La dévolution successorale provenant d'un État membre

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

La dévolution successorale provenant d'un État membre

La dévolution successorale aura normalement été constatée dans un CSE.
Le CSE est généralement rédigé dans la langue du pays émetteur. Il n'y a aucune obligation de traduction qui en découle. Il ne se posera généralement que peu de problèmes de traduction puisque le CSE dispose d'un support normalisé traduit dans la plupart des langues des États membres.
Seul le contenu des renseignements fournis par l'autorité compétente peut le cas échéant faire l'objet d'une traduction.
Dans l'hypothèse où un CSE aura été émis, il sera impératif de vérifier que l'autorité qui a dressé celui-ci et en a délivré une copie était compétente pour le faire.

Vérification de la compétence matérielle

Les États membres ont déclaré les autorités compétentes sur leur territoire pour dresser un CSE 1539952402894.
Il s'agit :

Vérification de la compétence territoriale

Les règles de compétence territoriale sont celles dont dispose le règlement (UE) n° 650/2012 au sujet de la compétence juridictionnelle 1544410625282.

Problèmes pratiques relatifs au CSE

Plusieurs difficultés peuvent être rencontrées en pratique.

Incompétence de l'autorité ayant dressé le CSE

Si, après vérification de la compétence matérielle et territoriale, le notaire relève l'incompétence de l'autorité ayant émis le CSE, il devra demander à cette dernière de le retirer. Le règlement (UE) n° 650/2012 ne prévoit dans un tel cas que le retrait 1539615325836.
Après retrait, le notaire pourra demander aux héritiers de lui fournir un CSE dressé par l'autorité réellement compétente, ou dresser lui-même ledit CSE s'il s'avère qu'il est en fait compétent pour le faire.
Si l'autorité qui a dressé le CSE par erreur ne veut pas le retirer, le règlement prévoit que le CSE est alors inexistant. Il n'est pas nul.
Il semble alors qu'il faille que le notaire dresse une notoriété conformément aux dispositions générales dont il a été question ci-dessus 1540062300100et qu'il complète l'exposé qui y est préconisé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant sa demande de retrait et le refus opposé. Il devra demander aux héritiers de réitérer leur requête d'instrumenter.

CSE comportant une erreur

Le notaire peut être confronté à l'accueil d'une copie d'un CSE comportant une erreur. Il devra dans ce cas demander à l'autorité compétente ayant commis celle-ci de rectifier le CSE. Le règlement (UE) n° 650/2012 prévoit cette possibilité de rectification 1539615339294.
Après rectification, le notaire pourra utiliser la copie du CSE.
Si l'autorité qui a dressé le CSE erroné ne souhaite pas rectifier l'erreur, le notaire saisi à titre subsidiaire se verra contraint de dresser un acte de notoriété, reprenant les dispositions générales dont il a été question ci-dessus 1540062348366. Il devra compléter l'exposé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant les demandes et le refus d'exécution, et en réitérant la requête d'instrumenter émanant des héritiers.

Refus de dresser le CSE

Le CSE « n'est pas obligatoire » et n'a pas vocation à se substituer « aux documents internes utilisés à des fins similaires dans les États membres » 1539615365140.
Il se peut que l'autorité saisie, bien que compétente pour dresser le CSE, ne souhaite pas s'exécuter ou affirme à tort ne pas être compétente. Le praticien saisi à titre subsidiaire n'aura d'autre choix que de dresser un acte de notoriété reprenant les dispositions générales dont il a été question ci-dessus 1540062397740et de compléter l'exposé en faisant état de la difficulté rencontrée, en annexant les demandes et le refus d'exécution, et en réitérant la requête d'instrumenter émanant des héritiers.

Difficultés liées à la validité du CSE

Le notaire à qui il est remis une copie du CSE devra s'assurer de la validité de celle-ci. En effet, chaque copie du CSE n'est valable que six mois 1539615422762.
Si l'on ajoute à ce caractère provisoire de la validité de la copie du CSE son caractère facultatif, il est possible de se demander si les praticiens seront véritablement enclins à y recourir. Ils pourraient privilégier notamment d'autres documents poursuivant le même objectif probatoire des qualités héréditaires, mais dont la validité des copies n'est pas sujette à péremption (par ex., une notoriété).

Difficultés liées au contenu du CSE

Il découle d'une lecture combinée des articles 63 1539615451472et 69 1539615454404du règlement (UE) n° 650/2012, et du principe de confiance mutuelle qui existe entre les États membres, que le notaire à qui il est présenté une copie d'un CSE n'a pas à vérifier le raisonnement conflictuel ayant abouti à la détermination de la loi applicable. Il en est de même pour ce qui est de la dévolution.
Ces deux points doivent être tenus pour justes.
En revanche, toutes les informations contenues dans le CSE qui ne sont pas couvertes par le règlement (UE) n° 650/2012, dont notamment le régime matrimonial, ne lient pas le notaire à qui il est remis une copie du CSE.
Au sujet du régime matrimonial, il convient de noter que pour le décès d'une personne mariée après le 29 janvier 2019, l'application combinée des règles dont disposent les règlements (UE) nos 650/2012 et 2016/1103 1539615581151devrait conduire, pour le règlement d'unesuccession mettant en présence des États ayant ratifié les deux règlements, à tenir, en pratique, le régime matrimonial indiqué dans le CSE pour acquis.

CSE et régime matrimonial : illustration

Hypothèse 1 : M. A, de nationalité allemande et Mme A, de nationalité française, se sont mariés sans contrat en Allemagne le 1er août 1993. De leur union sont nés deux enfants. Le 10 juillet 2001, le couple vient s'installer en France.
M. A décède le 30 septembre 2018, laissant des biens immobiliers et mobiliers en France et en Allemagne. Tous les biens ont été acquis pendant le mariage.
Le notaire français est requis par la veuve pour établir un CSE.
Le CSE contiendra la mention du régime matrimonial du couple. À cet égard, le notaire français appliquera la mutabilité automatique prévue par l'article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978. Il considérera ainsi les époux soumis à la communauté de biens réduite aux acquêts de droit français. La moitié des biens du couple formera donc la masse successorale de M. A.
La loi successorale applicable à la succession de M. A sera la loi française en vertu de l'article 21 du règlement (UE) n° 650/2012.
Sur la moitié des biens du couple : le conjoint survivant pourra donc à son choix hériter du quart en pleine propriété ou de l'usufruit de l'intégralité.
Si Mme A exerce l'option en pleine propriété, à l'issue de la succession de son époux, Mme A sera donc propriétaire de 5/8e du patrimoine du couple.
Hypothèse 2 : M. A, de nationalité allemande et Mme A, de nationalité française, se sont mariés sans contrat en Allemagne le 1er août 1993. De leur union sont nés deux enfants. Le 10 juillet 2001, le couple vient s'installer en France. Le 17 novembre 2010, le couple repart s'installer en Allemagne.
M. A décède le 30 septembre 2018, laissant des biens immobiliers et mobiliers en France et en Allemagne. Tous les biens ont été acquis pendant le mariage.
Le notaire allemand est requis par la veuve pour établir un CSE.
Le CSE contiendra la mention du régime matrimonial du couple. À cet égard, le notaire allemand n'appliquera pas la mutabilité automatique prévue par l'article 7 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 puisque l'Allemagne n'a pas ratifié cette convention. Il considérera ainsi les époux soumis à la communauté différée des augments de droit allemand. Au titre de la liquidation du régime, et hors demande de péréquation mathématique formulée par la veuve, le notaire allemand appliquera la péréquation forfaitaire prévue par l'article 1371 du BGB, la moitié des biens du couple formera donc la masse successorale de M. A. Il sera imputé sur cette moitié de biens ¼ au titre de la péréquation forfaitaire prévue par l'article sus-énoncé.
La loi successorale applicable à la succession de M. A sera la loi allemande en vertu de l'article 21 du règlement (UE) n° 650/2012.
La veuve aura, par application de celle-ci, droit à un autre quart en pleine propriété.
À l'issue de la succession de son époux, Mme A sera donc propriétaire de 6/8e du patrimoine du couple.
Dans les deux hypothèses, le notaire qui importera la copie du CSE dressé par l'autorité compétente étrangère devra adapter l'acte translatif de propriété qu'il devra rédiger pour muter les immeubles situés sur son territoire (attestation de propriété immobilière en France), en considérant le régime matrimonial indiqué dans le CSE comme une simple information 1539615615203.
Ainsi, le notaire français transférera 1/8e des biens français à la veuve. Le notaire allemand transférera quant à lui 2/8e des biens allemands à la veuve.

Absence de CSE

Pour les cas où la dévolution successorale n'aura pas été constatée dans un CSE, ou pour ceux où le CSE sera invalidé à la suite d'une des difficultés ci-dessus évoquées, le notaire pourra être amené à observer deux positions :
  • une première position pourrait consister à se substituer à l'autorité normalement compétente. Encore faudrait il pour cela qu'il puisse invoquer un chef de compétence à son profit, le règlement prévoyant que la compétence pour émettre le CSE suit celle des juridictions ;
  • dans la mesure où l'établissement d'un CSE ne présente aucun caractère obligatoire, il sera toujours possible au notaire de requérir des héritiers qu'il lui soit fourni l'acte rédigé en la forme locale faisant état de la dévolution (notoriété, etc.).
Cette seconde position met le notaire dans la même situation que celle qu'il rencontrera dans un cas d'import d'une dévolution provenant d'un État tiers.