L'arrêt Mutuelles du Mans

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

L'arrêt Mutuelles du Mans

Par l'arrêt Mutuelles du Mans 1520444245979, la Cour de cassation opère un nouveau revirement de jurisprudence. Le critère de l'origine internationale de la règle de conflit a été abandonné, pour ne conserver aujourd'hui que celui des droits disponibles ou indisponibles. Le juge doit appliquer d'office les règles de conflit de lois lorsque l'on est en présence de droits indisponibles qui désignent éventuellement la loi étrangère. La qualification des droits s'effectue selon la loi du for.
Dans le cas contraire, le juge a la faculté d'appliquer la règle de conflit de lois, sans que cela ne puisse lui être imposé. S'il choisit d'appliquer la règle de conflit, il a alors l'obligation de rechercher la teneur de la loi étrangère applicable au rapport de droit litigieux 1532180671501. Si les parties réclament l'application de la règle de conflit, le juge est également obligé d'appliquer le droit étranger et de rechercher son contenu 1532180866769.
Dans plusieurs arrêts 1521384153828, la jurisprudence donne la possibilité aux parties d'appliquer, dans un litige portant sur des droits disponibles, une loi autre que celle désignée par la règle de conflit 1532181034195.
Ils se fondent sur l'équivalence des solutions. Si la loi appliquée, généralement la loi du for, est équivalente à celle résultant du conflit de lois, le moyen tiré du défaut d'application d'office de la loi compétente est reconnu inopérant. On parle alors d'un accord procédural en invoquant des considérations d'économie de coûts et une façon de se soustraire à une certaine lourdeur procédurale. L'accord procédural peut même être implicite lorsque les parties, dans leurs écritures, ne concluent qu'en droit français 1532181221372. Cependant, dans ce cas, le juge peut toujours soulever d'office la règle de conflit de lois et appliquer la loi étrangère désignée 1532181424819.
Dans ce cas, il ne peut pas se contenter d'une mention abstraite ou d'un simple visa. Il a l'obligation de motiver l'interprétation du droit étranger retenu. Par une décision du 1er juillet 1997 1532183099479, la Cour a cassé un arrêt de cour d'appel en précisant qu'« en se déterminant ainsi, alors que la loi sénégalaise précise que les administrateurs et le président du conseil d'administration sont responsables des fautes commises dans leurs fonctions, et en méconnaissant ainsi le sens littéral de cette loi au profit de l'interprétation donnée en droit interne à la loi française, dont les termes n'étaient pas d'ailleurs identiques, sans faire état d'aucune autre source de droit positif sénégalais donnant la disposition litigieuse le sens qu'elle attribue, la Cour d'appel a dénaturé la loi étrangère ».
Cette jurisprudence est cependant encore fragile et soulève des réserves. Il est en effet à craindre que le tempérament de l'équivalence offre aux juges du fond le moyen d'éluder la recherche du droit étranger. Par ailleurs, il existe parfois un intérêt commun des deux parties pour essayer de ne pas appliquer des règles dont la recherche du contenu et l'application peuvent être complexes, alors qu'une solution juste peut résulter de l'application du droit français 1532181648993.
À ce jour, il est difficile de dégager une solution tranchée du rôle du juge et des parties, d'autant plus que le critère lui-même n'est pas toujours clairement défini. En effet, un droit disponible est un droit dont les parties peuvent librement disposer. Or, la qualification, nécessairement selon la conception du for, est à nuancer. Ainsi, le droit de divorcer était considéré jusqu'à l'adoption du règlement Rome III comme un droit indisponible. Les choix offerts par le règlement aux parties pourraient demain le désigner comme loi disponible.
Une partie de la doctrine souhaite abandonner ce critère et encourage les juges à généraliser l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit. Il a été proposé que le juge aurait toujours l'opportunité de relever d'office l'existence d'une règle de conflit de loi et inviterait les parties, par l'intermédiaire de leurs avocats, à lui présenter leurs observations sur le droit applicable. Les parties auraient, de leur côté, l'obligation de conclure sur le droit applicable, que le juge trancherait 1521385585642. Une autre partie de la doctrine considère que l'application des règles européennes par le juge relève de l'autonomie procédurale des États membres, sous réserve de respecter les principes d'équivalence avec le droit national et de l'effet utile du droit européen 1521391263069.
Cette question n'est pas théorique, puisque nombre de règles de conflit de lois émanent de l'Union européenne, comme celles de Rome I, Rome II, Rome III, le règlement « Successions », le nouveau règlement sur les régimes matrimoniaux et partenariaux.