Le règlement Bruxelles I bis

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Le règlement Bruxelles I bis

Le règlement Bruxelles I bis fixe les règles de compétence des tribunaux entre les États en Europe (§ II). Ces règles sont applicables dès lors que certaines conditions sont remplies (§ I).

Les conditions d'applicabilité

Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s'appliquer, il faut la réunion de trois conditions : temporelle, matérielle et territoriale.

Un champ d'application ratione temporis

Le règlement Bruxelles I bis, entré en vigueur depuis le 10 janvier 2013, est applicable aux actions introduites à compter du 10 janvier 2015 (art. 66).
Les actions introduites entre le 1er mars 2002 et avant le 10 janvier 2015 relèveront du règlement Bruxelles I.

Un champ d'application ratione materiae

L'article 1-1 du règlement dispose : « Le présent règlement s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction. Il ne s'applique notamment ni aux matières fiscales, douanières ou administratives, ni à la responsabilité de l'État pour des actes ou des omissions commis dans l'exercice de la puissance publique (acta jure imperii) ».
Le règlement Bruxelles I bis ne s'applique donc pas au droit public. Dès lors qu'un acte sera exécuté dans l'exercice de la puissance publique, tout litige y afférant sera exclu de l'application du règlement.
Compte tenu des diverses définitions de droit public existant dans les différents États membres, la Cour de justice des Communautés européennes est venue apporter des précisions à cette définition. La Cour avait déjà précisé, au sujet de l'applicabilité de la convention de Bruxelles, qu'est « exclue du champ d'application de la convention une décision rendue dans un litige, opposant une autorité publique à une personne privée, où l'autorité publique a agi dans l'exercice de la puissance publique » 1531643802588. Dans un litige opposant la société Bayer à la société Réalchimie, la Cour de justice de l'Union européenne indique que le champ d'application du règlement (caractères civil et commercial) est déterminé essentiellement en raison des éléments qui caractérisent la nature des rapports juridiques entre les parties au litige ou l'objet de celui-ci. L'objet dudit litige est l'autorisation d'exécuter aux Pays-Bas les six décisions rendues par les tribunaux allemands qui infligeaient des amendes à la société Réalchimie, à la demande de la société allemande Bayer qui avait interdit à cette dernière d'importer, de détenir et de commercialiser des pesticides en Allemagne, cette interdiction étant fondée sur une allégation de contrefaçon de brevet.
La Cour décide que « l'action ainsi intentée a pour but de sauvegarder des droits privés et ne suppose pas une manifestation de prérogatives de puissance publique par l'une des parties au litige. En d'autres termes, le rapport juridique existant entre Bayer et Réalchimie doit être qualifié de "rapport juridique de droit privé" et relève donc de la notion de "matière civile et commerciale", au sens du règlement n° 44/2001 » 1531647458609. En matière de droit du travail, dans un arrêt Mahamdia du 19 juillet 2012 1545564240969, la Cour considère que les litiges entre les employés d'une ambassade et l'État concerné relèvent de la compétence juridictionnelle des tribunaux allemands lorsque le travailleur n'a pas accompli pour l'État dont il est l'employé des activités relevant des fonctions souveraines de cet État. Pour cela, la Cour relève que, le demandeur étant chauffeur à l'ambassade, ses activités n'entrent pas dans l'exercice de l'autorité publique de l'État défendeur, mais constituent une activité auxiliaire par rapport à l'exercice de la souveraineté de celui-ci.
Le règlement Bruxelles I bis 1545564297634exclut également de son application « l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage », « les faillites, concordats et autres procédures analogues », « la sécurité sociale », « l'arbitrage », « les obligations alimentaires découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d'alliance », « les testaments et les successions, y compris les obligations alimentaires résultant du décès ». Ces matières font l'objet de règles propres.
En réalité, d'une manière générale, le règlement exclut de son champ d'application toutes les dispositions qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions et qui sont contenues dans les actes de l'Union ou dans les législations nationales harmonisées en exécution de ces actes Règl. Bruxelles I bis, art. 67. .
Les champs d'application temporel et matériel ayant été abordés, il reste à analyser la dernière condition : le champ d'application territorial.

Un champ d'application ratione loci

Le règlement est applicable sur le territoire de l'ensemble des États membres ainsi qu'au Danemark en vertu d'un accord signé le 19 octobre 2005.
Pour que le règlement Bruxelles I bis puisse s'appliquer, il faut bien évidemment que le litige soit international, mais également qu'il y ait un lien avec le territoire d'un État membre. Cette exigence est prévue par le considérant 13 du règlement 1531919471860. Ce lien est constitué par le domicile ou le siège social du défendeur dans un État membre. S'agissant de la preuve de ce lien, la Cour de justice de l'Union européenne inverse la charge, et décide que le règlement est applicable dès lors que le juge saisi ne dispose pas d'indices probants lui permettant de conclure que le défendeur est domicilié en dehors du territoire européen 1531919510927.
L'application du règlement nécessite également un élément d'extranéité, peu importe que l'affaire concerne un État membre ou un État tiers 1542251968203.
Par dérogation au principe ci-dessus, il est des situations où même si le défendeur n'a pas son domicile dans un État membre, le règlement Bruxelles I bis sera applicable (art. 6). Il s'agit des litiges entrant dans les cas de compétence exclusive (art. 24), des litiges dans lesquelles les parties auront régularisé une convention attributive de juridiction (art. 25), des litiges concernant un contrat de consommation (art. 18), ainsi que les litiges concernant un contrat de travail (art. 21).
Les trois conditions réunies, il y a lieu d'étudier les règles de compétence.

Les cas de compétence

Les juges de l'État sur le territoire duquel le défendeur est domicilié sont compétents. Tel est le principe général posé par l'article 4 du règlement Bruxelles I bis.
Le règlement a par ailleurs donné non seulement des compétences alternatives (art. 7 et 8) ou protectrices (art. 3, 4 et 5) dans certaines matières, mais également des compétences exclusives (art. 24 et 25) à certains tribunaux autres que celui du domicile.
Ces règles obéissent donc à une hiérarchie. Le notaire pour identifier le tribunal compétent ou le juge pour vérifier sa compétence, doit raisonner ainsi :
  • le litige entre-t-il dans un cas de compétence exclusive de l'article 24 ou de l'article 25 ? (A)
  • Si la réponse est négative, le litige relève-t-il des règles protectrices d'une partie faible énoncées aux articles 3, 4 et 5 ? (B)
  • Si la réponse est de nouveau négative, le litige relève t-il des règles de compétence générales de l'article 4 ou des règles spéciales de l'article 7 et 8 ? (C)

La compétence exclusive

Il existe deux catégories de compétence exclusive :
  • celle volontaire : il s'agit des clauses de prorogation expresse de compétence (art. 25) ou de prorogation tacite (art. 26) ;
  • celle fondée sur la matière du litige 1545564525017.
Tant dans l'une que dans l'autre de ces catégories, la juridiction désignée est compétente ; peu importe le domicile du défendeur, il ne peut y avoir aucune dérogation. Dès lors que le critère de rattachement concerné est situé sur le territoire de l'Union européenne, le juge est compétent.

Du fait des clauses d'élection

Les parties peuvent, conformément à l'article 25 du règlement Bruxelles I bis, convenir du ou des tribunaux d'un État membre pour connaître d'un litige né ou à naître.
Ces clauses, très fréquentes dans les relations internationales, permettent de pallier l'incertitude quant au juge compétent. Le règlement ne pose aucune condition de commercialité pour la validité de cette clause.
Désormais, cette prorogation de compétence est valable même si aucune des parties n'a son domicile dans un État membre. La nullité du contrat n'entache pas la clause attributive de compétence 1545564557985, la clause est autonome.
Mais cette clause, pour être valable, ne doit pas être entachée d'une cause de nullité au regard de la loi de l'État membre choisie par celle-ci. La règle de conflit de lois ainsi fixée est que le droit matériel de l'État de la juridiction choisie fixe les conditions de validité au fond pour la clause.
Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Ainsi la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 mars 2018, annulait l'arrêt qui décidait de la compétence des tribunaux français pour connaître de l'action de la société Les Chapistes parisiens contre la société Bau-Maschinen-Service, « alors que, par une clause attributive de compétence, les parties au contrat de vente avaient désigné la juridiction du siège du vendeur pour connaître de leurs différends à naître et que cette clause, conforme aux dispositions de l'article 25 du règlement, avait créé une compétence exclusive au profit de la juridiction désignée et primait la compétence spéciale de l'article 8, § 1, du même texte » 1532279386655.
S'agissant de la forme de la convention attributive de juridiction, celle-ci doit être conclue par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ou sous une forme qui soit conforme aux usages du commerce international. Cette convention peut prendre la forme d'une clause insérée dans un contrat ou d'un acte spécifique.
Pour les litiges concernant les parties faibles (assuré, consommateur, travailleur), la clause de prorogation de compétence n'est admise que si le litige est déjà né Règl. Bruxelles I bis, art. 15, 19 et 23 et/ou si la clause augmente le nombre de juges que la partie faible peut saisir 1545564606190.
La juridiction désignée par cette clause doit, si elle est saisie, déclarer si elle est ou non compétente et toute juridiction d'un autre État membre doit surseoir à statuer pendant cette déclaration Règl. Bruxelles I bis, art. 31, § 2. .
Lorsque la juridiction désignée dans la convention déclare qu'elle est compétente, toute juridiction d'un autre État membre doit se dessaisir en faveur de celle désignée.
Dans le cas où l'une des parties saisit un tribunal qui n'est pas compétent en vertu du règlement, et si le défendeur comparaît devant cette juridiction sans en contester la compétence, l'article 26 du règlement Bruxelles I bis donne compétence au tribunal saisi, estimant qu'il s'agit d'une prorogation tacite de compétence. La Cour de justice a précisé que, pour qu'il y ait prorogation tacite de compétence, il faut une comparution volontaire mais également une non-contestation lors de celle-ci 1532280269496.
Dans les litiges concernant une partie faible (assuré, consommateur, travailleur), le juge saisi doit l'informer de son droit de contester sa compétence 1545564652305.
Si le défendeur ne comparaît pas, le tribunal saisi doit se déclarer incompétent.
Qu'il s'agisse d'une prorogation volontaire ou tacite, cette prorogation ne peut faire échec aux compétences exclusives de l'article 24 du règlement.

Du fait des matières

L'article 24 du règlement Bruxelles I bis dispose de la compétence exclusive dans cinq matières. Ainsi dans ces domaines, tout autre tribunal que celui désigné par le règlement doit d'office se déclarer incompétent, même en présence d'une clause attributive de juridiction.
Les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel se situent des immeubles sont exclusivement compétents pour statuer sur toutes les questions relatives aux droits immobiliers ainsi que pour toute question relative aux baux d'immeubles dont la durée est supérieure à six mois.
 Les tribunaux de l'État membre dans lequel une personne morale a son siège sont exclusivement compétents pour toute question relative à la validité, la nullité ou la dissolution d'une société, et pour la validité des décisions de ses organes. Pour la notion de siège social, l'article 24 du règlement dispose que le juge applique les règles de son droit international privé. Il en résulte, conformément à l'article 63 du règlement, que les sociétés sont domiciliées là où est situé leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement.
Il en est de même en matière de validité des inscriptions sur les registres publics : les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel ces registres sont tenus sont exclusivement compétentes.
En matière d'inscription ou de validité des brevets, marques, dessins et modèles, et autres droits analogues donnant lieu à dépôt ou à enregistrement, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le dépôt ou l'enregistrement a été demandé, a été effectué ou est réputé avoir été effectué sont exclusivement compétentes. S'agissant d'action relative à la contrefaçon, la Cour de justice exclut l'application de l'article 24, § 4 du règlement Bruxelles I bis.
Concernant les mesures d'exécution, les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel ces mesures doivent être pratiquées sont de la même manière exclusivement compétents. Cette règle résulte de la coutume selon laquelle chaque État a le monopole de la contrainte sur son territoire.
À défaut d'application d'une règle de compétence exclusive, il convient de vérifier les règles protectrices d'une partie faible.

Les règles protectrices d'une partie faible

Le règlement Bruxelles I bis prévoit des règles spécifiques pour les contrats dans lesquels une partie est en situation d'inégalité supposée. Ces règles concernent les contrats d'assurance, les contrats de consommation et les contrats de travail.
Ces règles ont pour but de compenser le déséquilibre entre les parties dans ces contrats, en offrant à la partie considérée comme « faible » des fors supplémentaires. Ces règles protègent la partie faible en encadrant strictement les conditions de validité des clauses attributives de juridiction 1532776328549.
L'éloignement du tribunal compétent pouvant créer un coût supplémentaire, et donc augmenter le déséquilibre entre la partie faible et son cocontractant, la partie faible ayant la qualité de « demandeur » pourra toujours choisir de saisir le tribunal de son domicile. La partie faible ayant la qualité de défendeur, ne pourra être attraite, pour les mêmes raisons, que devant les tribunaux de son domicile.

La protection en matière de contrat d'assurance

En matière de contrat d'assurance, les règles sont fixées aux articles 10 à 16. Le preneur d'assurance, l'assuré ou le bénéficiaire disposent de choix supplémentaires pour les tribunaux. Ils pourront agir contre l'assureur qui est domicilié dans un État membre en saisissant les tribunaux du domicile de l'assureur, ou les tribunaux de leu propre domicile Règl. Bruxelles I bis, art. 11. . Lorsque l'assureur n'est pas domicilié dans un État membre mais a une succursale ou une agence dans un État membre, l'action pourra être portée devant les tribunaux de l'État membre où se situe cette succursale ou agence.
Le preneur d'assurance, l'assuré ou le bénéficiaire pourront également saisir les tribunaux du lieu où le fait dommageable s'est produit en matière d'assurance de responsabilité ou d'assurance portant sur un immeuble Règl. Bruxelles I bis, art. 12. .
Lorsque l'action est intentée par l'assureur, elle ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État membre du domicile du défendeur preneur d'assurance, ou assuré ou bénéficiaire Règl. Bruxelles I bis, art. 14, § 1. .
Précision est ici apportée que ces dispositions ne s'appliquent pas aux contrats de réassurance 1532780396116, ni à l'appel en garantie entre assureurs fondé sur un cumul d'assurances 1532782573158. Les remarques au regard des conditions restrictives pour les clauses attributives de compétence ne s'appliquent pas aux contrats dits « grande assurance » ou couvrant de « grands risques » au sens de la directive 2009/138/CE sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (« Solvabilité II »).

La protection en matière de contrat de consommation

En matière de contrat de consommation, les règles sont fixées aux articles 17 à 19 du règlement Bruxelles I bis. L'article 17 définit le consommateur, comme une personne physique qui conclut un contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle 1532785944348. La protection du règlement s'applique au consommateur lui-même et non à son cessionnaire. Ainsi en a décidé la Cour de justice dans une affaire Shearson Lehman Hutton 1532786656895.
Cette protection est exclusive de toute activité professionnelle non seulement actuelle, mais également future 1532788763781, que cette activité soit partielle ou totale 1532790560342.
Pour que le consommateur puisse bénéficier des règles protectrices, il faut une relation contractuelle. La notion de contrat a été précisée par la Cour de justice dans un arrêt Ilsinger 1532809498213. Pour qu'un contrat existe, il faut que le vendeur professionnel fasse une offre ferme, suffisamment claire et précise quant à son objet et à sa portée, et il faut que le consommateur l'accepte. Si ce n'est pas le cas, il y a contrat dès lors que le consommateur a passé commande. Le contrat n'a pas besoin d'être synallagmatique. Il n'a pas besoin non plus d'être conclu à distance 1532810751260.
Cette relation contractuelle doit concerner, ainsi que le prévoit l'article 17, § 1 a) à c) du règlement Bruxelles I bis, un des contrats suivants 1532808662300 :
  • contrat de vente à tempérament d'objets mobiliers (contrats dont le prix est payable en plusieurs fois) ;
  • prêt à tempérament ou autre opération de crédit liés au financement d'une vente d'objets mobiliers ;
  • tout autre contrat conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État membre ou vers plusieurs États, dont cet État membre, et que le contrat entre dans le cadre de ces activités. La Cour a apporté des précisions sur la notion d'activité dirigée pour le commerce électronique dans deux affaires : la première au sujet du refus du commerçant de rembourser au client intégralement le prix d'un voyage en cargo auquel il n'avait pas participé et dont la description figurait sur internet 1532857568275et la seconde au sujet du client qui refusait de payer au commerçant sa note d'hôtel pour un séjour réservé par internet 1532857688556.
La Cour considère que l'activité du commerçant est dirigée vers l'État membre du domicile du consommateur, en présence d'indices, à savoir : « la nature internationale de l'activité, la mention d'itinéraires à partir d'autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi, l'utilisation d'une langue ou d'une monnaie autres que la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l'État membre dans lequel est établi le commerçant avec la possibilité de réserver et de confirmer la réservation dans cette autre langue, la mention de coordonnées téléphoniques avec l'indication d'un préfixe international, l'engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d'autres États membres l'accès au site du commerçant ou à celui de son intermédiaire, l'utilisation d'un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l'État membre où le commerçant est établi et la mention d'une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres ».
Tous ces indices permettent de démontrer que le commerçant envisageait de commercer avec des clients domiciliés dans l'Union, quel que soit l'État membre.
Par ailleurs, la Cour n'exige pas, pour l'application des règles protectrices du règlement, l'existence d'un lien de causalité entre le moyen employé pour diriger l'activité commerciale ou professionnelle vers l'État membre du domicile du consommateur, à savoir un site internet, et la conclusion du contrat avec ce consommateur. Ainsi a-t-elle conclu dans un litige opposant M. Emrek, domicilié en Allemagne, qui avait acheté un véhicule d'occasion à M. Sabranovic, commerçant à Spicheren (France), non pas au moyen du site internet mais en se rendant sur place ayant appris l'existence de ce commerçant par des connaissances 1532860171384.
Dans une décision en date du 23 décembre 2015, la Cour applique les règles protectrices en présence « d'un contrat qui n'entre pas en tant que tel dans le domaine de l'activité commerciale ou professionnelle "dirigée" par ce professionnel "vers" l'État membre du domicile du consommateur, mais qui présente un lien étroit avec un contrat conclu auparavant entre les mêmes parties dans le cadre d'une telle activité » 1532861677841.
Le règlement exclut de son champ d'application les contrats de transport, autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement. Les juges ont réaffirmé ce principe dans deux arrêts en date du 22 février 2017, au sujet d'un contrat de vol sec 1532854913310.
En résumé, quatre conditions doivent être remplies pour que l'article 17 du règlement Bruxelles I bis puisse s'appliquer :
  • il doit s'agir d'un consommateur, c'est-à-dire d'une personne non engagée dans une activité commerciale ou professionnelle ;
  • le droit d'action doit se rattacher à un contrat de consommation conclu entre le consommateur et une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles ;
  • ce contrat doit relever de l'une des catégories visées au paragraphe 1, sous a) à c), dudit article 17 ;
  • et le commerçant doit exercer son activité dans l'État membre dans lequel le consommateur est domicilié, ou diriger par tout moyen son activité vers cet État membre ou plusieurs États dont cet État membre.
Une fois que toutes les conditions sont remplies, le consommateur peut choisir d'agir soit devant les tribunaux de son domicile (forum actoris consacré par l'article 18 du règlement Bruxelles I bis), soit devant les tribunaux où son cocontractant est domicilié, soit les tribunaux où se trouve une succursale, une agence ou tout autre établissement de son cocontractant lorsque celui est domicilié dans un autre État membre. Si le cocontractant est domicilié dans un État tiers, le consommateur pourra agir devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel celui-ci a une succursale, une agence ou tout autre établissement.
Alors que le cocontractant du consommateur ne pourra, de son côté, agir que devant les tribunaux de l'État membre où le consommateur a son domicile.
S'agissant des clauses attributives de juridiction, elles ne seront valables que si elles remplissent les conditions fixées à l'article 19 du règlement Bruxelles I bis, à savoir :
  • elles sont postérieures à la naissance du litige ;
  • elles offrent plus de choix de for au consommateur ;
  • elles sont passées entre le consommateur et son cocontractant ayant, au moment de la conclusion du contrat, leur domicile ou leur résidence habituelle dans un même État membre, et elles attribuent compétence aux juridictions de cet État membre, sauf si la loi de celui-ci interdit de telles conventions.

Le contrat de travail

En matière de contrat de travail, les règles sont fixées aux articles 20 à 23 du règlement Bruxelles I bis.
Un travailleur peut agir contre son employeur soit devant les tribunaux de l'État membre où celui-ci a son domicile, soit devant les tribunaux de l'État sur le territoire duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant les tribunaux du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou, lorsque le travailleur n'accomplit pas ou n'a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant les tribunaux du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui l'a embauché.
La Cour précise que : « Le pays où le travailleur habituel accomplit habituellement son travail est celui où ou à partir duquel, compte tenu de l'ensemble des éléments qui caractérisent ladite activité, le travailleur s'acquitte de l'essentiel de ses obligations à l'égard de son employeur » 1532885860182. Le travailleur peut, si ce critère n'est pas rempli (les deux critères sont hiérarchisés), agir devant les tribunaux du lieu de l'établissement de l'embauche 1532886188588.
Lorsque le travailleur a exercé son activité durant des périodes stables dans des lieux successifs différents, l'action ne peut être intentée devant les tribunaux du dernier lieu que si, selon la volonté claire des parties, il a été décidé que le travailleur y exercerait de façon stable et durable ses activités 1532886841732.
L'employeur ne peut agir que devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le travailleur a son domicile.
S'agissant des clauses attributives de juridiction, elles ne seront valables que si elles remplissent les conditions fixées à l'article 23 du règlement Bruxelles I bis, à savoir :
  • elles sont postérieures à la naissance du litige ;
  • elles offrent plus de choix de for au travailleur.
Si le litige n'entre pas dans un cas de compétence exclusive des articles 24 ou 25 et ne relève pas plus des règles protectrices d'une partie faible énoncées aux articles 3, 4 et 5, le demandeur pourra saisir les tribunaux du domicile du défendeur selon l'adage Actor sequitur forum rei. Ce principe est énoncé à l'article 4 du règlement.
Le demandeur pourra également attraire le défendeur devant les tribunaux d'un autre État membre en raison du lien de rattachement étroit entre le litige et lesdits tribunaux (règles spéciales des articles 7 et 8).

Les règles de compétence spéciales des articles 7 et 8 et les règles de compétence générales de l'article 4

Le tribunal du défendeur est toujours compétent, mais d'autres tribunaux peuvent être compétents pour des raisons tenant à la matière Règl. Bruxelles I bis, art. 7. ou à la pluralité des défendeurs Règl. Bruxelles I bis, art. 8. .

Les règles spéciales de l'article 7

L'article 7 du règlement prévoit sept chefs de compétence propres à la matière. Cette disposition n'est qu'une alternative pour le demandeur, qui peut par principe choisir le tribunal du domicile du défendeur, mais aussi un autre tribunal en fonction de la matière du litige.
Ainsi le demandeur peut, en matière contractuelle, saisir la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande.
Ce texte pose deux difficultés : la première sur la qualification de la matière contractuelle, et la seconde sur l'identification du lieu d'exécution.
S'agissant de la première difficulté, afin d'éviter une discussion sur l'application de ce texte en fonction de la définition de la matière contractuelle donnée par le droit interne de chaque pays, la Cour de justice a donné à cette matière une définition autonome 1545566154864. Dans un arrêt en date du 17 juin 1992 1533671950370, la Cour est venue apporter des précisions quant à cette notion et a jugé qu'en l'absence d'engagement librement consenti par une partie envers une autre, le litige ne peut être qualifié de contractuel. S'agissant des contrats de cautionnement ou de subrogation, ces engagements ne relèvent de la matière contractuelle que s'ils ont été directement consentis par la partie à laquelle on les oppose 1533710254887. La Cour ajoute que ce consentement n'a pas besoin d'être spécial dès lors que l'accord de principe a été préalablement donné à la conclusion du contrat de cautionnement.
Les juges européens qualifient, contrairement au droit français, l'action fondée sur des loteries publicitaires de « contractuelle » 1533711208679.
De la même manière, dans une affaire Brogsitter, la Cour qualifie de « contractuelle » une action en concurrence déloyale alors que les juridictions nationales retiennent la qualification « délictuelle ». La Cour considère que « si le comportement reproché peut être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles », l'action est contractuelle, et le requérant pourra également porter son action devant la juridiction compétente en matière contractuelle 1533674463789. Dans le même esprit, la Cour considère qu'une « action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date (…) ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s'il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite » 1533705217491. La Cour de cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2017 1533705690291, applique la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et juge qu'une « action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de ce règlement, s'il existait, entre les parties, une relation contractuelle tacite reposant sur un faisceau d'éléments concordants ». Par conséquent, la compétence de la juridiction ne pourra être fondée sur le lieu du dommage et devra donc être fondée sur le lieu d'exécution de l'obligation.
La seconde difficulté posée est celle de l'identification du lieu de l'obligation. Le juge devra, en premier lieu, déterminer l'obligation et la loi applicable à l'obligation selon la règle de conflit de lois. Puis, au regard de cette loi, il pourra déterminer le lieu d'exécution de l'obligation, et ce lieu déterminera le tribunal compétent. Le règlement du 17 juin 2008 (dit « Rome I »), applicable aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, prévoit pour huit catégories de contrats, à défaut de choix par les parties, des critères de désignation de la loi applicable 1533968110066L'article 7, § 1 b) du règlement Rome I pose deux présomptions irréfragables pour déterminer le lieu d'exécution de l'obligation : pour la vente de marchandises, il s'agit du lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, et pour la fourniture de services, il s'agit du lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis. Pour tous les autres contrats, et à défaut pour les parties d'avoir déterminé le lieu d'exécution de l'obligation, c'est l'article 7, § 1 a) qui s'appliquera ; le juge compétent est celui du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée, ou celui du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande.
La Cour de justice apporte des éléments d'identification pour qualifier ces contrats. Dans un arrêt Falco du 23 avril 2009 1533980327501la Cour, après avoir rappelé qu'il n'y a pas de définition de la notion de contrat de fourniture de services, ajoute que « la notion de services implique (…) que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération », et qu'à la lumière des deuxième et onzième considérants du règlement n° 44/2001, le contrat par lequel le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l'exploiter en contrepartie du versement d'une rémunération n'implique pas une telle activité. Le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'accomplit aucune prestation en en concédant l'exploitation et s'engage seulement à laisser son cocontractant exploiter librement ledit droit. Dans un arrêt Car Trim GmbH 1533981601890, la Cour distingue les deux contrats (vente de marchandises et fourniture de services) par l'obligation qui les caractérise et cette obligation servira de critère de rattachement à la juridiction compétente. Le contrat sera qualifié, respectivement, de « vente de marchandises » dès lors que l'obligation caractéristique est la livraison d'un bien, et de « fourniture de services » dès lors que l'obligation caractéristique est une prestation de services. Et dans cette affaire plus précisément, les juges ont indiqué que le fait que la marchandise à livrer, est à fabriquer ou à produire au préalable, ne modifie pas la qualification du contrat en cause comme contrat de vente, et que l'absence de fourniture de matériaux par l'acheteur, d'une part, et la responsabilité du fournisseur pour la qualité et la conformité de la marchandise, d'autre part, constituent des indices en faveur de la qualification d'un tel contrat comme « contrat de vente de marchandises ».
La Cour précise également dans cet arrêt la notion de lieu de livraison des marchandises en cas de vente à distance. Le juge détermine le lieu de livraison sur la base des dispositions du contrat et si cette détermination s'avère impossible, le juge détermine alors le lieu de livraison au « lieu de la remise matérielle des marchandises par laquelle l'acheteur a acquis ou aurait dû acquérir le pouvoir de disposer effectivement de ces marchandises à la destination finale de l'opération de vente ». En cas de pluralité de lieux de livraison, la Cour a décidé que, dans les contrats de vente de marchandises, c'est le lieu qui assure le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente. Il s'agit du lieu de la livraison principale qui est déterminé suivant des critères économiques. En cas d'impossibilité de déterminer le lieu de livraison principale, le demandeur pourra saisir la juridiction d'un des lieux de son choix 1533991610319. La Cour transpose cette décision aux contrats de fourniture de service ; en cas de pluralité de fournitures de services, il convient de rechercher le lieu qui assure le rattachement le plus étroit entre le contrat et la juridiction compétente. Ce lieu est le lieu où doit être effectuée la fourniture principale de services 1533992982033. S'agissant d'un contrat d'agence commerciale, en cas de fourniture de services dans plusieurs États membres, la juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle la fourniture principale de services a lieu en vertu des dispositions du contrat, à défaut de dispositions du contrat celle du lieu d'exécution effective du contrat, et en cas d'impossibilité de déterminer ce lieu celui où l'agent est domicilié 1533993833909.
Dans une affaire Kareda 1534046672027, la Cour a considéré, au vu du règlement Bruxelles I bis et désormais du règlement Rome I, dans une affaire concernant un crédit :
  • que l'action récursoire entre les codébiteurs solidaires relève de la matière contractuelle ;
  • que le contrat conclu entre un établissement de crédit et deux codébiteurs solidaires doit être qualifié de « contrat de fourniture de services », car conformément à la jurisprudence de la Cour, la banque fournit une activité en contrepartie d'une rémunération ; cette activité réside dans la remise par la banque d'une somme d'argent à l'emprunteur en échange d'une rémunération payée par l'emprunteur à la banque ;
  • et que le « lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis », au sens de cette disposition, est, sauf convention contraire, celui du siège de cet établissement, y compris en vue de déterminer la compétence territoriale du juge amené à connaître de l'action récursoire entre ces codébiteurs.
Le juge européen rattache désormais le contrat de distribution régularisé sous forme de contrat-cadre au contrat de prestation de services. En effet, le contrat de concession dont l'élément caractéristique est la sélection du concessionnaire par le concédant offre au concessionnaire un certain nombre d'avantages qui représente pour ce dernier une valeur économique, laquelle valeur économique peut être considérée comme étant constitutive d'une rémunération 1533991123648.
En matière délictuelle ou quasi délictuelle, le demandeur pourra saisir bien évidemment la juridiction du tribunal du défendeur, mais également la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire Règl. Rome I, art. 7, § 3. .
La matière délictuelle ou quasi délictuelle, comme la matière contractuelle, n'ayant pas fait l'objet de définition par le règlement Bruxelles I bis ni par le précédent règlement, la Cour de justice a apporté une explication à cette notion dans un arrêt Kalfetis : entre dans cette notion toute demande mettant en jeu la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à un contrat au sens de l'article 7, § 1 1533666951513.
Ainsi qu'il a été dit ci-dessus la Cour, dans un arrêt du 14 juillet 2016 1545566879926, a décidé qu'« une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date, telle que celle prévue par l'article L. 442-6, 1, 5° du Code de commerce, ne relève pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens du règlement Bruxelles I, dès lors qu'il existait entre les parties, une relation contractuelle tacite ».
S'agissant de la notion de fait dommageable, celle-ci comprend non seulement le lieu de survenance du dommage, mais également celui de son fait générateur. Le demandeur peut saisir la juridiction d'un des deux lieux 1534000636861.
Alors que le juge de l'État du fait générateur peut connaître de la réparation de l'ensemble des dommages subis, la compétence du juge de l'État du préjudice est limitée à la réparation des dommages locaux 1545566944470. En effet, dans cet arrêt la Cour a décidé, au sujet d'une affaire de diffamation internationale par voie de presse, que la victime « avait le choix de saisir soit les juridictions de l'État contractant du lieu d'établissement de l'éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l'intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où elle prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l'État de la juridiction saisie ».
S'agissant d'une action portant sur la responsabilité d'un fabricant du fait d'un produit défectueux, la Cour précise que le lieu de l'événement causal à l'origine du dommage est le lieu de fabrication du produit en cause 1534063829094. En matière de cyberdélit (diffusion illicite d'une information par internet), les contentieux se sont multipliés. Se pose alors le problème de la géolocalisation du fait dommageable, alors que l'information est accessible dans le monde entier.
En cas d'atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet, la Cour indique dans un arrêt du 3 octobre 2013 1534069280526que la personne qui s'estime lésée a la faculté de saisir :
  • d'une action en responsabilité, au titre de l'intégralité du dommage causé :
  • D'une action en responsabilité, au titre du dommage causé dans chaque État : les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l'a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'État membre de la juridiction saisie.
Le juge européen précise aux termes dudit arrêt que le site internet en cause n'a pas besoin d'être dirigé vers l'État membre de la juridiction saisie en application de l'article 7, § 2 du règlement Rome I.
La Cour de cassation, dans trois arrêts, a mis en œuvre la jurisprudence européenne et a confirmé la compétence des juges français dès lors que les sites internet diffusant les contenus litigieux sont accessibles depuis la France.
La Cour confirme l'application de l'article 5, § 3 (devenu 7, § 3) du règlement Rome I dans un arrêt du 22 janvier 2015 1545567138229et précise que les juridictions d'un État membre, au sein duquel un site internet violant les droits voisins du droit d'auteur est simplement accessible, sont compétentes pour traiter du litige en découlant, au titre du lieu de la matérialisation du dommage.
L'action en réparation de dommage ou l'action en restitution fondées sur une infraction peuvent être portées devant la juridiction saisie de l'action publique, dans la mesure où, selon sa loi, cette juridiction peut connaître de l'action civile 1545567211477.
L'action fondée sur le droit de propriété, en restitution d'un bien culturel, peut être intentée par la personne revendiquant le droit de récupérer un tel bien, devant la juridiction du lieu où le bien culturel est situé au moment de la saisine 1545567229198.
Les actions relatives à l'exploitation d'une succursale, d'une agence ou de tout autre établissement, peuvent être introduites devant la juridiction du lieu de leur situation 1545567252926.
L'application de cet article nécessite que la société mère soit située dans un État membre. À défaut, il y a application de l'article 6 du règlement et c'est la loi de l'État sur le territoire duquel se trouve la société mère qui règle la question de la compétence juridictionnelle.
S'agissant de la notion de succursale, la Cour a donné une interprétation autonome de celle-ci. Dans un arrêt du 6 octobre 1976 1545567297446, elle indiquait qu'un des éléments essentiels qui caractérisent les notions de succursale et d'agence est la soumission à la direction et au contrôle de la société mère, puis a précisé que cette notion impliquait un centre d'opérations qui se manifeste de manière durable vers l'extérieur comme le prolongement d'une maison mère, pourvu d'une direction et matériellement équipé de façon à pouvoir négocier des affaires avec des tiers, de telle façon que ceux-ci, tout en sachant qu'un lien de droit sera établi avec la maison mère dont le siège est à l'étranger, sont dispensés de s'adresser directement à celles-ci et peuvent conclure des affaires au centre d'opérations qui en constitue le prolongement 1534084028043.
La Cour a jugé, dans une affaire qui opposait la société allemande AR Schotte à la société française Parfums Rothschild Sarl 1545567359805, que l'article 5, point 5, de la convention de Bruxelles était applicable à la filiale (Rothschild GmbH située en Allemagne avec laquelle la société Schotte avait négocié en l'espèce) dépourvue d'autonomie juridique par rapport à la société mère.
Toute action engagée à l'encontre d'un fondateur, d'un trustee ou d'un bénéficiaire d'un trust doit être doit l'être devant les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile 1545567404708.
En matière maritime, les actions doivent être portées devant la juridiction dans le ressort duquel une cargaison ou un fret est concerné 1545567427301.

Les règles spéciales de l'article 8

L'article 8 du règlement Rome I prévoit quatre situations dans lesquelles un tribunal normalement incompétent peut être saisi ; ces situations sont exclues dans les cas où les règles protectrices des parties faibles s'appliquent.
Première situation : celle de la pluralité de défendeurs.
Lorsqu'il y a plusieurs défendeurs et que l'un d'entre eux est domicilié dans un État membre, le demandeur peut assigner l'ensemble des défendeurs devant un seul tribunal, celui du domicile de ce dernier.
Dans ce cas, les conditions sont cumulatives, à savoir : il faut que le juge saisi soit celui du domicile d'un des défendeurs et il faut un lien de connexité entre les demandes 1532888490262.
Deuxième situation : celle de l'intervention forcée d'un tiers ou d'appel en garantie d'un tiers devant le tribunal saisi de la demande en principal.
Troisième situation : celle de la demande reconventionnelle.
Le tribunal saisi d'une demande peut également être compétent pour une demande reconventionnelle dérivant du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande initiale.
Quatrième situation : celle de la demande contractuelle adjointe à une demande réelle immobilière.
Le juge saisi d'une demande concernant un bien immobilier peut également être saisi d'une demande en annulation du titre de propriété fondée sur l'incapacité 1532889839543.

Les règles générales de l'article 4

Sauf les règles énoncées ci-dessus, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. Cela correspond à la règle traditionnelle en droit français selon l'adage Actor sequitur forum rei.
Lorsque les personnes ne possèdent pas la nationalité de l'État membre dans lequel elles sont domiciliées, elles sont soumises aux règles de compétence applicables aux ressortissants de cet État membre Règl. Rome I, art. 4. .
Le règlement Rome I ne donne pas de définition de la notion de domicile. Pour les personnes physiques, le règlement renvoie au droit des différents États membres Règl. Rome I, art. 62. , et pour les sociétés et les personnes morales le domicile est soit leur siège social, soit leur administration centrale, soit leur principal établissement. Ces trois lieux étant mis sur un pied d'égalité le demandeur aura le choix de la juridiction Règl. Rome I, art. 63. .
Pour l'Irlande, Chypre et le Royaume-Uni, le « siège statutaire » est celui du registered office ou, s'il n'existe nulle part de registered office, le place of incorporation (le lieu d'acquisition de la personnalité morale) ou, s'il n'existe nulle part de lieu d'acquisition de la personnalité morale, le lieu selon la loi duquel la formation (la constitution) a été effectuée.
En présence d'un trust, l'État membre sur le territoire duquel le trust a son siège, et dont les juridictions sont saisies, appliquera ses règles de droit international privé.
Cette règle n'a pas de caractère impératif à l'égard des parties, lesquelles peuvent choisir librement un autre juge qui serait compétent, ou donner compétence à un juge autre au moyen d'une clause attributive de juridiction. Mais, à l'inverse, cette règle s'impose au juge du domicile du défendeur qui doit statuer dès lors qu'il est saisi et compétent ; le juge ne pourra décliner sa compétence au profit d'un autre juge qu'il estimerait mieux placé, comme le permet le forum non conveniens 1542280390137.