La portée d'un traité sera caractérisée par son champ matériel (Sous-section I), son champ territorial (Sous-section II), son champ temporel (Sous-section III) et son effet direct (Sous-section IV).
La portée des traités
La portée des traités
Le champ matériel des traités
Les matières régies par les traités découlent du partage de compétences entre l'Union européenne et les États membres, opéré dans les traités constitutifs eux-mêmes. L'Union européenne ne dispose que d'une compétence d'attribution et « n'agit que dans les limites des compétences que les États lui ont attribuées dans les traités et que toute compétence non attribuée à l'Union appartient aux États membres »
1545733409982. Les compétences ne sont pas toutes confiées exclusivement à l'Union. Certaines sont partagées et d'autres sont des compétences d'appui.
Le Traité CECA (marché commun du charbon et de l'acier) donnait dans son annexe 1 la liste des produits couverts par les expressions « charbon » et « acier ». Le traité de Lisbonne
1545733431534fait référence au marché intérieur sans donner de précision. La Cour se fonde sur l'un des objectifs fixés à la Communauté européenne par l'article 2 du Traité CE : assurer le développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques. La Cour a donné une définition du critère d'activité économique dans une affaire concernant des objets à caractère artistique ou archéologique, et a jugé qu'ils étaient régis par le traité dès lors qu'ils sont des « produits appréciables en argent et susceptibles comme tels de former l'objet de transactions commerciales »
1545733448933. Il en a été jugé ainsi des activités sportives, si elles donnent lieu à des prestations de travail rémunérées par un salaire ou à des prestations de services rémunérées
1545733481493. Dans un arrêt en date du 12 avril 2005
1543930432181, la Cour a jugé que les utilisations militaires de l'énergie nucléaire ne relèvent pas de son champ d'application.
Le champ territorial des traités
L'article 299, § 1 TCE précise que le traité s'applique aux États membres ainsi qu'aux départements français d'outre-mer, aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. L'article 355 TFUE a ajouté nommément les départements d'outre-mer et Mayotte, ancien Pays et territoire d'outre-mer (PTOM). Les traités s'appliquent également aux territoires européens dont un État membre assure les relations extérieures, à savoir Gibraltar et les îles Aland. Sont exclues de l'application des traités les îles Féroé, les zones de souveraineté que le Royaume-Uni a conservées à Chypre (bases militaires), les îles anglo-normandes et l'île de Man (sauf les règles douanières et les règles de restrictions quantitatives), la Principauté de Monaco, la République de Saint-Marin qui ont le statut d'États indépendants.
Certains territoires bénéficient d'un régime particulier qui tient compte de leur spécificité, et ainsi les règles de l'Union ne leur seront pas appliquées ou pas appliquées dans les mêmes termes.
Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II du TFUE
1545733543702bénéficient du régime de l'association
1543933346591, défini dans la quatrième partie du traité et qui a pour but de favoriser leur développement économique, social et culturel. Le traité d'Amsterdam prévoit également un régime particulier pour les régions ultrapériphériques (RUP) : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion, Saint-Martin, Mayotte, les Açores, Madère et les îles Canaries. La Cour a jugé, à propos de Mayotte, que ces mesures particulières pouvaient fixer des conditions d'application « non seulement des dispositions de traités, mais également de celles du droit dérivé »
1543933699867.
Le droit de l'Union s'applique à toute personne physique ou morale, nonobstant sa nationalité, dès lors qu'elles exercent une activité même professionnelle sur le territoire d'un État membre. La Cour a jugé qu'une entreprise américaine était soumise au droit de la concurrence et aux sanctions en matière d'ententes anticoncurrentielles ou en matière de position dominante, si le comportement de celle-ci a une incidence sur le fonctionnement du marché intérieur
1543935802641.
Le champ temporel des traités
Les traités sont des conventions, conclues entre États membres, et prévoient eux-mêmes tant leur entrée en vigueur que leur durée d'application. Le traité de Lisbonne (§ II) est venu largement modifier la situation ancienne (§ I).
Avant le traité de Lisbonne
Avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, les traités entraient en vigueur à la date prévue par les traités eux-mêmes. L'article 247 du Traité CEE, devenu article 313 du Traité CE, stipulait que le traité entrerait en vigueur le premier jour du mois suivant le dépôt du dernier instrument de ratification ou, si ce dépôt avait lieu moins de quinze jours avant le début du mois suivant, le premier jour du deuxième mois suivant la date de ce dépôt. Cette date d'entrée en vigueur a été celle du 1er janvier 1958.
L'entrée en vigueur respecte donc la règle de droit international de dépôt des instruments de ratification des traités. Cette règle a retardé notablement, à de multiples reprises, l'entrée en vigueur des traités de révision (traités de Maastricht, Nice et Lisbonne).
Cette entrée en vigueur des traités se distingue de l'existence de certaines de leurs dispositions qui peuvent avoir une application différée ou progressive. Tel a été le cas de l'établissement du marché commun sur une période transitoire de douze années divisée en trois étapes de quatre années, prévue à l'article 8 du Traité CEE. Il en est de même des dispositions transitoires prévues dans le cadre d'adhésion de nouveaux membres.
S'agissant de la durée d'application du traité, il convient également de se rapporter à ses dispositions. Le Traité CECA avait été conclu pour une durée de cinquante ans, alors que d'autres traités l'ont été pour une durée illimitée : Traité CE, Traité CEEA, TUE.
Les traités peuvent faire l'objet de révisions, mais l'unanimité sera requise.
Il y a également lieu de préciser qu'une non-application des traités dans le temps ne les rendra pas caducs. Ainsi en a décidé la Cour dans une affaire dans laquelle la France prétendait que le Traité Euratom était devenu désuet du fait de sa non-application
1544107565733.
Sur la question de la possibilité d'arrêter l'applicabilité dans le temps, un État membre ne pouvait a priori pas se retirer sans l'accord des autres, cette possibilité ne lui étant pas offerte précédemment par les traités.
L'apport du traité de Lisbonne
Le traité de Lisbonne devait entrer en vigueur le 1er janvier 2009 à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés, ou le premier jour du mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification de l'État signataire qui procède le dernier à cette formalité, ce qui a conduit à son entrée en vigueur le 1er décembre 2009. Les articles 16 et 17 fixent respectivement des règles de vote au Conseil ainsi que des règles de composition de la Commission, d'application échelonnée.
Le traité lui-même est conclu pour une durée illimitée
1545733828133.
Ce traité apporte de la souplesse à l'organisation de l'Union européenne, notamment dans les modalités de révision (A), mais également par la possibilité offerte aux États membres de se retirer plus facilement (B).
Les modalités de révision
Ce traité modifie de manière importante la procédure de révision. Le principe de l'unanimité ne disparaît pas, cependant l'article 48, § 1 introduit de nouvelles règles : « Les traités peuvent être modifiés conformément à une procédure de révision ordinaire. Ils peuvent également être modifiés conformément à des procédures de révision simplifiées ».
La procédure ordinaire de révision est ouverte à tout État membre, à la Commission et désormais au Parlement européen. Cette procédure concerne les modifications les plus importantes apportées aux traités, telles que l'accroissement ou la réduction des compétences de l'Union européenne. Un projet de révision est soumis au Conseil qui, à son tour, le soumet au Conseil européen et informe les États membres de la procédure. Si le Conseil est favorable à la révision, il a deux options :
- soit les modifications sont considérées comme importante, alors il convoque une convention composée des parlements nationaux, des chefs d'État ou de gouvernement des pays de l'Union européenne, du Parlement européen et de la Commission. Cette convention adopte des accords. Puis le président du Conseil convoque une Conférence des représentants des gouvernements des pays de l'Union européenne. Cette conférence a pour objectif d'adopter les modifications à apporter aux traités ;
- soit les modifications ne le sont pas et il ne convoque pas de conférence.
Deux procédures simplifiées sont également prévues par le traité : la procédure de révision simplifiée des politiques et actions internes de l'Union (I) et la clause passerelle (II).
La révision simplifiée
Le Conseil européen peut adopter des décisions modifiant des dispositions du TFUE (3e partie) sans convoquer une conférence intergouvernementale et sans convention. À cette occasion, le Conseil européen statue à l'unanimité après consultation du Parlement européen et de la Commission, ainsi que de la Banque centrale européenne en cas de modification institutionnelle dans le domaine monétaire. Le texte modificatif devra être ratifié par les États membres. Saisie d'un renvoi par l'Irlande dans une affaire qui l'opposait à M. Pringle, la Cour a jugé que la révision du TFUE autorisant l'adoption par les États membres de la zone euro de l'accord MES (mesure instituant un mécanisme de stabilité dans les États signataires) au moyen de la procédure simplifiée était légale
1545733911092. La décision ne peut toutefois pas accroître les compétences attribuées à l'Union dans les traités.
La clause passerelle
Instituée par l'article 48, § 7 TUE, cette clause permet au Conseil européen de voter à la majorité qualifiée au lieu d'un vote à l'unanimité dans un domaine relevant du TFUE ou de la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne (PESC), sauf dans le cas des décisions ayant des implications militaires ou relevant du domaine de la défense.
Le Conseil européen peut décider à l'unanimité, après approbation du Parlement, de substituer la procédure législative ordinaire à une procédure spéciale, pour que la décision soit adoptée en codécision par le Parlement et le Conseil à la majorité qualifiée.
L'utilisation de cette clause doit être notifiée aux parlements nationaux, et la décision prise ne pourra entrer en vigueur que si ces derniers ne s'y opposent pas dans un délai de six mois suivant la notification.
Le retrait
En vertu de l'article 50 TUE, tout État membre pourra, en respectant ses règles constitutionnelles, se retirer de l'Union. Le retrait est soumis à une période transitoire de deux années au cours desquelles le retrayant peut négocier un accord avec l'Union, fixant les modalités de son retrait et ses relations futures avec l'Union. Cet accord est conclu par le Conseil statuant à la majorité qualifiée après approbation du Parlement européen. Ce droit a été exercé par le Royaume-Uni, après un vote des citoyens britanniques du 23 juin 2016, par notification au Conseil européen en date du 27 mars 2017. Un traité de retrait a été régularisé le 25 novembre 2018 et sera soumis à la ratification du Parlement britannique. Le Royaume-Uni ne devrait plus faire partie de l'Union européenne à partir du 29 mars 2019.
L'effet direct des traités
Le principe d'effet direct permet à tout individu d'invoquer une norme européenne directement devant les tribunaux nationaux ou européens, indépendamment de l'existence de textes issus en droit national. Ce droit peut être invoqué vis-à-vis du pays (effet direct appelé vertical), mais également vis-à-vis d'un autre individu (effet direct appelé horizontal). La Cour reconnaît selon les types d'actes soit un effet plein (effet direct vertical et horizontal), soit un effet partiel (limité à l'effet direct vertical).
La Cour de justice a posé, dans l'arrêt Van Gend en Loos, le principe de l'effet direct des traités, et en a également précisé les conditions : la disposition concernée doit être suffisamment claire et précise, inconditionnelle et son application ne doit nécessiter aucune mesure complémentaire, ni de nature communautaire, ni de nature nationale.
La Cour a refusé de reconnaître l'effet direct à l'article 2 TCE (auquel s'est substitué l'article 3 TUE) fixant les objectifs de l'Union qu'elle juge trop général dans sa formulation
1543941551706.
La Cour adopte la même position à l'égard de l'article 13 TCE (remplacé par l'article 19 TFUE) qui confère la possibilité et non l'obligation de combattre toute discrimination
1543942928228.