire comme naturelle, entre les officiers publics et ministériels que sont le notaire et le greffier du tribunal de commerce, il pourrait être proposé d’ajouter aux dispositions de l’alinéa 1 de l’article 1842 du Code civil la possibilité pour les sociétés de jouir de la personnalité morale, au jour de signature de leurs statuts, si ces derniers sont reçus en la forme authentique.

L’acte notarié comportant les statuts sociaux serait alors l’acte de naissance de la société.
La mise en œuvre pratique de cette proposition n’apparaît plus spécialement délicate au demeurant, dans la mesure où les outils informatiques de la profession, agréés par le Conseil supérieur du notariat, disposent déjà dans leur quasi-totalité d’une connexion directe aux tribunaux de commerce695 pour la commande et le règlement de pièces.
20549 – La situation à l’échelon européen. – La directive européenne 2019/1151 concernant l’utilisation d’outils et de processus numériques en droit des sociétés, adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 20 juin 2019, ne peut que favoriser l’adoption de cette proposition.
Les notaires allemands et espagnols se sont fortement mobilisés sur le sujet. Une conférence de presse a été tenue conjointement par leurs représentants le 18 septembre 2019 :

Me José Angel Martinez Sanchiz, président du Conseil général du notariat en Espagne, a déclaré considérer que cette directive, permettant la création d’entreprises à distance, par un canal numérique, « repos[ait] sur l’implication des notaires pour garantir la sécurité juridique dans le processus, l’identification et la vérification de la capacité juridique des entrepreneurs, le conseil impartial et la prévention du blanchiment des capitaux, du financement du terrorisme et de la fraude fiscale » ;

Me Jens Bormann, président de la Chambre fédérale du notariat allemand, a mis en exergue, pour sa part, au cours de cette même conférence de presse, « le rôle important que le législateur européen a attribué aux notaires dans la directive, en les plaçant au cœur de la procédure de constitution de sociétés en ligne », et a ajouté : « L’objectif est de garantir la constitution légale des sociétés afin d’éviter tout litige ultérieur. En même temps, l’identification fiable de l’entrepreneur permettra d’établir qui est derrière chaque entreprise et qui la représente, et sera d’une importance vitale pour l’inscription au registre du commerce, puisque le contrôle du processus par un notaire donne toutes les assurances que l’information est fiable et légale »696.

Le processus projeté en Espagne est le suivant :

identification des associés par le notaire de leur choix au moyen d’un document d’identité national électronique conforme au règlement eIDAS ;

confirmation de l’identité réelle des associés par le notaire en confrontant les informations contenues dans le document d’identité électronique à celles recueillies par lui à l’occasion d’une visioconférence ;

délivrance de conseils juridiques à l’occasion de cette même visioconférence ;

confirmation numérique par le notaire des apports en numéraire constatés en sa comptabilité ;

signature des statuts sous la forme d’un acte authentique électronique ;

envoi d’une copie certifiée conforme numérique de cet acte aux associés et au registre du commerce.

De là à ce que la personnalité morale de la société soit réputée acquise au jour de la signature des statuts en la forme authentique, il n’y a qu’un pas… Un bel axe de réflexion pour la profession.

Section III – Des outils rédactionnels à promouvoir en leur forme authentique

20550

Sous-section II – La fiducie
20551 Bien que cette notion juridique ait vu le jour en 2007708, la pratique notariale peine à se l’approprier. Et pourtant, son intérêt est manifeste, notamment en droit des affaires. La fiducie peut être un mode alternatif de gouvernance, peut faciliter la gestion de prises de participation, peut constituer une garantie, ou encore favoriser la transmission d’entreprises. Cet outil est traditionnellement abordé sous trois angles : la fiducie-gestion, la fiducie-sûreté et la fiducie-transmission.
Nous ne nous attarderons, dans le présent développement, ni sur l’évolution de cette institution depuis la fiducie romaine jusqu’à son introduction en droit français en 2007, ni sur les ajustements opérés par le législateur depuis lors, ni sur les avantages que procurerait la fiducie-transmission, notamment en matière de transmission de l’entreprise familiale en cas de décès du dirigeant, renvoyant le lecteur aux travaux de la troisième commission sur ces sujets.
Au présent paragraphe, nous examinerons l’intérêt que peut présenter un contrat de fiducie pour faire face à une éventuelle incapacité du chef d’entreprise (§ I), d’une part, et pour faciliter la gestion de participations et le financement de l’activité de l’entreprise (§ II), d’autre part.

§ I – Mandat de protection future et fiducie

20552 Nombreux sont les chefs d’entreprise soucieux du devenir de leur société s’ils venaient à être momentanément empêchés ou frappés d’incapacité. Si l’outil le plus utilisé, à ce jour, demeure le mandat de protection future (A), la fiducie n’en demeure pas moins une piste de réflexion intéressante (B).
A/ Le mandat de protection future
20553 – Le mandat de protection future. – Régi spécifiquement par les articles 477 à 494 du Code civil et répondant plus généralement aux règles applicables à tout mandat énoncées aux articles 1984 à 2010 de ce même code, le mandat de protection future peut répondre partiellement aux attentes du chef d’entreprise soucieux de préserver la pérennité de sa société.
Rappelons-en brièvement les principaux ressorts, en laissant volontairement de côté l’hypothèse du mandat de protection future pour autrui.
Aspirant à la déjudiciarisation de la protection des plus vulnérables, l’objectif du législateur est, au travers de ce mandat, de permettre à toute personne majeure, ou mineure anticipée, non placée sous le coup d’une mesure de tutelle ni d’une habilitation familiale, d’organiser sa protection si elle venait à ne plus être en capacité de pourvoir seule à ses intérêts, par anticipation, sans recourir au juge. Le mandant désigne un ou plusieurs mandataires qui ont pour mission de le représenter s’il venait à être frappé d’incapacité.
Ce mandat peut être sous signature privée ou revêtir la forme authentique.
Selon les termes et la forme du mandat, le mandataire peut se voir confier, avec plus ou moins de latitude, la protection de la personne incapable et de son patrimoine tant privé que professionnel.
Le mandataire doit répondre de sa gestion et est astreint à une reddition périodique des comptes.
L’article 483 du Code civil précise que le mandat prend fin par :

le rétablissement du mandant ;

son décès ou son placement en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge ;

le décès, la mise sous protection, la déconfiture du mandataire ;

ou encore sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé.

Si cet outil de prévention présente un intérêt indéniable, un tel mandat doit être rédigé avec rigueur et précision afin d’éviter tout problème d’interprétation, toute remise en cause de l’étendue des pouvoirs du mandataire, pouvant aller jusqu’à la révocation du mandat sur décision judiciaire en cas de dysfonctionnement portant atteinte aux intérêts du mandant.
20554 – L’encadrement des pouvoirs confiés au mandataire. – Tout à la fois, les pouvoirs dévolus au mandataire mériteront d’être suffisamment larges pour qu’une omission ne rende pas l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire nécessaire, et correctement encadrés dans l’idée de préserver les intérêts du mandant devenu incapable.
De la sorte, le notaire, saisi par un chef d’entreprise de la rédaction d’un mandat de protection future, veillera à ne pas cantonner les pouvoirs du mandataire à la simple gestion de l’entreprise, en omettant toute disposition visant à organiser la protection de son patrimoine privé ou encore sa protection personnelle par exemple. L’ouverture d’une mesure de protection judiciaire visant à placer ce chef d’entreprise sous tutelle ou curatelle serait, en pareille hypothèse, rendue nécessaire pour pallier cette lacune et priverait alors le mandat de protection future de toute efficacité, provoquant son extinction.
20555 – Mandat de protection future et règles de représentation des sociétés. – Pareillement, le mandat de protection future peut être privé d’efficacité s’il est incompatible avec les règles de représentation applicables au sein de la société.
À vrai dire, les contraintes fluctuent d’une forme sociale à une autre.
S’agissant d’une société anonyme non cotée, tout actionnaire peut se faire représenter par un autre actionnaire, son conjoint ou son partenaire pacsé709. La doctrine est, en revanche, partagée sur le point de savoir si les pouvoirs de représentation pourraient être confiés à un tiers.
S’agissant d’une société anonyme cotée, le mandataire peut être toute personne physique ou morale, actionnaire ou non.
S’agissant d’une société à responsabilité limitée, l’associé peut être représenté par son conjoint, que ce dernier soit associé ou non, sauf à ce qu’ils soient tous deux les seuls associés de la structure, ou par tout autre associé, si les associés sont plus de deux710. Si les statuts le prévoient expressément, la représentation par une autre personne non associée demeure possible711.
L’associé unique d’une EURL ne pourra malheureusement pas, pour sa part, avoir recours en l’état à un mandat de protection future. En effet, l’article L. 223-31, alinéa 3 du Code de commerce dispose que « l’associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs », et en son quatrième alinéa que « les décisions prises en violation des dispositions [de cet] article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ».
II est à noter que l’impossibilité pour l’associé unique d’une EURL de déléguer ses pouvoirs ne vise pas les délégations de pouvoirs qu’il pourrait être amené à consentir dans l’exercice de ses fonctions de gérant. Le mandataire peut alors être un tiers.
Dans les SAS et les sociétés civiles, la représentation d’un associé peut être assurée par une personne physique ou morale, associée ou non, selon les prévisions des statuts.
Enfin concernant la Sasu, l’article L. 227-9, alinéa 3 du Code de commerce dispose que « l’associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs » et en son quatrième alinéa que « les décisions prises en violation des dispositions [de cet] article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé ».
II est à noter, à nouveau, que l’impossibilité pour l’associé unique d’une Sasu de déléguer ses pouvoirs ne vise pas les délégations de pouvoirs qu’il pourrait être amené à consentir dans l’exercice de ses fonctions de président. Le mandataire peut alors être un tiers.
20556 – Le choix du mandataire. – Sur ce point, l’exercice est délicat et les enjeux de taille.
Une première précaution visera à nommer un mandataire subsidiaire afin de ne pas priver le mandat d’efficacité en cas d’empêchement, de décès, de placement sous un régime de protection, de révocation par le juge, ou de déconfiture du mandataire désigné à titre principal.
Désignation d’un mandataire subsidiaire
En cas d’empêchement, de décès, de placement sous un régime de protection, de révocation par le juge, ou de déconfiture du mandataire désigné à titre principal, le mandant désigne comme mandataire subsidiaire :
M. (…)
À ce présent et qui accepte le présent mandat à titre subsidiaire, à son profit.
Le mandataire subsidiaire déclare remplir les conditions prévues pour les charges tutélaires énoncées à l’article 395 du Code civil et au dernier alinéa de l’article 445 dudit code.
Les charges, clauses, conditions et obligations stipulées au présent mandat de protection future s’appliqueront au mandataire subsidiaire de la même manière qu’au mandataire.
La difficulté principale tient à la qualité du mandataire et à son aptitude à remplir correctement la mission qui lui est attribuée.
Faut-il aller jusqu’à autoriser la cession de l’entreprise dans un mandat authentique ? La question mérite d’être posée systématiquement.
Le profil recherché n’est pas nécessairement le même selon que l’on songe à la protection personnelle du mandant devenu incapable, à la gestion de son patrimoine privé ou encore à la gestion de son entreprise.
Il n’est pas certain qu’un seul et même mandataire réunisse sur sa tête l’ensemble des compétences requises pour intervenir dans tous ces domaines.
Il est, certes, toujours possible de désigner plusieurs mandataires et de leur allouer des pouvoirs distincts, mais cela supposera auquel cas de délimiter très clairement le champ d’action de chacun afin d’éviter toute contestation relative à la validité d’un acte qui aurait été passé par l’un des mandataires en outrepassant ses pouvoirs.
Le notaire ne manquera pas, par ailleurs, de recommander la nomination d’un tiers dont la mission sera de contrôler la bonne exécution du mandat. Le notaire rédacteur sera, de surcroît, destinataire des comptes de gestion annuels et des pièces justificatives y afférentes, avec pour mission de saisir le juge des tutelles en cas d’anomalie détectée.
Mais ce dispositif sera-t-il suffisant face à un mandataire appelé à gérer, voire à céder une entreprise, insuffisamment rompu à la vie des affaires ?
20557 – Les limites du mandat de protection future. – Et c’est ainsi que l’on perçoit les limites du mandat de protection future lorsqu’il s’agit d’assurer la pérennité de l’entreprise et d’éviter sa dépréciation.
Ces principales limites sont les suivantes :

le mandataire n’aura pas nécessairement les qualités professionnelles et l’expérience requises pour remplacer l’homme clé qu’est le chef d’entreprise ;

le mandataire n’a pas pour obligation d’être assuré au titre de sa responsabilité civile dans le cadre de l’exercice de sa mission ;

bien que le mandat soit entré en force, le mandant n’est pas, pour autant, dessaisi de ses droits. Il peut, par conséquent, être amené à signer une convention alors même que le mandat a été activé, provoquant une vive suspicion quant à l’efficacité juridique de cet acte ;

en l’état actuel, en l’absence de mesure de publicité du mandat de protection future dans les registres de l’état civil, les tiers peuvent légitimement ignorer l’existence d’un tel mandat ;

le patrimoine du mandant ne sera pas protégé en cas de procédure collective ouverte à son encontre ;

à la demande de tout intéressé, le juge des tutelles peut révoquer le mandat de protection future et y substituer une mesure de protection judiciaire, pouvant causer la paralysie du cours des affaires de la société.

À défaut de pouvoir apporter, dans le cadre strict du mandat de protection future, une solution rédactionnelle à l’ensemble des points ci-dessus listés, le notaire pourra recommander deux actions :
Compte tenu des limites énumérées ci-dessus, la fiducie semble pouvoir venir en renfort du mandat de protection future, en dotant le tandem d’une grande efficacité juridique.
B/ La fiducie en renfort du mandat de protection future
20558 L’idée n’est pas de substituer le contrat de fiducie au mandat de protection future, mais de pratiquer les deux en recherchant une synergie.
Mais comment convient-il d’organiser cette articulation ?
20559 – Une chronologie à observer. – Est-il envisageable qu’un mandataire puisse constituer une fiducie pour le compte du mandant devenu incapable ?
Cela supposerait pour commencer, en tout état de cause, que le mandat de protection future soit établi en la forme authentique puisque la constitution d’une fiducie s’apparente à un acte de disposition.
La forme étant acquise, les conditions de fond seraient-elles réunies ?
20560 – Le principe de la personnalité des charges tutélaires. – Le fait que le mandataire confie la gestion de certains actifs à un fiduciaire contreviendrait-il au principe de la personnalité des charges tutélaires ?
Il est permis d’en douter dans la mesure où, comme le fait très justement remarquer Me Christine Turlier dans un article intitulé Fiducie et anticipation de l’inaptitude à la gestion712, tout comme en matière de mandat de protection future713, la conclusion d’un contrat de fiducie peut encore être envisagée en l’absence de disposition antérieurement prise si l’état de santé du chef d’entreprise ne suppose pas un placement sous tutelle mais simplement sous curatelle.
L’article 468 du Code civil le prévoit en précisant a contrario que « la personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur conclure un contrat de fiducie ». Le constituant n’a pas même besoin d’être obligatoirement le bénéficiaire. En revanche, le curateur ne devra pas, en pareille hypothèse, être fiduciaire au contrat714. Ses pouvoirs seront alors cantonnés à la gestion des actifs du chef d’entreprise protégé, non transférés dans le patrimoine fiduciaire.
Si le principe de la personnalité des charges tutélaires est respecté, pour autant autoriser un mandataire à conclure un contrat de fiducie ne contreviendrait-il pas aux dispositions de l’article 509 du Code civil ?
20561 – Les actes interdits au tuteur. – L’article 509 du Code civil semble faire obstacle à ce qu’un mandataire de protection future puisse conclure un contrat de fiducie même en présence de pouvoirs explicitement donnés en ce sens par le mandant, pouvant aller jusqu’à l’insertion d’un projet de contrat de fiducie dans le corps même du mandat ou en annexe.
L’article 509 du Code civil dispose qu’un tuteur ne peut, même avec une autorisation, transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits d’un majeur protégé715. Or on le sait, l’article 490 de ce même code restreint les pouvoirs du mandataire, désigné aux termes d’un mandat authentique, aux actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation.
Ce dispositif est incongru si l’on compare, ne serait-ce qu’un instant, la situation du chef d’entreprise placé sous curatelle et celle du chef d’entreprise placé sous tutelle. Alors que le premier est en droit de conclure, avec l’assistance du curateur certes mais sans autorisation du juge, un contrat de fiducie sans que le curateur ait à rendre compte de sa gestion sauf à être en présence d’une curatelle renforcée, le second ne peut pas en bénéficier.
Il est regrettable qu’en l’état actuel de la rédaction de l’article 509, 5o du Code civil, ce dispositif contractuel ne puisse pas être étendu aux majeurs sous tutelle.
On ne peut être que favorable à une modification législative sur ce point.
Si Nathalie Peterka, professeure à l’Université Paris-Est Créteil, voit dans l’avis rendu par la Cour de cassation du 6 décembre 2018 une avancée majeure716, levant l’interdiction énoncée à l’article 509 du Code civil, la plus grande prudence est de mise.
20562 – Mandat de protection future et contrat de fiducie avec prise d’effet conditionnelle et différée. – Garant de l’efficacité juridique des actes qu’il reçoit, le notaire préférera à la conclusion du contrat de fiducie par le mandataire à l’appui des pouvoirs qu’il détient du mandat, la conclusion concomitante par le chef d’entreprise, en pleine possession de ses capacités, d’un mandat de protection future, d’une part, et d’un contrat de fiducie, d’autre part, dont la prise d’effet sera conditionnelle et différée.
Libre de convenir de la date de prise d’effet de ce contrat de fiducie, le chef d’entreprise pourra décider de la date du transfert de l’entreprise ou des titres dans le patrimoinefiduciaire. Le contrat de fiducie sera mis en œuvre au jour de la réalisation d’événements érigés en condition suspensive. On pense spontanément à l’entrée en vigueur du mandat de protection future, mais l’événement peut être décorrélé de ce premier contrat pour donner le plus d’autonomie possible au contrat de fiducie.
La rédaction fine du contrat de fiducie doit permettre en tout état de cause un transfert automatique des actifs désignés dans le patrimoine fiduciaire en l’absence de démarches administratives et judiciaires.
On sait que si le contrat de fiducie-gestion devient caduc au jour du décès du constituant personne physique717, il résiste, néanmoins, à l’ouverture d’une mesure de protection, sauf en cas d’incapacité notoire du constituant au jour de sa conclusion dans les deux années précédant la procédure.
Pourront donc fonctionner côte à côte, en cas d’incapacité, mandat de protection future et fiducie.
20563 – L’alternative au mandat de protection future offerte par le contrat de fiducie. – Qu’apporte le contrat de fiducie ?

En tout premier lieu, la fiducie autorise une gestion dynamique et personnalisée de l’entreprise. Il n’existe pas nécessairement dans le proche entourage du chef d’entreprise une personne en capacité de gérer la société de telle sorte qu’elle ne se déprécie pas ou encore de la céder aux meilleures conditions financières, juridiques et fiscales. Or le fiduciaire ne peut être qu’un établissement financier, une entreprise d’assurance ou un avocat ; il est donc supposé avoir les qualités professionnelles et l’expérience requises pour remplacer l’homme clé qu’est le chef d’entreprise.

Le fiduciaire est assuré au titre de sa responsabilité civile dans le cadre de l’exercice de sa mission.

Aux termes du contrat de fiducie, il n’y aura pas d’exercice concurrent de pouvoirs entre constituant et fiduciaire. Le risque de contestation de la validité d’un acte signé en cours de fiducie est donc bien moindre.

Le transfert des titres dans le patrimoine fiduciaire fera l’objet d’une inscription dans le registre des mouvements de titres. Il sera de la sorte opposable à la société. Il conviendra de prêter une attention toute particulière à d’éventuelles clauses d’agrément et à la teneur d’éventuels pactes d’associés.

Les actifs transférés dans le patrimoine fiduciaire seront protégés en cas de procédure collective ouverte à l’encontre du chef d’entreprise.

Le contrat de fiducie ne peut être résilié que sur décision du juge judiciaire à la demande du constituant, du fiduciaire, du bénéficiaire ou encore du tiers protecteur selon la procédure et pour des motifs de droit commun.

La fiducie permet au chef d’entreprise, en cas d’incapacité, temporaire ou définitive, d’assurer la pérennité de son outil professionnel et corrélativement de maintenir son niveau de vie. Le notaire, rédacteur du contrat, peut au travers de ses conseils et d’une rédaction minutieuse rendre cet outil juridique très pertinent et accompagner efficacement ses clients.
20564 – Précautions rédactionnelles. – L’article 2018 du Code civil énonce un certain nombre de mentions obligatoires, à peine de nullité, à savoir :
« 1o Les biens, droits ou sûretés transférés. S’ils sont futurs, ils doivent être déterminables ;
2o La durée du transfert, qui ne peut excéder quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de la signature du contrat ;
3o L’identité du ou des constituants ;
4o L’identité du ou des fiduciaires ;
5o L’identité du ou des bénéficiaires ou, à défaut, les règles permettant leur désignation ;
6o La mission du ou des fiduciaires et l’étendue de leurs pouvoirs d’administration et de disposition ».
On rappellera, par ailleurs, tout particulièrement, la teneur de deux articles du Code civil :

l’article 2012 du Code civil tout d’abord, qui dispose que si les biens, droits ou sûretés transférés dans le patrimoine fiduciaire dépendent de la communauté existant entre les époux ou d’une indivision, le contrat de fiducie est établi par acte notarié à peine de nullité ;

et l’article 2017 du Code civil qui dispose, pour sa part, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, que le constituant peut, à tout moment, désigner un tiers chargé de s’assurer de la préservation de ses intérêts dans le cadre de l’exécution du contrat, et que lorsque le constituant est une personne physique il ne peut renoncer à cette faculté.

Le notaire veillera tout particulièrement, à l’occasion de la rédaction du contrat de fiducie :

à faire comparaître plusieurs constituants dans l’acte, le dirigeant personne physique et sa holding par exemple, selon la structuration de l’entreprise et en présence d’un groupe de sociétés ;

à motiver le choix du fiduciaire et à prévoir la désignation et la comparution d’un fiduciaire subsidiaire en cas de survenance d’événements particuliers (empêchement, dissolution, procédure collective, départ en retraite affectant le premier par exemple) ; le fiduciaire subsidiaire sera appelé à signer le contrat de fiducie à l’effet d’accepter par anticipation sa mission en cas de survenance desdits événements ;

à définir très précisément l’étendue des pouvoirs conférés au fiduciaire ;

à arrêter les conditions, les modalités et la périodicité des redditions de comptes ; à en organiser le contrôle ;

à identifier le ou les bénéficiaires. Le bénéficiaire pourra être le chef d’entreprise protégé, lequel bénéficiera alors des revenus générés par l’activité de l’entreprise pour faire face, notamment, à ses dépenses de santé, ses frais d’hébergement ou encore aux charges du mariage, au versement des pensions alimentaires ou d’une éventuelle prestation compensatoire par exemple. Rendre un tiers bénéficiaire paraît plus hasardeux, toute fiducie motivée par une intention libérale étant, à ce jour, on le sait, nulle ;

à suggérer la désignation par le constituant d’un tiers chargé de s’assurer de la préservation de ses intérêts dans le cadre de l’exécution du contrat de fiducie, lequel sera investi de pouvoirs identiques aux siens ;

à préciser le mode de rémunération du fiduciaire.

20565 – Des sphères de compétence distinctes. – On le rappelle : le mandat de protection future reste un élément fondamental du dispositif prévoyance proposé au chef d’entreprise. Le contrat de fiducie vient en relais mais ne saurait s’y substituer.
Le mandataire de protection future exercera les pouvoirs nécessaires à l’effet de protéger la personne du chef d’entreprise et son patrimoine privé.
20566 – Le devenir du mandat social. – Le fiduciaire détiendra les pouvoirs nécessaires à l’effet de gérer les affaires sociales en exerçant en tant que de besoin les pouvoirs résultant d’un mandat social, sauf à ce que sur ce point le dirigeant préfère à l’occasion de la rédaction du contrat de fiducie mettre en place une gouvernance collégiale et un dispositif visant à organiser sa démission d’office en cas de survenance d’une incapacité.
20567 – Un contrat de fiducie à double détente. – Claire Farge va jusqu’à proposer un contrat de fiducie à double détente permettant d’en proroger les effets en dépit du décès du chef d’entreprise718.
L’idée consiste à faire en sorte que le contrat de fiducie soit conclu tant par le dirigeant avec pour objet les titres qu’il détient dans la structure holding que par la société holding elle-même avec pour objet la concernant les titres qu’elle détient dans la société opérationnelle ou plus largement dans toute société du groupe.
De la sorte, le décès du dirigeant n’emportera que la caducité du contrat de fiducie-gestion souscrit par lui, laissant indemne celui conclu par la structure holding qui pourra alors, par exemple, procéder à la cession de la société d’exploitation.
Les ayants-droit ne pourraient-ils pas pour autant obtenir la résiliation de ce deuxième contrat, en leur qualité d’actionnaires de la société holding ? Ne pourrait-on pas y voir une fiducie-libéralité ? Là encore la prudence est de mise, nous semble-t-il.
20568 – Une éventuelle alternative au mandat à effet posthume ? Y a-t-il moyen d’envisager le recours à la fiducie-gestion en cas de décès du chef d’entreprise ? De prime abord, l’exercice semble impossible au regard respectivement des articles 2030 et 2013 du Code civil qui, pour le premier, rend le contrat de fiducie caduc en cas de décès et qui, pour le second, rend nulle toute fiducie qui serait motivée par une intention libérale.
Certains auteurs719 considèrent pourtant qu’une donation ou un legs au profit d’un majeur capable à charge de constituer une fiducie pourrait offrir une alternative au mandat à effet posthume dont les conditions de mise en œuvre sont extrêmement élitistes, tel que cela est exposé ci-après dans le cadre des travaux de la troisième commission.
Le professeur Michel Grimaldi720 estime même qu’à la faveur d’un enfant mineur, une donation ou un legs à charge pour l’administrateur, investi des pouvoirs suffisants par le donateur ou le testateur dans les termes de l’article 384721 du Code civil, de constituer une fiducie-gestion, ne contreviendrait pas aux articles 387-2722 et 408-1723 de ce même code.
Si ce dispositif vient à être validé, l’acte de donation avec charge ou le testament comporterait les principales clauses du contrat de fiducie que le gratifié, le légataire ou l’administrateur, selon le cas, aurait à conclure.
La pérennité de l’entreprise pourrait, de la sorte, être confortée en écartant notamment les cas d’indivision et de vente forcée pour cause de dissension.
Plusieurs arguments sont mis en avant par le professeur Michel Grimaldi724 à la faveur de l’efficacité juridique de ce dispositif, notamment les suivants :

la fiducie n’est pas motivée par une intention libérale puisque la transmission à titre gratuit s’opère antérieurement à la conclusion du contrat de fiducie, le mode de gestion ainsi édicté par le disposant s’analysant en une simple charge. Il ne s’agirait pas d’une fiducie-libéralité mais d’une pure fiducie-gestion ;

ce dispositif présente certaines similitudes avec le mandat à effet posthume consacré par la loi no 2006-728 du 23 juin 2006 qui pareillement dessaisit l’héritier du pouvoir d’administrer les biens qui lui sont dévolus.

L’outil est à manier, toutefois, avec la plus grande vigilance comme le mentionnent les travaux de la troisième commission, en l’absence à ce jour d’une jurisprudence établie.

§ II – La fiducie au soutien de la gestion des prises de participation et du financement de l’activité de l’entreprise

20569 La fiducie peut s’avérer également extrêmement utile dans le cadre de la restructuration de l’entreprise et de la gestion des prises de participation (A) ou encore dans le cadre du financement de projets (B).
A/ La fiducie au service de la restructuration de l’entreprise et de la gestion des prises de participation
20570 Debt equity swap, restructuration et fiducie. – Nous avons vu ci-avant (V. supra, nos 20020 et 20468) que l’augmentation de capital par incorporation d’une créance détenue par un tiers à l’encontre de la société, mécanisme plus connu sous le nom de debt equity swap, et s’inscrivant dans la dynamique de l’equity for, offre une réelle alternative à une levée de fonds classique.
Son impact immédiat consistant à renforcer les capitaux propres de la société et donc d’en accroître la capacité de financement, il est même possible d’y voir un outil de restructuration à la disposition de l’entreprise en difficulté.
La fiducie peut participer à la sécurisation du montage725.
20571 – La situation des créanciers chirographaires. – Si l’entreprise est en mauvaise posture financière, les créanciers chirographaires, notamment, n’ont que peu d’espoir de recouvrer le montant qui leur est dû, à l’occasion d’opérations de liquidation ou de cession d’actifs. Ces créanciers vont alors avoir tout intérêt de tenter d’accroître leurs chances de recouvrement en convertissant leurs créances en titres de capital et en favorisant de la sorte le redressement de la situation financière de la société. Si l’opération fonctionne, des liquidités seront à nouveau disponibles et les créanciers devenus actionnaires seront libres de céder leur participation.
Certains créanciers ne voudront pas adopter cette stratégie de peur d’être attraits à une action en responsabilité pour faute de gestion, en étant qualifiés de dirigeants de fait pour s’être immiscés dans les affaires de leur débiteur.
D’autres ne le pourront pas, à la façon de certains organismes de placement collectif et notamment des fonds communs de titrisation astreints à une réglementation financière qui le leur interdit.
Pour ceux qui sont tentés par l’aventure, en revanche, le contrat de fiducie est un moyen de portage très efficace. Sa mise en place est aisée. Les créanciers sont libres de conserver plus ou moins de pouvoirs de gestion, selon l’étendue de ceux qui seront dévolus au fiduciaire. Enfin les créanciers peuvent être tous logés à même enseigne, sous couvert d’un même contrat de fiducie, ce qui présentera pour la société l’extrême avantage de rationaliser l’arrivée de ce nouvel actionnariat et de n’avoir pour seul interlocuteur que le fiduciaire.
20572 – L’intérêt de la fiducie. – Son fonctionnement est simple :

le créancier transfère la créance qu’il détient à l’encontre de la société dans le patrimoine fiduciaire ;

le fiduciaire procède à la conversion de cette créance en des titres de capital en participant à une augmentation de capital par incorporation de ladite créance ;

le fiduciaire gère alors la participation nouvellement attribuée, en distribue les éventuels dividendes et la cède en temps utile avec pour mission d’en remettre le prix de cession au créancier, ce dernier cumulant les qualités de constituant et de bénéficiaire.

20573 – La fiducie : outil de gestion des prises de participation. – Il y a, en la matière, de nombreuses applications pratiques auxquelles on peut songer.
L’exemple mentionné ci-dessus en est une illustration en présence de constituants aux intérêts convergents : leurs participations vont pouvoir être gérées par le fiduciaire, indistinctement, en bloc, facilitant grandement la gestion pour la société, le fiduciaire étant son unique interlocuteur.
Citons-en deux autres :

la fiducie peut s’avérer également très utile s’il y a lieu de différer dans le temps l’entrée au capital de certains investisseurs. Un contrat de fiducie peut permettre de reporter dans le temps une cession d’actions, voire de l’échelonner ;

l’adjonction d’un contrat de fiducie peut aussi permettre d’accroître l’efficience d’un pacte d’actionnaires, ou encore d’assurer le respect d’un engagement collectif de conservation des titres dans les termes du dispositif Dutreil organisé à l’article 787 B du Code général des impôts.

Mais la fiducie n’est pas uniquement intéressante, en droit des sociétés, sous l’angle de la protection, de la gestion ou encore de la transmission à titre onéreux. Les garanties qu’elle offre dans le cadre d’un financement sont fortes et en font une sûreté attrayante.
B/ La fiducie au service du financement de projets
20574 La fiducie présente un véritable intérêt sous l’angle de la fiducie-sûreté lorsqu’il s’agit de financer un projet d’entreprise et de lever des fonds. L’entreprise qui emprunte, agissant en qualité de constituant, peut effectivement proposer de transférer dans le patrimoine d’un fiduciaire des titres qu’elle détient dans une filiale ou des actifs sociaux à la garantie du remboursement de sa dette.
I/ Le recours à la fiducie peut faciliter l’octroi de crédits
20575 – LBO et fiducie. – Prenons l’exemple d’une opération de type LBO726. Le mécanisme veut que les investisseurs, quel que soit leur profil, constituent une structure holding, laquelle a vocation à se porter cessionnaire d’une participation majoritaire dans le capital de la société cible, moyennant un prix de cession financé par emprunt. Une convention encadre la perception de dividendes par la holding, lui permettant ainsi de s’acquitter du remboursement de la dette.
Le mécanisme peut parfois s’apparenter à une réduction de capital, en permettant la sortie partielle de capitaux propres et l’amélioration du taux de rentabilité interne (TRI).
La mise en place d’un contrat de fiducie à cette occasion peut faciliter l’octroi du financement externe nécessaire au paiement du prix d’acquisition des titres. Les titres dont l’acquisition est financée par le créancier peuvent effectivement être transférés par la holding cessionnaire, constituant, dans un patrimoine fiduciaire, le créancier pouvant alors cumuler les qualités de fiduciaire et de bénéficiaire. Les dividendes seront encaissés par le fiduciaire qui les emploiera en tout ou partie au remboursement de la dette. En cas de défaillance du constituant, les titres pourront devenir la propriété du créancier.
20576 – La neutralité du dispositif fiscal. – Cela suppose tout de même que l’impact fiscal n’entame pas l’attrait du volet civil.
On notera que le transfert temporaire des titres dans le patrimoine fiduciaire ne génère aucune taxation au titre de plus-values latentes. En tout état de cause, ces plus-values étant exonérées et ne donnant lieu qu’à la taxation à l’impôt sur les sociétés d’une quote-part de 12 % de frais et de charges, sous réserve d’observer un délai de détention, l’attractivité de cette mesure fiscale est relative.
Un transfert d’actifs dans le patrimoine fiduciaire peut toutefois donner lieu à l’imposition d’une plus-value dans un cas très spécifique, à savoir lorsque l’actif est apporté à sa valeur vénale et que le constituant en perd le contrôle.
Au cours de l’exécution du contrat de fiducie, le résultat généré par les actifs transférés est déterminé au niveau du patrimoine fiduciaire mais imposé en considération de la situation fiscale du constituant. Après avoir été déterminé de la sorte, le résultat est alors intégré dans le résultat comptable du constituant.
La question porte surtout sur le sort réservé aux dividendes, dans la mesure où ce cash-flow a vocation à amortir la dette au fil de l’eau. Il était à craindre que l’interposition d’un patrimoine fiduciaire mette à mal le régime de faveur des sociétés mère-fille.
Rappelons que ce dispositif prévoit l’exonération727 des dividendes au titre de l’impôt sur les sociétés, dans une proportion très importante, à charge pour la structure bénéficiaire de réintégrer une quote-part de 5 % de leur montant pour frais et charges dans sa base imposable, sous réserve du respect de conditions cumulatives, à savoir :

que cette option pour le régime des sociétés mère-fille ait été formulée. On notera que cette déclaration annuelle n’est soumise à aucun formalisme et qu’elle peut résulter d’une simple mention portée dans la liasse fiscale ;

que les titres soient nominatifs, détenus par la société mère en pleine propriété ou en nue-propriété ;

que la participation de la société mère soit d’au moins 5 % du capital de la société émettrice fille, ce pourcentage minimal étant apprécié au jour de la mise en paiement des dividendes ;

et que les titres soient conservés pendant deux ans.

Or, en cas de transfert des titres dans un patrimoine fiduciaire, le BOFiP énonce deux principes fondamentaux :

les titres transférés dans le patrimoine fiduciaire sont pris en compte pour l’appréciation du seuil minimal de détention sous réserve du respect de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 145 du Code général des impôts728, ayant trait notamment à l’exercice des droits de vote attachés aux titres transférés dans le patrimoine fiduciaire ;

et le transfert n’est pas interruptif du délai minimal de conservation des titres.

Ces règles fiscales permettent de conforter le principe général de neutralité fiscale affiché à l’occasion du vote de la loi de 2007 et n’entame pas l’intérêt qu’il y a à constituer une fiducie-sûreté à l’occasion d’une opération de type LBO. D’une manière générale, quel que soit le contexte dans lequel cette fiducie est mise en place, le transfert des actifs du patrimoine du constituant vers le patrimoine fiduciaire est une opération intercalaire, non génératrice d’une imposition.
20577 – Axes d’ingénierie. – Compte tenu des développements qui précèdent, le notaire, saisi de la rédaction d’un contrat de fiducie à l’occasion de ce type d’opération, pourra suggérer que le transfert dans le patrimoine fiduciaire ne porte que sur une fraction de la participation et qu’il y ait une décorrélation entre la quotité de droits financiers et la quotité de droits de vote transférés. De la sorte en effet, en cas de défaillance du constituant emprunteur, le créancier disposera des titres mais son pouvoir au sein de la cible aura été cantonné par anticipation.
On notera que ce principe de neutralité fiscale profite également au régime de l’intégration fiscale.
20578 – La fiducie au quotidien. – Le recours à la fiducie dans le cadre de la mise en place d’un plan de financement tend à se généraliser. Le mécanisme offre une grande sécurité juridique, une certaine souplesse dans la mesure où tous types d’actifs peuvent être transférés dans le patrimoine fiduciaire (immeubles, prises de participation, créances, équipements, stocks…) et sauf à ce que l’actif transféré soit de nature immobilière, son coût n’est pas prohibitif. Indépendamment des honoraires de conseil, de rédaction et de la rémunération du fiduciaire, seul un droit fixe de 125 € sera perçu à l’occasion de l’enregistrement de la convention par application de l’article 635, 1-8o du Code général des impôts.
On notera qu’un contrat de fiducie doit être publié au registre national des fiducies créé par le décret no 2010-219 du 2 mars 2019.
Le recours à la fiducie n’est pas réservé à des projets de financement de grande ampleur. L’outil peut s’avérer intéressant au quotidien à l’occasion du financement de l’activité de l’entreprise.
C’est la voie qu’ont décidé d’emprunter le groupe BPCE et Equitis Gestion en proposant de sécuriser le financement professionnel au moyen de produits fiduciaires standardisés729 et de promouvoir « la fiducie à la chaîne ». Le contrat n’est pas personnalisable, mais la formule permet de réaliser des économies d’échelle et de réduire le coût de la rémunération du fiduciaire.
20579


671) Citation du médiateur américain Murray Armes.
672) Le dictionnaire Larousse définit la maïeutique, dans la philosophie socratique, comme étant l’« art de conduire l’interlocuteur à découvrir et à formuler les vérités qu’il a en lui ».
673) Cf. M. Schoneville et K. H. Fox, Chapter 5. Moving beyong « Just » a deal, a bad deal or no deal : how a deal-facilitator engaged by the parties as a « Counsel to the Deal » can help them improve the quality and sustainability of the outcom, in A. Ingen-Housz (éd.), ADR in Business : Practise and issues across countries and cultures, vol. 2, Wolters Kluwer, 2011.
674) Claude Amar, architecte DPLG de formation, est médiateur certifié par l’International Mediation Institute (IMI) et l’Institut français de certification des médiateurs (IFCM).
675) Cf. S. Schiller et D. Martin, Guide des pactes d’actionnaires et d’associés, LexisNexis, 2018, p. 80.
676) Cf. Définition de Bpifrance (https://bpifrance-creation.fr/encyclopedie/developper-lactivite-son-entreprise/developpement-a-linternational/joint-venture).

« Qu’est-ce qu’une joint-venture ?
En droit français, ce terme ne correspond à aucune situation juridique précise. La coentreprise ou joint-venture en anglais, désigne toute forme de coopération entre entreprises.
La coentreprise – ou joint-venture en anglais – consiste en un contrat de collaboration entre deux ou plusieurs entreprises dans le but de mettre en commun une stratégie (mutualisation des coûts et des risques). Son objectif est généralement la conquête d’un nouveau marché ou d’un nouveau pays grâce à la complémentarité des entreprises membres de la joint-venture. La fiscalité de la coentreprise dépend de sa forme juridique (société, filiale, etc.). L’avantage de la joint-venture est la complémentarité des entreprises.
Le danger réside dans le conflit entre les membres risquant de freiner, voire de paralyser la stratégie de la joint-venture ».
677) Cf. Background and Goals New Recommended English translation of « Kansayaku » and « Kansayaku-kai », Japan Audit & Supervisory Board Members Association (http://www.kansa.or.jp/wp-content/uploads/en/New_Recommended_English_translation_of_Kansayaku_and_Kansayaku-kai.pdf).
678) Ph. Baillot : Gaz. Pal. 9 mai 2017, p. 56.
679) B. Oppetit : Rev. arb. 1984, spéc. p. 322.
680) Cass. 2e civ., 21 oct. 2010, no 09.12-378, F-PB : RJDA 5/2011, no 463.
681) L. no 2021-1729, 22 déc. 2021, pour la confiance dans l’institution judiciaire, art. 44 : JO no 0298, 23 déc. 2021 : « L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution est complété par un 7o ainsi rédigé : « 7o Les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente ». ».
682) Cass. 2e civ., 12 mai 2015, no 13-28.504. – Cass. com., 19 sept. 2018, no 17-17.600. – Cass. com., 16 oct. 2019, no 18-19.373.
683) Cass. com., 26 juin 2007, no 06-10.766. – Cass. com., 13 déc. 2011, no 10-26.968.
684) P.-M. Reverdy, Le cauchemar de l’intérêt social des SCI : Defrénois 11 mars 2021, no 11.
685) Cass. com., 20 févr. 2019, no 17-14.242 : Defrénois flash 18 mars 2019.
686) Cass. com., 2 févr. 2010, no 09-13.405.
687) Cass. com., 21 févr. 2012, no 10-27.630 : Bull. civ. 2012, IV, no 49.
688) Cass. com., 21 mars 2018, no 15-29.377.
689) JCl. Ingénierie du patrimoine, Fasc. 110.
690) Cass. 1re civ., 12 mai 2004, no 02-12.920.
691) JCl. Ingénierie du patrimoine, Fasc. 110. – J. Carbonnier, Droit civil, t. 1 : Les personnes, Personnalité, Incapacités, Personnes morales, PUF, coll. « Thémis Droit privé », 21e éd., 2000, p. 365 et s.
692) F. Zénati-Castaing, La propriété collective existe-t-elle ?, in Mél. en l’honneur du Professeur G. Goubeaux, Dalloz-LGDJ, 2009, p. 589, spéc. p. 596.
693) À l’exception des greffiers des chambres commerciales des juridictions civiles.
694) Au rang desquels nous pouvons citer : l’autorisation de domiciliation de son siège social, la déclaration de non-condamnation de ses mandataires sociaux personnes physiques, leur pièce d’identité (ou extrait d’immatriculation s’il s’agit de sociétés), un pouvoir pour la réalisation de cette formalité (pièce d’ores et déjà rendue inutile par une jurisprudence constante : « il incombe au notaire, tenu de s’assurer de l’efficacité de l’acte auquel il prête son concours, de procéder, sans même qu’il ait reçu mandat pour ce faire, aux formalités correspondantes dont le client se trouve alors déchargé », et dans certaines hypothèses, le certificat du dépositaire des fonds (qui est bien souvent le notaire lui-même), ou d’autres pièces relatives aux conditions d’exercice de professions réglementées.
695) Via le GIE Infogreffe.
696) Les notariats allemand et espagnol sont prêts pour la création de sociétés en ligne : Actualités CNUE 27 sept. 2019.
697) I. Parachkévova, Les promesses de vente de titres : Actes prat. ing. sociétaire 2015, no 139.
698) Cass. com., 13 sept. 2011, no 10-19.526. – Cass. com., 14 janv. 2014, no 12-29.071.
699) Cass. com., 15 janv. 2013, nos 11-12.495, 11-13.250 et 11-13.274 : JurisData no 2013-000436.
700) Cass. com., 16 nov. 2004, no 00-22.713. – Cass. com., 27 sept. 2005, no 02-14.009. – Cass. com., 3 mars 2009, no 08-12.359.
701) CA Paris, pôle 5, ch. 8, 3 juill. 2012, no 11/08630.
702) Cass. 3e civ., 28 oct. 2003, no 02-14.459.
703) Cass. 3e civ., 15 déc. 1993, no 91-10.199.
704) Cass. 3e civ., 23 juin 2021, no 20-17.554.
705) C. Coutant-Lapalus, Le sort des promesses unilatérales de vente en liquidation judiciaire : JCP N 2007, 1044.
706) Cass. 3e civ., 8 juill. 2021, no 19-26.342.
707) C. civ., art. 2224 : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».
708) L. no 2007-211, 19 févr. 2007, instituant la fiducie.
709) C. com., art. L. 225-106, I.
710) C. com., art. L. 223-28, al. 2 : « Un associé peut se faire représenter par son conjoint à moins que la société ne comprenne que les deux époux. Sauf si les associés sont au nombre de deux, un associé peut se faire représenter par un autre associé ».
711) C. com., art. L. 223-28, al. 3 : « Il ne peut se faire représenter par une autre personne que si les statuts le permettent ».
712) C. Turlier, Fiducie et anticipation de l’inaptitude à la gestion : Ingénierie patrimoniale avr. 2019, no 1-2019.
713) C. civ., art. 477, al. 2.
714) C. civ., art. 445 : « Le fiduciaire désigné par le contrat de fiducie ne peut exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l’égard du constituant ».
715) C. civ., art. 509, 5o : « Le tuteur ne peut, même avec une autorisation : (…) 5o Transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits d’un majeur protégé ».
716) N. Peterka, La fiducie au soutien du mandat de protection future : JCP N 24 sept. 2021, no 38-39, 1287.
717) C. civ., art. 2030.
718) C. Farge, S. Weisgerber, B. Berger-Perrin et D. Davodet, La fiducie à effet différé, complément du mandat de protection future dans le pack prévoyance du dirigeant : JCP N 24 sept. 2021, no 38-39, 1288.
719) C. Turlier, Fiducie et anticipation de l’inaptitude à la gestion : Ingénierie patrimoniale avr. 2019, no 1-2019.
720) M. Grimaldi, L’article 384 du Code civil permet-il de confier à un fiduciaire la gestion des biens donnés ou légués à un mineur ? : Defrénois 26 nov. 2020, no 48.
721) C. civ., art. 384 : « Ne sont pas soumis à l’administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu’ils soient administrés par un tiers.

Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d’un administrateur légal ».
722) C. civ., art. 387-2 : « L’administrateur légal ne peut, même avec une autorisation : (…) 4o Transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou les droits du mineur ».
723) C. civ., art. 408-1 : « Les biens ou droits d’un mineur ne peuvent être transférés dans un patrimoine fiduciaire ».
724) M. Grimaldi, L’article 384 du Code civil permet-il de confier à un fiduciaire la gestion des biens donnés ou légués à un mineur ? : Defrénois 26 nov. 2020, no 48.
725) S. Lamay-Cubeddu, La fiducie-gestion en soutien des créanciers confrontés à un debt equity swap, 1er juin 2021 (www.ponofs.com/post/la-fiducie-gestion-en-soutien-des-creanciers-confrontes-a-un-debt-to-equity-swap).
726) Leveraged-Buy-Out : opération financière consistant à acquérir une structure cible en levant très majoritairement de la dette, ayant vocation à être remboursée au moyen des produits générés par la cible. Une structure holding, ayant vocation à devenir cessionnaire, est généralement, pour ne pas dire systématiquement, créée préalablement.

Il existe de multiples types de LBO :

on parle de LMBO (Leveraged-Management-Buy-Out) lorsque la structure holding cessionnaire est détenue par des cadres dirigeants de la cible ;

de LBI (Leveraged-Buy-In) lorsque la structure holding cessionnaire est exclusivement détenue par des investisseurs tiers ;

de BIMBO (Buy-In-Management-Buy-Out) lorsque la structure holding cessionnaire est détenue à la fois par des investisseurs tiers et par des cadres dirigeants de la cible ;

de LBU (Leveraged-Build-Up) lorsque le rachat est le prélude à une fusion entre la cible et une autre entité ;

de LMBI (Leveraged-Management-Buy-In) lorsque la structure holding cessionnaire est exclusivement détenue par des investisseurs tiers et qu’une nouvelle équipe managériale est engagée ;

d’OBO (Owner-Buy-Out) lorsque la structure holding cessionnaire est détenue par le même actionnariat que la cible.

727) CGI, art. 145 et 216.
728) BOFiP BOI-IS-BASE-10-10-10-20, 205. « Le transfert d’actifs, par une société, dans un patrimoine fiduciaire, entraîne un transfert de propriété. De ce fait, les titres qui sont transférés dans un patrimoine fiduciaire ne peuvent en principe pas être pris en compte pour l’appréciation du seuil de détention de 5 % du capital d’une société mère dans sa filiale permettant l’application du régime des sociétés mères prévu à l’article 145 du CGI.

Toutefois, en application des dispositions du dernier alinéa du 1 de l’article 145 du CGI, les titres que le constituant a transférés dans un patrimoine fiduciaire sont pris en compte pour l’appréciation du seuil de participation de 5 % du capital, sous réserve que les deux conditions suivantes soient satisfaites :

les titres ont été transférés dans le patrimoine fiduciaire dans les conditions prévues à l’article 238 quater B du CGI, c’est-à-dire sous le régime fiscal permettant de ne pas comprendre dans le résultat imposable du constituant les plus ou moins-values résultant du transfert de biens ou droits en fiducie ;

le constituant conserve l’exercice des droits de vote attachés aux titres transférés dans le patrimoine fiduciaire, ou le fiduciaire exerce ces droits dans le sens déterminé par le constituant, sous réserve des éventuelles limitations convenues par les parties au contrat établissant la fiducie pour protéger les intérêts financiers du ou des créanciers bénéficiaires de la fiducie. Cette condition ne s’applique qu’aux titres transférés dans le patrimoine fiduciaire auxquels sont attachés des droits de vote. Elle n’a pas pour effet d’exclure les titres transférés dans le patrimoine fiduciaire non pourvus de droits de vote pour l’appréciation du seuil de détention de 5 % du capital par le constituant.

Remarque : Si la détention des droits de vote n’est plus exigée à compter du 3 février 2016 pour l’application du régime des sociétés mères et filiales, les dispositions propres au transfert dans le patrimoine fiduciaire demeurent. Ainsi, si les titres transférés confèrent des droits de vote, le constituant doit en conserver l’exercice, sous la réserve précitée concernant la protection des intérêts des créanciers.
Le respect de cette deuxième condition est apprécié au regard des clauses du contrat de fiducie. La réserve relative à la limitation du droit de vote du constituant, que ce dernier exerce directement lesdits droits ou que ces derniers soient exercés par le fiduciaire selon le sens déterminé par le constituant, doit être appliquée strictement. Ainsi, une clause limitant le droit de vote du constituant qui ne serait pas explicitement motivée par la protection des intérêts financiers du ou des créanciers bénéficiaires de la fiducie empêche la prise en compte des titres transférés dans le patrimoine fiduciaire pour l’appréciation du seuil de participation de 5 % ».
729) La fiducie low-cost trace son sillon : L’Agefi Actifs oct. 2021, no 44, 1561616.
730) F. Yvernès, Rôle et responsabilité du notaire en matière de sociétés par actions, thèse pour le doctorat, 1935.
731) V. Bussière, in Patrimoine privé 2021, no 77.
732) Le lock-up correspond à une période minimale pendant laquelle un ou plusieurs investisseurs actionnaires présents dans le capital d’une société s’engagent à conserver leurs actions après l’introduction en Bourse de la société. La durée de validité du lock-up est en règle générale courte (elle est rarement supérieure à neuf mois) (Source : www.mataf.net/fr/edu/glossaire/lock-up).
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