Les prêts au profit d'une personne physique qualifiée de consommateur

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Les prêts au profit d'une personne physique qualifiée de consommateur

Dans leurs sections 4 respectives, le règlement et la convention édictent des règles de compétence spéciales en matière de contrats conclus avec les consommateurs. Le règlement, dans son article 17, et la convention, dans son article 15, précisent la notion de consommateur (A). Les articles 18 et 19 du règlement et 16 et 17 de la convention définissent alors strictement les juridictions compétentes (B).

Définition des contrats conclus par les consommateurs

– Le consommateur. – Il faut tout d'abord préciser que le consommateur doit être entendu comme étant une personne physique.
Le règlement comme la convention ne le précisent pas expressément au moyen des termes utilisés : « En matière de contrat conclu par une personne, le consommateur (...) ».
Il convient cependant de faire le parallèle avec le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (règlement dit « Rome I ») qui, s'agissant des contrats de consommation, précise en son article 6.1 qu'il s'agit « d'un contrat conclu par une personne physique ». Dès lors, toute personne morale doit être exclue de la qualification de consommateur pour l'application du règlement comme de la convention 1546863685379.
De la même manière, ni le règlement ni la convention ne précisent la qualité du cocontractant du consommateur.
Le règlement dit « Rome I » précise en son article 6.1 qu'il s'agit d'une personne « agissant dans l'exercice de son activité professionnelle ».
L'article 17.1 du règlement et l'article 15.1 de la convention déterminent enfin deux conditions pour la qualification de contrat de consommation, l'une au regard de son objet et l'autre au regard de la nature du contrat conclu.
La première condition concerne l'objet du contrat.
Le consommateur est défini comme une personne concluant un « contrat pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, il résulte du libellé et de la fonction de cette disposition que celle-ci ne vise que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles 1546863799938.
La Cour a ainsi pu préciser : « Afin d'établir la qualité de consommateur d'une personne, notion qu'il convient d'interpréter de manière restrictive, il y a lieu de se référer à la position de cette personne dans un contrat déterminé, en rapport avec la nature et la finalité de celui-ci, et non pas à la situation subjective de cette même personne. Une seule et même personne peut être considérée comme un consommateur dans le cadre de certaines opérations et un opérateur économique dans le cadre d'autres opérations. Par conséquent, seuls les contrats conclus aux fins de satisfaire aux propres besoins de consommation privée d'un individu relèvent des dispositions protectrices du consommateur en tant que partie réputée économiquement plus faible. La protection particulière voulue par ces dispositions ne se justifie pas en cas de contrats ayant comme but une activité professionnelle, fût-elle prévue pour l'avenir, étant donné que le caractère futur d'une activité n'enlève rien à sa nature professionnelle. Il est ainsi conforme tant à la lettre qu'à l'esprit ainsi qu'au but des dispositions considérées de conclure que le régime particulier de protection institué par elles vise uniquement les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité professionnelle, actuelle ou future » 1546863885593.
La deuxième condition concerne la nature du contrat conclu.
Le règlement comme la convention visent trois types de contrats :
  • les ventes à tempérament où le vendeur accorde des facilités de règlement à l'acheteur ou l'octroi d'un crédit. Ce type de vente concerne les biens meubles corporels ou les prestations de services. Il implique que l'achat fasse l'objet d'un règlement en plusieurs échéances, comme un crédit-bail par exemple ;
  • les prêts liés au financement de la vente d'objets mobiliers, donc tout prêt bancaire destiné au financement d'objets mobiliers ;
  • tous les autres contrats dont l'activité est exercée en France ou dirigée vers la France, ce qui couvre toute opération de financement bancaire qui concernera ainsi le notaire face à un contrat de prêt.
Deux critères permettent la protection du consommateur :
  • activité exercée en France : la banque étrangère dispose en France d'une succursale à partir de laquelle elle exerce son activité et propose ses offres de service ;
  • activité dirigée vers la France : il va s'agir de l'hypothèse d'une banque étrangère exerçant son activité et proposant ses services depuis son siège à l'étranger en direction de la France 1546863979434.
Afin de déterminer si un commerçant, dont l'activité est présentée sur son site internet ou sur celui d'un intermédiaire, peut être considéré comme « dirigeant » son activité vers l'État membre sur le territoire duquel le consommateur a son domicile au sens de l'article 15, § 1, sous c), du règlement n° 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, il convient de vérifier si, avant la conclusion éventuelle d'un contrat avec le consommateur, il ressort de ces sites internet et de l'activité globale du commerçant que ce dernier envisageait de commercer avec des consommateurs domiciliés dans un ou plusieurs États membres, dont celui dans lequel ce consommateur a son domicile, en ce sens qu'il était disposé à conclure un contrat avec eux. Les éléments suivants, dont la liste n'est pas exhaustive, sont susceptibles de constituer des indices permettant de considérer que l'activité du commerçant est dirigée vers l'État membre du domicile du consommateur, à savoir la nature internationale de l'activité, la mention d'itinéraires à partir d'autres États membres pour se rendre au lieu où le commerçant est établi, l'utilisation d'une langue ou d'une monnaie autres que la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l'État membre dans lequel est établi le commerçant avec la possibilité de réserver et de confirmer la réservation dans cette autre langue, la mention de coordonnées téléphoniques avec l'indication d'un préfixe international, l'engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet afin de faciliter aux consommateurs domiciliés dans d'autres États membres l'accès au site du commerçant ou à celui de son intermédiaire, l'utilisation d'un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l'État membre où le commerçant est établi et la mention d'une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents États membres. Il appartient au juge national de vérifier l'existence de tels indices.
En revanche, la simple accessibilité du site internet du commerçant ou de celui de l'intermédiaire dans l'État membre sur le territoire duquel le consommateur est domicilié est insuffisante. Il en va de même de la mention d'une adresse électronique ainsi que d'autres coordonnées ou de l'emploi d'une langue ou d'une monnaie qui sont la langue ou la monnaie habituellement utilisées dans l'État membre dans lequel le commerçant est établi 1546864098306.
D'un point de vue pratique, il convient de s'attacher à l'action active ou passive du consommateur dans la réalisation du contrat hors de France.
Si l'initiative a été prise par l'établissement bancaire, le consommateur français sera passif et bénéficiera de l'application du régime protecteur des sections 4 du règlement et de la convention.
Si l'initiative a été prise spontanément par le consommateur français et que l'établissement bancaire étranger ne peut être considéré comme dirigeant son activité vers la France, le consommateur ne pourra pas se prévaloir du régime protecteur.

Les clauses d'élection de for possibles

L'article 18 du règlement et l'article 16 de la convention édictent une règle de compétence stricte.
La personne physique qualifiée de consommateur a le choix d'intenter une action soit :
  • devant la juridiction du lieu du domicile du prêteur ;
  • devant la juridiction du lieu de son propre domicile.
Le prêteur ne peut quant à lui intenter une action que devant la juridiction du lieu du domicile du consommateur.
En pratique, le consommateur pouvant potentiellement invoquer les juridictions de plusieurs États alors que la banque ne peut elle invoquer que les juridictions du lieu de domicile du consommateur, il convient pour le notaire de s'assurer que l'établissement bancaire qui va rédiger le cadre du contrat de prêt désigne les juridictions du lieu de domicile du consommateur pour des questions de prévisibilité et de sécurité juridique.
Les articles 19 du règlement et 17 de la convention prévoient cependant la possibilité de déroger par conventions à cette règle de compétence stricte à la condition que ces conventions dérogatoires soient postérieures à la naissance du différend, et qu'elles permettent au consommateur de saisir d'autres juridictions que celles indiquées aux articles précédents.