Mariage célébré avant le 1er septembre 1992

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Mariage célébré avant le 1er septembre 1992

Lorsque les époux n'ont pas clairement choisi leur régime matrimonial lors du mariage, il y a lieu de déterminer celui qu'ils ont implicitement choisi. La doctrine parle alors de « rattachement objectif ».

Détermination du choix tacite des époux

En l'absence de choix exprès des époux, la jurisprudence aurait pu faire appel à des critères objectifs tels que le lieu du mariage ou la nationalité commune. Elle n'a toutefois pas fait ce choix et a retenu la volonté présumée des époux.
Il est vrai que cette volonté n'est pas facile à déterminer en présence d'époux qui, n'ayant pas fait de contrat de mariage, n'ont que peu de connaissances relatives à leur régime matrimonial.
Ce principe a été affirmé dès 1935 par la cour de Cassation dans les termes suivants : « Il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement d'après les faits et circonstances de la cause, (…) le statut que des époux étrangers mariés sans contrat ont eu la volonté d'adopter pour le règlement de leurs intérêts pécuniaires » 1522915079779.
Pour déterminer le régime matrimonial des époux, il y a lieu de rechercher leur volonté à l'aide de critères dégagés par la jurisprudence (A). Cette détermination pouvant être incertaine, la jurisprudence française a admis la possibilité d'introduire une action déclaratoire afin de déterminer la loi applicable au régime matrimonial  (B).

Les éléments pris en compte pour déterminer la volonté des époux

Élément prépondérant : premier domicile commun effectif

Les époux qui n'ont pas choisi de loi applicable à leur régime matrimonial sont généralement présumés avoir fixé leurs intérêts pécuniaires au lieu de leur premier domicile commun.
La Cour de cassation a tout d'abord indiqué qu'il y avait lieu de tenir compte notamment de ce critère 1522915742171, puis principalement de celui-ci 1522916226869.
La question s'est posée de la durée de ce premier domicile matrimonial : en effet, la Cour de cassation ne fixe pas de durée précise mais retient seulement un domicile effectif. Les Cridon, dans leurs consultations, ont estimé que seul un premier domicile commun de plus de deux ans pouvait présenter un tel caractère effectif. Cette solution a été approuvée par la doctrine.
Il faut signaler que l'indice du premier domicile commun, s'il est prépondérant, constitue une présomption simple qui peut être détruite par tout élément de preuve pertinent ainsi que cela a été précisé par la Cour de cassation en 2005 1522917542115.
Il y a lieu d'analyser les autres éléments pouvant être pris en compte pour déterminer la volonté implicite des époux.

Les autres éléments pouvant être pris en compte

Ces éléments à retenir peuvent être concomitants (a) ou postérieurs (b) au mariage.
Indices concomitants au mariage
La jurisprudence a dans certains cas retenu :
  • le lieu de célébration du mariage, dans la mesure où il coïncide avec le domicile matrimonial : il permet de renforcer la présomption en faveur du premier domicile commun ;
  • la nationalité commune des époux : pour des époux vivant en France qui retournent se marier dans leur pays d'origine. La nationalité d'origine et le lieu de célébration du mariage peuvent exceptionnellement caractériser la volonté des époux et permettre d'identifier leur régime matrimonial.
Indices postérieurs au mariage
La Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises que pour déterminer le régime applicable au régime matrimonial d'époux mariés sans contrat, il y avait lieu de se placer au moment du mariage.
Toutefois, les juges peuvent prendre en compte des circonstances postérieures au mariage. Le plus souvent, cela sera pour renforcer la présomption en faveur du domicile commun. Certains arrêts utilisent cependant des éléments postérieurs à la célébration pour désigner la loi applicable au mariage suivant le principe de proximité 1522919784389.
Cette possibilité de retenir des indices postérieurs au mariage a été critiquée en doctrine.
Concernant les époux mariés en Algérie avant l'indépendance fixée au 1er janvier 1963, il convient de distinguer selon leur religion pour déterminer leur régime. En effet, la France reconnaissait avant l'indépendance le statut personnel des Algériens et pour les musulmans l'absence de régime matrimonial ou un régime assimilable à celui de la séparation de biens.

Régime matrimonial mentionné dans un acte notarié

Dans certains cas, il arrive que le régime matrimonial des époux soit mentionné dans un acte notarié, par exemple un acte de vente établi après le mariage. Il faut souligner que même si l'acte a été conclu par les deux époux, cette déclaration faite postérieurement au mariage est sans effet. Afin d'éviter toute ambiguïté, le notaire devra recueillir la déclaration des époux sur leur premier domicile commun et définir ainsi leur régime matrimonial 1535544663081.

L'action déclaratoire

Lorsque les éléments de fait sont ambigus, notamment parce que le premier domicile commun est difficile à déterminer, l'action déclaratoire peut être utile.
Cette jurisprudence, élaborée par le tribunal de grande instance de Paris, a admis la possibilité d'introduire une telle action sur assignation du ministère public. L'action est exercée de façon conjointe par les époux, en dehors de tout litige et est dirigée contre le ministère public. Elle permet aux époux de s'adresser au juge pour lui demander de fixer leur régime matrimonial.
Toutefois, la portée de ce jugement est limitée : en effet, il n'est pas opposable aux tiers. Selon l'expression du professeur Philippe Malaurie il n'est qu'un « très habile pis-aller » 1523805069607.
ll est vrai que depuis l'entrée en vigueur au 1er septembre 1992 de la Convention de La Haye sur les régimes matrimoniaux, cette action déclaratoire était devenue sans intérêt. En effet, les époux mariés avant cette date pouvaient utiliser l'article 6 de la convention à l'effet de désigner une loi interne à leur régime matrimonial autre que celle jusqu'alors applicable. Avec l'entrée en vigueur du règlement européen, cette possibilité leur est offerte par l'article 22.

Conséquences du choix tacite des époux

Une fois la loi applicable au régime matrimonial déterminée, il y a lieu d'analyser son champ d'application.

Indivisibilité du régime matrimonial

Le régime matrimonial ainsi déterminé va s'appliquer à l'ensemble des relations patrimoniales des époux. Il va régir notamment la composition du patrimoine des époux, leurs pouvoirs quant à leurs biens et quant à la liquidation de leur régime matrimonial.
Ainsi la Cour de cassation a confirmé que la liquidation des biens d'époux ayant leur premier domicile conjugal à l'étranger doit s'effectuer selon les règles régissant leur régime matrimonial 1526723625019.

Exclusion du renvoi

Il s'est posé la question de savoir si, à défaut de choix exprès de loi applicable, le choix tacite opéré par les époux s'est porté sur le droit interne de l'État ou sur ses règles de droit international privé autorisant ainsi le renvoi.
Cette question a été soumise à la Cour de cassation qui a très tôt écarté le renvoi, et ce à deux reprises à l'occasion des arrêts Lardans en 1969 1526725097613et Goutherz en 19721526725124788.
Dans les deux cas, les conséquences étaient importantes car les époux passaient d'un régime de séparation des biens à un régime de communauté. La Cour de cassation a précisé que « les époux ont pensé au régime légal interne et non à la règle de conflit dont il n'est pas raisonnable qu'ils aient soupçonné l'existence ».
Plus récemment, la Cour de cassation a confirmé que « les époux sont présumés avoir soumis leur régime matrimonial à la loi interne de l'État sur le territoire duquel ils ont établi leur première résidence habituelle après le mariage » 1526725414402.

Évolution du droit interne

Selon le système de droit commun, la loi qui détermine le régime matrimonial est fixée au jour du mariage. Elle n'est pas par la suite modifiée, par exemple par un changement de nationalité des époux ou un changement de résidence : on parle de fixité du rattachement dans le temps. Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation le 12 mai 2010 1535545171251.
La question se pose de savoir ce qui se passe lorsque le droit interne ainsi désigné évolue : doit-on tenir compte des modifications du droit interne ou au contraire figer le régime matrimonial tel qu'il existait au jour du mariage ?
Cette situation est fréquente compte tenu des réformes souvent rétroactives qui ont eu lieu dans différents pays 1535545426889.
Le droit français considère qu'il y a lieu de tenir compte des évolutions internes du droit étranger conformément aux dispositions de droit transitoire prévues par la loi étrangère. La Cour de cassation a énoncé de façon générale en 1987 « qu'en cas de modification ultérieure de la loi étrangère désignée, c'est à cette loi qu'il appartient de résoudre les conflits de lois dans le temps » 1526727229353.
Une exception à ce principe existe toutefois pour les réfugiés : on parle alors de pétrification de la loi applicable.
Une difficulté est apparue pour les personnes ayant fui un régime totalitaire. Si on appliquait le principe ci-dessus, il aurait fallu leur appliquer la loi de l'État qu'ils ont fui en cas de changement rétroactif.
Pour éviter cette solution, la jurisprudence pétrifie leur régime matrimonial, c'est-à-dire qu'elle le fige au jour de la célébration du mariage. On appliquera donc la loi en vigueur au jour du mariage et non la nouvelle loi rétroactive 1535545605431.
La Cour de cassation lie la pétrification au statut des réfugiés prévu par la convention de Genève du 23 juillet 1951. Cette pétrification a lieu même si par la suite les époux changent de nationalité.
Cela a été précisé par la Cour de cassation en 2006 pour le cas de deux époux de nationalité roumaine mariés sans contrat en Roumanie en 1941 et qui s'étaient installés en France en 1954 pour y être naturalisés. Il leur a été appliqué le régime de la séparation des biens, régime légal de la loi roumaine au jour de la célébration du mariage et non le nouveau régime légal roumain de la communauté 1535546082822.