CGV – CGU

PARTIE I – De la création au développement : la naissance de l’entreprise
Titre 1 – Le choix cornélien du mode d’exploitation
Sous-titre 1 – Passer à l’acte d’entreprendre : principaux enjeux

Chapitre III – Apporter la confiance au créateur

20033 Le créateur d’entreprise se trouve dans une situation particulière, car son statut le sort de facto des principaux régimes de protection sociale que l’État a institués au profit des salariés et des fonctionnaires. Pourtant, il devra nécessairement lui être proposé un mécanisme permettant d’assurer ses risques comme tout un chacun (maladie, prévoyance, retraite) (Section I), sans l’infantiliser, pour lui permettre de réaliser et d’assumer ses choix (Section II).

Section I – La nécessité de l’universalisme de la protection sociale

20034 – L’entrepreneur, un assuré comme les autres. – Devenir entrepreneur ne modifie pas fondamentalement le besoin d’assurance contre les risques de la vie. Les craintes ressenties face aux accidents (couverture médicale, revenus de substitution) ou à la cessation de l’activité (retraite ou capital en cas de décès) existent quelle que soit la situation (ou l’absence de situation) professionnelle. Analysées par le prisme de l’entreprise, elles sont cependant exacerbées pour deux raisons principales.
20035 – Mais un assuré déjà en zone de risques. – L’entrepreneur, comme rappelé ci-dessus37, fait le choix premier de prendre des risques personnels très conséquents en investissant ses fonds propres, avec le risque de les perdre intégralement, et en exposant tout ou partie du reste de son patrimoine à ses futurs créanciers professionnels. Il lui sera alors raisonnable de considérer que ces risques puissent se cantonner à ce périmètre déjà très large.
Si la société n’est pas en mesure de proposer au porteur de projet une protection sociale, le cumul de risques non assurés en deviendrait intolérable. Force est de constater que la préoccupation première du créateur ne sera sans doute pas de s’assurer une confortable retraite, ou un capital décès pour sa famille. Mais il n’en va pas de même en ce qui concerne la prise en charge des frais de soins en cas de maladie (dont le coût réel est bien souvent totalement ignoré)38 ou l’octroi de revenus de substitution en cas d’arrêt de travail (l’entrepreneur ne perçoit pas, par définition, de revenus assurés, et prélèvesa rémunération seulement grâce à la trésorerie excédentaire de l’entreprise qu’il aura lui-même réussi à accumuler par son travail).
Confronter le créateur d’entreprise à un statut de citoyen non protégé serait alors de nature à paralyser son désir de création. Au surplus, cela aboutirait à limiter l’entrepreneuriat seulement à ceux de nos concitoyens qui sont en mesure, grâce à leurs moyens financiers, de s’autoassurer contre ces risques.
20036 – Mais un assuré esseulé. – À l’image de la liberté et de la diversité des entreprises, les mécanismes de protection se sont organisés initialement individuellement39 afin de répondre à des besoins d’époque, plus proches des aspirations de catégories particulières. Cette organisation a pourtant abouti à deux résultats problématiques : la faiblesse extrême de protection pour certains entrepreneurs40 (prévoyance et retraite, puisque la couverture santé de base, à l’exception de la part mutuelle, est équivalente à celle des salariés), des cotisations excessives pour nombre d’entre eux41.
Sur ces constats s’est construite une offre de marché très étoffée d’assurances privées complémentaires. Le choix de l’une d’entre elles se base bien entendu sur un rapport coût/prestation, mais encore faut-il être en mesure de le mesurer correctement au vu de la complexité importante des conditions de garantie précisément définies au sein de ces contrats de droit privé42.
20037

Section II – La liberté et la responsabilité de l’arbitrage en matière de protection de l’entrepreneur

20038 – L’entrepreneur, un assuré hors système majoritaire. – Entreprendre consiste non seulement à prendre des risques, mais également à assumer les conséquences possiblement difficiles de choix forts. La protection sociale de l’entrepreneur répond très exactement à ce même théorème. L’entrepreneur sort d’un système majoritaire, totalement normé, et intègre un mécanisme plus individualisé.
20039 – Une première détente, accessible mais à faibles contreparties. – Le principe retenu, à juste titre, a été de proposer à l’entrepreneur une couverture très basique de ses risques, moyennant un coût relativement restreint, pour répondre au principe de protection universelle évoqué ci-dessus. Évidemment, cette couverture se montrera extrêmement faible, voire très lacunaire dans nombre de situations.
L’objectif de minimisation du coût « d’entrée » est cependant louable dans la mesure où il est fréquent que, pendant la phase de création de l’entreprise, le porteur de projet ne se verse que peu, voire pas de rémunération personnelle. Il serait alors illogique de le contraindre à cotiser à une assurance collective pour se protéger contre les risques de la vie, alors même que l’entreprise ne lui assure pas (ou peu) de moyens de subsistance.
20040 – Une seconde détente, à liberté et coûts étendus. – La strate supérieure évoquée ci-dessus est celle de l’assurance complémentaire et volontaire. Celle-ci va offrir au porteur de projet une gamme complète de produits personnalisés. Ainsi, il pourra librement faire le choix de souscrire, ou cotiser, pour s’assurer lui-même contre chaque catégorie de risque (maladie, incapacité, retraite). Cette liberté est fondamentale dans la mesure où elle doit apporter des réponses à un tableau à double entrée dans lequel figurent :

d’une part, les besoins réels de l’entrepreneur pour chacun de ses risques ;

et, d’autre part, le niveau de couverture nécessaire, lequel engendrera un coût immédiat pour l’associé ou l’entreprise elle-même.

Il est dès lors naturel que cette liberté de choix soit assortie d’un principe de responsabilité. L’entrepreneur dispose d’une vaste palette de prestations, à coûts concurrentiels et librement choisis. En cas de réalisation d’un risque, il profitera des éventuelles économies réalisées ou d’une couverture intéressante, mais pourra tout aussi bien être confronté à une situation délicate ou problématique s’il a fait le choix de minorer ses coûts, et donc sa couverture.
20041 – L’avantage indéniable de ce mécanisme. – En parallèle, l’avantage compétitif de ces deux strates réside dans le fait que la couverture « primaire » présente un coût assez restreint pour l’entreprise. Il pèsera donc un minimum sur le besoin en fonds de roulement et la nécessaire constitution d’une trésorerie d’exploitation hautement stratégique durant la phase de création.
Le mécanisme actuel peut donc être considéré comme vertueux puisqu’il correspond pleinement à l’état d’esprit de l’entrepreneur qui demeure avide de liberté dans ses choix personnels et de gestion, tout en le confrontant à sa responsabilité personnelle.

37) V. supra, nos 20007 et s.
38) La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques a établi en 2019 que le reste à charge des soins et biens médicaux est de 7 % du coût réel.
39) L. 17 janv. 1948, instaurant des régimes d’assurance spécifiques pour les non-salariés (artisans, commerçants, professions libérales).
40) Le minimum retraite des artisans commerçants s’établit en 2021 à 645,50 € par mois. Si le système de retraite des salariés est basé sur un système de répartition, celui des entrepreneurs se fait par capitalisation. Un rapprochement des deux serait dès lors à souhaiter, d’autant que le système par capitalisation contribue largement au financement même des entreprises, et permet de faire participer la collectivité à la création de valeur.
41) Les indépendants crient leur colère contre le RSI à Paris : L’Express 9 mars 2015.
42) La plupart des contrats de prévoyance excluent les affections dorsales (axe rachidien, atteintes vertébrales, etc.) ou psychiques (dépression, névrose, etc.).
43) Au 1er janvier 2020, la Sécurité sociale pour les indépendants (dite « SSI », après l’annonce en 2017 de suppression du RSI) est intégrée au sein du régime général de la Sécurité sociale.
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