Déterminer la loi applicable

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Déterminer la loi applicable

De façon liminaire, il est ici rappelé que le domaine de la loi successorale, que cette méthode de traitement d'une succession s'attache à déterminer, est délimité par l'article 23 du règlement (UE) n° 650/2012.
L'article 23 dispose que :
  • « La loi désignée en vertu de l'article 21 ou 22 régit l'ensemble d'une succession.
  • Cette loi régit notamment :
  • les causes, le moment et le lieu d'ouverture de la succession ; ».Paul Lagarde précise : « L'exclusion du domaine du règlement des questions relatives à la disparition, à l'absence ou à la mort présumée d'une personne physique se limite aux conditions d'établissement de ces situations et non à leurs conséquences successorales » 1539340519653 ;
  • « la vocation successorale des bénéficiaires, la détermination de leurs parts respectives et des charges qui peuvent leur être imposées par le défunt, ainsi que la détermination d'autres droits sur la succession, y compris les droits successoraux du conjoint ou du partenaire survivant ;
  • la capacité de succéder ;
  • l'exhérédation et l'indignité successorale ;
  • le transfert des biens, des droits et des obligations composant la succession aux héritiers et, selon le cas, aux légataires, y compris les conditions et les effets de l'acceptation de la succession ou du legs ou de la renonciation à ceux-ci ;
  • les pouvoirs des héritiers, des exécuteurs testamentaires et autres administrateurs de la succession, notamment en ce qui concerne la vente des biens et le paiement des créanciers, sans préjudice des pouvoirs visés à l'article 29, paragraphes 2 et 3 ;
  • la responsabilité à l'égard des dettes de la succession ;
  • la quotité disponible, les réserves héréditaires et les autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort ainsi que les droits que les personnes proches du défunt peuvent faire valoir à l'égard de la succession ou des héritiers ;
  • le rapport et la réduction des libéralités lors du calcul des parts des différents bénéficiaires ;
  • le partage successoral ».
Il convient de signaler que Mme Mariel Révillard précise l'ensemble de ces points dans son ouvrage Droit international privé et européen : pratique notariale 1539340747241.
Le domaine de la loi successorale ainsi déterminé, il convient d'envisager quelle peut être celle-ci.
Il faudra comme au préalable vérifier l'existence d'une loi de police.
Et ce n'est, là encore, qu'en son absence (§ I) qu'il faudra mettre en place le raisonnement conflictuel (§ II).

Recherche de l'existence d'une loi de police

En présence d'un choix de loi : la professio juris

La loi applicable à la succession du défunt peut résulter d'une manifestation de volonté de celui-ci antérieure ou postérieure au 17 août 2015. Le défunt peut avoir désigné comme loi applicable à sa succession la loi de sa nationalité. Il est dit qu'il réalise une professio juris.
Cette place donnée à l'autonomie de la volonté au sein de la matière successorale par le règlement poursuit l'objectif sous-jacent de garantir la prévisibilité et la stabilité de la loi successorale résultant du choix du disposant.
La professio juris va également permettre de régler la problématique du conflit mobile. En cas de déplacements transfrontaliers successifs, l'anticipation successorale devient en effet délicate du fait du nouvel élément de rattachement que retient le règlement en l'absence de choix 1532946227829. La professio juris va permettre de figer la loi qui sera applicable à la succession au moment du choix. À noter que le disposant conservera la possibilité de révoquer son choix s'il l'estime opportun.
Il convient dans un premier temps de vérifier la validité de la forme du choix (A), avant d'envisager la validité au fond de celui-ci (B).

Validité en la forme du choix de loi

En cas de disposition antérieure au 17 août 2015, il convient de se référer à l'article 83, paragraphe 3 du règlement qui prévoit qu'« une disposition à cause de mort prise avant le 17 août 2015 est recevable et valable quant au fond et à la forme si elle remplit les conditions prévues au chapitre III ou si est recevable sur le fond et en la forme en application des règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment où la disposition a été prise, dans l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle, dans tout État dont il possédait la nationalité ou dans l'État membre de l'autorité chargée de régler la succession ».
En cas de disposition postérieure au 17 août 2015, l'article 22-2 du règlement (UE) n° 650/2012, dispose que « le choix est formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort ou résulte des termes d'une telle disposition ».
Il convient de souligner que le même article, dans son 4, précise que « la modification ou la révocation du choix de loi satisfait aux exigences de forme applicables à la modification ou à la révocation d'une disposition à cause de mort ».
Comme le soulignent Mes Jean Gasté et Xavier Ricard 1539610665054, le règlement ne donne pas de définition précise de la disposition à cause de mort, il se contente d'énumérer le type d'acte dont il s'agit. Selon l'article 3-1, d) il peut s'agir « d'un testament, d'un testament conjonctif ou d'un pacte successoral ».

L' instrumentum du choix

Une disposition testamentaire autre qu'un pacte successoral
Lorsque le choix de loi a pour instrumentum une disposition testamentaire, il convient de s'assurer de la validité formelle de celle-ci.
En la matière il faut, dans un premier temps, s'intéresser à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires.
Le texte de cette convention est un des points clés du droit international privé positif français.
la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 a été ratifiée par la République d'Afrique du Sud, l'Albanie, Antigua et la Barbade, l'Arménie, l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, le Botswana, le Brunei, la République populaire de Chine, la Croatie, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, l'ex-Yougoslavie, Fidji, la Finlande, la France, la Grèce, Grenade, l'Irlande, Israël, l'Italie 1539610711802, le Japon, le Lesotho, le Monténégro, le Luxembourg, l'île Maurice, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal 1539610718797, la Moldavie, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, le Swaziland, le Tonga, la Turquie et l'Ukraine.
La convention de La Haye a adopté une position dont l'objectif est la reconnaissance in favorem des dispositions testamentaires laissées par le défunt.
L'article 1er de la convention de La Haye dispose d'un véritable catalogue de cas dans lesquels le testament devra être considéré comme valable en la forme.
« Article premier
Une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne :
  • du lieu où le testateur a disposé, ou
  • d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
  • pour les immeubles, du lieu de leur situation.
Aux fins de la présente Convention, si la loi nationale consiste en un système non unifié, la loi applicable est déterminée par les règles en vigueur dans ce système et, à défaut de telles règles, par le lien le plus effectif qu'avait le testateur avec l'une des législations composant ce système.
La question de savoir si le testateur avait un domicile dans un lieu déterminé est régie par la loi de ce même lieu. »
L'article 4 de la convention de La Haye, précise : « La présente Convention s'applique également aux formes des dispositions testamentaires faites dans un même acte par deux ou plusieurs personnes ». Elle s'applique donc aussi aux testaments conjonctifs.
L'article 27 du règlement (UE) n° 650/2012 intègre les dispositions de la convention de La Haye.
L'article 3 du règlement (UE) n° 650/2012 définit les termes utilisés dans le corps du texte qui le constitue.
Le c) du 1 de cet article 3 définit le testament conjonctif comme « un testament établi par deux ou plusieurs personnes dans le même acte ».
Pour l'appréciation de la validité de la forme, le testament conjonctif est donc assimilé au testament.
Il convient donc de retenir que :
  • la France et les pays ayant ratifié la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 considéreront comme valable en la forme la disposition testamentaire (testament et testament conjonctif) rédigée par le défunt si elle l'a été conformément à une des dispositions alternatives ci-dessus relatées à l'article premier de la convention de La Haye ci-dessus littéralement rapporté ;
  • les autres États membres non parties à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 considéreront comme valable une telle disposition si elle a été rédigée conformément à une des dispositions alternatives relatées à l'article 27 du règlement.

Le testament conjonctif

En droit interne français, le testament rédigé par plusieurs personnes sur un seul et même support en France n'est pas valide.
L'article 968 du Code civil dispose de la prohibition de cet instrument en stipulant que : « Un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes soit au profit d'un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle ».
En France, cette prohibition trouve sa justification dans le fait que la liberté individuelle d'établir un testament ne doit souffrir d'aucune influence extérieure.
La Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 31 mars 2016, réaffirme ce principe et entache un tel testament de nullité. Elle précise également que les écrits postérieurs ne peuvent faire revivre le premier testament, car ils ne le reprennent pas en termes exprès.
En revanche, un testament conjonctif rédigé à l'étranger, selon les formes du droit interne, sera considéré comme valable en la forme (sans préjuger de la validité au fond) par la législation française, conformément à la convention de La Haye à laquelle elle est soumise.
Le pacte successoral
L'article 27 du règlement (UE) n° 650/2012 étend l'esprit de la convention de La Haye aux pactes successoraux.
« Article 27 – Validité quant à la forme des dispositions à cause de mort établies par écrit
1. Une disposition à cause de mort établie par écrit est valable quant à la forme si celle-ci est conforme à la loi :
a) de l'État dans lequel la disposition a été prise ou le pacte successoral a été conclu ;
b) d'un État dont le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral possédait la nationalité, soit au moment où la disposition a été prise ou le pacte conclu, soit au moment de son décès ;
c) d'un État dans lequel le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral avait son domicile, soit au moment où la disposition a été prise ou le pacte conclu, soit au moment de son décès ;
d) de l'État dans lequel le testateur ou au moins une des personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral avait sa résidence habituelle, soit au moment de l'établissement de la disposition ou de la conclusion du pacte, soit au moment de son décès ; ou
e) pour les biens immobiliers, de l'État dans lequel les biens immobiliers sont situés.
Pour déterminer si le testateur ou toute personne dont la succession est concernée par un pacte successoral avait son domicile dans un État particulier, c'est la loi de cet État qui s'applique.
2. Le paragraphe 1 s'applique également aux dispositions à cause de mort modifiant ou révoquant une disposition antérieure. La modification ou la révocation est également valable quant à la forme si elle est conforme à l'une des lois en vertu desquelles, conformément au paragraphe 1, la disposition à cause de mort modifiée ou révoquée était valable.
3. Aux fins du présent article, toute disposition légale qui limite les formes admises pour les dispositions à cause de mort en faisant référence à l'âge, à la nationalité ou à d'autres qualités personnelles du testateur ou des personnes dont la succession est concernée par un pacte successoral, est considérée comme relevant du domaine de la forme. Il en est de même des qualités que doit posséder tout témoin requis pour la validité d'une disposition à cause de mort. »
Selon l'article 3-1, b), le pacte successoral est « un accord, y compris un accord résultant de testaments mutuels, qui confère, modifie, ou retire, avec ou sans contre-prestation, des droits dans la succession future d'une ou plusieurs personnes partie au pacte ».
Il convient donc de retenir que pour la validité formelle des pactes successoraux, le texte applicable dans les États membres est l'article 27 du règlement (UE) n° 650/2012.

L'expression du choix

Le règlement prévoit que le choix peut être formulé de manière expresse (a) ou de façon implicite (b).
Le choix exprès
Il y a lieu de distinguer selon que la disposition a été prise par le défunt avant (ii) ou après (i) le 17 août 2015.
Disposition prise à compter du 17 août 2015
L'article 22-2 du règlement (UE) n° 650/2012 dispose : « Le choix est formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort…) ».
Le choix de loi peut donc être formulé de manière expresse dans une disposition à cause de mort.
L'article 3 du règlement (UE) n° 650/2012 dans son d) précise qu'il faut entendre par « disposition à cause de mort : un testament, un testament conjonctif, ou un pacte successoral ».
Il convient de signaler que la validité formelle du choix ne s'apprécie que dans le respect des conditions de validité de la disposition à cause de mort, et non dans son intitulé « testament », « testament conjonctif » ou « pacte successoral ». Par ailleurs, le choix peut être valablement exprimé de manière autonome sans être compris dans un testament, un testament conjonctif ou un pacte successoral comprenant d'autres dispositions d'ordre dévolutif.
Selon l'article 22-2 in fine du règlement (UE) n° 650/2012, le choix de loi implicite peut résulter des termes d'une disposition à cause de mort.
Force est de constater que les articles du règlement ne donnent pas de précisions sur ce qu'il faut entendre par un choix de loi implicite.
En revanche, le considérant 39 précise que : « Le choix de la loi devrait être formulé de manière expresse dans une déclaration revêtant la forme d'une disposition à cause de mort ou résulter des termes d'une telle disposition. Le choix de la loi pourrait être considéré comme résultant d'une disposition à cause de mort dans le cas où, par exemple, dans sa disposition, le défunt avait fait référence à des dispositions spécifiques de la loi de l'État de sa nationalité ou dans le cas où il avait mentionné cette loi d'une autre manière ».
Le manque de clarté du choix ou le caractère équivoque de celui-ci peut entraîner un aléa quant à la reconnaissance de la validité en la forme de celui-ci.
Il semble évident que, bien que l'esprit du règlement dispose d'une reconnaissance in favorem des dispositions à cause de mort, il faille, pour éviter toute dérive et divergence d'interprétation, ne pas pour autant laisser cours à des interprétations extensives de la volonté implicite du défunt.
À ce titre, plusieurs questions peuvent émerger :
  • le choix implicite doit-il être admis par toute autorité saisie d'une succession ?Il semble cohérent de penser qu'une autorité saisie d'une succession, dépendant d'un État qui ne reconnaît pas la professio juris dans son droit interne, ne doit pas pouvoir reconnaître la validité d'un choix de loi. Seules les autorités d'un État membre ou d'un État tiers dont le droit interne autorise la professio juris doivent pouvoir valider un tel choix 1539610818608 ;
  • le choix de loi implicite peut-il découler de la simple utilisation de la langue utilisée par le disposant ?Certains praticiens arguent du fait que la langue choisie par le défunt pour disposer vaudrait professio juris implicite pour la loi de sa nationalité si elle correspond à cette langue.Cette position ne paraît pas être admissible. En effet, un tel postulat risquerait d'aboutir à des résultats inattendus, incohérents par rapport à la situation d'espèce, voire à des situations insolubles. Dans le cas d'un testament rédigé en anglais par exemple, la langue anglaise correspond-elle à la nationalité britannique ou bahamienne du défunt binational ?Le 115e Congrès des notaires de France invite à ne pas valider cette analyse visant à déduire un seul choix de loi de la langue de rédaction de la disposition, en ce qu'elle risque d'aboutir à des incohérences, voire à des dérives de l'institution de la professio juris telle qu'elle a été mise en place par le règlement (UE) n° 650/2012.La langue ne peut constituer qu'un indice permettant avec d'autres de valider le choix de loi ;
  • l'utilisation d'un outil, un instrument, une institution propre à la loi interne d'un État peut-elle être assimilée à une professio juris implicite ?
Par exemple, en dehors des considérations de validité, l'utilisation d'une donation entre époux, bien connue du droit français, ou d'un trust bien connu du droit anglo-saxon, peut-elle être assimilée à une désignation de loi applicable ?
Là encore, la prudence impose de ne considérer l'instrumentum que comme un indice, qui, s'il converge avec d'autres, permet de reconnaître un choix de loi implicite.
Également, il faudra de surcroît vérifier que l'autorité saisie, qui aura à apprécier la validité de la professio juris implicite, est une autorité d'un État membre ou d'un État tiers dont le droit interne reconnaît la possibilité pour le défunt d'avoir opéré préalablement à son décès une désignation de loi applicable.
L'autorité saisie d'une succession internationale comportant un choix de loi implicite devra donc apprécier in concreto, au vu de l'ensemble de ces éléments, la disposition à cause de mort dont il pourrait être déduit un choix de loi implicite pour se prononcer cas par cas. Le faisceau d'indices aboutissant à une validation de la professio juris implicite devra faire l'objet d'un exposé détaillé dans l'acte que le praticien dressera.
Disposition prise antérieurement au 17 août 2015
L'article 83-2 du règlement (UE) n° 650/2012 dispose : « Lorsque le défunt avait, avant le 17 août 2015, choisi la loi applicable à sa succession, ce choix est valable s'il remplit les conditions fixées au chapitre III ou s'il est valable en application des règles de droit international privé qui étaient en vigueur, au moment où le choix a été fait, dans l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle ou dans tout État dont il possédait la nationalité ».
Cet article permet donc une validation rétroactive d'un choix de loi antérieur au 17 août 2015.
L'article 83-4 du règlement (UE) n° 650/2012 dispose : « Si une disposition à cause de mort, prise avant le 17 août 2015, est rédigée conformément à la loi que le défunt aurait pu choisir en vertu du présent règlement, cette loi est réputée avoir été choisie comme loi applicable à la succession ».
Cet article invite à s'interroger sur la problématique suivante : le défunt doit-il avoir eu conscience qu'il avait le choix entre plusieurs lois au moment où il a régularisé la disposition à cause de mort, pour que la professio juris implicite puisse être validée ?
Il n'existe pas à ce jour de position uniforme de la doctrine et de la pratique internationale sur ce point.
Dans un contexte particulier, celui d'une disposition à cause de mort qui serait invalide conformément à la loi objectivement applicable, et, au contraire, valide et efficace si c'est le cas conformément à la loi qui serait choisie implicitement, certains pays comme la Suisse et l'Allemagne reconnaissent la validité de la professio juris implicite en l'absence de conscience du disposant de la faculté de choisir qui lui était offerte, en fondant leur argumentation sur la théorie de la favour validatis 1539610860548.
Encore, comme le soulignent très justement Me Jean Gasté et Xavier Ricard, il ne semble pas possible de considérer qu'une donation entre époux régularisée en France avant le 4 juillet 2012 puisse induire un choix implicite pour la loi française, puisqu'à l'époque, la professio juris n'était pas un mécanisme reconnu par le droit français.
Il semble en outre prudent de retenir que la forme britannique d'un testament ne permet pas d'appliquer la présomption édictée par l'article 83-4 du règlement. Par analogie, l'expression « ou résulte des termes d'une telle disposition » employée dans l'article 22 du règlement laisse entendre que le choix de loi applicable doit résulter directement et seulement du contenu même de l'acte. Toute référence à des éléments extrinsèques doit être écartée 1542790452092.
L'établissement du testament en langue anglaise ou encore la forme dactylographiée constituent des éléments extrinsèques qui ne présument pas de la volonté du défunt de soumettre sa succession à la loi anglaise.
Encore, la constitution d'un trust ou une référence aux dispositions de la Society of trust and estate practionners ne semble également pas suffisante pour induire l'existence d'un choix de loi en faveur de la loi anglaise. Il n'existe à ce jour pas de jurisprudence en la matière, mais cette analyse ne semble pas pouvoir emporter la conviction du praticien.
En effet, il convient de noter que, notamment pour les dispositions antérieures au 4 juillet 2012, le texte du règlement « Successions » était loin d'être finalisé et, comme aujourd'hui, le droit britannique n'offrait pas la possibilité d'option au défunt en faveur de la loi successorale de l'État de sa nationalité. Il est possible de noter de surcroît que la possibilité d'un choix de loi tacite prévu à l'actuel article 22 du règlement ne figurait pas dans la proposition de règlement de 2009. Dans ces conditions, il paraît inconcevable de présumer un choix tacite en faveur de la loi nationale du défunt alors que le droit positif en vigueur lors de la rédaction du testament n'offrait pas cette option.
Le choix implicite
Là encore, il y a lieu de distinguer selon que la disposition a été prise par le défunt avant (ii) ou après (i) le 17 août 2015.
Disposition prise à compter du 17 août 2015
Disposition prise antérieurement au 17 août 2015
Position conseillée
Par mesure de prudence, le 115e Congrès des notaires invite à ne retenir la validité du choix implicite que dans les cas suivants :
  • le choix implicite doit découler uniquement des termes de la disposition à cause de mort ;
  • il ne peut être validé que par une autorité (dont le notaire) dont le système juridique reconnaît le choix de loi ;
  • il doit être apprécié au vu d'un faisceau de plusieurs indices concordants et convergents qui permettront de conclure qu'il est clair et univoque ;
  • le choix de loi implicite ne doit être retenu que s'il permet une unicité de loi applicable à la succession, ou tout au moins s'il facilite le règlement de celle-ci conformément au principe de prévisibilité et de stabilité de la loi successorale dont dispose le règlement ;
  • la personne qui effectue le choix doit avoir eu conscience de l'existence d'un potentiel conflit de lois, et de la possibilité qui lui est offerte d'opter pour une d'entre elles. Ainsi pour les États ne reconnaissant pas le choix de loi dans leur droit interne, il faudra proscrire la professio juris implicite si l'instrumentum est antérieur à la date de ratification du règlement (UE) n° 650/2012.

Validité au fond du choix de loi

La validité au fond du choix de loi applicable doit être appréciée au regard de trois aspects.

Reconnaissance de la professio juris par l'autorité saisie

Le praticien saisi du règlement d'une succession internationale devra appartenir à un ordre juridique reconnaissant le principe même de la professio juris.
Il est possible de dénombrer trois groupes d'États :
  • les États membres : pour lesquels le règlement « Successions » prévoit la reconnaissance de la professio juris à l'article 22 ;
  • les États tiers dont le droit interne prévoit la possibilité de réaliser une professio juris.Les États prévoyant le choix de loi en faveur de la loi nationale en matière successorale sont les suivants : Arménie, Bénin, Biélorussie, Burkina Faso, Canada (Ontario et Québec), Corée du Sud, Kazakhstan, Kirghizistan, Liechtenstein, Monaco, République dominicaine, Suisse et Ukraine (certains États des États-Unis reconnaissent la professio juris : New York [en faveur de la loi new-yorkaise], l'État du Delaware) ;
  • les États tiers dont le droit interne ne prévoit pas cette possibilité.
En présence d'un État du troisième groupe, dans le cadre d'un estate planning international, l'utilisation de la professio juris sera déconseillée.

Le choix ne peut viser que la loi de la nationalité de la personne l'ayant effectué

Le choix de loi contenu dans une disposition à cause de mort ne peut porter que sur la loi de la nationalité du disposant.
La détermination de la nationalité du disposant, au moment de la rédaction de la professio juris ou lors de l'ouverture de la succession du disposant, doit impérativement faire l'objet d'une vérification préliminaire.
Selon l'article 22-1 du règlement (UE) n° 650/2012, « une personne peut choisir comme loi régissant sa succession, la loi de l'État dont elle possède la nationalité au moment où elle fait ce choix ou au moment de son décès ».
Il n'est pas possible de faire porter ce choix sur un autre élément de rattachement.
Ainsi, un choix de loi réalisé en faveur de ce que le disposant identifierait comme être sa résidence habituelle ne pourra pas recevoir une quelconque validité. La « confirmation de résidence habituelle » n'est donc pas valable.
Il en est de même pour un choix de loi qui viserait à soumettre certains biens à leur lieu de situation.
Si le choix de loi doit porter sur la nationalité, force est de constater qu'il ne peut porter que sur une nationalité :
  • que « possède » le disposant.Ce qui induit que si le disposant est un plurinational, une option lui est offerte.Il n'existe dans ce cas pas de hiérarchie entre les différentes nationalités. Le choix est indifféremment alternatif, il n'y a pas lieu de rechercher la nationalité la plus effective.Par suite, un choix de loi réalisé au profit d'une nationalité non effectivement acquise doit être considéré comme invalide.Lorsqu'un individu choisit la nationalité d'un État doté d'un système plurilégislatif, il est fortement conseillé, pour plus de pertinence, que celui-ci précise notamment le système législatif qu'il entend désigner (par ex. : la loi de l'État de Floride, et non la loi américaine) ;
  • « au moment où [le disposant] fait ce choix ou au moment du décès ».
Cette préposition implique que le choix au profit d'une nationalité reste valable quand bien même la situation du disposant évoluerait du fait d'un changement, d'une perte ou d'une déchéance de nationalité 1539610919070.

Validité au fond de la disposition contenant le choix

Il convient d'opérer une distinction entre les dispositions contenant le choix de loi consistant en une disposition testamentaire (regroupant les testaments et les testaments conjonctifs), et celles ayant pour support un pacte successoral.
Dans les deux cas, il conviendra de procéder à une lecture combinée de l'article 26 du règlement (UE) n° 650/2012 avec l'article dédié à l'instrumentum retenu pour opérer le choix de loi.
« Article 26 – Validité au fond des dispositions à cause de mort
1. Aux fins des articles 24 et 25, les éléments ci-après relèvent de la validité au fond :
  • la capacité de la personne qui dispose à cause de mort de prendre une telle disposition ;
  • les causes particulières qui empêchent la personne qui prend la disposition de disposer en faveur de certaines personnes ou qui empêchent une personne de recevoir des biens successoraux de la personne qui dispose ;
  • l'admissibilité de la représentation aux fins de l'établissement d'une disposition à cause de mort ;
  • l'interprétation de la disposition ;
  • la fraude, la contrainte, l'erreur ou toute autre question relative au consentement ou à l'intention de la personne qui dispose.
2. Lorsqu'une personne a la capacité de disposer à cause de mort en vertu de la loi applicable conformément à l'article 24 ou 25, une modification ultérieure de la loi applicable n'affecte pas sa capacité de modifier ou de révoquer une telle disposition. »
L'article 24 a trait aux dispositions testamentaires, l'article 25 quant à lui traite des pactes successoraux.
Validité au fond des dispositions autres que les pactes successoraux
En la matière, c'est une lecture combinée des articles 24 et 26 du règlement (UE) n° 650/2012 qui permet d'appréhender la règle.
Il convient ici, par dérogation au plan choisi, d'analyser la recevabilité au fond des dispositions à cause de mort d'une façon globale (en présence ou en l'absence d'un choix de loi).
L'article 24 précise :
« 1. La recevabilité et la validité au fond d'une disposition à cause de mort autre qu'un pacte successoral sont régies par la loi qui, en vertu du présent règlement, aurait été applicable à la succession de la personne ayant pris la disposition si elle était décédée le jour de l'établissement de la disposition.
2. Nonobstant le paragraphe 1, une personne peut choisir comme loi régissant sa disposition à cause de mort, quant à sa recevabilité et à sa validité au fond, la loi que cette personne aurait pu choisir en vertu de l'article 22, selon les conditions qui y sont fixées.
3. Le paragraphe 1 s'applique, selon le cas, à la modification ou à la révocation d'une disposition à cause de mort autre qu'un pacte successoral. En cas de choix de loi effectué conformément au paragraphe 2, la modification ou la révocation est régie par la loi choisie ».
En présence d'un choix de loi, c'est donc à la loi choisie par le défunt que devra répondre le fond de la disposition testamentaire.
En l'absence d'un choix de loi, c'est la loi découlant de l'application de l'élément de rattachement prévu par l'article 21, celle de la résidence habituelle 1539610982039ou exceptionnellement celle de l'État avec lequel le défunt entretenait des liens manifestement plus étroits 1539610995357, qui s'appliquerait pour préjuger de la validité au fond de la disposition. Dans un tel cas, la recherche de la loi applicable doit être fictivement effectuée comme si le disposant était décédé le jour où il a établi la disposition à cause de mort.
Validité au fond des dispositions constituant un pacte successoral
En droit français interne, un pacte successoral est une convention portant sur la totalité ou une partie des biens qui dépendront de la masse successorale d'une personne vivante.
Le pacte sur succession future est caractérisé s'il réunit quatre éléments :
  • il doit être irrévocable ;
  • il doit porter sur tout ou partie d'une succession ;
  • la succession ne doit pas être encore ouverte, en ce que le décès n'est pas encore intervenu ;
  • il confère un droit éventuel à une personne.
Les pactes successoraux étaient de principe prohibés en France 1539611020286, et ce dans l'objectif de garantir aux individus la possibilité de déterminer jusqu'à leur mort les personnes qui recueilleront leur patrimoine.
Au fil du temps, le législateur a concédé un certain nombre d'exceptions à la règle de la prohibition. On retiendra parmi elles certains pactes autorisés par le droit des sociétés 1539611049217, et d'autres permettant d'organiser sa succession, comme l'action en renonciation anticipée à l'action en réduction, la donation-partage, la donation entre époux de biens à venir, la convention d'indivision prévoyant une faculté de rachat de la part d'un indivisaire par ses coïndivisaires 1539611095245, la libéralité graduelle 1539611103684, la libéralité résiduelle 1539611146498.
L'article 25 du règlement (UE) n° 650/2012 est consacré aux pactes successoraux.
Pour appréhender la validité au fond d'un choix de loi contenu dans un pacte successoral, il convient de combiner l'article 25 avec l'article 26 sus-relaté.
Là encore, par dérogation au plan choisi, pour une meilleure compréhension il convient d'analyser la recevabilité au fond du pacte successoral dans globalité (en présence ou en l'absence d'un choix de loi).
« Article 25 – Pacte successoral
1. Un pacte successoral qui concerne la succession d'une seule personne est régi, quant à sa recevabilité, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution, par la loi qui, en vertu du présent règlement, aurait été applicable à la succession de cette personne si elle était décédée le jour où le pacte a été conclu.
2. Un pacte successoral qui concerne la succession de plusieurs personnes n'est recevable que s'il l'est en vertu de chacune des lois qui, conformément au présent règlement, aurait régi la succession de chacune des personnes concernées si elles étaient décédées le jour où le pacte a été conclu.
Un pacte successoral qui est recevable en vertu du premier alinéa est régi, quant à sa validité au fond et à ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution, par celle des lois visées au premier alinéa avec laquelle il présente les liens les plus étroits.
3. Nonobstant les paragraphes 1 et 2, les parties peuvent choisir comme loi régissant leur pacte successoral, quant à sa recevabilité, sa validité au fond et ses effets contraignants entre les parties, y compris en ce qui concerne les conditions de sa dissolution, la loi que la personne ou l'une des personnes dont la succession est concernée aurait pu choisir en vertu de l'article 22, selon les conditions qui y sont fixées. »
En présence d'un choix de loi, c'est donc au regard de la loi choisie par le défunt que sera analysée la validité au fond du pacte successoral.
En l'absence de choix de loi, il convient de distinguer selon que le praticien est en présence d'un pacte successoral concernant la succession d'une personne ou de plusieurs personnes.
Si le pacte a trait à la succession d'un seul individu, la validité au fond de celui-ci sera appréciée au regard de la loi qui découlerait de l'application des éléments de rattachement prévus à l'article 21 du règlement (résidence habituelle, ou exceptionnellement loi du pays avec lequel le défunt entretenait des liens manifestement plus étroits), si le disposant était décédé le jour de la conclusion du pacte.
Si le pacte gouverne la succession de plusieurs personnes, la validité au fond de celui-ci sera appréciée au regard de chacune des lois qui auraient régi la succession de chacun des disposants s'ils étaient décédés le jour de la conclusion du pacte. Dans ce cas, le cumul des lois applicables aboutit à reconnaître la validité du pacte au fond uniquement si toutes les lois en présence s'y accordent.
Il convient de signaler que ces règles sont applicables à la validité au fond des pactes, mais aussi à leur recevabilité et leurs effets contraignants, en ce compris les conditions de leur dissolution.
L'étude de la validité au fond des dispositions à cause de mort, qui aurait dû être uniquement présentée conformément au plan retenu, sous l'angle du choix de loi, mais qui pour des raisons de meilleure compréhension a été appréhendée dans son ensemble, permet en fait l'introduction de la règle d'application de l'élément de rattachement subsidiaire dont dispose le règlement (UE) n° 650/2012 à défaut de choix de loi : il s'agit de la résidence habituelle du défunt.

En l'absence d'un choix de loi : loi de la résidence habituelle

L'article 21 du règlement (UE) n° 650/2012, énonce : « 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès (…) ».
À défaut de choix, la loi applicable à la succession du défunt sera celle de la résidence habituelle de ce dernier.
Il convient de remarquer que la nationalité du défunt est indifférente. Elle n'est absolument pas prise en considération.
L'élément unique à retenir est la résidence habituelle.
La notion de résidence habituelle n'est pas définie par le règlement et est par conséquent difficile à appréhender.
Il est intéressant de noter que les considérants 23 1539611213284, 24 1539611265744et 25 1539611312824apportent des informations qui permettent de mieux l'appréhender.
Ceux-ci préconisent une approche in concreto, devant permettre de mettre en exergue l'existence d'un « lien étroit et stable avec l'État concerné », en privilégiant la méthode du faisceau d'indices. Ils préconisent également, dans certains cas complexes mettant en jeu des déplacements fréquents et des liens étroits avec au moins deux États, que certains critères (telle la nationalité par exemple) puissent revêtir un caractère prépondérant, susceptible d'emporter l'adhésion du choix du praticien.
On notera que la Convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions, texte précurseur du règlement (UE) n° 650/2012, prévoyait une utilisation combinée de la nationalité et d'une notion de durée pour déterminer la résidence habituelle 1539611392613. Ces critères n'ont pas été repris stricto sensu par le règlement. Les considérants susvisés commandent néanmoins de garder à l'esprit ces notions pour parvenir à la détermination de la résidence habituelle.
Il est important de rappeler qu'en droit international privé, la notion de résidence habituelle 1539611377084n'est pas transposable d'une matière à une autre 1539611372735.
Il en découle alors la nécessité de rechercher les éléments permettant d'établir un lien étroit et stable avec un État.
Mes Jean Gasté et Xavier Ricard 1539611504139ont dressé un tableau d'indices objectifs permettant de comparer les liens existant entre les différents États en cause et le défunt, et de procéder ainsi à une comparaison.
Il convient de noter que la liste des indices y figurant n'est qu'une proposition d'éléments pouvant être pris en compte, elle ne constitue aucunement une liste exhaustive.
Il existe des cas dans lesquels il sera difficile de déterminer la résidence habituelle du défunt, notamment en présence de travailleurs frontaliers, d'étudiants réalisant des études à l'étranger, de personnes placées en maisons de retraite à l'étranger, etc.
Des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et de la Cour de cassation sont attendues à ce sujet.
Si, après cette analyse, la détermination de la résidence habituelle demeure impossible ou si elle aboutit à l'application d'une loi inadéquate, au regard de la situation d'espèce du défunt, il conviendra d'appliquer la clause d'exception prévue au 2 de l'article 21 du règlement.

Détermination de la loi applicable par le jeu de la clause d'exception

L'article 21-2 du règlement (UE) n° 650/2012, dispose : « 2. Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet État ».
Aussi baptisée « clause de sauvegarde », cette clause d'exception est fondée sur la théorie anglo-saxonne du forum non conveniens 1539611568287.
Elle ne peut jouer que lorsque le défunt n'aura pas effectué de choix de loi.
Cette clause de sauvegarde ne doit pas être utilisée comme « un facteur de rattachement subsidiaire dès que la détermination de la résidence habituelle du défunt au moment de son décès s'avère complexe » ainsi que le précise le considérant 25.
Elle présente l'intérêt de permettre d'éviter l'application de la loi de résidence habituelle lorsqu'il résulte de celle-ci un résultat manifestement inapproprié.
Cependant, il convient de garder à l'esprit que cette clause d'exception peut avoir l'effet pervers d'anéantir la planification successorale qui avait été mise en place, et donc devenir source d'insécurité.
Plus généralement, il peut lui être fait le reproche de s'avérer contraire au principe de prévisibilité de la loi successorale sur lequel se fonde le règlement.
Il en découle que l'utilisation de cette clause doit donc être absolument exceptionnelle.
Elle ne sera possible que :
  • parce que le praticien se trouve dans l'impossibilité de déterminer la résidence habituelle ;
  • ou parce que le rattachement à la résidence habituelle du défunt conduit à des résultats non satisfaisants eu égard au contexte en présence. Là encore, le praticien devra appliquer la méthode du faisceau d'indices pour déterminer que l'ensemble des circonstances de la cause implique la désignation d'une loi applicable plus adéquate que celle qui découlerait de l'application de la loi de résidence habituelle du défunt.
Le notaire choisissant d'avoir recours à la clause d'exception prévue à l'article 21-2 du règlement (UE) n° 650/2012 devra motiver sa décision de manière étayée et exhaustive.
L'application de l'ensemble des règles de conflit du for (qualification et éléments de rattachement) qui vient d'être exposé, auquel sera lié le notaire français, permet de déterminer l'ordre juridique d'un État. Cette désignation d'un ordre juridique peut faire apparaître l'utilisation de correctifs par le praticien.

Attention

Un accord unanime des héritiers au terme duquel le notaire serait requis d'appliquer la clause d'exception ne pourrait être validé s'il n'existe pas de circonstances exceptionnelles permettant son application.