Conformément au principe de confiance mutuelle, le règlement Bruxelles II bis organise de façon très libérale la circulation des décisions de divorce et de séparation de corps au sein de l'Union européenne.
Jugement rendu dans un État membre de l'Union européenne
Jugement rendu dans un État membre de l'Union européenne
Principe de reconnaissance de plein droit
Selon l'article 21 du règlement : « Les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure ».
L'époux muni d'un jugement de divorce émanant d'un État membre est dispensé de toute procédure pour invoquer sa décision dans un autre État membre, hors le cas d'exécution forcée qui sera envisagé ci-après.
En pratique, les jugements rendus à l'étranger produisent en France, sans exequatur, sous réserve de leur régularité, divers effets : par exemple les ex-époux peuvent se remarier en France, les juridictions françaises peuvent convertir en divorce une séparation de corps prononcée à l'étranger…
Motifs de non-reconnaissance
Un jugement rendu dans un État membre de l'Union européenne est rarement privé d'effet en France : en effet, le règlement Bruxelles II bis pose des contrôles de régularité plus souples qu'en droit commun.
Les seuls motifs de non-reconnaissance sont énumérés à l'article 22 du règlement.
Ainsi une décision ne sera pas reconnue dans les cas suivants :
- si la reconnaissance est manifestement contraire à l'ordre public de l'État membre requis ;
- si l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu'il puisse pourvoir à sa défense, à moins qu'il ne soit établi que le défendeur a accepté la décision de manière non équivoque ;
- si elle est inconciliable avec une décision rendue dans une instance opposant les mêmes parties dans l'État membre requis ; ou
- si elle est inconciliable avec une décision rendue antérieurement dans un autre État membre ou dans un État tiers dans une affaire opposant les mêmes parties, dès lors que cette première décision réunit les conditions nécessaires à sa reconnaissance dans l'État membre requis.
En matière d'ordre public, il est difficile d'imaginer des cas où la France pourrait l'invoquer : peut-être envers un jugement qui aurait accepté de prononcer le divorce pour des motifs que la France jugerait contraires à son ordre public international, par exemple pour des motifs confessionnels ou qui portent atteinte à l'égalité homme/femme.
Certains contrôles sont interdits au juge. Le règlement interdit à l'État de réviser la décision au fond
1537027960836et de contrôler la compétence juridictionnelle de l'État d'origine
1537028030272.
Le règlement prohibe toute prise en compte de la disparité des lois applicables
1537028222932. Ainsi, un État prohibant le divorce ne peut pas en principe opposer son ordre public aux décisions étrangères.
Il peut donc exister une contestation sur la reconnaissance de la décision de divorce. Dans ce cas, l'article 21, § 3, alinéa 1 prévoit que « toute partie intéressée peut demander, selon les procédures prévues à la section II, que soit prise une décision de reconnaissance ou de non-reconnaissance de la décision ». Le régime de l'action en reconnaissance d'une décision de divorce est aligné sur la requête en déclaration de la force exécutoire.
Il existe deux phases : la première phase est non contradictoire ; le demandeur doit simplement produire le certificat prévu par l'article 39
1537082521961, et l'article 31 du règlement prévoit que la personne contre laquelle l'exécution est demandée ne peut présenter d'observations. En revanche, cet article est inapplicable à une demande de non-reconnaissance, qui est contradictoire dès le départ. Dans le cadre d'une action en reconnaissance, la première phase, non contradictoire, peut aboutir à une décision constatant la force exécutoire de la décision de divorce. L'article 33 du règlement autorise alors un recours contre cette décision de constatation de force exécutoire, et c'est seulement à ce stade que la procédure devient contradictoire.
Mention en marge de l'état civil
L'article 21.2 du règlement Bruxelles II bis précise : « En particulier, et sans préjudice du paragraphe 3, aucune procédure n'est requise pour la mise à jour des actes d'état civil d'un État membre sur la base d'une décision rendue dans un autre État membre en matière de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage, qui n'est plus susceptible de recours selon la loi de cet État membre ».
L'instruction générale du 29 mars 2002, relative à l'état civil, a tiré les conséquences de cette disposition, et précise que l'officier d'état civil pourra, sans consultation préalable du procureur de la République, apposer les mentions marginales chaque fois que la décision étrangère a été rendue contradictoirement, ou même si elle a été rendue par défaut, lorsque la demande de mention émane du défendeur défaillant
1537029883108.
L'officier d'état civil porte cette mention au vu du certificat prévu par l'article 39 du règlement que délivre le juge qui prononce le divorce et dont le modèle est annexé au règlement Bruxelles II bis.
La question s'est posée de savoir si la mention en marge de l'état civil français d'un divorce rendu à l'étranger nécessitait ou non l'exequatur. Plusieurs juridictions ont répondu par la négative en estimant que les mentions des jugements étrangers constituaient des mesures de publicité (et non d'exécution) et pouvaient en conséquence être effectuées sans exequatur préalable.
L'instruction générale de l'état civil prévoit
1537109153259que les mentions en marge du divorce étranger seront effectuées sur demande de l'intéressé par l'officier d'état civil après instruction du procureur de la République compétent.
Exécution du jugement en France
Il faut distinguer les différents éléments de la décision de divorce :
L'action en exequatur est nécessaire pour les dispositions donnant lieu à des actes d'exécution sur les personnes ou les biens.
L'époux qui souhaite obtenir l'exécution forcée en France de la décision étrangère de divorce, par exemple pour le paiement de la pension alimentaire, doit tout d'abord vérifier s'il existe une convention bilatérale ou internationale.
Il peut être fait application :
- de la convention de Lugano 1537106822708 ;
- ou de la Convention de La Haye du 23 novembre 2007 1537106987506. Ce texte renforce la coopération internationale en matière de recouvrement d'aliments et institue une procédure de reconnaissance et d'exécution des décisions relatives aux aliments.
En l'absence de convention internationale, il y a lieu de se soumettre la procédure de l'exequatur. Le juge compétent est le tribunal de grande instance statuant à juge unique. La procédure d'exequatur est en principe contentieuse : le demandeur en exequatur doit assigner la ou les autres parties au jugement étranger pour que celles-ci puissent, le cas échéant, contester ou au contraire confirmer que les conditions de l'exequatur sont bien remplies.
Éléments relevant du règlement Bruxelles II bis
Certains éléments du jugement de divorce relèvent du règlement Bruxelles II bis :
- la dissolution du lien conjugal : cette dissolution ne nécessitant pas d'exécution, le règlement ne comporte aucune disposition en la matière ;
- la responsabilité parentale : la décision ne devient exécutoire dans les autres États membres qu'après avoir été déclarée exécutoire, si elle remplit les conditions de régularité. Il s'agit d'une procédure simplifiée d'exequatur. Le juge, saisi sur requête du seul demandeur, statue de façon non contradictoire en vérifiant les conditions de régularité de la décision qui sont les mêmes que celles de la reconnaissance 1537031190076 ;
- le droit de visite 1537031242227 : l'exequatur est remplacé par une procédure de certification. Le juge d'origine atteste dans un certificat visé à l'article 41 du règlement 1537081595618que la décision remplit certaines conditions et en particulier que les parties et l'enfant ont été entendus. Ce certificat donne à la décision une force exécutoire immédiate dans toute l'Union européenne.
Les conséquences pécuniaires
Les éléments de la décision relative aux prestations compensatoires et pensions alimentaires relèvent du règlement sur les obligations alimentaires
1537033076191. Il faut alors distinguer deux cas :
- si la décision émane d'un État membre partie au Protocole de La Haye de 2007 1537033175501 : elle est exécutoire de plein droit, le pays d'accueil n'exerçant pas de contrôle de légalité ;
- si la décision émane d'un pays non lié par ce protocole (Royaume-Uni) : il y aura lieu de la déclarer exécutoire lors d'un contrôle purement formel.