L'origine jurisprudentielle de l'obligation de recherche

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

L'origine jurisprudentielle de l'obligation de recherche

À l'origine, l'arrêtBisbalest le premier dans lequel la notion d'obligation de recherche de la loi étrangère apparaît, bien que la cour décidait alors que le juge n'était pas tenu d'appliquer d'office une loi étrangère 1543229211681.
Puis la jurisprudence a connu plusieurs revirements : dans un arrêt de 1960, la cour décide qu'il est finalement loisible aux juges du fond de rechercher et d'appliquer une loi étrangère même si les parties ne l'invoquent pas au procès 1543229565363, jusqu'à ce qu'elle décide finalement que le juge avait l'obligation, au besoin même d'office, de rechercher la loi étrangère 1543231122309.
Après plusieurs revirements, un arrêt de principe du 28 juin 2005 semble avoir enfin fixé la question.
Préalablement à cet important arrêt de principe dont il sera parlé un peu plus loin (V. infra, n°), il convient d'abord d'évoquer deux arrêts datant tous deux de 1999, qui ont fixé le champ d'application de l'obligation de rechercher et d'appliquer la loi étrangère, tant en ce qui concerne la règle de conflit (§ I)que la mise en œuvre de la loi étrangère (§ II).

L'obligation d'appliquer la règle de conflit

Les deux arrêtsSociété Mutuelles du MansetBelaid 1543735639775énoncent l'obligation pour le juge d'avoir à soulever d'office l'application de la règle de conflit dufor, si des droits indisponibles sont en cause ; tandis que cette obligation redevient une simple faculté pour le juge lorsque les droits litigieux concernent des droits disponibles.
Il convient ici de rappeler rapidement que les droits indisponibles sont ceux que l'on ne peut compromettre sur les questions d'état de capacité des personnes, celles relatives au divorce et à la séparation de corps, et plus généralement, toutes les matières qui intéressent l'ordre public 1543242429639.
Quant à donner une définition des droits disponibles, la tâche s'avère plus délicate du fait de la césure opérée entre les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux 1543242576081.
Cependant, la doctrine s'accorde à définir les droits disponibles comme étant ceux que le titulaire peut exercer dans toutes ses modalités, y compris les plus extrêmes : l'abdication ou l'aliénation 1543242899486.
Il en résulte que le notaire n'a pas le choix : lorsqu'une situation présente un élément en lien avec un contexte international, il a l'obligation d'interroger la règle de conflit française régissant la catégorie à laquelle la question de droit qui lui soumise est rattachée 1543291654210.
Et si, une fois interrogée, la règle de conflit française reconnaît applicable le droit étranger, le notaire doit alors faire application de ce droit substantiel.

En matière notariale

Selon un auteur 1543290701886, cette distinction entre droits disponibles et droits indisponibles qui fait varier l'office du juge ne peut pas être transposée à l'office du notaire.
Dit autrement, là où le juge peut encore avoir une faculté d'appliquer ou non la règle de conflit en fonction de la catégorie de droits litigieux, le notaire, quant à lui, n'a aucun choix, et se trouve obligé de l'appliquer.
La raison est donnée par un autre auteur : «si la question de droit est soumise à un professionnel du droit (notaire, avocat…), celui-ci a l'obligation d'appliquer la règle de conflit.Elle fait partie du système juridique que le professionnel du droit doit mettre en œuvre, et il engagerait sa responsabilité pour violation notamment de son devoir de conseil, s'il considérait la relation privée internationale comme une relation purement interne» 1543291280241.

L'obligation d'appliquer la loi matérielle étrangère

Après plusieurs revirements intervenus sur une longue période, l'arrêt du 28 juin 2005 semble enfin avoir fixé la question.
Au visa de l'article 3 du Code civil, les hauts magistrats énoncent comme principe qu'il «incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger» 1543231853939.
Cette obligation est importante, car au-delà de l'office du juge, elle s'étend également au notaire, qui «doit connaître la règle de conflit française et lorsque la règle de conflit désigne une loi étrangère, il doit l'indiquer aux parties et en rechercher le contenu lui-même» 1543239241115.
Le notaire doit donc rechercher, dans le respect de la règle de conflit, s'il doit faire application dans le dossier dont il est chargé du droit positif matériel étranger, après application de sa propre règle de conflit.
Une question se pose : comment le notaire français peut-il accéder au contenu du droit étranger, et quels sont les obstacles qui pourraient empêcher sa mise œuvre ? Les développements qui suivent vont tenter d'y répondre.

Ce qu'il faut retenir

Peu importe qu'il soit matériel ou conflictuel, le champ du droit soumis à l'examen du notaire officiant dans un contexte international doit faire l'objet par ses soins de vérifications et si besoin de recherches pour connaître le droit étranger applicable à l'occurrence.