Les conditions de la reconnaissance : la régularité

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les conditions de la reconnaissance : la régularité

L'arrêt Münzer fixe les cinq conditions pour que la décision étrangère soit régulière :
  • le jugement doit avoir été pris par un tribunal compétent ;
  • la procédure suivie devant ce tribunal doit être régulière ;
  • la loi doit être compétente au regard des règles de conflit françaises ;
  • le jugement doit être conforme à l'ordre public ;
  • et le jugement doit être pris sans fraude à la loi.
Deux conditions ont depuis été abandonnées. En premier lieu, le contrôle de la régularité de la procédure suivie à l'étranger a été abandonné par la Cour de cassation dans un arrêt Bachir 1543317911935. Ce critère posait la difficulté pour le juge français, d'une part de connaître la procédure étrangère pour vérifier sa régularité et, d'autre part de dire à son homologue étranger comment il aurait dû l'appliquer. Ce critère a été intégré dans la condition de conformité à l'ordre public et des droits de la défense.
En second lieu, le contrôle de la loi appliquée a été purement et simplement abandonné par la Cour de cassation dans un arrêt Cornelissen 1543318213627. Ce critère imposait au juge étranger d'appliquer la règle de conflit française pour déterminer la loi applicable (identité conflictuelle). À défaut, le jugement étranger ne pouvait pas être déclaré exécutoire. Ce critère avait déjà été assoupli par la technique du renvoi 1545648865556et par l'exception d'équivalence 1545648875844. Désormais, on met l'accent sur le conflit de juridictions et le contrôle de la compétence du juge étranger.
Il résulte de l'arrêt Cornelissen, ci-dessus cité, que l'accueil des décisions judiciaires étrangères appelle aujourd'hui de trois conditions : la compétence indirecte du juge étranger (§ I), la conformité de la décision étrangère à l'ordre public international (§ II), et l'absence de fraude (§ III).

La compétence indirecte du juge étranger

La décision étrangère n'est régulière que si elle a été rendue par un juge compétent. Cette compétence est appréciée au regard de la loi du for. On parle de compétence indirecte (lorsque le juge français est saisi d'une question au fond, on parle alors de compétence directe ; V. chapitre précédent).
Pour que le juge étranger soit régulièrement compétent, doit-on se fier aux règles de compétence françaises ? Il s'agirait donc de bilatéraliser nos règles de compétence. Le juge étranger sera régulièrement compétent si le juge français l'avait été dans la même situation. Si l'on répondait par la positive à cette question, cela nuirait à la circulation des décisions étrangères et aurait pour conséquence la perte pour les parties des droits acquis à l'étranger et l'obligation pour celles-ci de refaire leur procès.
Doit-on alors se fier aux règles étrangères ? Ici au contraire, il s'agirait d'un système unilatéral. Cela conduirait à accepter la décision prise par un juge malgré un lien très éloigné, voire inexistant avec le litige.
Face à cette situation, la Cour de cassation a fixé, dans un arrêt du 6 février 1985 rendu dans l'affaire Simitch 1545649080084, une règle autonome de compétence indirecte du juge étranger 1534164166970 : « Toutes les fois que la règle française de solution des conflits de juridictions n'attribue pas compétence exclusive aux tribunaux français, le tribunal étranger doit être reconnu compètent, si le litige se rattache d'une manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi, et si le choix de la juridiction n'a pas été frauduleux ».
Dès lors, pour que le juge étranger soit reconnu compétent, trois conditions sont requises : que les tribunaux français n'aient pas de compétence exclusive (A), que le litige ait un lien avec le pays étranger en question (B), et que la saisine ne soit pas frauduleuse (C).

Les tribunaux français ne doivent pas avoir une compétence exclusive

Lorsque les tribunaux français ont une compétence exclusive en vertu d'une règle de compétence directe, l'exequatur doit être refusé.
Pendant longtemps, la compétence exclusive du juge français a résulté de la nationalité française d'une des parties et était fondée sur les articles 14 et 15 du Code civil. L'arrêt Prieur, rendu par la Cour de cassation le 23 mai 2006, a mis fin à cette règle en décidant que « l'article 15 du Code civil ne consacre qu'une compétence facultative de la juridiction française, impropre à exclure la compétence indirecte d'un tribunal, dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l'État dont la juridiction est saisie et que le choix n'est pas frauduleux ». Dans un arrêt Fercométal rendu le 22 mai 2007, le juge a précisé que l'article 14 du Code civil n'ouvre au demandeur français qu'une simple faculté, et n'édicte pas une règle impérative, exclusive de la compétence indirecte d'un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n'est pas frauduleux. Le juge français pourra se déclarer incompétent en faisant jouer l'exception de litispendance 1543319176170internationale.
Les juges français ont une compétence exclusive en vertu de l'article 24 du règlement Bruxelles I bis, compétence fondée sur la matière (immobilier, questions relatives aux personnes morales ayant leur siège en France, validité des inscriptions sur les registres publics, inscription des brevets, marques…, et mesures d'exécution).
De la même manière, le juge français pourra être exclusivement compétent en vertu d'une clause attributive de juridiction licite conformément aux articles 25 ou 26 du règlement Bruxelles I bis.
La décision du juge étranger ne pourra pas être reconnue si la protection des parties faibles n'a pas été assurée 1545649389164.

Le litige doit avoir un lien avec le pays étranger

La Cour de cassation ne donne pas de précision à ce sujet. Ce lien est apprécié en fonction des circonstances et du litige. Ainsi, dans les arrêts Simitch et Prieur (ci-dessus cités), l'exigence est un lien caractérisé avec le pays du juge saisi.

Le choix du juge étranger ne doit pas être frauduleux

Les parties, ou l'une d'elles, pourront être tentées de saisir un juge étranger dans le but d'obtenir à l'étranger un jugement une décision différente de celle qui aurait été prise France. Ce recours, que l'on dénomme le forum shopping, a pour but non pas d'éluder une loi, mais d'éluder le jugement qu'on aurait obtenu en France, même si le contenu du jugement dépendra bien évidemment de la loi appliquée. L'objet de la fraude est bien le jugement, le changement de loi appliquée n'est que le moyen utilisé. Il faut cependant nuancer le propos. Le fait de changer volontairement de nationalité ou de pays pour obtenir un jugement étranger plus favorable n'est pas en soi frauduleux. La fraude exige un élément intentionnel, celui d'aller chercher devant un juge étranger une décision pour qu'elle prenne effet en France alors que par une saisine directe du juge français, la solution n'aurait pas été la même.
La fraude peut consister en la manipulation d'un facteur de rattachement avec une juridiction étrangère. Une jurisprudence abondante concerne les divorces. L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 2 octobre 1984 1534234382282illustre bien ce cas. Rappelons les faits. Un couple marié, tous deux de nationalité américaine et vivant à New York, décident d'un commun accord de fixer fictivement leur résidence aux îles Vierges, uniquement pour obtenir un divorce plus rapidement que dans leur État. Leur divorce est prononcé en 1952. Puis monsieur se remarie en France et par la suite demande l'annulation de son mariage pour bigamie. Les juges refusent de reconnaître le divorce prononcé en statuant que : « La saisine de l'accord des deux époux, d'une juridiction, qui n'était pas compétente, avait été artificielle et frauduleuse et que la loi appliquée au fond, (…) n'avait en vertu de la règle de conflit française aucun titre à régir la dissolution du mariage ». Ici, la fraude ne concernait pas les tribunaux français et l'intention initiale n'était pas d'invoquer le jugement de divorce en France, mais incidemment la fraude au jugement étranger a été constatée par les juges français.
C'est dans le même sens que la cour a refusé de reconnaître le divorce des époux Lemaire 1534234187164, domiciliés à Paris, et qui étaient allés obtenir leur divorce devant le tribunal de Port-au-Prince en application de la loi haïtienne. Cette loi, plus favorable que la loi française, permettait de divorcer après trois années de séparation.
Ces deux arrêts illustrent non seulement le contrôle des juges sur la saisine frauduleuse d'un juge étranger, mais également sur la loi choisie par cette juridiction incompétente. Le premier critère permettait la non-reconnaissance de la décision, le cumul du second paraît inutile 1534234098904.
La saisine d'une juridiction étrangère dont le seul but est d'échapper à l'exécution d'une décision française est également considérée comme frauduleuse. Ainsi, dans une affaire Senoussi en date du 1er mars 1988 1534236089072, la Cour de cassation annule l'arrêt de la cour d'appel de Douai qui avait déclaré recevable le jugement de divorce des époux Senoussi prononcé en Algérie, sans rechercher si le choix de la juridiction algérienne n'avait pas été frauduleux et n'avait pas été fait dans le seul but d'échapper aux conséquences du jugement français qui avait condamné M. Senoussi à contribuer aux charges du mariage.
Il en de même lorsque le juge étranger est saisi dans le but de faire échec à une saisie antérieure du juge français. Dans un arrêt en date du 20 juillet 2012 1534248613025, les juges ont rejeté le pourvoi de M. Harfouche, lequel reprochait au juge français de ne pas reconnaître l'autorité de chose jugée attachée au jugement de divorce qu'il avait obtenu en Algérie, et de déclarer recevable l'action de son ex-épouse en contribution aux charges du mariage. En l'espèce, les juges ont estimé qu'il y avait eu fraude. M. Harfouche, qui vivait depuis une dizaine d'années en France, avait quitté le domicile familial et avait saisi le juge algérien d'une demande en divorce pour échapper à une condamnation au versement d'une contribution aux charges du mariage pouvant intervenir suite à la requête déposée par son épouse et dont il avait accusé réception.
Les juges se sont prononcés pour une absence de fraude dans un arrêt rendu le 12 juillet 2017 1534239091616. La décision des juges français avait été annulée au moment de la saisie du juge étranger.
Il résulte d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 2014 1534171773390que l'existence d'un lien de rattachement entre le litige et le juge étranger saisi n'exclut pas la fraude.

La conformité de la décision à l'ordre public international

Pour être reconnu en France, le jugement étranger doit être conforme à l'ordre public. L'exception d'ordre public est soulevée par le juge lorsque l'application ou la reconnaissance du jugement étranger risque de perturber notre ordre juridique, car son contenu heurte nos conceptions dominantes du droit 1534398458922.
La décision étrangère ne respectant pas l'ordre public du for sera simplement évincée. Il n'y aura pas de jugement de substitution comme en matière de conflit de lois où la loi étrangère contraire à l'ordre public est évincée pour être remplacée par la loi française.
Il n'y a pas de définition précise de la conception française de l'ordre public 1534398654112.
Dans un arrêt Lautour 1545348286793, les juges de la Cour de cassation s'étaient référés aux « principes de justice universelle considérés dans l'opinion française comme doués de valeur internationale absolue ». Dans un arrêt plus récent, rendu le 8 juillet 2010 en matière d'adoption, la Cour de cassation caractérise l'ordre public par référence aux « principes essentiels du droit français » 1545348254470. Il s'agit de protéger la personne humaine, ses droits au regard des principes existant dans la société dans laquelle elle vit.
La conception de l'ordre public peut avoir un caractère évolutif. Prenons pour exemple l'égalité des filiations. Jusqu'à la loi du 3 janvier 1972, un enfant naturel avait moins de droits qu'un enfant légitime, ainsi le modèle familial était protégé. La loi de 1972 a posé le principe d'égalité de l'enfant légitime avec l'enfant naturel, mais pas avec l'enfant adultérin. La société protégeait ainsi l'époux ou l'épouse bafoué(e). L'ordonnance du 4 juillet 2005 (faisant suite à la loi du 4 mars 2002) a posé le principe de l'égalité de filiation, qui fait partie aujourd'hui de notre ordre public international.
Cette contrariété peut exister par son contenu (« ordre public de fond ») (A), ou par son mode d'élaboration (« ordre public de procédure ») (B) 1534396347072.

Contenu de la loi étrangère conforme à l'ordre public : ordre public de fond

La loi étrangère appliquée ne doit pas contrevenir aux valeurs substantielles françaises. À défaut de définition précise de la notion de « valeurs françaises », les solutions jurisprudentielles délimitent le contour de cette notion. Les juges n'appliquent pas le même degré de contrariété à l'ordre public lorsqu'il s'agit de reconnaître des droits acquis à l'étranger ou de créer des droits en France. La décision ayant déjà créé des droits à l'étranger, sera moins perturbatrice en France.
Dans un arrêt Rivière 1543322915189, la Cour de cassation opère cette distinction : « La réaction à l'encontre d'une disposition contraire à l'ordre public n'est pas la même suivant qu'elle met obstacle à l'acquisition d'un droit en France ou suivant qu'il s'agit de laisser se produire en France les effets d'un droit acquis, sans fraude, à l'étranger ». On parle désormais de l'« effet atténué » de l'ordre public qui vise l'hypothèse dans laquelle les droits acquis à l'étranger vont produire effet en France, par opposition à l'« effet plein » de l'ordre public auquel les juges feront référence lorsqu'il s'agira de créer des droits en France non encore acquis a l'étranger.
Ainsi la Cour de cassation a, dans un arrêt rendu le 3 janvier 1980 Cass. 1re civ., 3 janv. 1980, n° 78-13.762. , jugé que l'ordre public international ne fait pas obstacle à l'acquisition des droits en France sur le fondement d'un mariage polygamique valablement célébré à l'étranger, alors que ce mariage étant interdit en France. Les mêmes juges, dans un arrêt rendu le 6 juillet 1988 Cass. 1re civ., 6 juill. 1988, n° 85-12.743. , « s'oppose[nt] à ce que le mariage polygamique contracté à l'étranger par celui qui est encore l'époux d'une Française produise ses effets à l'encontre de celle-ci ».
La jurisprudence est dense, surtout en matière de divorce et d'égalité entre époux.
Ainsi, plusieurs arrêts rendus le 17 février 2004 1543324285369refusent de reconnaître les décisions de répudiation obtenues en Algérie et au Maroc. En effet, ces décisions qui constatent une répudiation unilatérale du mari sont contraires au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu tant par les textes français que par les textes européens Conv. EDH, Prot. n° 7, art. 5. , et donc contraires à l'ordre public international.
Dans ces arrêts, les juges ont introduit une condition de proximité avec la France (soit la nationalité, soit la domiciliation par l'une ou les deux parties). La tolérance des droits acquis à l'étranger est limitée dès lors qu'il existe un lien avec la France.
Les juges ont réaffirmé à de multiples reprises cette contrariété à l'ordre public après l'entrée en vigueur du nouveau Code de la famille marocain (Moudawana) de 2004, lequel a accru les pouvoirs de l'épouse, sans toutefois parvenir à une égalité entre époux 1543325295281.
Dans un arrêt rendu le 25 mai 2016 1545650871994, les juges ont affirmé que le fait pour l'épouse « de solliciter et d'obtenir de la juridiction étrangère une augmentation du don de répudiation ne saurait être considéré comme un acquiescement sans équivoque au jugement étranger constatant une répudiation unilatérale par le mari », et « même si elle résulte d'une procédure loyale et contradictoire, la décision d'une juridiction étrangère constatant une répudiation unilatérale par le mari », est contraire au principe d'égalité des époux et donc contraire à l'ordre public.
La Cour de cassation avait déjà refusé de reconnaître la répudiation sur un autre fondement. En effet, dans un arrêt en date du 16 juillet 1992 1534407353144, la cour a jugé que la loi marocaine, qui ne prévoit ni prestation compensatoire, ni pension alimentaire pour l'épouse, ni dommages-intérêts pour celle-ci en cas de divorce, est contraire à l'ordre public français. Ainsi, elle reconnaît un ordre public alimentaire.
La Cour de cassation a également érigé en principe essentiel l'égalité parentale au regard de l'autorité sur les enfants 1543325612307. S'agissant du droit à la filiation, les lois étrangères qui prohibent l'établissement du lien de filiation ne sont en principe pas contraires à l'ordre public international 1534362023535, mais une loi qui priverait un enfant français ou résidant habituellement en France du droit d'établir sa filiation le sera. Cette solution a été reprise dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 octobre 2011 1543325686745.
La question de la filiation adoptive suscite de nombreuses questions. Quid des pays qui interdisent l'adoption ? Dans un arrêt en date du 15 décembre 2010 1543325810836, les juges décident que l'interdiction de l'adoption par le droit algérien n'est pas contraire à l'ordre public, dès lors qu'existe la kafala 1534400848007. La question de l'établissement de la filiation adoptive à l'égard des parents de même sexe se pose également. Il convient de rappeler que le mariage entre personnes de même sexe ayant été autorisé par la loi du 17 mai 2013, dite loi « Taubira », l'adoption de l'enfant de son conjoint est devenue possible, mais également toute autre adoption puisque l'adoption suppose seulement le fait d'être marié.
La Cour de cassation a également érigé, dans un arrêt rendu le 31 mai 1991, relatif aux conventions de mères porteuses, le principe d'indisponibilité de l'état des personnes en principe d'ordre public international français. La convention de mère porteuse passée et exécutée en France contrevient au principe d'indisponibilité du corps humain et à celui de l'indisponibilité de l'état des personnes. La Cour avait déjà refusé de faire produire des effets au regard de la filiation à la gestation pour autrui conduite à l'étranger, par trois arrêts rendus le 6 avril 2011 1543326292465, sur le fondement du principe de l'indisponibilité de l'état des personnes comme principe essentiel du droit français. La convention de gestation est frappée par une nullité d'ordre public et le lien de filiation en découlant ne pourra être établi. L'intérêt supérieur de l'enfant ne peut contrevenir à ce principe d'ordre public.
Les principes essentiels en droit français comprennent également le principe de proportionnalité de la sanction pécuniaire. La proportionnalité de sanction pécuniaire est analysée au regard du patrimoine du débiteur ou par rapport au montant de la condamnation principale 1534410517010.

Procédure suivie à l'étranger conforme à l'ordre public : ordre public de procédure

Le jugement étranger ne sera pas reconnu en France si la procédure n'a pas respecté certains principes, principes qui sont fondamentaux en France et qui sont érigés au rang de principe d'ordre public. L'arrêt Bachir 1545651085753confirme la solution de l'arrêt Munzer de 1964 (sus-cité). La procédure suivie doit être régulière, et la régularité de la procédure devant le juge étranger « doit s'apprécier uniquement par rapport à l'ordre public international français et au respect des droits de la défense ». Les règles de la conduite du procès sont fixées par le Code de procédure civile et complétées par la jurisprudence de la Cour de cassation. Le jugement doit avoir été élaboré dans le respect des garanties fondamentales de la procédure, du principe de motivation et du principe du droit d'accès au juge.
La procédure doit respecter les garanties fondamentales de la procédure.
Les principes directeurs du procès sont prévus aux articles 1er et suivants du Code de procédure civile. Les parties doivent introduire l'instance, en fixer l'objet par leur prétention en fait, et respecter le contradictoire et les droits de la défense.
La procédure doit également respecter les principes édictés par la Convention européenne des droits de l'homme, laquelle a une valeur supra-législative, ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 6, § 1 de ladite convention édicte des conditions pour que le procès soit équitable : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial… ».
Ces principes ont été rappelé tant par la jurisprudence de la Cour de cassation que celle de la Cour européenne.
Le principe du contradictoire renvoie à l'idée d'une confrontation écrite ou orale entre parties opposées. Ce principe est, pour certains, au cœur de l'élaboration du jugement, et pour d'autres fait partie des droits de la défense. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 6 juin 1990 1543326537946, a refusé de reconnaître la répudiation prononcée au Maroc au motif que la procédure suivie devant les autorités marocaines n'avait pas permis à l'épouse de faire valoir ses prétentions ou ses défenses1534419864050.
Pour que la procédure soit régulière,j le juge étranger doit avoir motivé sa décision. Ainsi, dans un arrêt en date du 17 mai 1978 1534421067185, le juge a décidé qu'« est contraire à la conception française de l'ordre public international la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante ». Le jugement qui n'a pas été motivé ne pourra pas être complété par les documents après la date de la saisine du juge 1534421452555, ces documents devant déjà exister à cette date. Cette solution a été réaffirmée par la Cour de cassation dans un arrêt NML Capital du 28 mai 2014 1543326674132, dans lequel elle a estimé que le juge américain avait motivé sa décision condamnant la République d'Argentine et que par conséquent elle n'était pas contraire à notre ordre public et pouvait donc recevoir l'exequatur.
Cette procédure, pour être régulière, doit également avoir respecté le principe d'accès au juge. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt 1543327153667opposant l'État d'Israël à la société National Iranian Oil Company (NIOC). Les juges ont considéré que le droit d'accès au juge pour une personne ayant conclu une convention d'arbitrage était le droit d'accès à l'arbitre, que ce principe relevait de l'ordre public international et était consacré tant par les principes de l'arbitrage international que par l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. L'impossibilité d'accéder au tribunal arbitral a été jugée comme constitutive d'un déni de justice et justifiait l'intervention du juge français dès lors qu'un lien avec la France existait.
S'ajoutent également à ces décisions les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme, sur la base de l'article 6, § 1, de la Convention du même nom, qui consacre le « droit au procès équitable »1534425080727.

L'absence de fraude

Pour que le jugement étranger puisse être reconnu, le jugement ne doit pas avoir été obtenu frauduleusement. L'absence de fraude est une des conditions édictées par les arrêts Cornelissen et Munzer.
Il existe deux types de fraude :
  • la fraude aux droits de l'une des parties par l'autre dans le cadre de l'élaboration du jugement, qui est sanctionnée par le principe d'ordre public procédural, étudié ci-avant ;
  • la fraude à l'égard du pays dont la loi ou les tribunaux sont compétents.

La fraude à la loi

La fraude au jugement

L'une ou les deux parties saisissent les tribunaux étrangers pour obtenir un jugement qu'elles n'auraient pas pu avoir auprès de la juridiction normalement compétente. Ce point a déjà été étudié (V. supra, nos et s.).