Les articles 6 et 7 du règlement : l'éventuel retour au droit commun

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

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Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

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L'assurance vie dans un cadre international

Les articles 6 et 7 du règlement : l'éventuel retour au droit commun

En pratique, l'article 6 du règlement n° 2201/2003 s'avère d'une utilisation fréquente.
Selon cet article : « Un époux qui : a) a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre, ou b) est ressortissant d'un État membre ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, a son "domicile" sur le territoire de l'un de ces États membres, ne peut être attrait devant les juridictions d'un autre État membre qu'en vertu des articles 3, 4 et 5 ».
Cet article 6 prévoit une règle selon laquelle les défendeurs protégés ne peuvent pas être attraits devant les juridictions d'un État membre en vertu du droit national des États. Implicitement, les règles de droit commun sont donc exclues.
En d'autres termes, les articles 3 à 5 du règlement Bruxelles II bis ont un caractère exclusif. Il n'est donc possible de revenir au droit commun français que si aucune de ces règles ne donne compétence au juge d'un État membre. Il s'agit de la compétence subsidiaire du droit commun français.
Par ailleurs, l'article 7 du règlement Bruxelles II bis prévoit que :
« 1. Lorsque aucune juridiction d'un État membre n'est compétente en vertu des articles 3, 4 et 5, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État.
2. Tout ressortissant d'un État membre qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un autre État membre peut, comme les nationaux de cet État, y invoquer les règles de compétence applicables dans cet État contre un défendeur qui n'a pas sa résidence habituelle dans un État membre et qui ou bien n'a pas la nationalité d'un État membre ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, n'a pas son "domicile" sur le territoire de l'un de ces États membres ».

Exemple

X, de nationalité suisse, et Y, de nationalité franco-suisse, se sont mariés en Suisse où ils résident dans deux cantons différents. Ils sont propriétaires de biens immobiliers situés en France et en Suisse, acquis pendant le mariage. X souhaite divorcer. Il dépose une requête en divorce devant le juge français le 15 septembre 2017. À l'occasion d'une visite en France, Y ayant reçu l'assignation, consulte son notaire le 24 novembre 2017 et l'interroge sur la compétence de la juridiction saisie.

Le notaire vérifie dans un premier temps que les trois champs d'application du règlement Bruxelles II <em>bis</em> sont réunis (il s'agit bien d'une demande en divorce après le 1<sup>er</sup> mars 2005 mettant en cause un époux de nationalité française, la France étant un État membre). Il en conclura donc à son applicabilité.

Le notaire devra alors examiner les articles 3 à 5 du règlement afin de déterminer si, au vu de ces règles de compétence générale, le juge français (juridiction d'un État membre) pouvait être valablement saisi.

La réponse est en l'espèce négative, aucun des chefs de compétence de l'article 3 n'étant satisfait. Il convient de signaler en outre que cet article ne donne compétence, dans le cas présent, à aucun autre juge d'un État membre (la Suisse étant pour rappel un État tiers).

De plus, s'agissant d'un divorce et non d'une demande reconventionnelle ou d'une conversion de séparation de corps en divorce, les articles 4 et 5 du règlement ne permettent pas de fonder la compétence d'un juge d'un État membre.

Il est donc impératif de s'assurer si Y est un défendeur protégé au sens de l'article 6 du règlement.

En l'espèce, ayant la double nationalité, dont la nationalité française, Y bénéficie du statut de « défendeur protégé » dont dispose l'article 6 du règlement.

Dès lors, Y ne peut être attrait que devant les tribunaux de l'État faisant de lui un défendeur protégé : en l'occurrence l'ordre juridique français.

Enfin, afin de déterminer la juridiction compétente au sein de cet ordre, il convient d'appliquer les règles de droit commun français.

NB : Le juge suisse pourrait également être fondé à reconnaître sa compétence en vertu des règles de droit international privé suisse, ce qui pourrait en cas de saisine de la juridiction suisse par Y aboutir à un cas de litispendance.

Dans l'hypothèse où il y a lieu de revenir à l'application du droit commun français, diverses dispositions sont potentiellement applicables.
En matière de divorce, les articles 14 et 15 du Code civil sont d'application résiduelle. Ils n'ont en effet vocation à s'appliquer que si l'article 1070 du Code de procédure civile ne permet pas d'aboutir à la compétence d'une juridiction française. Ces règles françaises peuvent être étendues aux litiges internationaux en vertu des jurisprudences Pelassa et Scheffel précitées.
L'article 1070 du Code de procédure civile dispose que : « Le juge aux affaires familiales territorialement compétent est :
  • le juge du lieu où se trouve la résidence de la famille ;
  • si les parents vivent séparément, le juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d'exercice en commun de l'autorité parentale, ou du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité ;
  • dans les autres cas, le juge du lieu où réside celui qui n'a pas pris l'initiative de la procédure.
En cas de demande conjointe, le juge compétent est, selon le choix des parties, celui du lieu où réside l'une ou l'autre ».
Il convient de vérifier ces critères un à un. Si cet article ne permet pas de désigner le juge français comme compétent, les privilèges de juridiction prévus aux articles 14 1511539562078et 15 1511539667019du Code civil peuvent justifier la compétence du juge français si soit le demandeur soit le défendeur a la nationalité française.