Sur la notion de « juridiction »
Le notaire est-il compétent pour régler la succession d'une personne de nationalité française dont la résidence habituelle était située à l'étranger, mais dont une partie du patrimoine est située sur le territoire français ? Doit-il déterminer sa compétence sur le fondement du règlement (UE) n° 650/2012 ?
Le considérant 20 du règlement permet d'apporter une réponse. Ce texte énonce en effet que : « Le présent règlement devrait respecter les différents systèmes de règlement des successions applicables dans les États membres. Aux fins du présent règlement, il convient dès lors de donner au terme "juridiction" un sens large permettant de couvrir, non seulement les juridictions au sens strict qui exercent des fonctions juridictionnelles, mais également les notaires ou les services de l'état civil dans certains États membres qui, pour certaines questions successorales, exercent des fonctions juridictionnelles au même titre que les juridictions, et les notaires et les professionnels du droit qui, dans certains États membres, exercent des fonctions juridictionnelles dans le cadre d'une succession donnée en vertu d'une délégation de pouvoirs accordée par une juridiction. Toutes les juridictions au sens du présent règlement devraient être liées par les règles de compétence prévues dans le présent règlement. Inversement, le terme "juridiction" ne devrait pas viser les autorités non judiciaires d'un État membre qui, en vertu du droit national, sont habilitées à régler les successions, telles que les notaires dans la plupart des États membres, lorsque, comme c'est généralement le cas, ils n'exercent pas de fonctions juridictionnelles ».
Le notaire français n'exerçant pas de fonction juridictionnelle, il n'est pas lié par les dispositions sur la compétence directe du règlement
<sup class="note" data-contentnote=" Le considérant 36 confirme d'ailleurs cette affirmation : « Les successions peuvent être réglées par des autorités non judiciaires telles que des notaires, qui ne sont pas liées par les règles de compétence en vertu du présent règlement (...) ».">1539616051967</sup>.
Ainsi, comme le notent M. le Professeur Nourissat et M<sup>me</sup> Revillard : « Un notaire français peut régler la succession d'une personne dont le patrimoine est situé en France, ayant sa résidence habituelle hors de France au moment de son décès, alors même que la loi régissant la succession est en vertu de l'article 21 du règlement la loi italienne de la résidence habituelle du défunt. La même solution sera donnée si la résidence habituelle du défunt se trouve en Allemagne ou en Espagne. Cependant il serait souhaitable que le notaire français entre en relation avec le notaire italien, allemand ou espagnol pour assurer la coordination nécessaire au règlement de la succession »
<sup class="note" data-contentnote=" C. Nourissat et M. Revillard, <em>Le notaire français et le règlement Successions : Defrénois</em> 15 oct. 2015, n° 19, p. 985 et s., spéc. § 20.">1539616096490</sup>.
Quant au rôle du notaire, il est également intéressant de signaler le considérant 29 du règlement qui évoque l'hypothèse dans laquelle une juridiction serait saisie d'office pour régler une succession alors que les parties souhaiteraient un règlement à l'amiable par voie extrajudiciaire
<sup class="note" data-contentnote=" Le considérant 29 dispose que : « Si une procédure en matière de succession est engagée d'office par une juridiction, comme cela se produit dans certains États membres, cette juridiction devrait clore la procédure si les parties conviennent de régler la succession à l'amiable par voie extrajudiciaire dans l'État membre dont la loi avait été choisie. Lorsqu'une procédure en matière de succession n'est pas engagée d'office par une juridiction, le présent règlement ne devrait pas empêcher les parties de régler à l'amiable par voie extrajudiciaire, par exemple devant un notaire, dans un état membre de leur choix, dans le cas où le droit de cet État membre le permet. Ce devrait être le cas même si la loi applicable à la succession n'est pas la loi de cet État membre ».">1539616118149</sup>.