Une société valablement constituée à l'étranger selon la loi locale est-elle automatiquement reconnue comme telle en France ? Pour répondre à cette question de la reconnaissance des personnes morales, il faut se placer soit selon les solutions proposées en termes de conflit de lois (§ I), soit en application de la méthode de la reconnaissance (§ II).
Constitution à l'étranger
Constitution à l'étranger
Méthode conflictuelle
Cette méthode de droit international privé pose le principe selon lequel, par extension de la règle posée par l'article 1837, alinéa 1erdu Code civil, toute société dont le siège social est situé sur un territoire étranger est soumise aux dispositions de la loi étrangère.
On tire de cette méthode deux conséquences :
- si le siège statutaire est en France :la société ne peut être constituée à l'étranger. Selon le point de vue français, dans un tel cas la société ne saurait être reconnue. Cette position ferme la porte à une éventuelle possibilité de mise en œuvre du principe de l'autonomie en matière de constitution des sociétés. Lorsque les associés souhaitent échapper à la loi d'un pays, ils ont la possibilité de créer la société dans un autre pays et d' y fixer le siège statutaire, alors que le siège réel se situera dans le premier pays. Cette manœuvre permet de constituer une société sous les auspices plus intéressants d'une loi étrangère. Dans un tel cas, le droit positif français refuse de reconnaître la validité d'une telle société. Elle serait considérée comme frauduleuse ;
- si le siège statutaire de la société est à l'étranger : la société est reconnue seulement si elle a été constituée dans le pays du lieu de son siège social et en application de la loi locale.En pratique, en matière de sociétés anonymes étrangères, la reconnaissance était soumise à une condition supplémentaire tenant à l'existence d'un décret pris en Conseil d'État. Elles ne pouvaient ester en justice en France dans le cadre de la défense de leurs intérêts et de leurs biens, car elles n'étaient pas visées par ce décret. La Cour de cassation a fait prévaloir l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme afin d'autoriser ces sociétés à ester en justice en France 1544870972899.
Cette approche issue de la méthode conflictuelle est aujourd'hui discutée par une partie de la doctrine qui considère désormais qu'il est préférable d'utiliser la méthode de la reconnaissance notamment, en lien avec l'ordre juridique européen.
Exemple
Une société dont le siège social est en Italie ne pourra être valablement constituée qu'en application du droit italien.
Méthode de la reconnaissance des situations
Cette méthode, sous l'influence des règles supranationales, tend à progresser car elle est plus adaptée aux problématiques existantes. En effet, ces règles imposent parfois de reconnaître les sociétés régulièrement constituées à l'étranger (A), ou exigent une adaptation de la méthode de la reconnaissance à certaines situations afin de permettre des solutions plus adaptées (B).
La reconnaissance imposée par les règles européennes
Le principe posé par le traité de Rome est celui de la reconnaissance pleine et entière des sociétés valablement constituées sur le territoire d'un État membre. Cependant, le traité de Rome laisse aux États le soin de fixer le critère de rattachement de ces sociétés : la diversité est donc présente.
On peut ainsi dresser un état des lieux des règles applicables :
La règle française : lieu du siège social
La règle de l'incorporation : lieu du pays d'enregistrement
Adaptation de la méthode de la reconnaissance à certaines situations
Cette adaptation consiste à considérer qu'une société existant à l'étranger est reconnue dans l'ordre juridique duforpour peu que cet alignement ne soit pas inacceptable en raison d'une fraude des parties (i.e.qu'une société étrangère est reconnue du point de vue de l'ordre juridique français dès qu'elle est reconnue par cet ordre juridique étranger. Par conséquent, le juge français n'a pas à apprécier l'exactitude du siège social d'une société étrangère)
1544872167016.