Les actes visés à l'article 288 TFUE

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les actes visés à l'article 288 TFUE

L'article 288 TFUE dispose que pour exercer les compétences de l'Union, les institutions adoptent quatre catégories d'actes : des règlements (§ I), des directives (§ II), des décisions (§ III), et des recommandations et des avis (§ IV). Les trois premières de ces catégories ont le point commun d'être des actes obligatoires, à la différence de la quatrième.
Dans un arrêt Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 14 décembre 1962, la Cour a précisé que la nature de l'acte ne dépendait pas de sa dénomination, mais de son objet et de son contenu. Les différents actes seront donc présentés sous ces deux aspects : objet et contenu.

Le règlement

L'article 288, alinéa 2 TFUE précise que : « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre ».
Les règlements sont des actes quasi législatifs ayant un effet normatif erga omnes 1539360715864.
Cet acte est obligatoire dans tous ses éléments dès son entrée en vigueur ; entrée en vigueur qui, à défaut d'indication précise par le règlement lui-même, est le vingtième jour suivant sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.
Le règlement bénéficie d'une présomption de validité. Tout règlement pris conformément à un traité est donc valable tant qu'une juridiction compétente n'a pas contesté sa validité. Ainsi en a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans une affaire Granaria rendue le 13 février 1979.
Ce règlement peut être défini par comparaison avec les autres actes.
Le règlement, à la différence d'une décision, s'applique donc à des situations générales et impersonnelles. Cette distinction a été reprise dans l'arrêt précité rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 14 décembre 1962 sur le fondement de l'article 189 du Traité CEE, l'enjeu de la qualification soit de décision soit de règlement étant la possibilité ou non de faire un recours contre l'acte concerné. La Cour donne une définition indirecte de la décision par rapport au règlement : « On ne saurait considérer comme constituant une décision un acte applicable à des situations déterminées objectivement et qui comporte des effets juridiques immédiats, dans tous les États membres, à l'égard de catégories de personnes envisagées d'une manière générale et abstraite, à moins qu'il ne soit prouvé que certains sujets en sont concernés individuellement, au sens de l'article 173, alinéa 2 ».
Le règlement a un caractère obligatoire dans tous ses éléments. Ce caractère obligatoire le distingue des recommandations et des avis, lesquels n'ont pas de force contraignante, et ce caractère obligatoire dans tous ses éléments le distingue de la directive qui ne lie les États membres que quant au résultat à atteindre.
Au moyen du règlement qui doit être appliqué dans tous ses éléments sans distinction par les États membres, les droits nationaux sont unifiés.
Ce règlement est par ailleurs applicable immédiatement, et ce sans mesures de réception par les États membres. Le caractère immédiat confère des droits aux particuliers que les juridictions nationales ont l'obligation de protéger 1539359674031.
Ce caractère immédiat signifie qu'un État membre ne doit pas entraver l'applicabilité par des mesures de réception. Ainsi, la Cour de justice des Communautés européennes avait condamné l'Italie dans un arrêt rendu le 7 février 1973, pour avoir prévu un procédé particulier d'exécution d'un règlement 1539351484828. En France, l'applicabilité directe des règlements a été reconnue par une décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1977, laquelle précisait que la force obligatoire qui s'attache aux dispositions que les règlements comportent n'est pas subordonnée à une intervention des autorités des États membres et, notamment, du Parlement français. Le Conseil d'État a, de son côté, décidé que le règlement s'intégrait dans le droit interne des États membres, dès sa publication 1539352855123.
L'effet direct et immédiat des règlements n'est pas remis en cause par les mesures d'application prises par les autorités nationales.
En matière de coopération civile et judiciaire, des mesures d'application des règlements ont été nécessaires. Force est de constater aujourd'hui que les décrets d'application sont tardifs, ce qui engendre une période de flottement.
À titre d'exemple, le règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées, entré en vigueur le 21 janvier 2005, a été mis en application par un décret n° 2017-892 du 6 mai 2017.
Il en est de même du règlement (CE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen, entré en vigueur le 16 août 2012, applicable aux successions ouvertes à partir du 17 août 2015, lequel a fait l'objet d'un règlement d'exécution (UE) n° 1329/2014 de la Commission du 9 décembre 2014, entré en vigueur le 17 août 2015, et a été mis en application par décret n° 2015-1395 du 2 novembre 2015 portant diverses dispositions d'adaptation entré en vigueur le 5 novembre 2015. Quid des certificats successoraux européens établis avant ce décret ?

La directive

L'article 288 TFUE dispose que la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens.
La directive peut s'apparenter à une loi-cadre ; elle donne aux États membres une obligation de résultat avec un délai pour transposer l'acte en droit interne.
Alors que le règlement ne laisse aucune marge pour les États membres, la directive leur laisse le choix des moyens.
Et alors que le règlement s'applique directement et immédiatement, la directive ne bénéficie aux individus que lorsqu'elle est transposée. Passé le délai de transposition, la directive pourra néanmoins produire un effet direct si elle est suffisamment précise et inconditionnelle 1539412383787.
La directive doit être transposée. En France, le Conseil constitutionnel a affirmé dans une décision en date du 10 juin 2004 1545739889279qu'en vertu de l'article 88-1 de la Constitution 1539413122864, la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution.
Ce principe a été de nouveau rappelé par le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 juillet 2018 concernant la loi sur le secret des affaires 1539413978619. Les Sages ont précisé que le contrôle qu'ils exercent est soumis à une double limite :
  • « la transposition d'une directive ou l'adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » ;
  • « il ne saurait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ou avec le règlement auquel elle adapte le droit interne ».
Cette obligation consiste pour l'État membre, d'une part, en la prise de toutes les mesures nécessaires dans son droit interne en vue d'assurer le plein effet de la directive conformément aux objectifs poursuivis par celle-ci et, d'autre part, en l'élimination des dispositions en droit interne incompatibles avec les objectifs de la directive.
L'État membre doit « traduire les dispositions de la directive dans les dispositions internes ayant un caractère contraignant » … « de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l'administration ne peuvent pas être considérées comme une exécution valable de l'obligation découlant de cette directive » Ainsi en ont décidé les juges dans le cadre d'une action de la Commission européenne contre les Pays-Bas, au sujet de la transposition d'une directive du 8 décembre 1975 concernant la qualité des eaux de baignade 1539418776592.
Il s'agit bien de traduction et non de reprise formelle et textuelle de la directive ; l'obligation de transposition peut se satisfaire d'un contexte général juridique dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d'une façon suffisamment claire et précise 1539419185105.
Cette transposition doit être correcte, mais également complète. La France a été condamnée pour ne pas avoir transposé la totalité des articles de la directive du Conseil du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement 1539425883405.
Cette obligation de résultat passe par une transposition, mais également par une interdiction de dispositions réglementaires contraires.
Ainsi les États membres ne peuvent plus édicter des textes réglementaires incompatibles avec les objectifs d'une directive dont le délai de transposition est expiré 1539428427931, mais ils ne peuvent plus non plus, après l'expiration des délais impartis par les directives, laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit 1539428507051.
La Commission européenne a mis en place un outil global de mesure du niveau de transposition des directives : le tableau d'affichage du marché unique. Ce tableau est actualisé deux fois par an et mesure donc l'effort des pays dans la transposition. La France avait un taux de déficit de transposition de 7,4 % en 1997 et a un taux de déficit de 1 % aujourd'hui. L'amélioration est bien évidemment importante, ceci étant la France fait partie des mauvais élèves de l'Union.
Le Conseil européen a fixé en mars 2007 un objectif de 1 % de déficit maximum de transposition aux États membres à partir de 2009, objectif atteint par notre pays depuis 2009, le taux de déficit de transposition oscillant entre 0,3 % à 1 %.
La prise en compte tant du rapport d'information fait au nom de la commission des Finances sur l'application du droit communautaire de l'environnement, par Mme Fabienne Keller, déposé le 12 octobre 2011 et préconisant de « changer de méthode » et de « garder le cap », que les sanctions financières prévues en cas de retard de transposition ont permis l'amélioration du taux de transposition. Un Guide des bonnes pratiques concernant la transposition des directives européennes a été publié en 2011 sous l'égide du Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)1539435638923.
La France n'arrive cependant pas, dans la majorité des cas, à respecter les délais de transposition. En 2015, plus de 64 % des directives avaient été transposées après leur échéance initiale (source : SGAE).
Par ailleurs, la Commission peut, depuis le traité de Lisbonne, par combinaison des articles 258 et de l'article 260, § 3 TFUE, demander la condamnation pécuniaire en cas de retard de transposition, ce qui a obligé les États membres à accentuer leurs efforts.
En France, le législateur est compétent pour la transposition lorsque la directive entre dans le domaine de l'article 34 de la Constitution. Dans la négative, elle peut être transposée par ordonnances. L'autorité compétente pour transposer les directives doit être déterminée conformément au principe de l'autonomie institutionnelle et procédurale des États membres 1545740160456.
La Cour de justice des Communautés européennes a condamné la Belgique dans un arrêt rendu le 6 mai 1980, laquelle invoquait l'absence de transposition lorsque la directive a un effet direct.
L'accord « Mieux légiférer » conclu entre le Parlement européen, le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne le 13 avril 2016, et publié le 12 mai 2016 au Journal officiel de l'Union européenne a pour but d'améliorer la réglementation européenne par une transparence, par une consultation des citoyens tout au long du processus, et par une anticipation des conséquences de la proposition de textes. L'esprit de cet accord est de mieux cibler la réglementation pour une meilleure efficacité à moindre coût. Ainsi, cet accord prévoit que lorsque dans le cadre de la transposition de directives de droit national, des États membres décident d'ajouter des éléments qui ne sont aucunement liés à cette législation de l'Union, ces ajouts devraient être identifiables soit grâce aux actes de transposition, soit grâce à des documents associés.

La décision

L'article 288, alinéa 4 TFUE dispose que la décision est obligatoire dans tous ses éléments. Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est obligatoire que pour ceux-ci. Alors que l'article 249, alinéa TCE disposait : « La décision est un acte obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne ». Cette nouvelle rédaction, issue de la révision du traité de Lisbonne, permet à une décision d'avoir une portée générale en l'absence d'indication de destinataires.
Ces destinataires peuvent être des particuliers ou des États membres.
Les décisions se distinguent des actes préparatoires adoptés dans le cadre du processus de décision qui eux n'ont pas de caractère obligatoire. Ainsi les griefs qui peuvent être communiqués par la Commission par lettre, ne constituant pas une décision, ne sont pas susceptibles de recours en annulation 1539445343111.

Les recommandations et avis

Ces actes se distinguent des trois précédents ci-dessus étudiés par l'absence d'un effet obligatoire. L'alinéa 5 de l'article 288 TFUE est ainsi rédigé : « Les recommandations (A) et les avis (B) ne lient pas ».
Ils ne font pas non plus obligatoirement l'objet d'une publication au Journal officiel de l'Union européenne.
Les recommandations sont des actes émis par la Commission européenne ou le Conseil de l'Union européenne afin d'inciter les États membres à adopter un comportement particulier. Chaque année, la Commission européenne analyse en détail les plans de réformes budgétaires, macro-économiques et structurelles des États membres de l'Union, auxquels elle adresse des recommandations par pays pour les douze à dix-huit mois suivants (source : Commission européenne).
En 2018 la France s'est vu adresser trois recommandations :
  • la première sur les finances publique. La France doit veiller à diminuer sa dette publique avec deux axes suggérés : les recettes exceptionnelles (des privatisations) et la diminution du coût des retraites en uniformisant les différents régimes existants ;
  • la deuxième sur l'insertion sur le marché du travail. Pour cela, la France doit réformer son système d'enseignement et de formation afin d'améliorer l'adéquation de celui-ci avec les besoins du marché du travail. La politique de formation serait notamment tournée vers les travailleurs peu qualifiés et des demandeurs d'emploi. Cette politique doit également favoriser l'égalité des chances et l'accès au travail pour les personnes issues de l'immigration et les habitants des quartiers défavorisés. Le tout sur un marché du travail qui doit être compétitif ;
  • la troisième sur la fiscalité. La France doit simplifier son système fiscal, limiter le recours à l'impôt, supprimer les impôts inefficaces, baisser la fiscalité des entreprises pour améliorer la compétitivité, soutenir l'innovation.
Le traité de Lisbonne a introduit un article 292 TFUE en vertu duquel le Conseil dispose du pouvoir général d'adopter des recommandations dans tous les domaines du traité. La Commission et la Banque centrale européenne disposent toutes deux du même pouvoir dans tous les cas prévus par les traités.
Les recommandations sont, selon la Cour de justice, généralement adoptées par les institutions lorsqu'elles ne détiennent pas, en vertu du traité, le pouvoir d'adopter des actes obligatoires ou lorsqu'il n'y a pas lieu d'édicter des règles plus contraignantes 1545740314559. Cet arrêt rappelle que la recommandation est un acte qui ne vise pas à produire un effet contraignant même à l'égard de son destinataire, et par conséquent ne peut pas faire l'objet d'un recours en annulation 1545740336192. Les juges précisent que ce n'est pas pour autant que la recommandation est dénuée de tout effet juridique ; les juges nationaux doivent prendre les recommandations en considération, et notamment lorsque celles-ci éclairent l'interprétation des dispositions nationales prises dans le but d'assurer leur mise en œuvre, ou lorsqu'elles ont pour objet de compléter des dispositions communautaires ayant un caractère contraignant.
Il faut distinguer la recommandation faite par un organe à un État membre et la recommandation adressée par la Commission au Conseil dans le cadre de sa fonction d'initiative.
Les avis, quant à eux, expriment une opinion d'une institution ou d'un organe de l'Union européenne ou une information à l'attention d'un État membre ou d'une personne privée. Il ne faut pas les confondre avec les avis du Parlement européen ou du Conseil économique et social donnés dans le processus d'élaboration d'un acte.
Les avis de la Banque centrale européenne ont une place particulièrement importante. En effet, celle-ci est consultée sur tout acte de l'Union ou tout projet de réglementation nationale « dans les domaines relevant de sa compétence ».