Les composantes de la fraude

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les composantes de la fraude

La fraude nécessite, on le reverra (V. infra, n° ) la réunion de trois éléments :
  • un élément matériel ;
  • un élément intentionnel ;
  • un élément légal.
Dans l'affaire Princesse de Bauffremont, l'élément matériel qui avait été manipulé était est la nationalité, nationalité qui servait à l'application de la loi en matière de divorce.
Cette manipulation peut également concerner la résidence habituelle, ou encore la situation d'un bien meuble. Dans un espace de libre circulation aujourd'hui élargie, tant le déménagement que le déplacement des objets permettent facilement de modifier le critère de rattachement.
Deux remarques peuvent être apportées à ce sujet :
  • s'agissant de la loi applicable à l'immeuble, la manipulation ne sera pas possible, ou seulement indirectement ainsi que la jurisprudence Caron le révélera ;
  • s'agissant de la tentative de fraude en faisant une fausse déclaration de changement de résidence, elle sera inopérante.
Pour qu'il y ait fraude à la règle de conflit de loi, il faut que la manipulation ait eu lieu.
La jurisprudence Caron 1541345653173révèle un cas de manipulation du critère de rattachement en deux temps : une transformation d'un bien immeuble en meuble par un apport d'immeuble à une société civile immobilière (changement de qualification), pour qu'il y ait application du critère de rattachement de la succession mobilière à la loi du domicile du défunt, lequel domicile se trouvait aux États-Unis, pour éviter l'application de la réserve héréditaire française aux immeubles qu'il possédait.
Cette manipulation a également été condamnée par les juges.
La manipulation, pour les actes juridiques, peut consister dans le choix d'un lieu de passation pour éviter certaines règles de publicité.
Le changement d'un critère ne suffit pas, il faut la volonté d'empêcher la mise en œuvre de la loi en principe applicable.
L'intention de frauder doit être présente. Un changement de nationalité n'a rien de frauduleux en soi, si le but est d'être assimilé dans un pays que l'on veut sien. Dans l'affaire de la princesse de Bauffremont, le changement de nationalité avait été fait de manière très rapide et le retour dans le pays avait été quasi immédiat, signe d'un changement frauduleux. Il en est de même de l'affaire Caron. La constitution de société civile immobilière n'est en rien anormale ou frauduleuse, dès lors qu'elle a un but d'organisation patrimoniale ou d'optimisation fiscale. Alors que M. Caron n'avait changé la nature immobilière et donc la loi successorale que dans un seul but : celui d'éviter l'application d'une règle impérative française.
Pour que la fraude opère, il faut qu'une loi soit évincée.
La jurisprudence française, pendant longtemps, ne condamnait que la fraude à la loi française. Ainsi dans un arrêt Macini, un Italien avait pris la nationalité française uniquement pour divorcer, car sa loi personnelle (italienne) ne l'y autorisait pas. Les juges refusent de condamner cette manipulation et l'éviction de la loi étrangère en indiquant que « les tribunaux judiciaires ne peuvent apprécier la régularité et la valeur de l'acte du gouvernement français qui a prononcé la naturalisation ».
Par une première décision en date du 18 juin 1964, affaire De Gunzburg, la cour d'appel de Paris a sanctionné la manipulation d'une loi étrangère au profit d'une autre 1541359904796. Cette position est confirmée dans une affaire Giroux contre Dame Chartrand, rendue par la Cour de cassation, dans laquelle les juges ont condamné la fraude à la loi québécoise. En effet, M. Giroux, de nationalité québécoise, s'était rendu aux États-Unis pour obtenir un divorce que sa loi nationale ne lui permettait pas 1541360489687.
Dans un arrêt de principe, Société Lafarge 1541360956631, la Cour de cassation a définitivement adopté le principe de la fraude à la loi étrangère en énonçant qu'il « appartient au juge français de vérifier que les décisions étrangères qui sont soumises à son contrôle n'ont pas consacré une fraude à la loi, notamment en recherchant si les parties n'ont pas volontairement modifié le rapport de droit dans le seul but de le soustraire à la loi normalement compétente », sans faire de distinction entre loi française ou étrangère.