Propos introductifs

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Propos introductifs

En droit français, le contrat de prêt est d'abord un contrat civiliste régi par les articles 1874 et suivants du Code civil. Les dispositions adoptées par le législateur de 1804, toujours en vigueur à ce jour, visaient alors un prêt vu comme un service rendu entre membres d'une société très majoritairement agricole et faiblement monétarisée. Encore fortement imprégnés de tradition catholique et ayant à ce titre un regard réprobateur sur le prêt à intérêt, c'est presque gênés que les rédacteurs du Code civil ont néanmoins prévu un chapitre III intitulé « Du prêt à intérêt ». Et encore, loin de constituer la mise en place de solides règles de crédit pour le financement d'une activité industrielle naissante, tout au contraire, la moitié du chapitre est consacrée aux emprunts perpétuels constitutifs de rentes.
Très loin de cette simplicité de 1804, les opérations de financement, et en particulier dans un contexte transfrontalier, sont à ce jour particulièrement complexes. À l'abondance et à la richesse des dispositions de droit interne, s'ajoute un nombre indéfini de difficultés pratiques allongeant considérablement la durée de formation du contrat de prêt, telles que :
  • la mobilité géographique des emprunteurs et garants. Il est rare pour le notaire instrumentaire de pouvoir organiser un rendez-vous où l'ensemble des parties (prêteurs emprunteurs et garants) puisse être présent. Il en résulte fréquemment l'adjonction d'une difficulté additionnelle tenant à la régularisation de procurations, et donc de problématiques liées à leurs formes et aux garanties d'authenticité de celles-ci ;
  • la mobilité des prêteurs. Les différentes places bancaires mondiales ont une volonté d'étendre leur activité de crédit au profit des personnes à fort pouvoir d'achat ou des entreprises à l'ensemble des pays, ou, a minima, à l'ensemble de l'EEE. Dès avant la formation du contrat, la problématique de l'accès au marché bancaire français et aux règles de démarchage pourra éventuellement se poser ;
  • la complexité des chaînes de détention. Le recours à un financement transfrontalier pour l'acquisition d'un bien situé en France est généralement l'apanage d'emprunteurs avertis constituant une clientèle de choix pour les banques de différentes places. Les véhicules d'acquisition sont également le miroir de cette complexité, et, bien au-delà d'une simple société civile comprenant les membres de la famille, il est courant que les participations au sein d'une société acquéreur soient détenues par d'autres sociétés de nationalité distincte et/ou des institutions autres que sociétales (trust, fondations de droit étranger, fiduciaires) ;
  • l'examen de la conformité (compliance). Force est de constater que l'ensemble des acteurs (banques, comptables, notaires) impliqués dans les opérations de financement sont aujourd'hui sensibilisés aux problématiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et à la nécessité d'identifier le bénéficiaire effectif (Know Your Customer) de l'opération. Il en résulte un allongement des délais pour l'ensemble de la chaîne ;
  • la multiplicité des sûretés. Il est rare que les contrats de prêt soient assortis d'une seule sûreté. Ils sont en général garantis par un ensemble de sûretés réelles mobilières ou immobilières et/ou personnelles. La formation définitive du contrat de prêt nécessitera alors l'examen de la conformité juridique et de la valeur économique de chacun des biens affectés en garantie, ainsi qu'un examen de la situation personnelle de chacun des garants.
Il en résulte qu'un prêt transfrontalier va nécessairement impliquer un nombre multiple d'étapes entre la décision sur le principe de l'octroi du prêt de la part de la banque et la régularisation de l'ensemble de la documentation liée aux contrats de prêt et à ses sûretés. Sur la régularisation des conditions du prêt proprement dites, nous avons déjà abordé, dans notre propos consacré à l'accès des banques étrangères au marché bancaire français, les problématiques de la prohibition des opérations de banque réalisées sur le territoire français par des banques non agréées ou non titulaires d'un « passeport européen ». Ces problématiques ne sont pas à négliger, puisqu'elles vont avoir un impact direct sur la régularisation du contrat de prêt établi par une banque étrangère et la possibilité pratique d'envisager cette régularisation sur le territoire français.
En parallèle, de nombreux États ont souhaité encadrer les modalités d'accès au crédit immobilier par les consommateurs, principalement dans le cadre des acquisitions de biens ayant vocation à constituer l'habitation principale de l'emprunteur, le législateur présupposant sa vulnérabilité et son manque d'habitude pour ce type d'opération. Est-il besoin de rappeler que l'un des ferments de la crise de 2008 est l'octroi de prêts hypothécaires risqués auprès d'un public vulnérable et mal informé ou conseillé ?
La France est l'un des précurseurs de la mise en place d'un corps de règles protectrices à destination des emprunteurs consommateurs immobiliers communément appelé par les praticiens « loi Scrivener » 1549366028566. Cette approche n'est pas exclusive du droit français, et, à titre d'exemple, d'autres pays européens avaient adopté un corpus de règles d'ordre public protectrices du consommateur européen.
Le droit anglais distingue ainsi les prêts hypothécaires regulated des prêts hypothécaires non regulated. De même, le droit italien prévoit un formalisme et des règles particulières pour la formation du contrat de prêt immobilier à destination d'un consommateur.