Le droit jurisprudentiel français s'applique en l'absence d'un texte spécifique (règlement ou traité). Considération faite du règlement Bruxelles I bis et de la convention de Lugano, les tribunaux français seront compétents lorsque le défendeur sera domicilié dans un État tiers à l'Union européenne et en dehors de l'Islande, la Norvège et la Suisse, sauf existence d'une clause attributive de juridiction. Les tribunaux français retrouveront leur compétence même en présence d'une clause attributive de juridiction lorsque celle-ci désignera un État tiers à l'Union européenne et en présence de compétences exclusives prévues à l'article 24 du règlement Bruxelles I bis.
Le droit jurisprudentiel français
Le droit jurisprudentiel français
Les tribunaux français sont aujourd'hui, sauf exception, compétents à l'égard de toute personne.
De l'Ancien Régime jusqu'à la Révolution, la compétence directe des tribunaux français a été déterminée soit par la nationalité, soit par le domicile. Pour les révolutionnaires, la justice nationale n'était ouverte qu'aux Français, c'était une question de souveraineté. Ce principe d'incompétence à l'égard des étrangers était néanmoins assorti de nombreuses exceptions.
Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt de 26 novembre 1828 Harris de Wolmar, a considéré qu'un étranger pouvait être assigné devant les tribunaux français. Il faut rappeler les faits : M. Wolmar, de nationalité anglaise, installé en France, conclut avec le gouvernement français plusieurs marchés pour la fourniture de grains aux troupes françaises. MM. Harris, négociants anglais, vendent des grains à M. Wolmar à Paris, en s'obligeant à livrer sur Rouen. MM. Harris paient une partie du prix et exercent des saisies-arrêts entre les mains des débiteurs de M. Wolmar. Ces saisies-arrêts leur sont dénoncées avec assignation devant le tribunal de la Seine. M. Wolmar décline la compétence des tribunaux français en se fondant sur le fait que MM. Harris sont de nationalité anglaise. Le tribunal de la Seine se déclare incompétent puisqu'il n'y a pas de Français en cause. MM. Harris font appel. La cour confirme le tribunal de la Seine. Ils se pourvoient en cassation. La cour casse l'arrêt rendu par la Cour royale de Paris du 15 avril 1825 en considérant qu'il s'agit, dans la cause, d'un acte de commerce, que la marchandise était livrable à Rouen, que le paiement déjà effectué pour partie devait avoir lieu à Paris, et que l'article 420 du Code de procédure permet d'assigner le débiteur dans le lieu ou la promesse a été faite sans distinction entre les étrangers et les Français. La compétence des tribunaux français a été également retenue, en matière commerciale, dans le cas où le défendeur avait un domicile de fait
1528623113809.
Une seconde étape est franchie avec l'arrêt Patino
1543068512726rendu par la Cour de cassation le 21 juin 1948, lequel pose le principe de la compétence des tribunaux français pour connaître des litiges touchant les étrangers. Principe définitivement consacré par la Cour de cassation dans les arrêts Pelassa du 19 octobre 1959
1543056757541et Scheffel du 30 août 1962
1543056817926, avec la formule suivante : l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises dont, d'autre part, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne.
Et enfin la Cour de cassation, dans un arrêt Lefaitrendu le 27 juillet 1948
1543056868141affirme que « les étrangers jouissent en France des droits qui ne leur sont pas spécialement refusés ». Sauf dispositions contraires, il en est de même pour les sociétés étrangères qui bénéficient des mêmes droits que les sociétés françaises.
Les étrangers qui saisissent les tribunaux français ne sont plus obligés, depuis la loi du 9 juillet 1975, de verser la caution judicatum solvi. Cette pratique consistait, lorsqu'un étranger saisissait les tribunaux français, à lui demander le versement d'une caution pour couvrir les éventuels dommages et intérêts auxquels ce dernier pourrait être condamné. Cette pratique a été condamnée par la Cour de cassation dans un arrêt Pordéa du 16 mars 1999
1543057131690en tant qu'elle contrevenait au droit pour chacun d'accéder au juge chargé de statuer sur sa prétention consacré par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour ayant refusé l'exequatur d'une décision étrangère ayant imposé une telle caution comme contraire à l'ordre public international.
Toute personne ayant des liens avec la France peut ainsi accéder à la justice et d'obtenir une solution rapide et sûre sans craindre un déni.
Ainsi les tribunaux français sont compétents au niveau international, d'une part par extension des règles de compétence interne (§ I), et d'autre part par les privilèges de juridiction (§ II). Les règles de compétence internationale peuvent être écartées par des dispositions contractuelles (§ III).
Les règles de compétence
Le juge français se reconnaît internationalement compétent par référence aux règles de compétence internes françaises (A) et également par des règles particulières liées à l'élément d'extranéité (B).
Les règles ordinaires internes transposées ou adaptées
Les règles ordinaires de compétence sont fondées sur les liens territoriaux et figurent dans le Code de procédure civile. Ces règles désignent les tribunaux compétents en France. Comme il n'y a pas ou peu de règles de compétence françaises relatives à des situations internationales, on applique les règles internes de compétence territoriale étendues à l'ordre international en application des jurisprudences Pelassa
1530368576331et Scheffel
1530438317701.
Ces règles s'appliquent sans distinction de la nationalité.
La transposition de ces règles (I) au niveau international doit être nuancée. D'une part, leur transposition ne peut pas être totale, la compétence internationale désignant l'ordre juridictionnel français dans son ensemble et non un tribunal en particulier. D'autre part, la compétence internationale est une règle unilatérale : elle ne peut désigner que le juge français. Quelquefois ces règles auront besoin d'être adaptées (II).
Les règles transposées
L'article 42 du Code de procédure civile pose un principe général de compétence : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux. Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger ».
Si le défendeur est une personne physique, le tribunal compétent est celui de son domicile ou de sa résidence ; si le défendeur est une personne morale, le tribunal compétent est celui où la personne est établie.
Transposée au niveau international, cette règle attribue la compétence au juge français à chaque fois que le défendeur est domicilié ou réside en France. Pour la notion de domicile, il convient de se référer à la définition posée par l'article 102 du Code civil : « Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement »
1543081484146.
La transposition concerne également les règles de compétence dérivées. Ainsi, le juge compétent pour un litige au niveau international sera également compétent pour les demandes connexes à celui-ci
1543082169391, ou les demandes incidentes
1543082287821.
Les règles adaptées
Le demandeur pourra saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur ainsi qu'il est prévu par la règle générale, une autre juridiction en fonction de la matière du litige ainsi qu'il est prévu à l'article 46 du Code de procédure civile :
- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de services : au niveau international, chaque fois qu'il y aura une livraison en France ou l'exécution d'une prestation de services en France, le juge français sera compétent ;
- en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi : au niveau international, chaque fois que le fait dommageable sera en France ou que le dommage sera subi en France, le juge français sera compétent ;
- en matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l'immeuble : de la même manière au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l'immeuble sera situé en France ;
- en matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier : le domicile ou la résidence du créancier en France donnera compétence internationale au juge français.
En matière d'actions réelles immobilières, l'article 44 du Code de procédure civile attribue compétence à la juridiction du lieu de situation de l'immeuble. Au niveau international, le juge français sera compétent lorsque l'immeuble objet du litige sera situé sur le territoire français.
En matière de successions, l'article 45 du Code de procédure civile donne compétence pour toute demande par les héritiers, les créanciers du défunt ou toute demande relative à l'exécution des dispositions à cause de mort à la juridiction dans le ressort de laquelle la succession a été ouverte.
Au niveau international, les tribunaux français sont compétents pour les successions mobilières à chaque fois que la succession sera ouverte en France et pour les successions immobilières lorsque l'immeuble sera situé en France. Désormais, pour toutes les successions ouvertes à partir du 17 août 2015, il y aura lieu d'appliquer le règlement européen n° 650/12 qui prévoit dans son article 4 : « Sont compétentes pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'État membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ».
En revanche, il ne faut pas étendre à l'ordre international les dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile concernant les clauses attributives de juridiction, qui répute non écrite toute clause de ce type, sauf si elle a été convenue entre des personnes ayant toutes la qualité de commerçant. La Cour de cassation renverse ce principe en matière internationale, posant le principe que « les clauses prorogeant la compétence internationale sont en principe licites »
1530369177069.
En matière de saisie et de mesures conservatoires, seul le juge du pays sur le territoire duquel la mesure doit être exécutée est compétent
1545569415402.
En effet, en vertu du droit international public, un juge français ne peut exercer de contrainte sur un territoire étranger sauf convention internationale ou règlement européen lui donnant ce pouvoir. Cette interdiction est fondée sur le principe d'indépendance et de souveraineté de chaque État.
Il ressort de l'arrêt Lotus
1530858247093, rendu par la Cour permanente de Justice internationale, dans un contexte antérieur à la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, que les juridictions turques étaient fondées à juger le capitaine du navire Le Lotus à cause des dommages subis par le navire turc le Boz Kurt et son équipage, car il n'existe pas de règle en droit international relative aux cas d'abordage, qui réserverait les poursuites pénales à la compétence exclusive de l'État. Tout ce qui n'est pas expressément interdit est par nature autorisé.
Un juge pourra cependant exercer une contrainte sur un territoire étranger si une convention internationale ou européenne le permet. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt du 21 janvier 2016, est venue valider la procédure de saisie conservatoire engagée par l'administration fiscale française sur un compte bancaire ouvert auprès d'une banque espagnole prise en conformité du règlement européen n° 665/2014 créant une procédure d'ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires applicable depuis le 18 janvier 2017.
Dans le cadre d'une mesure de contrainte exercée en France, le juge français ne peut apprécier le fond du litige et ne peut se prononcer sur l'existence même de la créance, sauf si sa compétence est fondée sur une autre règle
1529155729554.
Il y a lieu de nuancer les contraintes possibles sur le territoire français. Aucune action venant de l'étranger n'est possible si elle concerne un service public ; en effet, cette compétence appartient exclusivement aux tribunaux français.
Les règles propres au droit international
En dehors des règles qui existent en droit interne, il existe deux cas où la compétence internationale du juge français peut être retenue : le premier pour tenir compte d'une nécessité ou d'une urgence (I) et le second pour les demandes destinées à ordonner l'exécution d'une décision étrangère (II).
Le for de nécessité
En l'absence de règles spécifiques, les tribunaux français peuvent être compétents au niveau international par nécessité ou compte tenu d'une urgence.
La nécessité (ou « for de nécessité ») est fondée sur la volonté d'éviter un déni de justice, et pour cela deux conditions doivent être remplies : aucun juge étranger ne doit avoir accepté de connaître le litige, et il faut un lien suffisant avec la France
1529157083883. Quant à l'urgence, la compétence internationale des tribunaux français permet de protéger les personnes ou les biens d'un péril. Cette compétence peut être analysée comme une mesure provisoire et conservatoire.
La demande d'exécution d'une décision étrangère
Les tribunaux français sont internationalement compétents pour connaître d'une demande destinée à ordonner l'exécution en France d'une décision prononcée par un tribunal étranger.
Les privilèges de juridiction
L'immunité juridictionnelle
L'immunité de juridiction est un privilège qui fait échapper une personne physique (I), un État (II) ou une organisation internationale (III) à la compétence des tribunaux étrangers. Lorsqu'une personne bénéficiant de cette immunité est poursuivie devant les tribunaux du for, les juridictions de celui-ci ne peuvent en principe pas la juger sauf si la personne renonce elle-même à son immunité. Ce privilège n'a pas été considéré comme contraire au principe du procès équitable consacré à l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour de Strasbourg a estimé que le demandeur garde la possibilité de poursuivre cette personne devant ses propres juridictions.
La Cour de cassation a d'ailleurs confirmé cette immunité en statuant ainsi : « Le crime dénoncé, quelle qu'en soit la gravité, ne relève pas des exceptions au principe de l'immunité de juridiction des chefs d'État étrangers en exercice »
1530868634243.
Cette immunité est fondée sur une coutume de courtoisie internationale et sur la nécessité de maintenir des relations diplomatiques entre les États.
Les personnes bénéficiant d'une immunité
Les souverains et les chefs d'État ne peuvent être traduits devant les juridictions étrangères tant qu'ils sont en fonction.
Dans un arrêt du 19 janvier 2010, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme l'annulation des mandats d'arrêt délivrés à l'encontre du Premier ministre et du ministre des Forces armées du Sénégal tous deux en fonction, au moment du naufrage du navire Joola au large des côtes gambiennes, ledit navire battant pavillon sénégalais, jugeant que la mission du navire était une mission de service public non commercial, que le navire avait le statut de navire militaire et que « la coutume internationale qui s'oppose à la poursuite des États devant les juridictions pénales d'un État étranger s'étend aux organes et entités qui constituent l'émanation de l'État ainsi qu'à leurs agents en raison d'actes qui (...) relèvent de la souveraineté de l'État concerné ».
Il en est de même des agents diplomatiques, lesquels bénéficient également de l'immunité juridictionnelle. La Convention de Vienne du 18 avril 1961
1529756535492, entrée en vigueur en 1971, fixe les principes des immunités des missions diplomatiques. Cette immunité s'étend au conjoint ainsi qu'aux enfants mineurs de l'agent diplomatique, sous réserve que l'État l'ayant accrédité n'ait pas renoncé à l'immunité.
Toute personne accréditée par l'État est protégée par cette immunité. Ces personnes sont les ambassadeurs, les conseillers et les attachés d'ambassade.
Les États
Les immunités de juridiction
Un État bénéficie d'une immunité de juridiction devant les juridictions étrangères, lesquelles ne pourront ainsi prendre ni jugement ni acte d'exécution sur leurs biens.
Jusqu'au début du XX
e siècle, l'immunité des États était absolue
1529768401313. Alors qu'un particulier ne pouvait pas poursuivre un État étranger devant les juridictions françaises, l'État étranger pouvait toujours poursuivre une personne privée. Cette immunité est fondée sur le principe de souveraineté d'un État : un souverain ne peut pas juger un autre souverain. Il faut rappeler que pour qu'il y ait un État souverain selon les règles du droit international public, il faut la réunion de trois conditions : un territoire, une population et un gouvernement. La non-reconnaissance n'est pas en elle-même un obstacle à l'immunité, une reconnaissance de fait est suffisante. Chaque État fixera donc sous quelles conditions cette immunité va pouvoir être soulevée. En France, l'immunité est consacrée par la jurisprudence.
Dans un arrêt aujourd'hui ancien, la Cour de cassation a admis la saisie-arrêt contre la Représentation commerciale des Soviets, organisme représentant l'Union soviétique au motif que cet organisme « faisait des actes de commerce auxquels le principe de souveraineté des États demeure étranger »1529763296626. Les tribunaux, qui avaient une appréciation subjective de l'immunité comme fondée, ont désormais une appréciation objective comme fondée sur l'activité exercée par la personne mise en cause. L'immunité juridictionnelle devient donc relative. Les tribunaux pourront, si les actes concernés ne sont pas des actes de puissance publique, juger l'état ou son émanation.
Ainsi, dans un arrêt en date du 25 février 1969
1530617656271qui oppose l'administration des chemins de fer du gouvernement iranien à la société Levant Express Transport, la Cour de cassation délimite les contours de cette immunité : « Les États étrangers et les organismes agissant pour leur ordre ou pour leur compte ne bénéficient de l'immunité de juridiction qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l'intérêt d'un service public » et que par conséquent l'activité de transport même ferroviaire pouvait donc constituer un acte de commerce qui n'est pas subordonné à un acte de souveraineté ; cette administration pouvait donc être jugée. Cette solution a été reprise de multiples fois
1529770608111.
Les deux critères de cet arrêt, à savoir acte de puissance publique ou accompli dans l'intérêt d'un service public, a été maintes fois rappelé en droit du travail.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 20 juin 2003
1529771596008, la Cour a considéré que l'État saoudien ne pouvait bénéficier de cette immunité, n'ayant pas déclaré une enseignante de l'école saoudienne de Paris au régime français de protection sociale. Cette déclaration constituait un acte de gestion administrative non couvert par l'immunité.
L'État algérien a été condamné de la même manière dans un arrêt en date du 21 janvier 2016
1531047613572. Deux salariés du consulat d'Algérie à Montpellier ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir des rappels de salaire et une résiliation judiciaire de leur contrat de travail. L'État algérien ayant soulevé alors l'incompétence des tribunaux français pour immunité, la cour a considéré que les tâches effectuées « ne conféraient aux salariés aucune responsabilité particulière dans l'exercice du service public consulaire ni prérogative de puissance publique, de sorte que les actes litigieux relatifs aux conditions de travail et à l'exécution du contrat constituaient des actes de gestion excluant l'application du principe d'immunité de juridiction ».
La Cour de cassation confirme de nouveau sa position sur le même fondement en condamnant l'État italien
1530873606457.
Les règles d'immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ont été codifiées par une convention en date du 2 décembre 2004 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies. Celle-ci n'est pas encore entrée en vigueur
1530616385881.
Les immunités d'exécution
Les États bénéficient non seulement d'une immunité de juridiction, mais également d'exécution. Les biens appartenant aux États ne peuvent être saisis, car cela porterait atteinte à l'indépendance matérielle de l'État. En France, cette immunité peut être levée si les biens saisis sont affectés à l'activité économique ou commerciale de droit privé et si la créance doit tenir son origine de la même activité économique ou commerciale
1529772425077. Dans un arrêt en date du 1er octobre 1985
1529775736868, la Cour de cassation pose une présomption d'affectation à une activité de souveraineté pour les biens appartenant à un État. Ces biens sont en principe insaisissables sauf à prouver qu'ils ont été affectés à une activité économique ou commerciale de droit privé. La cour opère une distinction de régime avec les biens appartenant à des organismes publics. S'agissant des biens appartenant aux organismes publics et affectés à une activité relevant du droit privé, le créancier n'aura pas l'obligation de prouver que l'origine de la créance qui fonde la saisie est la même activité de droit privé que celle à laquelle est affecté le patrimoine dans lequel se trouve le bien saisi.
L'immunité d'exécution a été codifiée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 (loi « Sapin 2 ») aux termes des articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d'exécution.
Avant toute mesure conservatoire ou mesure d'exécution forcée sur un bien appartenant à un État étranger, il faut une autorisation préalable du juge
1545570100960.
L'article L. 111-1-2 du même code fixe les conditions dans lesquelles le juge pourra autoriser la mesure conservatoire ou l'exécution forcée sur un bien d'un État étranger :
- lorsque l'État concerné a expressément consenti à l'application d'une telle mesure ;
- lorsque l'État concerné a réservé ou affecté ce bien à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de la procédure ;
- lorsqu'un jugement ou une sentence arbitrale a été rendu contre l'État concerné et que le bien en question est spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par ledit État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretient un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée. Sont notamment considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État à des fins de service public non commerciales, les biens suivants :
La renonciation à l'immunité
Qu'il s'agisse d'une immunité de juridiction ou d'exécution, l'État peut y renoncer. La renonciation à l'immunité doit non seulement être expresse, mais aussi spéciale
1545570196057, ainsi qu'il résulte de l'article L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d'exécution. Cet article, qui ne concerne en principe que les seules mesures d'exécution mises en œuvre après l'entrée en vigueur de la loi, va être appliqué par les juges au litige existant, pour reprendre les termes de la décision citée : « compte tenu de l'impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des États et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires ».
L'immunité des organisations internationales
Une organisation internationale (OI) est une personne morale de droit public fondée par un traité international par des États ou des organisations internationales afin de coordonner une action sur un sujet déterminé dans les statuts. Elle bénéficie à ce titre d'une immunité de juridiction et d'exécution. En effet, cette immunité est nécessaire pour le bon fonctionnement de la mission qui lui est confiée, et évite l'ingérence des États.
Cette immunité figure soit dans l'acte constitutif de l'organisation
1531065443255, soit dans une convention générale sur les privilèges et immunités de l'organisation
1531065515742, soit dans un accord de siège conclu entre l'organisation internationale et un État
1531065728741.
Comment concilier cette immunité avec le droit pour toute personne à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial prévu par la Convention européenne des droits de l'homme (art. 6, § 1) et par le Pacte relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations unies (art. 14, § 1) ?
Pour bénéficier de l'immunité juridictionnelle, l'organisation internationale doit avoir prévu un mécanisme de recours spécifique pour ses salariés. Si tel est le cas, les salariés ne pourront saisir les juridictions françaises.
Les articles 14 et 15 du Code civil
Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, l'article 14 du Code civil énonce que l'étranger, même non-résident en France, pourra être cité devant les tribunaux français pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français. Il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français, et l'article 15 du Code civil énonce qu'un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.
Ce privilège, fondé sur la nationalité, permet à un demandeur ou à un défendeur français, en l'absence de tout lien avec la France, de saisir les tribunaux français. Ce principe a été consacré par l'arrêt Société Cognac and Brandies rendu en 1985 par la Cour de cassation
1534860084333.
Le domaine d'application des articles 14 et 15 du Code civil
Le domaine d'application ratione personae
Les articles 14 et 15 du Code civil s'appliquent dès lors que l'un des plaideurs a la nationalité française. La compétence des tribunaux français est fondée sur ce seul critère juridique : la nationalité française, et non sur les droits nés des faits litigieux, ainsi qu'en ont décidé les juges dans un arrêt La Métropole en date du 21 mars 1966
1545570309498. Lorsque la cour a décidé que c'est la nationalité des ayants cause et non de leur auteur qui doit être prise en considération pour l'application de ces textes.
Le plaideur peut être une personne physique ou morale. Dès lors qu'elle possède la nationalité française, les tribunaux français pourront être saisis.
Cette nationalité doit être existante lors de l'introduction de l'instance, à la date de l'assignation
1545570342520.
La saisie des tribunaux français fondée sur ce critère de nationalité ne doit pas résulter de la cession d'une créance faisant l'objet d'un litige devant un tribunal étranger, tribunal déjà saisi par le cédant ou dont le cédant a déjà accepté la compétence. Par cette décision rendue dans une affaire Garrett, les juges condamnent la saisine frauduleuse des tribunaux français par collusion entre le cédant et le cessionnaire
1534868174826.
Le domaine d'application ratione materiae
Les articles 14 et 15 du Code civil visent les obligations contractées par ou envers des Français. Mais la jurisprudence a généralisé, dans un arrêt rendu en 1970 Weiss
1545570400001, le privilège de juridiction aux actions patrimoniales et extrapatrimoniales. Par ce même arrêt, les juges ont exclu de l'application de ce privilège de juridiction les actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger, ainsi que les demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France
1534874145854. Ces deux exclusions sont fondées sur le critère de la souveraineté de l'État de situation du bien et de la procédure à exécuter.
Les caractéristiques du privilège des articles 14 et 15 du Code civil
Un caractère subsidiaire
Le privilège de nationalité ne peut être invoqué que si la compétence des tribunaux français ne peut résulter d'aucun autre texte. Ce caractère subsidiaire a été consacré par l'arrêt Cognac and Brandies susvisé. Il convient, en premier lieu, d'appliquer les règles de compétence de droit commun, puis, en second lieu, les privilèges des articles 14 et 15 du Code civil.
Ces articles s'effacent devant des clauses d'attribution de compétence.
Un caractère facultatif
Les articles 14 et 15 du Code civil laissent une possibilité (une dernière) de saisir les tribunaux français, et non une obligation. Cette faculté est consacrée par les arrêts Prieur du 23 mai 2006 et Fercométal du 22 mai 2007. La personne bénéficiaire de ce privilège pourra saisir le tribunal de son choix. Néanmoins, la jurisprudence a posé des contours à cette liberté : le choix doit correspondre soit à l'existence d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, soit aux exigences de bonne administration de la justice. Ce tribunal pourra être celui de son domicile, celui proche d'une frontière, soit un tribunal parisien.
Le plaideur français, demandeur ou défendeur, pourra renoncer respectivement à l'application des articles 14 ou 15 du Code civil, ces textes n'étant pas reconnus d'ordre public. Cette renonciation peut être expresse (clause contractuelle, clause attributive de juridiction, clause compromissoire) ou tacite (action introduite à l'étranger par ses soins, ou acceptée par lui).
Le caractère facultatif exclut l'obligation pour le juge d'appliquer ces textes d'office.
Lorsque le juge est saisi, il doit vérifier que le plaideur a bien la nationalité française. Sa compétence ne peut pas faire obstacle à la compétence du juge étranger si le litige se rattache de manière caractérisée à l'État du juge étranger saisi, et que ce dernier a été saisi sans fraude. Le privilège de juridiction (C. civ., art. 15 en l'espèce) pose un principe de compétence directe, sans incidence sur la compétence indirecte. Ainsi en ont décidé les juges dans l'arrêt Prieur. Ce principe a été étendu à l'article 14 dans l'arrêt Fercométal. En dehors de cette hypothèse, le juge français saisi ne peut refuser sa compétence
1534878951572.
En présence d'un litige pour lequel aucun tribunal ne reconnaît sa compétence, le juge français peut, afin d'éviter le déni de justice
1545570512736, accepter sa compétence à titre exceptionnel et subsidiaire.
Il faut rappeler qu'en tout état de cause, le règlement Bruxelles I bis autorise un demandeur domicilié sur le territoire de l'Union européenne à invoquer à l'encontre d'un défendeur domicilié hors de l'Union européenne les règles de compétence exorbitantes prévues par la législation du pays de son domicile, quelle que soit sa nationalité. Les ressortissants des États tiers domiciliés sur le territoire de l'Union européenne bénéficient également de ce privilège lié au domicile. La convention de Lugano de 2007 prévoit une règle similaire (art. 4-2). Le règlement Bruxelles II bis renvoie au droit commun des États membres lorsqu'aucune juridiction d'un État membre n'est compétente, et donne ainsi la possibilité aux privilèges de juridiction de s'exercer.
Les clauses conventionnelles
Les parties peuvent anticiper la naissance d'un litige et convenir d'une clause attributive de juridiction (A) ou d'une clause d'arbitrage (B), écartant ainsi les règles de compétence internationales.
Les clauses attributives de juridiction
Par une
disposition
insérée dans leur contrat, les parties désignent la juridiction qui sera compétente en cas de litige. Il s'agit d'une « clause d'élection de for » ou « clause attributive de compétence » ou encore « clause de prorogation volontaire de compétence ».
Les parties anticipent, au moyen de cette clause, l'insécurité qui peut naître de l'incertitude sur le juge compétent et sur le droit applicable. En effet, plusieurs juridictions peuvent être compétentes pour régler un même litige et les réponses qu'elles donneront peuvent être différentes. La clause attributive de juridiction évince l'application des règles internationales de compétence du juge et désigne la juridiction qui semble la plus appropriée pour les parties pour régler tout litige éventuel. Cette clause permet d'éviter que l'une ou l'autre des parties ait recours au forum shopping (course au tribunal).
Ce choix peut être expliqué par la recherche d'une neutralité, donc un juge d'un État tiers à ceux des parties, ou d'une expertise particulière (les juges anglais sont souvent choisis en matière maritime). Son utilisation est fréquente en matière contractuelle, plus rare en matière extracontractuelle.
Malgré l'utilité indéniable de cette clause, une partie de la doctrine n'admettait pas sa validité, en arguant que les règles de conflit de juridiction sont impératives au même titre que les règles de conflit de lois et sont une émanation de la souveraineté de l'État. Cette position était notamment celle de Bartin
1545570567145. Le souci n'est-il pas une bonne justice procédurale de droit privé dans l'intérêt des justiciables et non la puissance de l'État ? L'État autorise les parties à modifier conventionnellement la compétence de ses organes, mais en limitant cette liberté en présence de règles impératives ou de lois de police
1534969860087.
Son utilisation est largement admise par la jurisprudence française en matière contractuelle, et ce depuis l'arrêt Mardelé
1534930263422. La clause attributive a été acceptée plus difficilement et tardivement par les pays de common law, et aux États-Unis pour la première fois dans un arrêt The Bremen, rendu en 1972
1534970342507.
Sa pratique a été confortée juridiquement par la convention de Bruxelles (art. 17), le règlement Bruxelles I (art. 23), le règlement Bruxelles I bis (art. 25) et par la Convention de La Haye du 30 juin 2005 sur les clauses exclusives d'élection de for. Ainsi, le droit commun ne s'appliquera qu'en l'absence d'application du droit de l'Union européenne et du droit conventionnel.
Sa validité (I) ainsi que ses effets (II) seront ci-après étudiés.
Il est fréquent que les établissements bancaires proposent des clauses attributives de juridiction dans leurs conditions générales. Ces clauses ne reçoivent pas toujours l'attention qu'elles méritent dans la mesure où, d'une part, elles ne sont le plus souvent pas mises en œuvre, et d'autre part, lorsqu'elles le sont, c'est d'une manière différée : les parties ne pensent pas toujours à se projeter dans l'hypothèse de leur application.
Pourtant, il est essentiel pour une meilleure sécurité des parties de maîtriser au mieux la prévisibilité, et donc l'identification de la juridiction qui pourrait avoir à interpréter et statuer sur l'exécution du prêt.
L'identification du juge compétent peut s'avérer décisive en cas de litige dans un contexte international, tant la détermination du for peut avoir d'impact sur la loi applicable et donc l'issue du litige.
Loin de la clause de style, la clause attributive de juridiction, aussi appelée clause « d'élection de for » est un enjeu majeur du contrat, sur lequel le notaire se doit d'attirer l'attention des parties.
Or, la désignation d'une juridiction compétente est soumise à un corps de règles qu'il faut bien connaître (Section I), ce qui permettra de distinguer selon que l'on envisage la compétence de la juridiction d'un État membre soit de l'Union européenne, soit de la convention de Lugano (Section II), ou d'un État tiers (Section III).
Les conditions de validité
La validité de la clause doit être appréciée par le pays dont les juridictions ont été désignées, donc la loi du for. On peut prendre pour exemple la désignation de la compétence des juridictions françaises. Cette clause permettra donc d'étendre la compétence de la juridiction française qui n'était peut-être pas compétente et de restreindre la compétence de la juridiction étrangère qui aurait été normalement compétente. En réalité, la désignation impacte dans notre cas les juridictions de deux États. Les deux juridictions des deux États peuvent se déclarer compétentes. Il s'agira alors d'un conflit positif : le demandeur choisira la juridiction. Lorsqu'aucune juridiction des deux États ne se reconnaît compétente, il s'agit d'un conflit négatif. Ce cas est plus gênant. Le juge normalement compétent et qui s'est vu restreindre doit se reconnaître compétent sous peine de déni de justice.
Les conditions de validité sont déterminées par le droit applicable à la convention d'arbitrage. La jurisprudence française, dans un arrêt Hecht de la cour d'appel de Paris du 19 juin 1970, confirmé par la Cour de cassation
1535112228761, valide la clause compromissoire insérée dans un contrat international alors qu'elle était interdite en droit interne. Les juges ont consacré, dans l'arrêt Dalico de 1993
1535113483325, le principe selon lequel l'existence et l'efficacité d'une clause compromissoire s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. La cour exclut ainsi toute approche conflictuelle pour déterminer le régime applicable à la clause compromissoire.
La cour indique qu'en vertu d'une règle matérielle du droit international de l'arbitrage, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence, et que son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique. La clause compromissoire est donc valable dès lors qu'elle a été voulue par les parties et qu'elle n'est pas contraire à l'ordre public international français ; nul besoin d'autres règles
1535115164008.
La validité de la clause compromissoire ne pourra être compromise par celle du contrat principal puisqu'elle revêt un caractère autonome. Ce principe d'autonomie, consacré de longue date dans un arrêt Gosset du 7 mai 1963 (« L'accord compromissoire, qu'il soit conclu séparément ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait, présente toujours, sauf circonstances exceptionnelles, une complète autonomie juridique, excluant qu'il puisse être affecté par une éventuelle invalidité de cet acte »), a maintes fois été repris par les juges.
L'article 1447 auquel renvoie l'article 1506 du Code de procédure civile prévoit le même principe : « La convention d'arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte. Elle n'est pas affectée par l'inefficacité de celui-ci ». Ainsi, dans un arrêt en date de 2005
1545571302160, les juges ont statué « qu'en application du principe de validité de la convention d'arbitrage et de son autonomie en matière internationale, la nullité non plus que l'inexistence du contrat qui la contient ne l'affectent ».
Lorsque la clause compromissoire est nulle, conformément à l'article 1447, alinéa 2 du Code de procédure civile, elle est réputée non écrite.
La Convention de New York du 10 juin 1958, pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, reconnaît cinq cas de refus de reconnaissance d'une sentence arbitrale : l'incapacité des parties, l'invalidité de la convention d 'arbitrage, la méconnaissance des procédures régulières, un différend non visé par la convention d'arbitrage, l'incompétence du tribunal arbitral.
Il est également prévu deux cas dans lesquels le tribunal peut d'office refuser de reconnaître ou d'exécuter la sentence arbitrale : l'inarbitrabilité et la contrariété à l'ordre public.
Les conditions de fond
Les conditions de fond classiques (consentement, capacité…) ne seront pas rappelées, renvoyant à la loi choisie par les parties. En cas de contestation sur l'accord donné à la clause, la loi du contrat s'appliquera. S'agissant de la licéité, celle-ci s'apprécie au regard des lois françaises ci-après étudiées.
On peut rappeler qu'au niveau interne, les articles 41 et 48 du Code de procédure civile énoncent des conditions de validité.
L'article 41 permet aux parties de convenir, lorsque le litige est né, « que leur différend sera jugé par une juridiction, bien que celle-ci soit incompétente en raison du montant de la demande ».
L'article 48 dispose : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».
La clause attributive de juridiction ne permet pas une totale liberté de choix quant à la juridiction, il faut respecter les ordres de juridiction.
La pleine connaissance exige une rédaction claire et précise. Ainsi, la Cour de cassation a annulé un jugement validant une clause attributive lisible et explicite. Les juges exigent en plus une typographie rendant la clause très apparente
1530959309339. Pour que la clause attributive de compétence à un tribunal incompétent en raison du montant soit valable, il faut donc que le litige soit né, et que la désignation de la juridiction soit postérieure.
Pour que la clause attributive de compétence à un tribunal territorialement incompétent soit valable, il faut un contrat entre commerçants, une désignation préalable, une rédaction claire et très apparente.
Au niveau international, dans un arrêt Compagnie de signaux et d'entreprises électriques en date du 17 décembre 1985
1530960420871, la Cour de cassation s'est prononcée pour la licéité de cette clause lorsqu'il s'agit d'un litige international et que cette prorogation ne fait pas obstacle à une compétence territoriale impérative d'une juridiction française.
Pour que cette clause soit valable, il faudra vérifier :
- la loi du tribunal qui est évincé, loi du for ; dans l'espèce ci-dessus la loi française, pour statuer sur le caractère licite ou pas de l'éviction ;
- la loi du tribunal qui est désigné par la clause ; dans l'espèce ci-dessus la loi libyenne, pour vérifier la licéité de la désignation ;
- et la loi du contrat dans lequel la clause est insérée.
Il ressort de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 octobre 2018 que, pour être valable, la clause attributive de compétence doit répondre à un objectif de prévisibilité, soit en renvoyant à une règle de compétence en vigueur dans un État membre, soit en donnant des éléments objectifs suffisamment précis pour identifier la juridiction qui pourrait être saisie.
S'agissant de la validité au regard de la loi française, la clause attributive ne doit pas porter atteinte aux règles de compétence protectrices des parties faibles en matière d'assurance ou de contrat de travail, et également aux règles de compétence exclusive en matière immobilière.
Dans un arrêt en date du 12 février 2016 qui opposait M. Frédéric Durand à Facebook Inc., les juges qualifient d'abusive la clause attributive de compétence au profit des juridictions californiennes et la réputent donc non écrite sur le fondement de l'article R. 132-2 du Code de la consommation, lequel présume abusives les clauses ayant pour objet « de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur ».
La clause attributive de compétence est interdite dans les litiges relatifs à l'état des personnes et, conformément à l'article 93 du Code de procédure civile, le juge pourra se déclarer incompétent.
En matière patrimoniale, les clauses attributives de compétence au profit d'un tribunal étranger sont valables même dans le cas d'un litige relevant d'une loi de police française. Ainsi en a décidé la Cour de cassation dans une affaire Monster Cable
1545570866017. Le statut des lois de police change selon qu'elles sont des lois de police du for ou de l'État étranger. Le juge doit appliquer les lois de polices du for, mais peut appliquer les lois de police étrangères. Par ailleurs, les clauses compromissoires ou les clauses attributives de juridiction rédigées sous la forme « tout litige né du contrat » et désignant une juridiction étrangère permettent d'échapper à l'application de dispositions impératives constitutives de lois de police de l'article L. 442-6 du Code de commerce. La Cour de cassation vient à nouveau de confirmer sa position dans deux arrêts des 24 novembre 2015
1534956226926et 18 janvier 2017
1531039841056, pour des contentieux relevant du règlement Bruxelles I (art. 23)
N'est-ce pas normal puisque l'application éventuelle d'une loi de police relève de la question de la détermination de la loi applicable ? Or, on doit d'abord déterminer le juge compétent avant toute chose. Et si le juge retient la loi française, la question de la loi de police pourra être soulevée
1531041374605. En tout état de cause, la clause attributive de compétence est autonome par rapport à la convention principale et reste valable même si le contrat est nul
1534957203489.
La validité de la clause d'arbitrage est soumise aux conditions classiques de validité de tout acte juridique, notamment au regard du consentement et de la capacité. Cette capacité est en principe vérifiée par rapport à la loi personnelle de la personne, soit sa loi nationale. La convention de New York, comme d'autres droits en matière d'arbitrage, applique la méthode conflictuelle pour refuser de reconnaître ou d'exécuter une sentence arbitrale lorsque les parties étaient « en vertu de la loi à elles applicable, frappées d'une incapacité ».
Mais, dans un arrêt le 24 février 2005, dans une affaire qui concernait les pouvoirs du représentant d'une personne morale, les juges ont conclu qu'un « principe de capacité fondé sur la croyance légitime dans les pouvoirs des représentants se déduit du principe de validité de la convention d'arbitrage pour mettre un terme aux comportements contraires à la bonne foi », mettant peut-être fin à la solution susvisée et créant peut-être une règle matérielle.
La clause d'arbitrage ne peut pas être utilisée pour toutes les matières, on parle ainsi d'inarbitrabilité. On ne peut compromettre que sur des droits dont on a la libre disposition
1535873494417. L'article 2060 du Code civil dispose ainsi : « On ne peut compromettre sur les questions d'état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ».
Même si les clauses d'arbitrage ne sont pas prohibées en matière de contrat de consommation et de contrat de travail international, leur effet est limité. La clause compromissoire insérée dans un contrat de consommation sera considérée comme abusive en droit interne. Les juges protègent par cette sanction la partie faible qui ne pourrait pas recourir à l'arbitrage du fait de son coût. Ces mêmes juges ont admis leur validité lorsque les clauses d'arbitrage sont insérées dans un contrat de consommation international
1535874680622. En matière de contrat de travail international, la clause compromissoire n'est pas nulle, mais ne pourra pas être opposée au salarié qui a régulièrement saisi les juridictions françaises
1535875172444.
Le partenariat n'obéit pas aux mêmes règles que le mariage. En matière de mariage en effet, si les conditions de forme sont soumises à la loi du lieu de célébration du mariage, les conditions de fond relèvent de la loi nationale des époux : il s'agit de conditions relevant du statut personnel
1536674982448.
S'agissant du partenariat, l'article 515-7-1 du Code civil n'établit pas cette distinction.
Les conditions de fond relèvent donc par principe de la loi de l'enregistrement. Mais certaines conditions de fond sont tellement liées à la personne des partenaires qu'elles doivent être exclues de cette loi.
Le notaire rencontrera donc des situations où il appliquera la loi de l'État de l'enregistrement sans difficulté (A) et d'autres où il devra l'écarter (B).
Les articles 8, alinéa 1er de la convention de Rome et 10, alinéa 1er du règlement Rome I sont rédigés de manière identique : « L'existence et la validité du contrat ou d'une disposition de celui-ci sont soumises à la loi qui serait applicable en vertu de la présente Convention [le présent Règlement] si le contrat ou la disposition étaient valables. »
En d'autres termes, la loi désignée par la convention ou le règlement est applicable alors même qu'elle annule le contrat. Cette solution a le mérite d'éviter « le cercle vicieux » consistant à dire, lorsqu'il y a choix de la loi applicable, qu'aucune loi ne peut être déclarée applicable tant que le contrat n'a pas été reconnu valable.
La loi du contrat s'applique à toutes les questions d'existence et de validité au fond du contrat. Elle s'applique donc au consentement, à l'objet et à la cause du contrat.
En ce qui concerne l'objet, la loi du contrat doit cependant se concilier avec la loi qui gouverne le bien ou les prérogatives sur lesquels portent certains contrats. Ainsi, s'agissant d'un contrat portant sur un immeuble, la lex rei sitae devra être consultée, pour un contrat portant sur des droits sociaux, c'est la lex societatis qui devra être prise en compte, et pour un contrat portant sur des droits de propriété intellectuelle, ce sera la loi applicable à ce droit qui devra être examinée.
Par ailleurs, dans leur alinéa 2, les articles 8 de la convention de Rome et 10 du règlement Rome I posent une règle spéciale au consentement : pour établir qu'elle n'a pas consenti, une partie peut se référer à la loi de sa résidence habituelle s'il résulte des circonstances qu'il ne serait pas raisonnable de déterminer l'effet du comportement de cette partie d'après la loi prévue au paragraphe 1. Un large pouvoir d'appréciation est laissé aux juges du fond pour apprécier ces circonstances, qui devront prendre en compte les relations préexistantes entre les parties, les usages habituels, etc.
En revanche, la capacité est exclue du champ d'application tant du règlement que de la convention. Celle-ci relève donc des règles de conflit nationales. En France, les incapacités générales d'exercice relèvent de la loi nationale de l'individu. Ainsi, pour déterminer si un contractant est mineur ou majeur interdit, il faut consulter sa loi nationale, sans se fier à la loi du contrat qu'il a conclu, ni à la loi réelle immobilière quand le contrat porte sur un immeuble. La même solution s'impose pour une personne dont la déficience mentale ou psychologique n'a pas été détectée et judiciairement traitée, la Cour de cassation ayant jugé que « l'insanité d'esprit et la démence constituent en réalité des cas d'incapacité naturelle soumis à la loi personnelle, et non à la loi régissant les actes juridiques incriminés »
1546004624960.
La jurisprudence a cependant apporté un correctif à l'application de la loi nationale : un contrat échappe à l'annulation découlant de l'incapacité d'une partie en vertu de la loi étrangère applicable lorsque le cocontractant français pouvait « sans légèreté, sans imprudence et avec foi » ignorer cette incapacité
1546004657983. Cette règle a été reprise par la convention de Rome (art. 11) et le règlement Rome I (art. 13) : une personne physique capable de contracter selon la loi du lieu de conclusion ne peut invoquer son incapacité selon une autre loi que si, au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part. Mais, en pratique, l'excuse de l'ignorance légitime trouvera peu à s'appliquer car, lorsqu'un contrat revêt une certaine importance, la prudence commande justement au cocontractant de s'informer sur la loi personnelle de son partenaire étranger.
Lorsqu'on se trouve en présence d'une personne morale, sa capacité et les pouvoirs de ses dirigeants appartiennent à la lex societatis qui correspond, en droit français, à la loi du pays où se trouve le siège social.
Les conditions de forme
Les conditions de forme sont déterminées par la règle de droit commun : les parties peuvent adopter les règles de forme du lieu de la signature de l'acte ou la loi qui régit l'acte quand au fond.
La clause attributive doit être écrite et plus encore, ainsi qu'il a été dit au a) ci dessus, elle doit faire l'objet d'une rédaction claire et précise et d'une typographie rendant la clause très apparente pour qu'elle soit admise.
L'article 1507 du Code civil dispose que la convention d'arbitrage n'est soumise à aucune condition de forme.
Le rattachement des conditions de forme à la loi de l'enregistrement pose moins de difficultés.
Les personnes pouvant procéder à l'enregistrement sont :
- depuis le 1er novembre 2017 : les officiers d'état civil ;
- les notaires ;
- à l'étranger : les consuls.
La possibilité pour le notaire de procéder à l'enregistrement d'un pacte civil de solidarité résulte de la loi du 28 mars 2011 et du décret du 20 août 2012.
Ainsi, si l'un des partenaires est de nationalité étrangère, le pacs est enregistré en France si sa résidence est en France ; si l'un des partenaires est Français et si la résidence commune est à l'étranger, le pacs peut être enregistré auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises
1544154211521.
– Publicité en marge de l'acte de naissance. – L'article 513-3-1 du Code civil prévoit qu'il est fait mention en marge de l'acte de naissance de la déclaration du pacte civil de solidarité :
- pour les étrangers nés en France : la publicité se fera auprès du service central de l'état civil de Nantes ;
- pour les étrangers nés à l'étranger : l'information sera portée auprès du service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères à Nantes 1540891925001.
C'est à ce même greffe qu'il conviendra de s'adresser avant la conclusion du pacte pour obtenir un certificat attestant que l'étranger n'est pas déjà lié par un pacte civil de solidarité.
Le notaire et l'établissement d'un pacs en présence d'un ressortissant étranger
Lorsque le notaire établit un contrat de pacs, l'un des partenaires peut être de nationalité étrangère. Dans ce cas, des documents particuliers devront être sollicités :
Il est précisé que, s'agissant de la résidence, les futurs partenaires devront déclarer avoir une résidence commune sans avoir à justifier de titres de séjour réguliers.
Formalité postérieure
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 515-3-1.">1543070279261</sup> : mention du pacs sur un registre tenu par le service central d'état civil du ministère des Affaires étrangères (Nantes).
L'article 9 de la convention de Rome et l'article 11 du règlement Rome I posent les règles permettant de déterminer la loi applicable à la forme du contrat. L'objectif dans les deux cas est de favoriser la validité formelle du contrat.
Lorsque le contrat a été conclu entre des personnes qui se trouvent dans le même pays, le contrat est valable quant à la forme s'il satisfait aux conditions de forme de la loi qui le régit au fond en vertu de la convention ou du règlement ou de la loi du pays dans lequel il a été conclu.
Lorsque le contrat a été conclu entre des personnes qui ne se trouvent pas dans le même pays, la solution est plus libérale, et encore plus libérale dans le règlement que dans la convention. Dans la convention, il suffit que la forme respecte soit la loi du contrat, soit l'une des lois de l'un des États où se trouvent les contractants lors de la conclusion du contrat ; le règlement ajoute la loi du pays dans lequel l'une ou l'autre des parties avait sa résidence habituelle à ce moment-là.
En cas de changement de la loi applicable au fond postérieurement à la conclusion du contrat, ce changement ne peut en aucun cas affecter la validité formelle du contrat.
En cas de dépeçage du contrat, c'est-à-dire d'application de plusieurs lois au fond du contrat, il est préconisé « d'appliquer la loi de fond applicable à la partie du contrat à laquelle la condition de forme litigieuse se rattache le plus étroitement »
1546004728021. Si cela s'avère impossible parce que la condition de forme litigieuse affecte l'ensemble du contrat, la favor negotii devrait conduire à retenir celle des lois en présence qui valide le contrat en la forme
1546004774061.
Des règles spécifiques sont prévues par ailleurs pour certains contrats. Pour les contrats de consommation qui entrent dans le champ d'application de l'article 5 de la convention et 6 du règlement, la forme est impérativement soumise à la loi du pays de résidence habituelle du consommateur. Et pour les contrats portant sur un immeuble, on l'a vu, les dispositions impératives de la loi du pays où l'immeuble est situé interviennent si, selon cette loi, elles s'appliquent indépendamment du lieu de conclusion du contrat et de la loi le régissant au fond.
Les effets de la clause
La clause attributive de juridiction donne compétence aux tribunaux d'un État. Cette clause peut être plus précise et désigner le tribunal au sein de l'ordre juridictionnel.
Une tierce personne assignée comme codéfendeur ou comme intervenant forcé, mise en cause dans un litige international, peut invoquer la clause d'attribution juridictionnelle pour éviter de comparaître devant les tribunaux français, alors que cela n'est pas possible en droit interne car les dispositions de l'article 333 du Code de procédure civile paralysent les effets d'une telle clause.
Le juge saisi d'une demande fondée sur l'urgence ou le péril n'est pas lié par la clause attributive de juridiction dès lors que les mesures sollicitées doivent s'exécuter en France.
Les clauses d'arbitrage
La présente analyse se limitera aux principes. La deuxième commission reviendra plus amplement sur l'arbitrage international et sur l'opportunité ou non de l'envisager dans les actes comportant un élément d'extranéité, ainsi que sur le rôle du notaire dans l'arbitrage (V. infra, nos
et s.).
Les parties décident dans une convention de soumettre le traitement d'un ou plusieurs litiges, nés ou à naître, non pas à une juridiction étatique mais à un ou des juges privés que l'on nomme « arbitres ». Cette décision peut être prise en amont. Les parties régularisent une convention dans laquelle elles décident de soumettre à l'arbitrage les éventuels litiges qui pourraient naître dans le cadre de leur relation contractuelle : il s'agit de la clause compromissoire
1545571091176. Les parties peuvent aussi décider, une fois le litige né, donc en aval, de le confier à un arbitre : il s'agit d'un compromis
1545571114744.
En droit interne, autorisé dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle depuis une loi du 15 mai 2001, l'arbitrage a été réformé par le décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011. Même s'il existe deux types de conventions, une seule règle s'appliquera à la convention d'arbitrage, terminologie d'ailleurs unique reprise dans tous les articles du Code de procédure civile.
L'arbitrage international est codifié aux articles 1504 et suivants du Code de procédure civile. Aucune définition n'est donnée de la convention d'arbitrage, et aucun renvoi n'est fait à l'article 1442. La jurisprudence a d'ailleurs clairement mis fin à cette distinction dans un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris
1545347266226.
Sa validité (I) ainsi que ses effets (II) seront ci-après étudiés.
Les conditions de validité
Les conditions de fond
Les conditions de forme
Les effets
La clause d'arbitrage a un effet entre les parties, mais également à l'égard des tiers.
Les effets entre les parties
La convention arbitrale consacre la renonciation par les parties à la compétence des tribunaux ordinaires et à l'attribution de la compétence à un tribunal arbitral pour traiter les litiges qu'elle vise ; on parle de l'effet positif de la convention arbitrale. Cette même convention consacre corrélativement l'incompétence des tribunaux ordinaires pour les litiges qu'elle vise et une impossibilité pour les parties de saisir ces mêmes tribunaux ; on parle d'effet négatif de la convention arbitrale.
S'agissant de l'effet positif, les parties sont tenues de saisir le tribunal arbitral lorsque le litige visé par la convention survient. Si une des parties ne se présente pas, le tribunal arbitral peut rendre une sentence par défaut. Cette sentence ne sera pas contraire à l'ordre public international dès lors que le défendeur aura été dûment informé de la procédure et qu'il n'aura pas été dans l'impossibilité matérielle de se faire représenter. Ainsi en ont décidé les juges dans un arrêt en date du 7 février 1991
1535882047699.
L'adoption d'une convention d'arbitrage est analysée comme une renonciation aux privilèges et immunités dont bénéficie une partie. Ainsi en ont décidé les juges dans un arrêt en date du 11 juin 1991. Cette renonciation implicite vaut tant pour la décision que pour son exequatur
1545571466127. La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », est venue apporter des précisions sur les conditions et la portée d'une renonciation à l'immunité d'exécution des États. Toute mesure conservatoire ou d'exécution forcée sur un bien appartenant à un État nécessitera, conformément à l'article L. 111-1-1 du Code des procédures civiles d'exécution, l'accord préalable du juge par ordonnance rendue sur requête et que diverses conditions soient remplies
1545571517447.
Cette convention arbitrale a également un effet positif à l'égard de l'arbitre. D'une part parce que l'arbitre est tenu de traiter le litige visé par la convention, et d'autre part parce qu'il doit statuer lui-même, lorsque contestation il y a, sur sa compétence. Il s'agit de l'« effet positif du principe de compétence-compétence ». Ainsi, l'article 1645 du Code procédure civil auquel renvoie l'article 1506-3 dispose que : « Le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à son pouvoir juridictionnel ». Cette règle en matière de droit interne est appliquée également en droit international à toute contestation, évitant ainsi que l'arbitre ne soit lié et tenu de surseoir du fait de la saisine d'une juridiction étatique. La décision de l'arbitre sur sa compétence est néanmoins soumise au contrôle du juge étatique dans le cadre du recours contre la sentence que dans le cadre de l'exequatur de celle-ci
1535900111797.
S'agissant de l'effet négatif, la convention arbitrale consacrant, pour les litiges qu'elle concerne, l'incompétence des juridictions étatiques, oblige ces dernières en cas de saisine à renvoyer les parties devant le tribunal arbitral. Cependant, le juge ne peut pas relever d'office son incompétence, ainsi qu'il résulte de l'article 1448, alinéa 2 du Code de procédure civile. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Le défendeur doit par conséquent soulever l'exception d'incompétence devant le juge étatique
1535900817898.
Le juge étatique n'est pas compétent pour connaître d'une action contre la convention arbitrale. S'il est saisi d'une question sur le fond de la convention arbitrale, il ne peut se prononcer sur la compétence de l'arbitre avant que celui-ci se prononce sur sa propre compétence dès lors que le demandeur invoque la convention, et ce même s'il en conteste la validité ou l'étendue. Il résulte de l'article 1448, alinéa 2 du Code de procédure civile en droit interne, auquel renvoie l'article 1506, 1° en droit international, que deux cas peuvent se présenter :
- soit le tribunal arbitral est déjà saisi et un juge étatique saisi du même litige doit se déclarer incompétent ;
- soit le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, et le juge étatique doit également se reconnaître incompétent sauf à constater « la nullité ou l'inapplicabilité manifeste » de la convention d'arbitrage.
Le juge étatique retrouve sa compétence dans deux hypothèses :
- première hypothèse : les parties renoncent à la convention d'arbitrage ;
- seconde hypothèse : le tribunal arbitral n'est pas encore constitué, une partie peut demander une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire conformément à l'article 1449, alinéa 1 du Code de procédure civile.
Tant le juge étatique que l'arbitre interprètent la convention d'arbitrage d'une manière large, sans se référer à une loi étatique particulière. La convention d'arbitrage soustrait les litiges qu'elle vise à la compétence des juridictions judiciaires étatiques pour tout ce qui est causal ou connexe avec son objet. Ainsi, le tribunal arbitral sera compétent pour statuer sur un litige relatif à la résiliation du contrat bien que la clause compromissoire ne vise que « les litiges survenus à l'occasion de l'exécution du contrat »
1545571639864, comme à la caducité du contrat alors que la clause ne vise que l'exécution
1545571662727. De même, la nature contractuelle ou délictuelle des demandes ne sera pas une limite à sa compétence dès lors que les demandes peuvent être englobées dans les litiges couverts par le libellé de la convention d'arbitrage
1545571685631.
Cette volonté d'étendre l'application des conventions d'arbitrage se retrouve également dans le cadre d'un groupe de contrats régularisés entre les mêmes parties. Ainsi, par une interprétation implicite de la volonté des parties, les arbitres ont décidé d'étendre l'application d'une clause d'arbitrage contenue dans un contrat et pas dans les autres à l'ensemble des contrats, au motif que ces conventions avaient un caractère complémentaire, ou qu'elles participaient à la réalisation d'une même opération globalement envisagée. La sentence prononcée par le Centre international pour le règlement des différends en matière d'investissements (CIRDI) les 4 et 9 février 1988, dans une affaire qui opposait la société Ouest-africaine des bétons industriels (SOABI) à la République du Sénégal, en est une parfaite illustration.
Les effets à l'égard des tiers
D'autres personnes que les parties elles-mêmes peuvent être concernées par la clause d'arbitrage. Il en avait été jugé ainsi pour des conventions d'arbitrage non signées par des parties, mais dépendant d'un groupe de sociétés. Aujourd'hui, cette volonté d'extension se manifeste plus largement.
L'appartenance à un groupe de sociétés ne suffit pas à étendre la clause d'arbitrage non signée par tous à l'ensemble des sociétés du groupe
1535909104150. Encore faut il que cette autre société ait participé à l'opération économique pour laquelle la clause a été stipulée, ou est directement concernée par elle, ou qu'il y ait eu acceptation tacite de la clause d'arbitrage par la partie non signataire, acceptation déduite de sa participation active à la négociation, l'exécution, ou la résiliation du contrat
1535909175825.
La jurisprudence française applique également cette solution aux hypothèses d'ensembles de contrats ou de sous-contrats entre personnes signataires et non signataires sans lien particulier, jugeant que l'effet de la clause d'arbitrage s'étend aux personnes directement impliquées dans l'exécution du contrat et aux litiges qui peuvent en résulter
1535908740431.