Traditionnellement, la famille recouvrait le mariage (Sous-section II), qui abordait également les questions de désunions (Sous-section IV) ainsi que la filiation (Sous-section III). Les domaines aujourd'hui couverts sont plus larges, puisqu'il est nécessaire d'englober les partenariats enregistrés (Sous-section I) et les aliments (Sous-section V). Le concubinage n'est pas abordé en droit international privé et ne fait pas l'objet de règles de conflit de lois spécifiques, la question étant réglée au cas par cas selon le problème soulevé
1529763582178.
La famille
La famille
Les partenariats enregistrés
La constitution du partenariat
L'article 515-7-1 du Code civil édicte que : « Les conditions de formation et les effets d'un partenariat enregistré ainsi que les causes et les effets de sa dissolution sont soumis aux dispositions matérielles de l'État de l'autorité qui a procédé à son enregistrement ». Les conditions de formation, ses effets, ses modalités de dissolution sont donc déterminés par cet article du Code civil.
Les effets patrimoniaux des partenariats européens
Depuis l'entrée en vigueur du règlement (UE) n° 2016/1104 du 24 juin 2016, mettant en œuvre une coopération renforcée, la France ainsi que dix-sept autres États se réfèrent à ce texte pour régler les effets patrimoniaux du partenariat.
Le règlement est d'application universelle, comme le précise l'article 20 du règlement : la loi désignée comme loi applicable par le règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre. Mais ce règlement n'est pas applicable dans l'ensemble des États membres de l'Union européenne. Pour les États membres non participants, la loi applicable aux effets patrimoniaux des partenariats enregistrés sera déterminée par les règles de droit international privé applicables dans ces États membres.
Le règlement prévoit que les partenaires pourront choisir la loi applicable aux effets patrimoniaux, parmi un ensemble de systèmes juridiques.
Il souhaite garantir un maximum d'efficacité et impose que le choix des partenaires porte sur un système juridique qui connaît le partenariat enregistré. Ainsi, l'article 22 du règlement dispose que : « Les partenaires ou futurs partenaires peuvent convenir de désigner ou de modifier la loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré ou en changer, pour autant que ladite loi attache des effets patrimoniaux à l'institution du partenariat enregistré (…) ».
Par ailleurs, et en application du principe de proximité que nous avons déjà évoqué
1540569925219, il identifie les systèmes juridiques avec lesquels les partenaires sont supposés présenter les liens les plus étroits. Les partenaires pourront faire un choix de loi, mais de manière encadrée précisée à l'article 22 :
- « la loi de l'État dans lequel au moins l'un des deux partenaires ou futurs partenaires a sa résidence habituelle au moment où la convention est conclue ;
- la loi d'un État dont l'un des partenaires ou futurs partenaires a la nationalité au moment où la convention est conclue ;
- la loi de l'État selon le droit duquel le partenariat enregistré a été créé ».
À défaut de choix de loi, l'article 26 précise que : « La loi applicable aux effets patrimoniaux du partenariat enregistré est la loi de l'État selon la loi duquel le partenariat enregistré a été créé ». L'article 21 du règlement prévoit que la loi désignée s'applique à l'ensemble des biens qui sont soumis à ces effets, quel que soit le lieu où les biens se trouvent. Enfin, les partenaires ont la possibilité de changer de loi applicable, qui n'a d'effet, par principe, que pour l'avenir. Cependant, ils pourront également choisir de donner un effet rétroactif au changement de loi applicable aux effets patrimoniaux de leur partenariat enregistré. La possibilité donnée aux mairies de procéder à l'enregistrement en France des pactes de solidarité civile a soustrait certains clients du conseil donné par les notaires. Compte tenu des possibilités données par ce règlement, leur rôle de conseil se trouve aujourd'hui enrichi.
Le mariage
Les règles de conflit de lois diffèrent selon qu'elles traitent les questions liées aux conditions de fond du mariage (§ I) ou aux conditions de forme (§ II). Les effets du mariage seront brièvement évoqués (§ III).
Si le notaire n'intervient pas directement dans la célébration du mariage, il peut être consulté par des clients qui épousent une personne de nationalité étrangère. Il doit être à même de leur indiquer sous quelle forme leur mariage peut être célébré et les formalités à respecter (Chapitre I). Le statut des personnes mariées entraîne en outre des conséquences, notamment au regard du régime primaire impératif dont il y a lieu de vérifier s'il s'applique à tous les époux résidant sur le territoire français quelle que soit leur nationalité (Chapitre II).
Les conditions de fond du mariage
L'article 202-1 du Code civil, modifié par la loi du 4 août 2014, édicte que : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180.
Deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l'une d'elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l'État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».
Cet article pose un principe et deux exceptions.
Le principe énonce que lorsque les deux époux ont une nationalité commune, la loi applicable est leur loi nationale. Si tel n'est pas le cas, le Code civil retient un principe d'application distributive des deux lois. Chaque époux doit démontrer qu'il remplit les conditions de sa propre loi nationale pour se marier
1544279470472.
Il existe deux exceptions :
L'une concerne le consentement : l'alinéa 1 de l'article 202-1 du Code civil introduit par la loi du 4 août 2014 exige que le consentement exprimé soit celui du droit français visé par les articles 146 et 180, alinéa 1 du Code civil.
L'autre concerne l'application distributive de deux lois : l'alinéa 2 de l'article 202-1 du Code civil prévoit la possibilité pour les couples de même sexe de se marier dès lors que la loi de l'État sur le territoire duquel l'un des époux a son domicile ou sa résidence le permet. Il faut néanmoins noter que cette possibilité n'est pas ouverte aux ressortissants de pays liés avec la France par des conventions bilatérales qui prévoient que seule la loi personnelle est applicable aux conditions de fond du mariage, sans pouvoir appliquer les exceptions prévues aux alinéas 1 et 2 de l'article. Tel est le cas par exemple du Maroc.
Concernant les mariages célébrés en France, l'ordre public peut néanmoins s'opposer à l'application de la loi étrangère. Il s'opposera par exemple au mariage avant l'âge matrimonial du droit français ou aux mariages pour des motifs religieux qui font une différence entre les femmes et les hommes
1529764219343.
Concernant les mariages célébrés à l'étranger, la notion d'ordre public est atténuée. L'arrêt Chemouni
1529764252115a tranché sur la reconnaissance en France d'un mariage polygamique, le considérant comme valable et produisant ses effets en France, à partir du moment où la loi nationale des deux époux le permettait.
Les conditions de forme du mariage
L'article 202-2 du Code civil dispose que : « Le mariage est valablement célébré s'il l'a été conformément aux formalités prévues par la loi de l'État sur lequel la célébration a eu lieu ».
Concernant les mariages célébrés en France, le mariage doit être célébré devant un officier d'état civil. La seule exception concerne le mariage consulaire qui ne peut s'adresser qu'à des époux ayant la même nationalité. Une loi du 29 novembre 1901 a ajouté deux alinéas à l'article 170 du Code civil et permet aux agents consulaires de célébrer des mariages entre des Français et des étrangers, dans certains pays définis par décret
1544280412926.
Concernant les mariages célébrés à l'étranger, le même principe est applicable. Ainsi, les formes de mariages les plus diverses sont valables à partir du moment où elles sont reconnues par les formes locales (mariages religieux ou privés…)
1544280062686. Leur validité en France est suspendue à leur transcription sur les registres français visée aux articles 171-1 et suivants du Code civil.
Les effets du mariage
Les effets du mariage concernent en principe :
- les effets personnels du mariage tels que la capacité, le nom, le domicile, les relations personnelles entre époux, la communauté de vie ;
- les contrats entre époux tels que les donations entre époux, les donations mobilières et immobilières et la responsabilité parentale ;
- les règles du régime primaire des articles 212 et suivants du Code civil ;
- les effets patrimoniaux du mariage comme l'obligation d'entretien, l'obligation aux charges du mariage.
La loi nationale commune des époux détermine les effets du mariage. Cette règle de conflit est énoncée à l'article 3, alinéa 3 du Code civil : « Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangers ». Si ceux-ci n'ont pas la même nationalité, la jurisprudence
1529764444107a retenu la loi du domicile commun des époux. Si les époux n'ont pas de domicile commun, la Cour de cassation applique la loi du for
1529764462233.
Cependant, les règles énoncées ci-avant sont d'application aujourd'hui restreintes. En effet, d'une part, la jurisprudence, en 1987, dans un arrêt Cressot
1529764497975, a décidé que les règles du régime primaire prévu par les articles 212 et suivants du Code civil sont très largement d'application territoriale, comme assimilées aux lois de police françaises.
D'autre part, le règlement n° 2016/1103 du 24 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux, qui est entré en vigueur le 29 janvier 2019, a un champ d'application plus large et s'applique pour tous les effets patrimoniaux du mariage
1544287814993. D'autre part, le règlement n° 4/2009 du 18 décembre 2008 s'applique aujourd'hui sur les obligations alimentaires
1544287869437, et la convention de La Haye du 19 octobre 1996 définit les règles de l'autorité parentale
1544287944377.
La loi des effets du mariage ne concerne donc plus que les rapports personnels entre époux, les donations mobilières et immobilières entre époux, la capacité de la personne mariée, le nom des époux et l'adoption par deux époux.
Indépendamment des questions relevant du régime matrimonial, le mariage engendre des effets personnels (obligation de fidélité, de secours et d'assistance) et des effets patrimoniaux, notamment dans les contrats à titre onéreux entre époux. Par ailleurs, le régime primaire impératif est traité sous l'angle des effets du mariage et des lois de police.
La filiation
Plusieurs textes ont abordé la question de la filiation avec comme objectif principal la protection des droits fondamentaux des enfants. La Convention internationale des droits de l'enfant a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par 196 membres sur 197 (les États-Unis l'ont signée, mais non ratifiée). C'est dire que cette question est une préoccupation majeure pour l'ensemble des pays.
Pour la présentation des règles de conflit de lois, il convient de distinguer la filiation biologique (§ I), avant d'évoquer la filiation adoptive (§ II).
L'établissement de la filiation est un domaine juridique dans lequel il n'existe pas de conventions internationales ni de règlements. Il convient d'appliquer le droit commun.
Il existe quatre modes d'établissement de la filiation biologique. Celle-ci peut être établie par l'effet de la loi, au moyen d'une reconnaissance, par la possession d'état, ou enfin par une action judiciaire. Il ne sera traité dans ce titre que les trois premiers cas, le dernier n'ayant que peu d'intérêt pour la pratique notariale.
La filiation biologique
En matière de filiation biologique, il convient de définir la loi applicable à l'établissement de la filiation (A), puis à ses effets (B).
La loi applicable
La loi du 3 janvier 1972 a énoncé de nouvelles règles de conflit, modifiées par l'ordonnance du 4 juillet 2005 et par la loi de simplification du droit du 16 janvier 2009. Le principe est donné par l'article 311-14 du Code civil : « La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant ». Le rattachement s'explique par le fait que l'identité de la mère est rarement douteuse, d'autant plus que la Cour de cassation s'est prononcée en faveur de l'identité de la mère, connue en fait et pas forcément en droit
1529765376995.
Par ailleurs, cet article règle une question de conflit mobile puisque la nationalité de la mère est celle au jour de la naissance de l'enfant.
Deux exceptions sont visées par le Code civil. L'article 311-15 du Code civil édicte que : « Toutefois, si l'enfant et ses père et mère ou l'un d'eux ont en France leur résidence habituelle, commune ou séparée, la possession d'état produit toutes les conséquences qui en découlent selon la loi française, lors même que les autres éléments de la filiation auraient pu dépendre d'une loi étrangère ». Cet article permet d'établir la filiation par la possession d'état en vertu du droit français, sous condition de résidence de l'enfant ou un de ses parents en France.
L'article 311-17 du Code civil prévoit que : « La reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ». Cette règle de conflit de lois alternative a été établie pour favoriser le plus largement possible les reconnaissances d'enfants.
La convention donne la possibilité aux couples de choisir la loi applicable à leur régime, en encadrant ce choix (I). À défaut, la convention détermine la loi applicable par des rattachements objectifs (II).
Là encore, la détermination de la loi applicable peut résulter d'une absence de choix(Sous-section I) ou d'un choix (Sous-section II).
Les effets de la filiation
La détermination de la filiation produit des effets sur l'autorité parentale et sur les obligations alimentaires envers les enfants. Cette dernière question sera abordée infra
1540570206911. Les règles de conflit de lois applicables à l'autorité parentale sont régies par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant « la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants »
1543059779601.
La filiation adoptive
La question de la loi applicable aux adoptions internationales est importante compte tenu de la demande croissante et du fait que certains pays ne connaissent pas cette institution. L'article 370-3 du Code civil, issu de la loi du 6 février 2001, fixe les conditions et les effets de l'adoption. La Convention de La Haye du 29 mai 1993 met en place un système de coopération entre États contractants.
En l'état actuel, les institutions européennes ne se sont pas attachées à cette question. La Convention de La Haye de 1993 s'attache à organiser la collaboration entre les pays. La règle de conflit de lois reste donc définie par le droit interne.
L'article 370-3, alinéa 1 du Code civil prévoit que : « Les conditions de l'adoption sont soumises à la loi nationale de l'adoptant ou, en cas d'adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L'adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l'un et l'autre époux la prohibe ». La loi qui régit les effets de l'union de deux époux est la loi des effets du mariage
1544288356363.
L'alinéa 2 édicte que : « L'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ».
Enfin, l'alinéa 3 pose une règle relative au consentement du représentant de l'enfant : « Quelle que soit la loi applicable, l'adoption requiert le consentement du représentant légal de l'enfant. Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l'enfant et éclairé sur les conséquences de l'adoption, en particulier, s'il est donné en vue d'une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant ».
L'article 370-4 du Code civil détermine les effets de l'adoption : « Les effets de l'adoption prononcée en France sont ceux de la loi française ». Les effets prévus par cette règle de conflit de lois unilatérale sont très largement concurrencés par les règlements internationaux ou européens, notamment en matière d'obligation alimentaire ou d'autorité parentale.
La Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale comprend quatre-vingt-dix-huit États parties et est entrée en vigueur en France le 1er octobre 1998. Elle met en avant les intérêts de l'enfant. Elle organise la collaboration entre les autorités des différents pays, avec notamment la mise en place d'une autorité centrale investie d'une mission de coopération.
La dissolution du mariage
La loi applicable en matière de divorce en droit international privé a d'abord été régie par le Code civil (§ III) et les conventions bilatérales (§ II). Le droit de l'Union européenne s'est considérablement élargi et constitue aujourd'hui le droit positif en matière de divorce. Le notaire français doit donc mettre en œuvre cette réglementation (§ I). Le tribunal compétent pour prononcer le divorce ainsi que les règles de reconnaissance et d'exécution des décisions en matière de divorce sont abordés infra, n° .
Le règlement n° 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010, dit « Rome III »
Le règlement n° 1259/2010 met en œuvre pour la première fois une coopération renforcée applicable aujourd'hui dans dix-sept États de l'Union, dont la France. Il est entré en application le 21 juin 2012. L'article 4 précise qu'il est d'application universelle, c'est-à-dire que la loi désignée s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre participant à la coopération renforcée. La loi peut désigner celle d'un État membre non participant ou d'un État tiers. Il constitue le droit positif en France, le droit interne et conventionnel continuant à s'appliquer pour les seules actions intentées avant le 21 juin 2012.
Le règlement désigne la loi applicable en matière de divorce ou de séparation de corps. Il règle donc les questions d'admissibilité du divorce, des causes, de la dissolution elle-même ainsi que de la date d'effet.
Il ne règle pas les questions d'annulation du mariage, qui restent régies par les règles de conflit de lois relatives au mariage
1543050630002.
Il ne règle pas non plus les conséquences du divorce. La question de l'autorité parentale est régie par la Convention de La Haye du 19 octobre 1996
1543050958688.
Les effets patrimoniaux du divorce tels que la prestation compensatoire ou la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sont régis par le règlement « Aliments »
1543051128677.
La Cour de justice de l'Union européenne a également précisé que le règlement ne concernait pas les « divorces privés », tels que prononcés par exemple par un tribunal religieux
1531489232973.
Dans cet arrêt, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé le champ d'application matériel du règlement Rome III en indiquant qu'il ne s'applique qu'aux « divorces prononcés soit par une juridiction étatique, soit par une autorité publique ou sous son contrôle ».
Que dire, dans ce cas, du nouveau divorce sans juge introduit dans le droit français par la loi du 18 novembre 2016 qui a été adoptée, semble-t-il, en méconnaissance des règles du droit européen
1529766243025 ? Une plainte a d'ailleurs été déposée par la Commission européenne le 19 avril 2017
1529766272462.
Le règlement prévoit que si les époux sont d'accord, ils pourront choisir la loi applicable à leur divorce. Selon l'article 5, les lois susceptibles d'être choisies sont les suivantes :
- « la loi de l'État de la résidence habituelle des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
- la loi de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que l'un d'eux y réside encore au moment de la conclusion de la convention ; ou
- la loi de l'État de la nationalité de l'un des époux au moment de la conclusion de la convention ; ou
- la loi du for. »
À défaut de choix de loi, l'article 8 du règlement désigne :
- la loi de l'État de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ou, à défaut ;
- de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n'a pas pris fin plus d'un an avant la saisine de la juridiction et que l'un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine, à défaut ;
- la loi de la nationalité des époux au moment de la saisine, à défaut ;
- la loi du for.
Les conventions internationales bilatérales
Des conventions bilatérales ont été signées avec certains pays et le règlement Rome III prévoit à l'article 19 qu'il n'a pas d'incidence sur l'application de conventions internationales auxquelles les États étaient parties. Certaines d'entre elles restent donc d'actualité. C'est le cas de la convention franco-marocaine du 10 août 1982
1530525892961qui soumet le divorce à la loi de l'État de la nationalité commune des époux ou, à défaut, à la loi de l'État de leur domicile ou de leur dernier domicile (art. 9).
C'est aussi le cas de la Convention franco-polonaise du 5 mai 1957
1530359654963qui prévoit les mêmes règles dans l'article 8, alinéa 2, ou de la Convention franco-yougoslave du 18 mai 1971 pour les relations avec la Bosnie, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie (à l'exception de la Slovénie, qui a ratifié le règlement Rome III).
Le droit français
L'entrée en vigueur du règlement Rome III a pratiquement privé de toute portée l'article 309 du Code civil. Restent soumis à cet article les divorces antérieurs au 21 juin 2012. Il trouvera peut-être également un autre cas d'application avec le divorce sans juge qui semble ne pas être compatible avec le règlement. Cette question est développée par la troisième commission
1543742716527.
L'article 309 du Code civil édicte que : « Le divorce et la séparation de corps sont régis par la loi française :
- lorsque l'un et l'autre époux sont de nationalité française ;
- lorsque les époux ont, l'un et l'autre, leur domicile sur le territoire français ;
- lorsqu'aucune loi étrangère ne se reconnaît compétence, alors que les tribunaux français sont compétents pour connaître du divorce ou de la séparation de corps ».
Cette règle est une des rares règles de conflit de loi unilatérale
1540570650616. L'article ne vise que le champ d'application de la loi française. Elle impose au juge français de rechercher si une loi étrangère s'applique lorsque les époux ne sont pas tous deux de nationalité française ou n'ont pas tous deux leur domicile en France. Le juge devra donc identifier les différents systèmes de droits étrangers pouvant prétendre à s'appliquer, puis rechercher si les règles de conflit de lois étrangères retiennent leur compétence et, enfin, choisir entre elles. Cette règle peut donc s'avérer extrêmement complexe. Ce n'est que si aucune loi étrangère ne se reconnaît compétente que s' appliquera la loi française. Le juge peut sanctionner la modification frauduleuse de l'élément de rattachement
1544290501176. Enfin, le contrôle de la loi étrangère via l'exception de l'ordre public français peut conduire les juges à exclure certains effets comme la répudiation unilatérale ou s'opposer à l'application du droit étranger comme étant trop éloigné de valeurs du droit français
1544290598090.
Les aliments
L'obligation alimentaire vise tous les subsides susceptibles d'être versés par une personne au titre de sa relation de famille. Elle concerne les personnes unies par des liens de mariage, d'alliance ou de parenté. La Cour de cassation avait initialement soumis cette obligation à la loi des effets du mariage
1529766561921.
Un nouveau règlement n° 4/2009, dit règlement « Aliments », relatif à la « compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et de la coopération en matière d'obligation alimentaire », adopté le 18 décembre 2008, est entré en vigueur le 18 juin 2011 (§ I). Il est destiné à améliorer le système de recouvrement des obligations alimentaires. Le règlement défend le droit à l'obtention des aliments avec des règles favorables au créancier, mais aussi le droit à leur recouvrement avec la suppression quasi généralisée de l'exequatur en Europe. Il édicte donc des règles de compétence juridictionnelle et des règles de conflit de lois. La coopération au niveau international, quant à elle, est réglementée par une convention (§ II).
La détermination de la loi applicable par le règlement « Aliments » et le Protocole de La Haye du 23 novembre 2007
Le règlement « Aliments » ne pose pas de règle de conflit de lois, il se contente, dans son article 15 de renvoyer au Protocole de La Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Ce protocole a été ratifié par l'Union européenne et vingt-neuf autres pays. Son article 2 précise qu'il est d'application universelle. Il produit donc ses effets même si la loi qu'il désigne est celle d'un État non contractant. Le Royaume-Uni et le Danemark ont fait savoir qu'ils n'appliqueraient pas les règles du protocole. Ils continuent à faire jouer leurs propres règles de conflit de lois.
Il remplace, dans ces rapports entre les États contractants, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 entrée en vigueur le 1er octobre 1977, qui désignait la loi interne de la résidence habituelle du créancier d'aliments, à défaut la loi nationale commune du créancier et du débiteur, à défaut la loi du for.
L'article 8 du protocole donne la possibilité aux parties d'effectuer un choix de loi, soit antérieurement au litige, soit par un accord procédural écrit et signé par toutes les parties. Ce choix de loi est encadré dans la mesure où les parties ne peuvent choisir que la loi de l'État de la nationalité de l'une ou l'autre partie ou celle de l'État de leur résidence habituelle, la loi appliquée à leurs relations patrimoniales ou celle appliquée pour régir leur divorce ou leur séparation de corps. Cet accord n'est néanmoins pas possible pour les obligations alimentaires qui concernent une personne de moins de dix-huit ans ou un adulte incapable.
À défaut de choix de loi, l'article 3 du protocole définit des rattachements objectifs : « La loi de l'État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires ». Si le créancier d'aliment ne peut pas obtenir d'aliment sur le fondement de cette loi, la loi du for
s'applique. À défaut, le créancier peut se fonder sur la loi de l'État de la nationalité commune du créancier et du débiteur.
Certains auteurs
1534411186732ont mis en avant l'avantage d'un accord procédural, notamment dans le cas d'époux qui divorcent. Il faut en effet rappeler que la loi applicable au divorce est régie par le règlement Rome III. La prestation compensatoire et les éventuelles contributions à l'entretien et à l'éducation des enfants sont régies par le règlement « Aliments ». Un accord pourrait alors intervenir entre les ex-époux pour désigner la loi du for pour le divorce et pour gérer ses conséquences. Cependant, il est impératif que cet accord soit éclairé et librement consenti. Le notaire, conseil des familles, pourra se charger de mettre en place cette convention. Il faudra cependant se méfier des mesures de protection empêchant dans certains cas la professio juris de s'appliquer. C'est le cas notamment pour les obligations alimentaires concernant un créancier mineur ou un adulte qui, en raison d'une altération de ses facultés personnelles, n'est pas en mesure de pourvoir seul à ses intérêts.
Par ailleurs, l'État de la résidence habituelle du créancier peut refuser la renonciation pure et simple à un droit à aliments. En France, le caractère indisponible de l'obligation alimentaire ne semble pas le permettre, même si ce caractère d'indisponibilité est aujourd'hui très discuté.
Concernant la prestation compensatoire, il faudra attendre que la procédure en divorce soit engagée, soit par saisie du juge par requête conjointe, soit par assignation d'une partie.
Enfin, malgré cette possibilité de choisir la loi applicable, l'article 8 du règlement prévoit que le juge garde toujours un pouvoir modérateur dans le cas où la loi désignée « entraînerait des conséquences manifestement inéquitables ou déraisonnables pour l'une des parties ».
Un système de coopération mis en place par le droit conventionnel
La Convention de La Haye du 23 novembre 2007 sur le recouvrement international des aliments destinés aux enfants et à d'autres membres de la famille (adopté le même jour que le Protocole de La Haye) a mis en place un système de coopération entre les autorités des États contractants. Elle est entrée en vigueur en France le 1er août 2014. Elle oblige les États parties à porter assistance au créancier pour parvenir à une exécution rapide, notamment en matière de reconnaissance et d'exécution dans l'État requis.