Une source directe : le règlement « Successions »

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Une source directe : le règlement « Successions »

L'action de la Commission européenne vise à rendre plus tangibles pour les citoyens les bénéfices de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. En matière de successions internationales, l'objectif a été de conférer plus de prévisibilité aux citoyens européens, face à la diversité des règles applicables lors du règlement d'une succession comportant un élément d'extranéité. Le premier considérant du règlement rappelle cet objectif : « L'Union s'est donné pour objectif de maintenir et de développer un espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes ». L'Union européenne a souhaité adopter des mesures relevant du domaine de la coopération judiciaire dans les matières civiles transfrontalières.
Le processus de décision a été long. Le Conseil européen réuni à Tampere les 15 et 16 octobre 1999 a d'abord invité le Conseil et la Commission à adopter des mesures destinées à développer la coopération judiciaire. La Commission européenne a ensuite mis à jour son tableau de bord pour l'examen des progrès réalisés en vue de la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'Union européenne le 30 novembre 2000 en souhaitant : – « faire en sorte que le principe de reconnaissance mutuelle devienne la pierre angulaire de la coopération judiciaire en matière tant civile que pénale au sein de l'Union » ; – « prévoir une convergence accrue dans le domaine du droit civil afin de faciliter la coopération judiciaire et d'améliorer l'accès au droit ».
Puis le Conseil européen a pris une série de mesures dans son programme de La Haye des 4 et 5 novembre 2004, couvrant la période 2005-2010. Il a demandé la mise en place d'un livre vert sur le règlement des conflits de lois en matière de successions, traitant notamment de la question de la compétence judiciaire, de la reconnaissance mutuelle et de l'exécution des décisions dans ce domaine, et d'un certificat d'hérédité européen. Enfin, le Conseil européen réuni à Bruxelles les 10 et 11 décembre 2009 a adopté un programme pluriannuel, appelé « programme de Stockhom », qui prévoit de « renforcer la coopération entre les professionnels de la justice, améliorer leur formation et mobiliser des moyens pour supprimer les obstacles à la reconnaissance des décisions juridiques dans d'autres États membres ». Ainsi que l'explique Me Edmond Jacobi, qui faisait partie du groupe d'experts chargé de travailler sur le projet de règlement européen 1539273381172, les travaux préparatoires conduits par le Deutsches Notariat Institut à Würzburg sous la direction des professeurs Paul Lagarde et Heinrich Dörner, sous l'influence des notariats allemand, italien 1539445252790et français qui connaissaient déjà le certificat d'hérédité (en France dans les départements d'Alsace et de la Moselle) ont été instigateurs de la réflexion politique.
Sans aborder le fonctionnement de ce certificat, qui est étudié par la troisième commission 1542029269171, il s'agit d'analyser comment le règlement donne aux notaires un rôle central en matière successorale.

Faciliter la circulation des décisions judiciaires en matière successorale

L'acte de notoriété est déjà reconnu très largement dans l'Espace européen lorsqu'il a été établi dans des conditions proches du droit du for. C'est le cas pour les actes belges, allemands, autrichiens suisses, luxembourgeois 1539355327862.
Cependant, le règlement renforce la circulation des actes authentiques dans la mesure où il supprime toute procédure de légalisation en matière successorale. Par ailleurs, les articles 59 et 60 du règlement précisent que les actes authentiques établis dans un État membre ont la même force probante dans un autre État membre que dans l'État membre d'origine ou y produisent les effets les plus comparables. Enfin, un acte authentique qui est exécutoire dans l'État membre d'origine est déclaré exécutoire dans un autre État membre, à la demande de toute partie intéressée. Le règlement, en prévoyant que l'acte authentique relevant de la matière successorale circule librement, le place au centre de la construction européenne et démontre ainsi la confiance donnée par les institutions dans la pratique notariale.

Le certificat successoral européen

Le règlement a adopté le certificat successoral européen. Innovation capitale, il permet de prouver sa qualité d'héritier ou de légataire dans un autre pays de l'Union européenne partie au règlement et d'exercer ses droits dans tous les pays de l'Union européenne. Il permet d'accélérer et d'uniformiser le règlement d'une succession au niveau européen.
Il entre dans les objectifs de l'action européenne de faire en sorte que les héritiers puissent faire valoir leurs droits partout en Europe. L'article 64 du règlement édicte que : « Le certificat est délivré dans l'État membre dont les juridictions sont compétentes en vertu de l'article 4, 7, 10 ou 11 ». L'autorité émettrice est :
« a) Une juridiction (…)
b) Une autre autorité qui, en vertu du droit national, est compétente pour régler les successions ».
Le décret n° 2015-1395 du 2 novembre 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de successions transfrontalières a ajouté une section VIII au Code de procédure civile en édictant que « le certificat successoral européen (…) est délivré à la demande de tout héritier, (…) par un notaire conformément à la procédure définie par les articles 5 à 67 de ce règlement ».
Cette nouvelle compétence attribuée au notaire français s'apparente à une juridiction gracieuse. S'il est saisi, le notaire a un rôle actif d'investigation : enquêtes, citations, accès aux juridictions compétentes des autres États avec la mise en place d'une coopération judiciaire réciproque. Il peut, s'il le juge utile et suffisant, se baser uniquement sur une affirmation sacramentelle des héritiers. Il a également compétence pour rectifier ou retirer un certificat successoral européen, soit d'office, soit sur requête d'une personne ayant un intérêt légitime. Il a une obligation de motiver sa décision puisque l'article 72 du règlement prévoit également que toute personne habilitée peut former un recours contre toute décision rendue par l'autorité émettrice.
L'interconnexion des registres des dernières volontés mise en place par l'Association du réseau européen des registres testamentaires (ARERT), décrite dans la partie III 1540651977535, permet aux notaires européens de connaître le nom de l'autorité ayant délivré le certificat successoral européen.
Le droit de l'Union européenne confère une mission aux notaires. Le règlement « Successions » permet de renforcer son rôle. Il met aujourd'hui en œuvre les nouvelles règles européennes. Sa fonction se diversifie dans le cadre de la construction de l'espace judiciaire européen. Il ne reste plus aux notaires qu'à développer cette pratique.