Les opérations de banque, de paiement et d'investissement : le monopole bancaire

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les opérations de banque, de paiement et d'investissement : le monopole bancaire

– Définition des opérations de banque. – L'article L. 311-1 du Code monétaire et financier modifié par l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 énonce que les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.
Ces opérations de banque incluent les opérations de crédit.
Aux termes de l'article L. 313-1 du Code monétaire et financier, constitue une opération de crédit « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie. Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat ».
Cette notion d'opération de crédit recouvre ainsi notamment les prêts, les ouvertures de crédit, le crédit-bail et les cessions de créance non échues.
Les opérations de paiement, activité connexe à l'ouverture de crédit, et d'investissement ne concernent pas directement la pratique notariale.

Le monopole

L'article L. 511-5 du Code monétaire et financier, issu de l'ordonnance n° 2013-544 du 27 juin 2013 entrée en vigueur le 1er janvier 2014 dans le but de mettre le droit français en conformité avec le droit européen, édicte un monopole au profit des établissements de crédit français. En effet, il énonce qu'il « est interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Il est, en outre, interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public ou de fournir des services bancaires de paiement ».
Le texte s'adresse à deux types de prestataires :
  • aux « établissements de crédit » pour tout ce qui concerne les opérations de banque ;
  • et aux « sociétés de financement », terme plus large qui désigne désormais une nouvelle entité dont la dénomination est issue de l'ordonnance, pour ce qui concerne les opérations de crédit.
Le monopole s'énonce en terme d'interdiction à l'égard de toute une série de personnes morales et, a fortiori, à toute personne physique. Il se justifie par la nécessité de protéger les déposants, d'assurer la liquidité des marchés et de garantir contre tout risque d'insolvabilité des établissements de crédit et désormais également des sociétés de financement. Il concerne les opérations effectuées « à titre habituel ».
En France, c'est l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) 1544792690946dont le siège est à Paris qui exerce le contrôle des banques et des assurances.
Ainsi ce monopole se traduit par la délivrance d'un agrément qui, à partir du 9 mars 2010, était délivré par l'ACPR et qui est désormais délivré par la Banque centrale européenne (BCE), sur proposition de l'ACPR en application des articles 4 et 14 du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013.

La délivrance d'un agrément

Aux termes de l'article L. 511-10 du Code monétaire et financier, les établissements de crédit comme les sociétés de financement doivent obtenir un agrément avant d'exercer leur activité.
Cet agrément, qui constitue une autorisation administrative d'exercer la profession, est délivré dès lors que l'on respecte les garanties édictées par les articles L. 511-10 et suivants du Code monétaire et financier.
Cet agrément est délivré à des personnes morales ayant leur siège en France ou à des succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est ni membre de l'Union européenne (UE) ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE).
En application des articles 4 et 14 du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013, l'agrément d'établissement de crédit est délivré par la Banque centrale européenne (BCE), sur proposition de l'ACPR.
L'ACPR doit cependant s'assurer, conformément à l'article L. 511-13 du Code monétaire et financier, que le siège social et l'administration centrale de l'établissement de crédit ou de la société de financement agréé conformément à l'article L. 511-10 sont situés en France. Ces dispositions ne sont cependant pas applicables aux succursales établies sur le territoire français d'établissements de crédit ayant leur siège social dans un État qui n'est ni membre de l'UE ni partie à l'accord sur l'EEE.
Une fois l'agrément délivré, l'établissement de crédit ou la société de financement doit satisfaire à tout moment aux conditions de son agrément.
L'agrément est constaté par l'inscription sur un registre tenu par l'ACPR qui recense les entreprises, françaises ou étrangères, qui ont obtenu de l'ACPR une autorisation pour exercer des activités en France.

Le registre des agents financiers Regafi

D'un point de vue pratique, le notaire pourra utilement consulter, sur le site Regafi, le registre des agents financiers (www.regafi.fr) également accessible depuis le site de la Banque de France et de l'ACPR.

Ce registre recense les entreprises, françaises ou étrangères, qui ont obtenu de l'ACPR une autorisation pour exercer des activités en France.

Dans le cas où une entreprise est étrangère, le registre précise si elle exerce ses activités <em>via</em> sa succursale française ou directement depuis son pays d'origine (procédure de la libre prestation de services, réservée aux entreprises implantées dans un État partie à l'accord sur Espace économique européen [EEE]).

En outre, le registre recense les entreprises auxquelles l'ACPR a délivré une autorisation pour exercer des activités bancaires à Monaco.

Le registre Regafi précise, pour chaque entreprise enregistrée auprès de l'ACPR, la liste des activités bancaires, des services d'investissement et des services de paiement qu'elle est autorisée à exercer en France.

Le registre précise également la nature de son autorisation (agrément de l'ACPR ou passeport européen par exemple).

Sa consultation permettra ainsi de vérifier que l'établissement de crédit ou la société de financement recherché y est référencé, et permettra de vérifier que les informations présentées sur le registre (dénomination sociale, nom commercial, adresse, numéro d'agrément…) sont strictement identiques à celles de l'établissement recherché.

Définition de l'établissement de crédit au niveau européen

L'article 1er de la première directive de coordination bancaire du 12 décembre 1973 1549492765251en donne la définition communautaire : « Au sens de la présente directive, on entend par établissement de crédit une entreprise dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte ».
Toutes les législations nationales n'ont pas repris à la lettre cette définition, et certains États, dont la France, s'écartent de la définition communautaire de l'établissement de crédit, notamment en ne reprenant pas le caractère cumulatif de l'article 1er de la directive de 1977 (recevoir des dépôts et octroyer des crédits) 1549493025396. La loi bancaire française, loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée, définit au premier alinéa de son article 1er les établissements de crédit comme étant « des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » et énonce au second alinéa de cet article que « les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement ». Les critères établis par cette définition sont alternatifs, et non cumulatifs. La définition communautaire de l'établissement de crédit est donnée par une directive. À la différence d'un règlement qui est obligatoire dans tous ses éléments et d'applicabilité directe, la directive ne lie les États membres que quant au résultat à atteindre et laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens 1546861522757. La directive de 1977 a donc pu être transposée de façon plus ou moins stricte selon les États. Plusieurs autres directives sont venues compléter le processus d'harmonisation engagé par la première directive de coordination bancaire, dont notamment la seconde directive de coordination bancaire du 15 décembre 1989 1549493207433, qui a établi un système de reconnaissance mutuelle des agréments pour la création de succursales et pour la libre prestation de services. Ce principe d'agrément bancaire unique prévoit que l'agrément délivré par les autorités de tutelle d'un État membre de l'UE ou de l'EEE produit son effet sur l'ensemble du territoire européen. Le système ainsi instauré, qui s'applique au bénéfice de tous les établissements de crédit au sens de la première directive bancaire, ne leur est toutefois offert que pour les activités et services énumérés dans l'annexe de la deuxième directive. Cette directive aussi est désormais codifiée par la directive 2000/12/CE précitée. Le monopole bancaire souffre quelques exceptions marginales qui ne touchent pas à la pratique notariale et qui ne seront par conséquent pas développées ici.
Le monopole concerne l'exercice habituel d'une activité bancaire C. monét. fin., art. L. 511-5, al. 1er, art. L. 531-10 et L. 521-2. . Cela signifie que l'agrément n'est requis que pour l'exercice habituel d'une activité bancaire ou de paiement.
La notion d'habitude n'est toutefois pas appréciée en jurisprudence de la même façon selon que le prestataire est un professionnel ou n'est pas un professionnel.
Pour le non-professionnel, l'habitude suppose une répétition : l'infraction n'est constituée que lors de la seconde opération ou, plus exactement, à compter d'une opération avec un second client. Il a en effet été jugé que l'octroi de neuf prêts successivement sur une période de neuf ans mais au profit de la même personne ne constituait pas une activité habituelle Cass. com., 3 déc. 2001 : Bull civ. 2001, IV, n° 182 ; Banque et droit 2002, n° 89, p. 55, obs. Th. Bonneau. .
Pour le professionnel en revanche, la chambre commerciale écarte le critère de l'habitude, considérant que l'infraction est constituée dès la première opération relevant du monopole Cass. com., 13 mars 2001, n° 96-20.840. – Cass. com., 4 juin 2002 : RD bancaire et fin. 2002, p. 181, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard. – Cass. com., 7 janv. 2004 : RD bancaire et fin. 2004, p. 88, obs. F.-J. Crédot et Y. Gérard. .
L'infraction constituée, il convient d'évoquer les sanctions.
Sur le plan civil, il est considéré que, dans la mesure où l'objet premier du monopole bancaire n'est pas la protection du client, la sanction n'est pas la nullité du contrat. En revanche, le prestataire s'expose à devoir verser des dommages-intérêts au client Cass. ass. plén., 4 mars 2005 : JCP G 2005, II, 10062, concl. M. de Gouttes. – Cass. com., 31 oct. 2006, n° 05-12.195. . Ce type de sanction a été appliqué tant à des entités françaises qu'à des établissements de crédit étrangers Cass. com., 3 juill. 2007, n° 06-17.963, à propos d'un établissement suisse. .
L'infraction donne également lieu à des sanctions pénales C. monét. fin., art. L. 571-3, L. 573-1 et L. 572-5. , qui peuvent aussi atteindre les dirigeants personnes physiques C. pén., art. L. 121-2. .
Est réputée commise sur le territoire français l'infraction dont l'un des éléments constitutifs a eu lieu sur ce territoire. Ainsi par exemple une banque étrangère violerait le monopole bancaire en consentant à partir de son siège un crédit débloqué sur le compte en France d'un résident français.