Lorsque le vendeur est non-résident, le notaire ne doit pas manquer de s'interroger sur les conditions de son imposition tant pour l'impôt sur le revenu (§ I) que pour les contributions sociales (§ II) et la TVA sur le prix de vente (§ III).
Le principe : l'imposition des vendeurs non résidents
Le principe : l'imposition des vendeurs non résidents
L'imposition sur le revenu retiré de la vente
Selon l'article 1 A du Code général des impôts, une « plus-value de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature » est considérée comme un revenu. L'article 150 U du Code général des impôts prévoit une imposition au titre de l'impôt sur le revenu en cas de vente de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits réels immobiliers dans les conditions des articles 150 V à 150 VH du même code
1540743830175.
Le Code général des impôts ne distingue nullement entre vendeurs résidents ou non résidents en France. Il s'ensuit que toute vente de bien ou droits immobiliers bâtis ou non bâtis réalisée en France est en principe soumise à l'imposition du revenu retiré de cette cession.
Il existe néanmoins des dérogations qui seront développées ci-après.
L'imposition est effectuée conformément aux articles 150 V à 150 VH du Code général des impôts, selon les mêmes modalités qu'en droit interne. La déclaration est déposée simultanément à la copie authentique de l'acte de vente au service de la publicité foncière sur l'imprimé Cerfa 2018 IMM.
Les vendeurs non résidents sont fréquemment surpris d'apprendre qu'ils doivent également payer des contributions sociales françaises.
L'imposition au titre de la contribution sociale généralisée
Depuis le 1er janvier 2016, tous les vendeurs de biens et droits immobiliers situés en France sont en principe redevables des prélèvements sociaux, quel que soit leur pays de résidence fiscale. L'État français recueille cette contribution pour financer le Fonds de solidarité vieillesse.
Il n'en a pas toujours été ainsi : à l'origine ces prélèvements ont été institués pour contribuer au financement de la sécurité sociale française. Néanmoins, l'État français a dû revoir sa position suite aux décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'État. Des recours ont en effet été déposés devant la Cour de justice par des non-résidents qui estimaient injuste de contribuer à un organisme qui ne leur verserait aucune prestation sociale, contrairement aux résidents français. C'est le cas par exemple d'un ressortissant néerlandais résidant en France mais couvert par le régime de sécurité sociale de son pays d'origine. Il refusait de payer les prélèvements sociaux sur les revenus de son patrimoine puisqu'il ne bénéficiait pas de la sécurité sociale française. Saisie d'une question préjudicielle par le Conseil d'État qui devait juger sa requête contre l'État français, la Cour a indiqué que : « Les prélèvements sur les revenus du patrimoine étaient bien affectés au financement des régimes de sécurité sociale français et qu'en conséquence, ils avaient un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement 1408/71, indépendamment de l'absence de relation entre les revenus du patrimoine des personnes assujetties et l'exercice d'une activité professionnelle par ces dernières »
1540748060308. En d'autres termes, la Cour a estimé que les contributions sociales présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec la sécurité sociale française, car elles étaient prélevées pour financer la sécurité sociale française et combler les déficits budgétaires sociaux. Or, selon la Cour, l'État français ne pouvait pas effectuer ce prélèvement sans violer les termes du règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971
1540763057006selon lesquels les travailleurs salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (l'Union européenne) doivent être soumis au régime de sécurité sociale d'un seul État membre afin d'éviter les cumuls de législations nationales et toutes complications juridiques et sociales. C'est le principe d'unicité des législations de sécurité sociale.
Ensuite, selon la Cour, l'État français ne respectait pas non plus le principe de libre circulation des travailleurs et la liberté d'établissement. Il ressort donc de cet arrêt qu'au sein de l'Union européenne, il ne doit y avoir qu'une seule contribution au régime de sécurité sociale et si celle-ci est réalisée auprès du pays d'origine, elle ne peut pas être versée en France notamment lors de la vente d'un immeuble. C'est la position adoptée par le Conseil d'État dans son arrêt du 27 juillet 2015
1546920241635dans l'affaire du ressortissant néerlandais.
Suite à cet arrêt, l'État français a remboursé les sommes indûment perçues de 2012 à 2015 à tous les ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen (Islande, Norvège, Liechtenstein) et de Suisse qui en ont fait la réclamation. Les résidents des autres États n'ont pas été remboursés.
Une parade a tout de même été trouvée par l'administration : les prélèvements sociaux effectués lors de la vente de biens et droits immobiliers contribuent désormais à financer un fonds de vieillesse qui ne verse aucune contrepartie. À ce jour, aucune décision interdisant cette contribution pour les non-résidents n'a été rendue. La position de l'État français a même été confortée dans un arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne
1540762806349saisie d'une question préjudicielle du Conseil d'État. Dans cette affaire, un ressortissant français résidant en Chine s'opposait aux prélèvements sociaux au motif qu'il était affilié au régime chinois de sécurité sociale. Dans cet arrêt, la Cour a opéré la distinction entre les ressortissants de pays membres de l'Union européenne, qui bénéficient du principe de l'unicité de la législation en matière de sécurité sociale et ceux des États tiers qui ne sont pas concernés par ce principe. Nul doute que certains tenteront à nouveau de trouver des arguments pour parvenir à infléchir la jurisprudence et la position de l'administration.
Depuis le 1er janvier 2019, les vendeurs résidant dans un Etat membre de l'Espace économique européen ou en Suisse bénéficient tout de même d'un taux de contribution sociale généralisée réduit à 7,5 % au lieu de 17,20 %.
Néanmoins, avant de calculer le montant des taxes sur la plus-value immobilière, le notaire doit vérifier si le vendeur ne peut pas bénéficier d'une mesure d'exonération liée à sa situation de non-résident (V. supra, nos
et s.).
La TVA sur le prix de vente
En cas de vente d'un bien immobilier situé dans une résidence de tourisme pour lequel un contrat de bail commercial a été souscrit par le vendeur, le notaire doit s'interroger sur le paiement de la TVA. Quel est l'impact des éléments d'extranéité sur l'acquittement de la TVA ?
Lorsque le redevable de la TVA n'est pas résident fiscal en France, doit-il tout de même acquitter cette taxe en France ? Il résulte du Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFiP) que : « Par dérogation à la règle générale posée à l'article 259 du Code général des impôts (CGI), la détermination du lieu d'imposition des services se rattachant à un immeuble ne s'effectue pas en rapport avec la qualité du preneur ».
L'article 259 A, 2° du Code général des impôts prévoit que ces services sont taxables en France lorsque le bien immobilier y est situé.
Sont considérés comme des services se rapportant à un immeuble : « les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux »
1543860704601.
Ensuite, selon l'article 13 ter du règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 du Conseil du 15 mars 2011 portant mesure d'exécution de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, les biens immeubles sont définis comme :
- les constructions incorporées au sol, dans le sol ou au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer et qui ne peuvent être aisément démontées ou déplacées 1543861182956 ;
- les terrains, entendus comme toute partie déterminée de la terre, située à ou sous sa surface ;
- tout élément accessoire d'un immeuble sans lequel ce dernier serait incomplet (tel que par exemple les portes, fenêtres,toitures, escaliers ou ascenseurs) ;
- tout élément installé à demeure dans un immeuble qui ne peut être déplacé sans destruction ou modification de l'immeuble ou de la construction.
Enfin, une prestation de service se rapportant à un immeuble est caractérisée par deux critères alternatifs :
- l'immeuble est au centre du service et indispensable à la prestation 1543875272008 ;
- le service s'applique à un immeuble et il en change le statut juridique ou les caractéristiques physiques.
Ainsi, l'article 259 A, 2° du Code général des impôts vise les prestations d'experts et d'agents immobiliers, notamment les services d'évaluation de biens immobiliers, prestations d'intermédiation à l'achat, à la vente ou à la location de biens immobiliers des agents immobiliers, les prestations de bornage. Le notaire devra donc être attentif aux factures qui lui sont présentées par les agences immobilières dont le siège se situe à l'étranger, car elles sont redevables de la TVA en France au titre de leurs prestations de négociation.
La TVA sera donc collectée en France si la vente est soumise au régime de la TVA. Par ailleurs,en cas de revente avant l'expiration du délai de paiement de la TVA, le notaire ne doit pas omettre de conserver la quote-part de TVA restant due par le vendeur.
Il est à noter que si le redevable de la TVA est domicilié en dehors de l'Union européenne, il doit désigner un représentant fiscal, conformément à l'article 289 A du Code général des impôts. À défaut, c'est le destinataire de l'opération imposable qui supportera le paiement de la TVA, en cas de défaillance du redevable.