Le domaine de la loi applicable

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Le domaine de la loi applicable

La formation du contrat

Les conditions de fond

Les conditions de forme

Effets, exécution, extinction et nullité du contrat

Les articles 10 de la convention de Rome et 12 du règlement Rome I sont rédigés de manière identique :
« 1. La loi applicable au contrat en vertu de la présente convention [du présent règlement] régit notamment :
a) son interprétation ;
b) l'exécution des obligations qu'il engendre ;
c) dans les limites des pouvoirs attribués à la juridiction saisie par son droit procédural, les conséquences de l'inexécution totale ou partielle de ces obligations, y compris l'évaluation du dommage dans la mesure où des règles de droit la gouvernent ;
d) les divers modes d'extinction des obligations, ainsi que les prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai ;
e) les conséquences de la nullité du contrat.
 2. En ce qui concerne les modalités d'exécution et les mesures à prendre par le créancier en cas de défaut dans l'exécution, on aura égard à la loi du pays où l'exécution a lieu ».
La loi applicable au contrat est donc applicable à son interprétation.
Elle l'est ensuite à l'exécution des obligations que le contrat engendre. C'est elle qui détermine « l'ensemble des conditions résultant de la loi ou du contrat suivant lesquelles la prestation qui caractérise toute obligation doit être exécutée » 1546004889455. Elle détermine le lieu et le moment de l'exécution, les modalités des obligations (solidaires, alternatives, divisibles…), les conditions de paiement.
La question du paiement de sommes d'argent soulève une difficulté. On distingue la monnaie de compte, qui détermine l'étendue de l'obligation du débiteur et qui relève de la loi du contrat, et la monnaie de paiement, qui relève normalement de la loi du lieu d'exécution. Lorsque le paiement doit intervenir en France, la monnaie de paiement doit nécessairement être l'euro s'il s'agit d'un contrat de droit interne 1546004906176 ; en revanche, le débiteur est autorisé à payer dans une devise étrangère si le contrat est économiquement international et si les parties ont clairement stipulé que le paiement se ferait effectivement en cette devise 1546004914042.
La loi du contrat détermine également les conséquences de l'inexécution totale ou partielle des obligations du contrat (exception d'inexécution, résolution pour inexécution, responsabilité pour défaut d'exécution ou mauvaise exécution, clause pénale, causes d'exonération telles que la force majeure ou les clauses limitatives de responsabilité).
Le paragraphe 2 des articles 10 de la convention et 12 du règlement prescrivent cependant d'avoir égard à la loi du lieu d'exécution pour « les mesures à prendre par le créancier en cas de défaut dans l'exécution ». Ainsi, si la nécessité pour le créancier de recourir à une mise en demeure relève de la loi du contrat, ses modalités relèveront de la loi du lieu d'exécution. De même, si l'exception d'inexécution se concrétise par l'exercice d'un droit de rétention, ce dernier relèvera davantage du paragraphe 2 et donc de la loi du lieu d'exécution que de la loi du contrat 1546004927752.
Quant à l'évaluation des dommages et intérêts, elle relève de la loi du contrat si, dans cette dernière, elle fait l'objet d'une réglementation juridique. Les aspects qui sont laissés à l'appréciation souveraine du juge relèveront en revanche de la lex fori.
La loi du contrat s'applique également aux intérêts moratoires et à leur point de départ 1546004936338.
Elle s'applique aussi aux divers modes d'extinction des obligations (compensation, novation, remise de dette) ainsi qu'aux prescriptions et déchéances fondées sur l'expiration d'un délai.
Elle s'applique enfin aux « conséquences de la nullité », c'est-à-dire aux restitutions devant intervenir entre les parties lorsque le contrat a été exécuté avant d'être annulé. Le paiement de l'indu et l'enrichissement sans cause relèvent désormais du règlement Rome II, mais ce dernier les soumet à la loi du contrat dès lors qu'ils découlent d'une relation contractuelle entre les parties. Quant à la responsabilité encourue du fait de l'annulation du contrat, si en droit français elle revêt une qualification délictuelle, la formulation générale des articles 10 de la convention et 12 du règlement pourrait laisser penser qu'elle relève de la loi du contrat 1546004948478.

La transmission des obligations

La cession de créance

Les relations entre le cédant et le cessionnaire sont régies par la loi applicable au contrat qui les lie. En revanche, la loi de la créance cédée détermine le caractère cessible de la créance, régit les rapports entre le cessionnaire et le débiteur cédé, les conditions d'opposabilité du transfert au débiteur et le caractère libératoire ou non du paiement effectué par le débiteur 1546844291823. Le règlement apporte en outre une précision complémentaire en indiquant que : « La notion de cession au sens du présent article inclut les transferts de créances purs et simples ou à titre de garantie, ainsi que les nantissements ou autres sûretés sur les créances ».
En revanche, le règlement ne précise pas quelle est la loi applicable à l'opposabilité du transfert de la créance aux tiers. En matière de cession Dailly, l'article L. 313-27 du Code monétaire et financier prévoit que : « La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autres formalités, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs », édictant ainsi une loi de police qui s'appliquera en toutes circonstances 1546005286122.

La subrogation

La subrogation légale

Les articles 13 de la convention de Rome et 15 du règlement Rome I précisent que : « Lorsque, en vertu d'un contrat, une personne, le créancier, a des droits à l'égard d'une autre personne, le débiteur, et qu'un tiers a l'obligation de désintéresser le créancier ou encore que le tiers a désintéressé le créancier en exécution de cette obligation, la loi applicable à cette obligation du tiers détermine si celui-ci peut exercer en tout ou en partie les droits détenus par le créancier contre le débiteur selon la loi régissant leurs relations ».
En d'autres termes, dans les rapports entre le créancier et le solvens, c'est la loi régissant l'obligation en exécution de laquelle le solvens a payé qu'il faudra consulter pour déterminer si le premier est subrogé dans les droits du second. En revanche, c'est la loi applicable aux relations entre le créancier originaire et le débiteur qui déterminera les droits du solvens contre le débiteur.

La subrogation conventionnelle

Dans le cadre de la convention de Rome, l'article 13 a été souvent compris comme ne visant que la subrogation légale, la subrogation conventionnelle relevant de l'article 12. Le règlement a confirmé cette interprétation, en englobant dans un même article 14 la cession de créance et la subrogation conventionnelle. Les solutions exposées au sujet de la cession de créance sont donc applicables à la subrogation conventionnelle.

La vente immobilière

Ainsi qu'on l'a vu, et bien que cela soit déconseillé, les parties peuvent choisir de soumettre le contrat de vente immobilière à une autre loi que la loi du lieu de situation de l'immeuble. La délimitation des domaines respectifs de la loi du contrat et de la loi du lieu de situation s'avère alors particulièrement délicate.
Reprenant la formule d'un auteur 1546005353727, la Cour de cassation a affirmé que « si, en dehors de toute concurrence d'une autre loi, la loi de situation de l'immeuble est compétente pour déterminer les prérogatives du titulaire du droit réel, l'acquisition qui résulte d'un acte juridique est, en principe, soumise à la loi choisie par les parties » 1546005391672. Ainsi, la loi du contrat s'applique aux aspects personnels (conditions de formation et de validité, à l'exception de la capacité et de la forme, transfert des risques, obligations des parties, résolution), tandis que le transfert de propriété et plus généralement les effets réels du contrat (création et contenu des droits, conditions d'opposabilité, moment du transfert de propriété, réserve de propriété, sort d'un sous-acquéreur, d'un créancier hypothécaire…) obéissent à la loi du lieu de situation 1546005462177. En particulier, la loi du lieu de situation détermine les prérogatives du nouveau propriétaire ainsi que le contenu du droit de propriété. C'est donc la loi du lieu de situation de l'immeuble qui décidera si la propriété de la surface emporte celle du dessus ou du dessous, si le propriétaire d'une maison qui borne un cours d'eau a un droit d'eau lui permettant de prélever de l'eau pour ses besoins privés 1546005478099. C'est également la loi du lieu de situation qui régit l'opposabilité aux tiers de l'acquisition du droit réel. Si donc la loi de la situation d'un immeuble subordonne cette opposabilité à une mesure de publicité, celle-ci doit être accomplie, quelle que soit la loi applicable au contrat 1546005489973.
En revanche, la question de savoir si la lésion est soumise à la loi du lieu de situation ou à la loi du contrat a donné lieu à une jurisprudence incertaine : « En faveur de l'application de la loi réelle, on a fait valoir que l'action tend à une revendication de l'immeuble et que l'institution est liée au régime de la propriété foncière ; cette conception a paru consacrée par certaines décisions (Cass. req., 29 juin 1931, préc. – Plus nettement, Paris, 9 févr. 1931, DP 1931. 2. 233, note Lerebours-Pigeonnière ; S. 1931. 2. 145, note Audinet ; RDIP 1931. 348 ; JDI 1932. 109). Mais l'opinion dominante rattache aujourd'hui la lésion à la loi du contrat (sans qu'il soit nécessaire de prendre parti sur son fondement subjectif ou objectif) afin de ne pas dissocier les différentes conditions de formation de l'acte (hormis la forme et la capacité) et cette position, qui coexistait déjà avec la précédente en jurisprudence (Cass. 1re civ., 11 juill. 1928, S. 1930. 1. 127, note Niboyet), est celle des décisions les plus récentes (Toulouse, 24 sept. 1985, Rev. crit. DIP 1986. 322, conf. TGI Toulouse, 29 sept. 1982, ibid. 1983. 480, note Légier et Mestre) » 1546005503949.