Décès intervenu après l'entrée en application du règlement (UE) n° 650/2012 (17 août 2015)
Décès intervenu après l'entrée en application du règlement (UE) n° 650/2012 (17 août 2015)
Déterminer la loi applicable
- « La loi désignée en vertu de l'article 21 ou 22 régit l'ensemble d'une succession.
- Cette loi régit notamment :
- les causes, le moment et le lieu d'ouverture de la succession ; ».Paul Lagarde précise : « L'exclusion du domaine du règlement des questions relatives à la disparition, à l'absence ou à la mort présumée d'une personne physique se limite aux conditions d'établissement de ces situations et non à leurs conséquences successorales » 1539340519653 ;
- « la vocation successorale des bénéficiaires, la détermination de leurs parts respectives et des charges qui peuvent leur être imposées par le défunt, ainsi que la détermination d'autres droits sur la succession, y compris les droits successoraux du conjoint ou du partenaire survivant ;
- la capacité de succéder ;
- l'exhérédation et l'indignité successorale ;
- le transfert des biens, des droits et des obligations composant la succession aux héritiers et, selon le cas, aux légataires, y compris les conditions et les effets de l'acceptation de la succession ou du legs ou de la renonciation à ceux-ci ;
- les pouvoirs des héritiers, des exécuteurs testamentaires et autres administrateurs de la succession, notamment en ce qui concerne la vente des biens et le paiement des créanciers, sans préjudice des pouvoirs visés à l'article 29, paragraphes 2 et 3 ;
- la responsabilité à l'égard des dettes de la succession ;
- la quotité disponible, les réserves héréditaires et les autres restrictions à la liberté de disposer à cause de mort ainsi que les droits que les personnes proches du défunt peuvent faire valoir à l'égard de la succession ou des héritiers ;
- le rapport et la réduction des libéralités lors du calcul des parts des différents bénéficiaires ;
- le partage successoral ».
Recherche de l'existence d'une loi de police
En présence d'un choix de loi : la professio juris
Validité en la forme du choix de loi
L' instrumentum du choix
Une disposition testamentaire autre qu'un pacte successoral
- du lieu où le testateur a disposé, ou
- d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
- d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
- du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou
- pour les immeubles, du lieu de leur situation.
- la France et les pays ayant ratifié la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 considéreront comme valable en la forme la disposition testamentaire (testament et testament conjonctif) rédigée par le défunt si elle l'a été conformément à une des dispositions alternatives ci-dessus relatées à l'article premier de la convention de La Haye ci-dessus littéralement rapporté ;
- les autres États membres non parties à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 considéreront comme valable une telle disposition si elle a été rédigée conformément à une des dispositions alternatives relatées à l'article 27 du règlement.
Le testament conjonctif
Le pacte successoral
L'expression du choix
Le choix exprès
- le choix implicite doit-il être admis par toute autorité saisie d'une succession ?Il semble cohérent de penser qu'une autorité saisie d'une succession, dépendant d'un État qui ne reconnaît pas la professio juris dans son droit interne, ne doit pas pouvoir reconnaître la validité d'un choix de loi. Seules les autorités d'un État membre ou d'un État tiers dont le droit interne autorise la professio juris doivent pouvoir valider un tel choix 1539610818608 ;
- le choix de loi implicite peut-il découler de la simple utilisation de la langue utilisée par le disposant ?Certains praticiens arguent du fait que la langue choisie par le défunt pour disposer vaudrait professio juris implicite pour la loi de sa nationalité si elle correspond à cette langue.Cette position ne paraît pas être admissible. En effet, un tel postulat risquerait d'aboutir à des résultats inattendus, incohérents par rapport à la situation d'espèce, voire à des situations insolubles. Dans le cas d'un testament rédigé en anglais par exemple, la langue anglaise correspond-elle à la nationalité britannique ou bahamienne du défunt binational ?Le 115e Congrès des notaires de France invite à ne pas valider cette analyse visant à déduire un seul choix de loi de la langue de rédaction de la disposition, en ce qu'elle risque d'aboutir à des incohérences, voire à des dérives de l'institution de la professio juris telle qu'elle a été mise en place par le règlement (UE) n° 650/2012.La langue ne peut constituer qu'un indice permettant avec d'autres de valider le choix de loi ;
- l'utilisation d'un outil, un instrument, une institution propre à la loi interne d'un État peut-elle être assimilée à une professio juris implicite ?
Le choix implicite
- le choix implicite doit découler uniquement des termes de la disposition à cause de mort ;
- il ne peut être validé que par une autorité (dont le notaire) dont le système juridique reconnaît le choix de loi ;
- il doit être apprécié au vu d'un faisceau de plusieurs indices concordants et convergents qui permettront de conclure qu'il est clair et univoque ;
- le choix de loi implicite ne doit être retenu que s'il permet une unicité de loi applicable à la succession, ou tout au moins s'il facilite le règlement de celle-ci conformément au principe de prévisibilité et de stabilité de la loi successorale dont dispose le règlement ;
- la personne qui effectue le choix doit avoir eu conscience de l'existence d'un potentiel conflit de lois, et de la possibilité qui lui est offerte d'opter pour une d'entre elles. Ainsi pour les États ne reconnaissant pas le choix de loi dans leur droit interne, il faudra proscrire la professio juris implicite si l'instrumentum est antérieur à la date de ratification du règlement (UE) n° 650/2012.
Validité au fond du choix de loi
Reconnaissance de la professio juris par l'autorité saisie
- les États membres : pour lesquels le règlement « Successions » prévoit la reconnaissance de la professio juris à l'article 22 ;
- les États tiers dont le droit interne prévoit la possibilité de réaliser une professio juris.Les États prévoyant le choix de loi en faveur de la loi nationale en matière successorale sont les suivants : Arménie, Bénin, Biélorussie, Burkina Faso, Canada (Ontario et Québec), Corée du Sud, Kazakhstan, Kirghizistan, Liechtenstein, Monaco, République dominicaine, Suisse et Ukraine (certains États des États-Unis reconnaissent la professio juris : New York [en faveur de la loi new-yorkaise], l'État du Delaware) ;
- les États tiers dont le droit interne ne prévoit pas cette possibilité.
Le choix ne peut viser que la loi de la nationalité de la personne l'ayant effectué
- que « possède » le disposant.Ce qui induit que si le disposant est un plurinational, une option lui est offerte.Il n'existe dans ce cas pas de hiérarchie entre les différentes nationalités. Le choix est indifféremment alternatif, il n'y a pas lieu de rechercher la nationalité la plus effective.Par suite, un choix de loi réalisé au profit d'une nationalité non effectivement acquise doit être considéré comme invalide.Lorsqu'un individu choisit la nationalité d'un État doté d'un système plurilégislatif, il est fortement conseillé, pour plus de pertinence, que celui-ci précise notamment le système législatif qu'il entend désigner (par ex. : la loi de l'État de Floride, et non la loi américaine) ;
- « au moment où [le disposant] fait ce choix ou au moment du décès ».
Validité au fond de la disposition contenant le choix
- la capacité de la personne qui dispose à cause de mort de prendre une telle disposition ;
- les causes particulières qui empêchent la personne qui prend la disposition de disposer en faveur de certaines personnes ou qui empêchent une personne de recevoir des biens successoraux de la personne qui dispose ;
- l'admissibilité de la représentation aux fins de l'établissement d'une disposition à cause de mort ;
- l'interprétation de la disposition ;
- la fraude, la contrainte, l'erreur ou toute autre question relative au consentement ou à l'intention de la personne qui dispose.
Validité au fond des dispositions autres que les pactes successoraux
Validité au fond des dispositions constituant un pacte successoral
- il doit être irrévocable ;
- il doit porter sur tout ou partie d'une succession ;
- la succession ne doit pas être encore ouverte, en ce que le décès n'est pas encore intervenu ;
- il confère un droit éventuel à une personne.
En l'absence d'un choix de loi : loi de la résidence habituelle
Détermination de la loi applicable par le jeu de la clause d'exception
- parce que le praticien se trouve dans l'impossibilité de déterminer la résidence habituelle ;
- ou parce que le rattachement à la résidence habituelle du défunt conduit à des résultats non satisfaisants eu égard au contexte en présence. Là encore, le praticien devra appliquer la méthode du faisceau d'indices pour déterminer que l'ensemble des circonstances de la cause implique la désignation d'une loi applicable plus adéquate que celle qui découlerait de l'application de la loi de résidence habituelle du défunt.
Attention
Mise en œuvre du rattachement : les correctifs
La fraude à la loi
Le renvoi
Le renvoi dans le cadre d'un décès intervenu avant le 17 août 2015
Le renvoi au premier degré
Le renvoi au second degré
Acceptation de l'offre de compétence
Refus de l'offre de compétence
- soit au droit international privé du second État, il en ressort un phénomène de va-et-vient incessant ;
- soit au droit international privé d'un quatrième État.
- d'appliquer la loi matérielle du for, en invoquant la théorie du forum necessitatis qui donne une vocation subsidiaire de la loi du for. Il sera alors fait application de la loi matérielle française à l'ensemble de la succession. L'objectif d'unicité de la succession est ainsi assuré. Certains reprochent cependant à cette solution d'être teintée d'unilatéralisme ;
- de forcer la règle de conflit, et d'appliquer ainsi la loi successorale matérielle de l'État désigné par la règle de conflit du deuxième État, lui-même désigné par la règle de conflit française. Dans cette hypothèse, le droit international privé du troisième État n'est pas appliqué. Il peut être opposé à cette solution une certaine automaticité et objectivité qui peuvent contrevenir au principe de recherche de la proximité de rattachement ;
- de « s'en remettre au système de droit international privé de la loi désignée par la règle de conflit du for. Si celui-ci écarte le renvoi, on appliquera la loi qu'il désigne. S'il accepte au contraire le renvoi qui lui est fait par la loi tierce, on appliquera sa propre loi » 1539612073663. Cette solution est préconisée par les professeurs Henri Batiffol et Paul Lagarde, elle présente l'intérêt d'être plus modérée ;
- d'appliquer la loi matérielle de l'État désignée par la règle de conflit française. Cette solution est fondée sur le principe que l'essence même du renvoi est de poursuivre un objectif de coordination. Si le jeu du renvoi n'assure pas celui-ci, il convient de l'écarter et d'appliquer ainsi la loi matérielle désignée par la règle de conflit française.
Le renvoi dans le cadre d'un décès intervenu après le 17 août 2015
- à la loi d'un État membre ; ou
- à la loi d'un autre État tiers qui appliquerait sa propre loi ».
- celle du renvoi à la loi d'un État membre.Dans ce cas, le renvoi peut être appliqué jusqu'au deuxième degré. Le jeu du renvoi peut ainsi aboutir à une application tant de la loi matérielle du for que de celle d'un autre État membre ;
- celle du renvoi à la loi d'un État tiers qui accepte sa compétence.
- en présence d'une loi de police 1539612122565 ;
- lorsque la loi désignée est celle d'un État tiers, et que celui-ci n'accepte pas sa compétence 1539612130649 ;
- en matière de validité des actes juridiques 1539612135181 ;
- lorsque la loi désignée l'a été au moyen de l'utilisation de la clause d'exception 1539612139550 ;
- quand le défunt a réalisé un choix de loi 1539612149149.
- l'État qui subit le rejet du renvoi prévu par l'article 34 du règlement accepte sa compétence de manière subsidiaire.À titre d'exemple, la Grande-Bretagne renvoie la compétence à la loi française pour les immeubles, la France rejette le renvoi du fait de l'application de l'article 34, pour le cas où le défunt a réalisé une professio juris. La Grande-Bretagne acceptera de traiter l'intégralité de la succession du défunt du fait qu'elle accepte sa compétence de manière subsidiaire dans les situations de blocage.Il n'y a alors pas de problème. On notera que l'article 34 assure ainsi son objectif d'unicité de la succession ;
- l'État qui subit le rejet du renvoi prévu par l'article 34 du règlement rejette sa compétence, car il n'est pas prévu de compétence subsidiaire dans son ordre juridique.Sur le fondement de la théorie du forum necessitatis, il sera alors permis à la loi française de trouver application en vertu de la compétence subsidiaire du for que prévoit le règlement.
Le renvoi en matière successorale : droit comparé
- exclu par les États suivants : Algérie, Brésil, Canada, Québec, Chine, Danemark, Égypte, Émirats arabes unis, Grèce*, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Norvège, Pays-Bas*, Pérou, République dominicaine, Somalie, Soudan, Suède*, Syrie, Tunisie ;
- admis au premier degré dans les États suivants : Albanie, Argentine, Belgique*, Congo, Cuba, Espagne*, Estonie*, Hongrie*, Japon, Liechtenstein, Lituanie*, Luxembourg*, Mexique, Pologne*, Portugal*, Roumanie*, Russie, Sénégal, Suisse, Thaïlande, Togo, Vietnam ;
- admis au premier et au second degré dans les États suivants : les États membres** adhérant au règlement (UE) n° 650/2012, l'Allemagne*, l'Autriche*, le Burkina Faso, la Finlande*, la France*, l'Italie*, le Royaume-Uni, la Turquie, le Venezuela.
L'application de la loi matérielle étrangère : la question de l'ordre public international
Rejet d'une loi matérielle qui viendrait contrarier l'ordre juridique du for
- qu'à l'issue du raisonnement conflictuel ;
- qu'au profit de l'application de la loi matérielle française ;
- que de façon exceptionnelle après qu'une appréciation in concreto du résultat découlant de l'application de la loi matérielle étrangère a été réalisée ;
- et par voie de conséquence, elle ne joue que contre le résultat qui découle de la loi matérielle étrangère applicable et non contre la loi étrangère elle-même.
- le principe d'égalité des époux 1539612405608 ;
- le principe d'égalité des parents 1539612410541 ;
- le principe du droit à une filiation 1539612415926 ;
- le principe d'ordre public alimentaire 1539612421126 ;
- le principe d'indisponibilité de l'état des personnes 1539612425095.
- succession dans laquelle le défunt est musulman, si la loi matérielle étrangère aboutit à exhéréder les héritiers non-musulmans par application du privilège de religion applicable dans cet État ;
- succession dans laquelle le défunt est musulman, si la loi matérielle étrangère aboutit à allotir dans une moindre proportion les héritiers de sexe féminin, sauf prise en compte de l'atténuation de l'ordre public international dont il sera question ci-après ;
- succession appliquant le droit d'aînesse : idem.
Accueil dans certaines circonstances des effets d'une loi matérielle jugée habituellement contraire à l'ordre public international du for : l'ordre public atténué
- il s'agit d'un droit acquis sans fraude ;
- à l'étranger ;
- et en conformité par rapport à la loi applicable selon le droit français.
- la géolocalisation du centre des intérêts de vie de la personne en cause ;
- la densité des liens avec la France ;
- et les mesures prises à l'intérieur du système juridique étranger pour corriger l'inégalité successorale (dot, donations, vocation successorale supplémentaire inconnue du droit français…).
Ordre public international et réserve héréditaire
- les étrangers qui vivent en France ou les Français qui s'installent à l'étranger ont potentiellement plus de liberté testamentaire que les Français résidant sur notre territoire ;
- qu'à l'avenir, la professio juris, dans le cadre d'une succession soumise à la loi française, pourra être utilisée par les binationaux ou les étrangers comme un moyen de contournement de la réserve héréditaire.
- l'atteinte à la réserve ne doit pas s'accompagner de la violation d'un principe du droit français considéré comme essentiel ;
- les juges motivent leur décision en indiquant que l'installation du défunt en Californie était « ancienne et durable », et par là même excluent le cas de l'application d'une loi étrangère résultant d'une fraude ;
- la privation de l'application de la réserve doit mettre les héritiers « dans une situation de précarité ou de besoin ».
- la Cour de cassation rend une décision en présence d'héritiers majeurs, celle-ci aurait-elle été identique en présence d'héritiers mineurs ?
- qu'est-ce qu'une situation précaire ? Comment apprécie-t-on le niveau de besoin ? Quelle est la conséquence s'il y a apparition d'une situation précaire : réinstaure-t-on la réserve ?
- comment devient-on en état de dépendance économique ? Celle-ci doit-elle être une conséquence directe de la succession, ou peut-elle lui préexister ?
- à qui incombent la recherche et l'appréciation de cet état de dépendance ? Le notaire doit-il se livrer à l'exercice périlleux que représente cette appréciation ?
Illustration
M. A est britannique. Il laisse un testament (que l'on supposera valable en la forme) dans lequel il institue M<sup>lle</sup> B, sa concubine, comme légataire universelle. Il a deux enfants d'un premier lit. Il est propriétaire d'un immeuble en France. Il réside habituellement à Londres lors de son décès intervenu le 4 août 2018.
<strong>Hypothèse 1</strong>
M. A n'a pas fait de <em>professio juris</em>. À l'issue du raisonnement conflictuel, il y a aura lieu d'appliquer à l'immeuble français la loi française.
Le notaire devra donc dans ses actes faire un exposé relatant le raisonnement ayant abouti à la détermination des lois applicables à la succession de M. A. Il donnera application au legs de M. A au profit de M<sup>lle</sup> B et avertira la veuve du risque d'action en réduction du legs par les enfants de M. A privés de leur réserve héréditaire.
L'application de la loi française aboutit à une potentielle action en réduction du legs pour atteinte à la réserve.
<strong>Hypothèse 2</strong>
M. A a fait une <em>professio juris</em> au profit de la loi britannique. À l'issue du raisonnement conflictuel, il y a aura lieu d'appliquer à l'immeuble français la loi britannique.
Le notaire devra donc dans ses actes faire un exposé relatant le raisonnement ayant abouti à la détermination de la loi applicable à la succession de M. A. Il donnera application au legs de M. A au profit de M<sup>lle</sup> B et avertira la veuve du risque « d'action en aliments » par les enfants de M. A dans l'hypothèse où la privation de leur réserve héréditaire les mettrait dans « une situation de précarité ou de besoin ».