Les successions

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les successions

Les règles en matière de succession internationale ont été complètement bouleversées par l'entrée en vigueur le 17 août 2015 du règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (§ I). Le règlement met en place des principes d'autonomie de la volonté et d'unité de la succession. Il crée un certificat successoral européen 1543589427066, qui permet de prouver les qualités des héritiers, leurs droits et pouvoirs, et ainsi de faciliter l'administration des successions internationales entre États membres. Ce règlement est maintenant bien connu des notaires. Le principe scissionniste français sera néanmoins rappelé (§ II) puisqu'il s'applique encore pour les successions ouvertes avant le 17 août 2015.

Le règlement « Successions »

Ce règlement s'applique à tous les États membres, à l'exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l'Irlande pour toutes les successions ouvertes après le 17 août 2015. Il est d'application universelle. Il règle les questions civiles des successions, y compris les questions liées aux partages amiables ou judiciaires, à l'exception des relations familiales, des intérêts patrimoniaux du mariage, des régimes matrimoniaux, des obligations alimentaires ou des donations entre époux.
La loi applicable est définie dans un chapitre III. À défaut de choix, l'article 21 retient comme critère principal de rattachement la dernière résidence habituelle du défunt. Ce n'est qu'à titre exceptionnel et uniquement quand « il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, [que] la loi applicable à la succession est celle de cet autre État ».
L'article 22 du règlement permet à une personne de choisir la loi qui sera applicable à sa succession : c'est la professio juris. Ce choix est néanmoins encadré. Il ne peut s'agir que de « la loi de l'État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès. Une personne ayant plusieurs nationalités peut choisir la loi de tout État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès ».
L'article 35 du règlement prévoit les conditions dans lesquelles l'exception d'ordre public peut être mise en œuvre : « L'application d'une disposition de la loi d'un État désignée par le présent règlement ne peut être écartée que si cette application est manifestement incompatible avec l'ordre public du for ». Cette disposition a donné lieu à doctrine sur la question de la réserve. Celle-ci peut-elle être opposée pour éviter l'application de la loi étrangère qui ne connaît pas de réserve héréditaire ? Deux arrêts de la Cour de cassation 1530520293017précisent qu'en principe, lorsque la loi applicable ne connaît pas la réserve, il ne peut y avoir de contrariété à l'ordre public, sauf dans le cas où l'héritier évincé est en situation de précarité économique. Cette appréciation reste cependant très délicate. Cette question est plus particulièrement développée par la troisième commission 1544291766229.
Le règlement n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen concerne toutes les successions ayant des incidences transfrontières.
Aucune définition du terme « transfrontière » n'est donnée par le règlement. Il y a lieu de considérer que sont concernées par l'application de ce règlement toutes les successions présentant un élément d'extranéité : le défunt n'avait pas la nationalité de l'État de sa résidence habituelle et il possède des biens à l'étranger.
La succession peut avoir un caractère ab intestat ou testamentaire.
Ce règlement l'emporte sur toute convention multilatérale ou bilatérale entre les États membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark.
Le règlement n° 650/2012 du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen est entré en vigueur 5 juillet 2012 et s'applique à toutes les successions à cause de mort ouvertes à partir du 17 août 2015. Ce règlement fixe des nouvelles règles de droit international privé pour le règlement des successions et surtout, ce qui nous préoccupe présentement, de nouvelles règles simplifiant le régime juridique de la reconnaissance et de l'exécution des décisions ou actes rendus ou établis dans le cadre d'une succession. Ce règlement ne concerne que l'aspect civil de la succession. Compte tenu de la fréquente d'utilisation de ce règlement par le notariat, sa présentation sera volontairement plus exhaustive.
Le règlement prévoit que les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure Règl. n° 650/2012, art. 39, § 1. .
Le terme «  décision  » est défini par le règlement comme toute décision en matière de successions rendue par une juridiction d'un État membre, quelle que soit la dénomination qui lui est donnée, y compris une décision concernant la fixation par le greffier du montant des frais du procès Règl. n° 650/2012, art. 3, § 1, g). .
Le règlement donne un sens large au terme juridiction, et les décisions seront celles des juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également celles des notaires ou des services de l'état civil dans certains États membres qui exercent des fonctions juridictionnelles en vertu d'une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction, ce qui n'est pas le cas du notaire en France.
Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme « juridiction » ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d'un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c'est généralement le cas, ils n'exercent pas de fonctions juridictionnelles.
La décision peut faire l'objet d'une demande de reconnaissance Règl. n° 650/2012, art. 39, § 2. ou demande incidente Règl. n° 650/2012, art. 39, § 3. . Cette décision pourra être refusée pour contrariété à l'ordre public, pour non-respect des droits de la défense, ou si elle est inconciliable avec une décision ayant autorité de chose jugée Règl. n° 650/2012, art. 40. .
Le règlement pose également le principe de la libre circulation des actes authentiques établis dans le cadre des successions. Ces actes auront la même force probante dans un autre État membre que dans l'État membre d'origine, où ils y produiront au moins les effets les plus comparables, sous réserve qu'ils ne soient pas manifestement contraires à l'ordre public de l'État membre concerné Règl. n° 650/2012, art. 59. .
Lorsque deux actes authentiques incompatibles, dans le cadre de l'application du règlement sont présentés à l'autorité chargée du règlement de la succession, celui-ci ne pourra relever le caractère inconciliable de l'acte à établir avec le premier acte et il devra examiner la question de savoir auquel, le cas échéant, il conviendra de donner la priorité, compte tenu des circonstances de l'espèce Règl. n° 650/2012, consid. 66. . Si les circonstances n'ont pas permis de déterminer l'acte prioritaire, la question sera tranchée par les juridictions compétentes. En cas d'incompatibilité entre un acte authentique et une décision, il conviendra de revenir aux motifs de non-reconnaissance des décisions prévus par le règlement Règl. n° 650/2012, consid. 67. .
Afin de faciliter cette libre circulation et de permettre aux héritiers, légataires, exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession d'être à même de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits et pouvoirs dans un autre État membre (à l'exception de trois pays : le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark), le règlement crée le certificat successoral européen (CSE). En France, le demandeur doit s'adresser à un notaire qui lui remet, contre émargement ou récépissé, une copie certifiée conforme du certificat successoral européen, le notaire conservant l'original Règl. n° 650/2012, art. 70. . Cette copie sera valable six mois. Le règlement interdit de demander des pièces justificatives à ce notaire, le certificat successoral européen se suffit à lui-même.
Aucune légalisation ni autre formalité analogue ne pourra être exigée pour les documents délivrés dans le cadre du règlement Règl. n° 650/2012, art. 74. . Pour faciliter l'acceptation des actes authentiques au sein de l'Union européenne, toute personne intéressée peut demander au notaire de compléter le formulaire II 1545647248382pour expliquer la force probante de l'acte en France.
Les décisions, actes authentiques, transactions judiciaires émanant d'un État membre où elles sont exécutoires, sont exécutées dans les autres États membres conformément aux articles 46 à 58 Règl. n° 650/2012, art. 43. . Les conditions de régularité de la décision étrangère ne seront vérifiées que s'il y a un recours contre la décision statuant sur le caractère exécutoire.
S'agissant de la procédure, la personne doit tout d'abord solliciter la juridiction ou l'autorité compétente de l'État membre d'origine pour qu'elle délivre un formulaire attestant du caractère exécutoire du titre et reprenant les informations nécessaires à son exécution (formulaires I, II ou III annexés) :
  • lorsque l'attestation doit être établie en France pour être exécutée dans un autre État membre : Puis la requête est présentée en double exemplaire et porte l'indication précise des pièces invoquées 1545647535974, la représentation par avocat n'est pas exigée.
  • Lorsque l'attestation concerne l'exécution en France :
Cette procédure fait l'objet du tableau récapitulatif ci-après :
Le règlement prévoit que la compétence territoriale de l'autorité à même de connaître de ces requêtes est déterminée par le domicile de la partie contre laquelle l'exécution est demandée ou par le lieu de l'exécution.

Le principe scissionniste français

Ce principe reste valable pour toutes les successions ouvertes avant le 17 août 2015. Ces règles sont donc en voie de disparition, mais les principes sont néanmoins rappelés. Deux adages s'appliquent : mobilia sequuntur personam (la loi du lieu du dernier domicile du défunt régit les successions mobilières), la lex rei sitae (la loi de situation des immeubles régit les successions immobilières). La qualification des biens meubles et immeuble devra s'effectuer lege fori 1544291819932. Il peut exister plusieurs masses qui seront traitées de façon indépendante. La réserve se calcule masse par masse. Afin de limiter le morcellement de la succession, la cour a admis le renvoi lorsqu'il permet de restaurer son unité1530520371357. La loi étrangère peut également être écartée par le jeu de l'ordre public.
Les successions ont été le terrain de prédilection du renvoi afin de remédier aux inconvénients du morcellement successoral dû à ce système. C'est la jurisprudence qui a consacré cette notion en matière de successions mobilières 1531561026248, plus progressivement en matière immobilière 1531561196664. Aujourd'hui, à partir du moment où le renvoi permet d'assurer l'unité successorale et l'application d'une même loi aux meubles et aux immeubles, le renvoi est admis 1544281920953.