Le rattachement subjectif (loi choisie)

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Le rattachement subjectif (loi choisie)

Le règlement « EPPE » du 24 juin 2016 autorise aux partenaires, à l'instar des autres règlements, un certain choix de loi en ce qui concerne les effets patrimoniaux de leur partenariat.

Option ouverte aux partenaires enregistrés

Les partenaires pourront désormais choisir la loi applicable à leur partenariat enregistré. Cependant, les partenaires ne bénéficient pas d'une autonomie totale.
En effet, l'article 22 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 donne la possibilité aux partenaires ou futurs partenaires de désigner l'une des trois lois suivantes :
« a) la loi de l'État dans lequel au moins l'un des deux partenaires ou futurs partenaires à sa résidence habituelle au moment où la convention est conclue ;
b) la loi d'un État dont l'un des partenaires ou futurs partenaires à la nationalité au moment où la convention est conclue ; ou
c) la loi de l'État selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé ».
Concernant la désignation de la loi nationale, des difficultés peuvent se présenter en pratique, car le règlement ne donne pas la solution dans le cas où l'un des partenaires a plusieurs nationalités.
En effet, à la différence du règlement (UE) n° 650/2012 sur les successions internationales 1543072534080, l'hypothèse de la plurinationalité n'est pas évoquée, ce qui pose un problème d'interprétation.
Certains auteurs considèrent que lorsque les partenaires ont plusieurs nationalités, la loi de chacune d'elles peut être choisie 1543071876988. Ainsi Amélie Panet indique : « Même si le règlement est moins clair que l'article 22 du règlement succession sur la question, il évoque bien dans son considérant 49 "le plein respect des principes généraux du droit de l'Union". Ainsi, les solutions Garcia Avello (CJCE, 2 oct. 2003, aff. C-148/02) et Hadadi (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-168/08) semblent avoir vocation à jouer ici : plus les partenaires seront dotés de nationalités différentes, plus ils auront une palette de choix étendue » 1528639860367.
D'autres auteurs 1543073942632estiment qu'il faut consulter le préambule du règlement pour répondre à cette question. Le considérant 49 expose en effet que « (…) la question de savoir comment considérer une personne possédant plusieurs nationalités constitue une question préalable qui n'entre pas dans [le] champ d'application [du règlement] et devrait relever du droit national (…) ». Ce même considérant indique que : « Cette question ne devrait pas influencer la validité du choix de la loi applicable effectué conformément au présent règlement ».
Ainsi, on devrait pouvoir distinguer trois cas en droit français :
  • si le partenaire a la nationalité de deux États membres de l'Union européenne : il devrait pouvoir choisir l'une ou l'autre de ses nationalités 1543077184554 ;
  • si le partenaire a la nationalité d'un État membre de l'Union européenne et d'un État tiers : on devrait faire prévaloir la nationalité européenne 1543077910814 ;
  • si le partenaire a la nationalité de deux États tiers : il devrait être fait application de la nationalité la plus effective.
Si les partenaires choisissent une loi étrangère, il y aura lieu de bien vérifier au préalable que celle-ci confère des effets patrimoniaux au partenariat. Le notaire devra donc se pencher sur la loi matérielle de l'État retenu 1543079423222.

La forme de la désignation de la loi applicable

L'article 23 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 portant sur la « validité quant à la forme de la convention sur le choix de la loi applicable » impose des règles formelles minimales : un écrit daté et signé par les deux partenaires.
Toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention est considérée comme revêtant une forme écrite.
Cet article impose en outre une exigence supplémentaire: il faut distinguer selon la résidence habituelle des partenaires dans un ou plusieurs États membres participants au moment de la conclusion de leur convention ainsi qu'il suit :
« 2. Si la loi de l'État membre dans lequel les deux partenaires ont leur résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions partenariales, ces règles s'appliquent.
 3. Si, au moment de la conclusion de la convention, les partenaires ont leur résidence habituelle dans des États membres différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes pour les conventions partenariales, la convention est valable quant à la forme si elle satisfait aux conditions fixées par l'une de ces lois.
 4. Si, au moment de la conclusion de la convention, seul l'un des partenaires a sa résidence habituelle dans un État membre et si cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions partenariales, ces règles s'appliquent ».
Ainsi, lorsqu'un pacs est enregistré en France entre deux partenaires résidant en Belgique au moment de la convention, la forme notariée sera requise pour de l'établissement de celle-ci 1533118422720.
L'article 11 de la convention énonce que : « La désignation de la loi applicable doit faire l'objet d'une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage ». Nul besoin d'homologation, d'établissement d'un état liquidatif, d'accord des enfants donc, et aucune exigence de délai n'était posée. Il s'agissait d'une opération peu coûteuse, en comparaison avec le changement de régime matrimonial qui parfois nécessitait l'homologation judiciaire.
Cette désignation était possible à tout moment, qu'il y ait eu ou non établissement d'un contrat de mariage et que les époux aient été mariés avant ou après le 1er septembre 1992.
Le notaire pouvait profiter d'une opération d'achat, de vente, de donation... pour conseiller l'établissement de cet acte à ses clients.
Toutefois, il était fortement conseillé d'établir le choix de loi dans un acte à part dans les formes d'un contrat de mariage.
L'article 23 du règlement du 24 juin 2016 reprend les mêmes termes que le règlement sur les partenariats enregistrés et exige que la convention désignant la loi applicable soit « formulée par écrit, datée et signée par les deux époux » et admet même « toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention ».
Cet article ajoute en son paragraphe 2 les règles formelles supplémentaires énoncées à l'article 23 du règlement n° 2016/1104 (« EPPE ») qu'il n'est donc pas pertinent de reprendre ici.
Il s'agit donc d'une convention matrimoniale, qui doit à la fois obéir aux exigences formelles imposées par la loi désignée et à celles imposées par la loi de l'État membre dans lequel se situe la résidence habituelle des époux.
Ce formalisme reprend les exigences rappelées dans l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 13 décembre 2017 1528968013482.
La désignation de la loi applicable peut intervenir avant, pendant ou après la célébration du mariage des époux 1528968248797.
En effet, dans certains pays les époux optent au moment de la célébration de leur mariage pour un régime matrimonial et donc pour une loi applicable, comme par exemple en Italie, à Monaco, et dans certains pays d'Afrique.
À cet égard, il est rappelé que cette option devra être consignée dans un acte signé par les deux époux pour être reconnu valable en la forme au regard du règlement.

Le moment du choix

La loi applicable peut être désignée avant, pendant, ou après l'enregistrement du partenariat 1528640328324. Mais le règlement ne précise pas si la désignation ou le changement de loi applicable doit obligatoirement résulter des dispositions de la convention partenariale ou de la modification de cette convention, ou si même elle doit être expresse.
Par exemple, on ne sait pas si le fait qu'un partenaire déclare dans un acte de vente que les effets patrimoniaux de son partenariat enregistré sont soumis à une certaine loi est qualifié de désignation de loi applicable au sens du règlement. Par prudence, il convient de retenir la même règle qu'en matière de régimes matrimoniaux et de privilégier un acte établi spécifiquement à cet effet.
L'article 24, § 2 1533119228055du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016 permet d'écarter la loi désignée si l'un des partenaires conteste son consentement à ce choix : il peut demander d'appliquer la loi de sa résidence habituelle « s'il ressort des circonstances qu'il ne serait pas raisonnable de déterminer l'effet du comportement de ce partenaire conformément » à la loi choisie.
Cependant, en pratique, le notaire instrumentaire d'une convention partenariale veillera à insérer une clause de désignation expresse de la loi applicable. À défaut d'acte notarié, si les partenaires souhaitent être liés par un pacs sous signature privée en France, ils pourront remplir le formulaire Cerfa n° 15726*02 au sein duquel ils doivent indiquer quel régime ils choisissent et sur lequel est fait mention expresse des articles 515-1 à 515-7-1 du Code civil, sauf ce qui a été dit précédemment 1533119329751.
L'article 3 du règlement Rome I prévoit dans son paragraphe 2 que : « Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu d'autres dispositions du présent Règlement. Toute modification quant à la détermination de la loi applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n'affecte pas la validité formelle du contrat au sens de l'article 11 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers ».
En conséquence, si le choix de la loi applicable se fait généralement dans le contrat, il peut aussi intervenir après la conclusion du contrat. Le texte permet aussi, alors même que les parties avaient au moment de la conclusion du contrat choisi la loi applicable, de modifier ultérieurement ce choix initial et de désigner une autre loi.
Quant à la forme de ce choix ultérieur, qu'il soit tardif ou modificatif, il est généralement admis qu'il obéit aux mêmes règles que le choix concomitant à la conclusion du contrat de base : il doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause 1545991446733.
S'il intervient en cours d'instance, ce choix ultérieur peut être compris comme la mise en œuvre de la règle de conflit de lois que constitue la loi d'autonomie ou se rattacher à un accord procédural 1545991538222. Dans le premier cas, ce choix ne sera pas limité au litige en cours, tandis qu'il le sera dans le second cas. S'il est compris comme un accord procédural, ce choix de loi sera en outre régi par la lex fori.
Le choix ultérieur de la loi applicable est assorti de deux limites : d'une part, si le contrat était valable quant à la forme selon l'une des lois désignées par l'article 11, le choix tardif d'une autre loi ne peut affecter sa validité formelle ; d'autre part, la modification de la loi applicable « ne porte pas atteinte aux droits des tiers ». Ainsi, le tiers qui aura cautionné l'une des parties au contrat ne verra pas son obligation aggravée par le changement de loi applicable au contrat même si la loi nouvellement applicable augmente l'obligation du débiteur 1545991611170.
En revanche, le règlement ne précise pas quelle est la portée de la loi ultérieurement choisie par les parties, mais l'on s'accorde à considérer qu'elle a en principe un effet rétroactif, sous réserve que les parties décident du contraire et qu'elles pratiquent ainsi un « dépeçage temporel » 1545991639071.

Les effets d'un changement de loi applicable

Si les partenaires désignent une loi applicable ou modifient la loi applicable après l'enregistrement de leur partenariat, le principe est celui de la non-rétroactivité de la désignation de la loi applicable, énoncé à l'article 22, § 2 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016.
Cependant, les partenaires enregistrés peuvent en convenir autrement et stipuler dans la déclaration de loi applicable que cette désignation aura un effet rétroactif à compter de l'enregistrement de leur partenariat 1528640922014, sans pour autant que cette rétroactivité puisse porter atteinte aux droits des tiers 1528640930313.
Le règlement ne précise pas si l'acte de désignation de la loi applicable doit comporter ou non une liquidation du régime patrimonial antérieur en l'absence de rétroactivité. Quand cela est nécessaire, il est conseillé de procéder à cette liquidation tant que cette question reste en suspens.
Pour éviter cette liquidation, et le cas échéant un partage des biens qui pourrait entraîner une taxation, le notaire pourra éventuellement conseiller aux partenaires de stipuler dans la désignation que cette dernière a un effet rétroactif.

L'opposabilité aux tiers

Selon l'article 28, 2 du règlement n° 2016/1104 du 24 juin 2016, le rattachement subjectif n'est opposable aux tiers dans le cadre d'un litige que s'ils ont eu connaissance ou auraient dû avoir connaissance de cette loi. Cet article vise l'ignorance excusable des tiers, et énonce les situations dans lesquelles le tiers est « réputé » avoir connaissance de la loi applicable aux effets patrimoniaux.
Le paragraphe 3 de cet article distingue l'objet du différend afin de déterminer la loi applicable à l'égard des tiers si la loi désignée n'est pas applicable :
« 3. Lorsque la loi applicable aux effets patrimoniaux d'un partenariat enregistré ne peut être opposée par un partenaire à un tiers en vertu du paragraphe 1, les effets patrimoniaux du partenariat enregistré à l'égard du tiers sont régis :
a) par la loi de l'État dont la loi est applicable à la convention conclue entre l'un des partenaires et le tiers ; ou
b) dans des dossiers portant sur des biens immeubles ou des biens ou des droits enregistrés, par la loi de l'État dans lequel le bien immeuble est situé ou dans lequel les biens ou les droits sont enregistrés ».
Le rôle du notaire prend donc ici toute son importance : il lui revient d'informer le tiers contractant de la désignation de la loi applicable aux effets patrimoniaux des partenaires avec qui il contracte, et d'informer les partenaires des conditions d'opposabilité aux tiers de la désignation de loi.
Ainsi, lors d'un acte de vente immobilière, le notaire devra mentionner la loi applicable aux effets patrimoniaux du partenariat enregistré afin que le cocontractant ne puisse pas invoquer la méconnaissance de cette loi.