La reconnaissance des décisions étrangères en France et leur exécution
La reconnaissance des décisions étrangères en France et leur exécution
Au Moyen Âge, seul le souverain pouvait juger ses sujets, et par conséquent une décision étrangère concernant des sujets français ne pouvait pas être reconnue ni avoir d'effet en France. La maxime « Nul sujet de France ne peut être tiré de sa juridiction naturelle, nonobstant qu'il soit allé s'habituer hors du royaume » protégeait les prérogatives du souverain sur ses sujets. S'agissant des décisions étrangères prises au sujet d'étrangers, elles ne pouvaient être reconnues et produire d'effet qu'après une procédure de contrôle.
Historiquement, dans l'Ancien droit un jugement français n'avait autorité de plein droit que dans le ressort du Parlement qui l'avait rendu, et un jugement étranger n'avait aucune autorité de plein droit. La procédure de pareatis, décision rendue sur lettres rogatoires de la juridiction d'origine, par la chancellerie d'un Parlement (pareatis du Petit-Sceau) ou par la chancellerie de France (pareatis du Grand-Sceau) rendait le jugement français ou étranger exécutoire dans le ressort de l'autorité qui le délivrait
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Dans le contexte de mondialisation actuelle, les États ont le souci de régler de façon harmonieuse les relations internationales afin de ne pas les entraver. Ils cherchent, au moyen de leurs règles de droit international privé, à garantir aux citoyens une continuité dans leur situation juridique. Cela implique notamment d'accepter que des décisions étrangères puissent produire des effets dans leur ordre juridique étranger. Les effets peuvent être de deux natures. Il peut d'abord s'agir d'une simple reconnaissance d'une situation juridique créée par une décision étrangère, par exemple une personne pourra invoquer, en France, un jugement de divorce rendu à l'étranger pour se remarier. Aucune procédure ne sera imposée dans ce cas. Ensuite se pose la question de l'exécution proprement dite d'une décision étrangère. Il s'agit de la possibilité pour une partie de donner à la décision rendue à l'étranger une force exécutoire en France au moyen de la procédure d'exequatur.
Les principes de la reconnaissance et d'exécution des décisions étrangères ont été posés par la jurisprudence Münzer
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Les décisions judiciaires, lorsqu'elles émanent d'États qui ne sont pas membres de l'Union européenne, ou qui ne sont pas liés avec la France par des conventions, seront accueillies en France à la suite d'un contrôle dont le contenu est fixé par la jurisprudence Münzer. On observera que, même si les motifs de contrôle vont s'amenuisant, les règles de reconnaissance des décisions étrangères apparaissent moins libérales que les règles européennes, dans la mesure où il semble plus difficile d'y voir une communauté de droit.
L'étude se limitera aux décisions concernant les relations privées entre individus (les décisions répressives, fiscales, administratives… soit ne produisent pas d'effets en France, soit en produisent selon des procédures qui leur sont propres). Quelle que soit la nature de la juridiction ayant rendu la décision, dès lors que celle-ci concerne des relations privées, son efficacité en France sera recherchée.
L'efficacité des décisions étrangères en France n'a fait l'objet, pendant longtemps, que de peu de textes ; son régime était surtout de source jurisprudentielle (Section II). Depuis, les conventions internationales et les règlements européens ont pris une place déterminante, ne serait-ce qu'en raison de leur fréquence d'application, ce qui justifiera qu'ils soient étudiés en premier lieu (Section I).
Les conventions internationales et les règlements européens
L'Union européenne, à la recherche d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, a adopté un certain nombre de conventions fixant des règles concernant les effets des décisions judiciaires entre États membres. L'une des plus importantes a été la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, remplacée par le règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000, lui-même remanié et devenu le règlement Bruxelles I bis du 12 décembre 2012.
Pour aller plus loin
La jurisprudence
Dans le passé, à l'occasion de contentieux relevant de cette problématique, de très nombreuses décisions de justice opposant le contribuable français à l'administration fiscale exigeaient du contribuable qu'il prouve son assujettissement à l'impôt, en tant que résident dans le pays étranger dont il invoquait la convention. Cette exigence est illustrée par des arrêts concernant l'ancienne convention franco-britannique