L'établissement en France des actes dévolutifs devant produire des effets à l'étranger : « l'export » 

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

L'établissement en France des actes dévolutifs devant produire des effets à l'étranger : « l'export » 

Le notaire français saisi d'une succession internationale devra, après avoir déterminé la ou les loi(s) applicable(s) et identifié ainsi la ou les dévolution(s) adéquate(s) à chaque groupe de biens, s'assurer de l'efficacité des actes qu'il va devoir dresser.
La situation visée par cette hypothèse d'export est celle où :
  • le notaire français est saisi à titre principal de la succession en cause ;
  • la succession est testamentaire ou ab intestat ;
  • la loi matérielle successorale applicable est indifféremment la loi française ou la loi étrangère ;
  • la succession est composée de biens situés hors de France, sis dans un État membre ou un État tiers.
La dévolution successorale doit être constatée dans un acte.
Cet acte pourra être du fait de la présence de biens situés à l'étranger, amené à être produit au-delà des frontières.
L'interrogation du fichier français des dernières volontés doit être réalisée. Également il appartient au praticien d'interroger les fichiers étrangers. À ce titre en Europe, le fichier d'interconnexion mis en place par l'Association du réseau européen des registres testamentaires doit être consulté 1539614121151.

En présence d'une disposition testamentaire : « l'export » de la dévolution volontaire

Le terme de disposition testamentaire, avant le 17 août 2015, ne correspond qu'aux testaments. Après le 17 août 2015 en revanche, il désigne toute disposition à cause de mort répondant aux dispositions déterminant le champ d'application matériel du règlement « Successions » (testaments, pacte sur succession future, etc.).
Il peut s'agir d'une disposition testamentaire française ou étrangère.

Vérifications préalables afférentes à la disposition testamentaire

Il convient de vérifier la forme (A) et le fond (B).

Vérifications quant à la forme de la disposition testamentaire

Disposition testamentaire française
La disposition testamentaire devra faire l'objet d'une vérification de droit interne classique quant à sa forme.
La disposition testamentaire devra, selon sa forme, faire l'objet des formalités classiques de dépôt et d'enregistrement découlant de la pratique notariale classique.
Disposition testamentaire étrangère
La disposition testamentaire étrangère devra respecter les conditions de forme édictées par l'article 1 de la Convention de La Haye du 1er octobre 1961 et/ou de l'article 27 du règlement (UE) n° 650/2012 1540061314305.
Elle devra être traduite et, le cas échéant, être revêtue, en l'absence de convention internationale de dispense, de la formalité de la légalisation ou de l'apostille 1539614195493.
Lorsque les concepts dont elle dispose sont inconnus du droit français, il conviendra pour le notaire chargé de la succession de requérir un document explicatif complémentaire de la part d'une autorité compétente étrangère (notaire, avocat, professeur, etc.), tels un certificat de coutume, un affidavit, une legal opinion, etc. Ce document expliquera en quoi consiste ce concept. Il sera conseillé de requérir à l'occasion de son établissement qu'il soit indiqué quelle est la dévolution précise qui en découle.
La disposition devra faire l'objet des formalités de dépôt et d'enregistrement.
La traduction (apostillée, légalisée ou non), ainsi que le document explicatif complémentaire devront faire l'objet d'un exposé dans l'acte de dépôt et devront être annexés à celui-ci.
Il faut noter que lorsqu'une disposition testamentaire est relatée dans un certificat de succession européen (CSE) 1540061455001, on pourrait légitimement penser qu'elle n'a de ce fait plus besoin de faire l'objet de la formalité de l'enregistrement. À ce jour, il semblerait qu'il faille néanmoins toujours procéder à l'enregistrement : on ne peut que souhaiter une évolution sur ce sujet, vers une dispense d'enregistrement.

Vérifications quant au fond de la disposition testamentaire

La vérification au fond de la disposition testamentaire ne présente pas réellement de difficulté puisque le fond dépend de la loi successorale.
La disposition testamentaire pourra le cas échéant faire état d'un choix de loi applicable qu'il conviendra d'analyser (V. supra, n° ).
La détermination de la réserve et de la quotité disponible devra être opérée sur la masse des biens soumise à la loi successorale française.
Les biens soumis à la loi étrangère ne seront pas concernés par la réserve héréditaire et la quotité disponible dont dispose le droit français. Il faudra leur appliquer la réserve dont dispose potentiellement le droit étranger 1539614151994.
Si celui-ci ne dispose pas d'un système réservataire, il n'y aura pas de calcul particulier à opérer sur cette masse de biens.
Il convient de signaler que c'est à ce stade que peuvent le cas échéant jouer les correctifs liés à l'ordre public, notamment lorsque la disposition testamentaire aboutit à un résultat qui heurte l'ordre public international du for.

Enregistrement de la disposition

Il faut distinguer entre les dispositions testamentaires françaises et les dispositions testamentaires étrangères.

Disposition testamentaire française

Disposition testamentaire étrangère

En l'absence d'une disposition testamentaire : « l'export » de la dévolution ab intestat

La dévolution est dressée conformément à la solution donnée par la loi successorale matérielle applicable.
Si la loi successorale matérielle applicable est la loi française, la dévolution sera établie sur la base des documents habituels que le notaire requiert pour établir une dévolution en droit interne.
Si la loi successorale matérielle applicable est la loi étrangère, il pourra être nécessaire de requérir :
  • des héritiers, le cas échéant si ces documents existent :
  • d'un homologue étranger, un document explicatif complémentaire et sa traduction qui permettra au notaire français :
L'ensemble de ces documents devra, le cas échéant, en l'absence de convention internationale de dispense, faire l'objet de la formalité de la légalisation ou de l'apostille.
S'il existe un doute sur la dévolution déclarée, le notaire français devra solliciter, comme il le fait dans la pratique successorale classique de droit interne, l'intervention d'un généalogiste.
Dans un contexte international, le généalogiste devra alors être un professionnel exerçant dans l'État dont la loi matérielle successorale est applicable.

Actes à dresser

Les actes à dresser peuvent varier en fonction de l'État en présence duquel se trouve le praticien.

Dispositions générales

L'acte de notoriété ou l'acte de dépôt du testament devront contenir un exposé précisant :
  • la présence d'éléments d'extranéité 1540061646819 ;
  • la détermination de la loi applicable 1540061718516 ;
  • le cas échéant les correctifs appliqués au cas d'espèce 1540061838231 ;
  • au besoin la règle de droit matériel étrangère applicable en se prévalant du document explicatif complémentaire.
Il faudra en outre attirer l'attention des héritiers sur le fait que certains droits constatés dans la notoriété en application du droit français ou autre (comme un démembrement) poseront vraisemblablement un problème d'adaptation dans certains pays méconnaissant ce type d'institution. Il y aura donc un aléa quant à l'interprétation que pourra réaliser l'autorité étrangère amenée à utiliser l'acte dressé par le notaire français, et devant assurer l'efficacité juridique de celui-ci.
Cet aléa sera variable en fonction de la compatibilité de l'ordre juridique des pays en cause avec l'ordre juridique français.

En présence de biens situés dans un État membre

En présence d'un testament (sauf testament français authentique), il conviendra de dresser un dépôt de testament.
Par ailleurs, il est conseillé de dresser une notoriété et un certificat successoral européen 1539614230655.
Le certificat successoral européen, aussi appelé CSE, a pour vocation de déterminer la dévolution successorale du défunt établissant ainsi les qualités des personnes appelées à participer à la liquidation d'une succession : conformément à l'article 63 du règlement (UE) n° 650/2012, il s'agit d'un instrument autonome à portée probatoire d'établissement de la preuve des qualités des héritiers et autres personnes intéressées par la succession.
Il conviendra pour le praticien de s'assurer qu'un CSE n'a pas déjà été établi en interrogeant le fichier dédié mis en place par l'Association pour le développement du service notarial (ADSN).
On notera la décision récente de la Cour de justice de l'Union européenne 1539614263816aux termes de laquelle, à propos de la délivrance d'une notoriété par une juridiction, la Cour a estimé que la compétence pour dresser l'acte de notoriété est désormais rattachée à celle prévue pour dresser le CSE. En outre, mention doit être faite d'une affaire actuellement pendante devant la Cour de justice de l'Union européenne qui aborde le cas où la notoriété est délivrée par le notaire. La question sera donc celle de savoir si la solution retenue pour le juge sera étendue au notaire 1539614269896.

En présence de biens situés dans un État tiers

Il ne sera dressé qu'un dépôt de testament le cas échéant, et une notoriété, comportant les précisions et paragraphe dont il a été question ci-dessus 1540062150168.