Les règles de compétence

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les règles de compétence

Le juge français se reconnaît internationalement compétent par référence aux règles de compétence internes françaises (A) et également par des règles particulières liées à l'élément d'extranéité (B).

Les règles ordinaires internes transposées ou adaptées

Les règles ordinaires de compétence sont fondées sur les liens territoriaux et figurent dans le Code de procédure civile. Ces règles désignent les tribunaux compétents en France. Comme il n'y a pas ou peu de règles de compétence françaises relatives à des situations internationales, on applique les règles internes de compétence territoriale étendues à l'ordre international en application des jurisprudences Pelassa 1530368576331et Scheffel 1530438317701.
Ces règles s'appliquent sans distinction de la nationalité.
La transposition de ces règles (I) au niveau international doit être nuancée. D'une part, leur transposition ne peut pas être totale, la compétence internationale désignant l'ordre juridictionnel français dans son ensemble et non un tribunal en particulier. D'autre part, la compétence internationale est une règle unilatérale : elle ne peut désigner que le juge français. Quelquefois ces règles auront besoin d'être adaptées (II).

Les règles transposées

L'article 42 du Code de procédure civile pose un principe général de compétence : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger ».
Si le défendeur est une personne physique, le tribunal compétent est celui de son domicile ou de sa résidence ; si le défendeur est une personne morale, le tribunal compétent est celui où la personne est établie.
Transposée au niveau international, cette règle attribue la compétence au juge français à chaque fois que le défendeur est domicilié ou réside en France. Pour la notion de domicile, il convient de se référer à la définition posée par l'article 102 du Code civil : « Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement » 1543081484146.
La transposition concerne également les règles de compétence dérivées. Ainsi, le juge compétent pour un litige au niveau international sera également compétent pour les demandes connexes à celui-ci 1543082169391, ou les demandes incidentes 1543082287821.

Les règles adaptées

Le demandeur pourra saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur ainsi qu'il est prévu par la règle générale, une autre juridiction en fonction de la matière du litige ainsi qu'il est prévu à l'article 46 du Code de procédure civile :
  • en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de services : au niveau international, chaque fois qu'il y aura une livraison en France ou l'exécution d'une prestation de services en France, le juge français sera compétent ;
  • en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi : au niveau international, chaque fois que le fait dommageable sera en France ou que le dommage sera subi en France, le juge français sera compétent ;
  • en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble : de la même manière au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l'immeuble sera situé en France ;
  • en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier : le domicile ou la résidence du créancier en France donnera compétence internationale au juge français.
En matière d'actions réelles immobilières, l'article 44 du Code de procédure civile attribue compétence à la juridiction du lieu de situation de l'immeuble. Au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l'immeuble objet du litige sera situé sur le territoire français.
En matière de successions, l'article 45 du Code de procédure civile donne compétence pour toute demande par les héritiers, les créanciers du défunt ou toute demande relative à l'exécution des dispositions à cause de mort à la juridiction dans le ressort de laquelle la succession a été ouverte.
Au niveau international, les tribunaux français sont compétents pour les successions mobilières à chaque fois que la succession sera ouverte en France et pour les successions immobilières lorsque l'immeuble sera situé en France. Désormais, pour toutes les successions ouvertes à partir du 17 août 2015, il y aura lieu d'appliquer le règlement européen n° 650/12 qui prévoit dans son article 4 : « Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».
En revanche, il ne faut pas étendre à l'ordre international les dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile concernant les clauses attributives de juridiction, qui répute non écrite toute clause de ce type, sauf si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes la qualité de commerçant. La Cour de cassation renverse ce principe en matière internationale, posant le principe que « les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites » 1530369177069.
En matière de saisie et de mesures conservatoires, seul le juge du pays sur le territoire duquel la mesure doit être exécutée est compétent 1545569415402.
En effet, en vertu du droit international public, un juge français ne peut exercer de contrainte sur un territoire étranger sauf convention internationale ou règlement européen lui donnant ce pouvoir. Cette interdiction est fondée sur le principe d'indépendance et de souveraineté de chaque État.
Il ressort de l'arrêt Lotus 1530858247093, rendu par la Cour permanente de Justice internationale, dans un contexte antérieur à la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, que les juridictions turques étaient fondées à juger le capitaine du navire Le Lotus à cause des dommages subis par le navire turc le Boz Kurt et son équipage, car il n'existe pas de règle en droit international relative aux cas d'abordage, qui réserverait les poursuites pénales à la compétence exclusive de l'État. Tout ce qui n'est pas expressément interdit est par nature autorisé.
Un juge pourra cependant exercer une contrainte sur un territoire étranger si une convention internationale ou européenne le permet. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt du 21 janvier 2016, est venue valider la procédure de saisie conservatoire engagée par l'administration fiscale française sur un compte bancaire ouvert auprès d'une banque espagnole prise en conformité du règlement européen n° 665/2014 créant une procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires applicable depuis le 18 janvier 2017.
Dans le cadre d'une mesure de contrainte exercée en France, le juge français ne peut apprécier le fond du litige et ne peut se prononcer sur l'existence même de la créance, sauf si sa compétence est fondée sur une autre règle 1529155729554.
Il y a lieu de nuancer les contraintes possibles sur le territoire français. Aucune action venant de l'étranger n'est possible si elle concerne un service public ; en effet, cette compétence appartient exclusivement aux tribunaux français.

Les règles propres au droit international

En dehors des règles qui existent en droit interne, il existe deux cas où la compétence internationale du juge français peut être retenue : le premier pour tenir compte d'une nécessité ou d'une urgence (I) et le second pour les demandes destinées à ordonner l'exécution d'une décision étrangère (II).

Le for de nécessité

En l'absence de règles spécifiques, les tribunaux français peuvent être compétents au niveau international par nécessité ou compte tenu d'une urgence.
La nécessité (ou « for de nécessité ») est fondée sur la volonté d'éviter un déni de justice, et pour cela deux conditions doivent être remplies : aucun juge étranger ne doit avoir accepté de connaître le litige, et il faut un lien suffisant avec la France 1529157083883. Quant à l'urgence, la compétence internationale des tribunaux français permet de protéger les personnes ou les biens d'un péril. Cette compétence peut être analysée comme une mesure provisoire et conservatoire.

La demande d'exécution d'une décision étrangère

Les tribunaux français sont internationalement compétents pour connaître d'une demande destinée à ordonner l'exécution en France d'une décision prononcée par un tribunal étranger.