Les personnes mineures
Les personnes mineures
Les règles de droit commun
Quant à la capacité du mineur
- la capacité du mineur à conclure un contrat de mariage relève de sa loi nationale (jurisprudencePatino) : pour justifier leur décision, les juges considèrent en effet que les règles habilitant un mineur à conclure un contrat constituent «une simple modalité de son incapacité générale de contracter édictée comme celle-ci dans son intérêt et ressortissant de sa loi personnelle (...) à la date du contrat» 1544453906622 ;
- la validité d'un contrat n'est pas remise en cause en cas d'ignorance excusable de la loi étrangère, désignée en tant que loi personnelle d'une des parties, par le contractant qui ne savait pas qu'il contractait avec un incapable (jurisprudenceLizardi) : les hauts magistrats considèrent en effet que «le Français ne peut être tenu de connaître les lois des diverses nations de leurs dispositions concernant notamment la minorité, la majorité et l'étendue des engagements qui peuvent être pris par les étrangers dans la mesure de leur capacité civile ; qu'il suffit alors, pour la validité du contrat, que le Français ait traité sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi» 1544455666047.
Le notariat et l'erreur excusable en matière de capacité
Attention cependant, car l'erreur excusable retenue par les juges pour le cocontractant français qui ignore la loi nationale de l'autre partie ne devrait pas pouvoir être transposée dans le cadre de l'exercice par le notaire de ses fonctions de notaire instrumentaire.
En effet, ainsi qu'il a été vu dans la partie consacrée à l'état civil (V. <em>supra</em>, n<sup>os</sup>
et s.) et au devoir de contrôle et d'identification incombant au notaire (V. <em>supra</em>, n°), ces obligationsprofessionnelles ne rendent pas compatible l'application de cette théorie afin d'exonérer le notaire de son devoir de contrôle. Le manquement à cette obligation engagerait la responsabilité civile professionnelle de l'officier public
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,<em>op. cit.</em>, p. 92, n° 223.">1544458560333</sup>.
Quant à l'attribution et l'exercice de l'autorité parentale
Les règles de droit conventionnel
La Convention n° 10 de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs
Champ d'application matériel de la convention
- la première concerne la représentation de plein droit de l'enfant. L'article 3 prévoit qu'un «rapport d'autorité résultant de plein droit de la loi interne de l'État dont le mineur est ressortissant est reconnu dans tous les États contractants». Dit autrement, lorsqu'aucune autorité judiciaire ou administrative n'intervient pour la création ou la mise en œuvre du rapport d'autorité, c'est la loi nationale du mineur qui gouverne la question de l'autorité parentale 1544516194524 ;
- la deuxième concerne la formalité habilitante pouvant être nécessaire pour le représentant légal qui accomplit un acte pour le compte du mineur : les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'État de la résidence habituelle d'un mineur sont compétentes pour prendre les mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens 1544899397525 ;
- la troisième concerne les compétences des autorités : la convention ne reconnaît les compétences qui y sont définies qu'aux autorités de l'État du mineur qui est contractant à la convention 1544508019586 ;
- la quatrième concerne les relations de la convention avec celles déjà signées par l'État contractant : la convention ne porte pas atteinte aux dispositions des autres conventions liant les États contractants au moment de son entrée en vigueur 1544508133688.
Illustrations
Un mineur tunisien, âgé de dix-huit ans et résidant habituellement en France sera réputé mineur selon la loi tunisienne (majorité à vingt ans), mais majeur selon la loi française : la convention ne s'appliquera pas
<sup class="note" data-contentnote=" M. Revillard,<em>op. cit.</em>, p. 435-436, n° 770.">1544508884168</sup>.
À l'inverse, un mineur âgé de seize ans révolus, ressortissant écossais et résidant habituellement en France sera réputé majeur selon la loi écossaise, mais mineur selon la loi française : la convention ne s'appliquera pas en l'espèce
<sup class="note" data-contentnote=" Pour une étude en droit comparé de la situation des mineurs et majeurs vulnérables en Écosse : R. Frimston, A. Ruck Keen, C. Van Overdijk et A. Ward,<em>The International Protection of Adults</em>, Oxford University Press, 2015, p. 225, n° 12.23.">1544511066742</sup>.
Pour une liste générale de l'âge de la majorité en droit comparé : V. M. Revillard,<em>op. cit.</em>, p. 472, n° 827.
Pour la pratique notariale
<strong>S'agissant de l'autorité parentale</strong>
La loi nationale de l'enfant régit la représentation de plein droit par son titulaire
<sup class="note" data-contentnote=" Sont classées dans la représentation de plein droit, outre l'administration légale pure et simple qui est assurée conjointement entre les deux parents, l'administration légale sous contrôle judiciaire, ainsi que la tutelle par les ascendants sans désignation judiciaire, antérieurement à la loi sur la protection de l'enfance du 5 mars 2007.">1544524166947</sup>.
En conséquence, il appartient au notaire français qui doit faire intervenir à un acte pour le compte d'un mineur étranger son représentant légal, de faire établir un certificat de coutume ou une<em>legal opinion</em>
<sup class="note" data-contentnote=" Les documents permettant de connaître le contenu d'une loi étrangère sont étudiés<em>supra</em>, n<sup>os</sup>
et s.">1544516500335</sup>afin d'avoir connaissance de l'étendue des pouvoirs de représentation de la personne ayant autorité sur l'enfant
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,<em>op. cit.</em>, p. 101, n° 271.">1544516721438</sup>.
<strong>S'agissant de la formalité habilitante</strong>
Le notaire français chargé de procéder à la vente du bien d'un mineur domicilié en France devra indiquer à son représentant légal la nécessité d'obtenir du juge de la protection des mineurs du domicile de l'enfant l'autorisation de vendre, quelle que soit la loi applicable à l'exercice de la représentation de plein droit
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,<em>op. cit.</em>, p. 102, n° 273. Les auteurs exposent les difficultés de la question liées aux choix possibles, soulevée par la doctrine. Celui qu'ils préconisent a le mérite concret de reposer sur une formalité courante bien connue en pratique notariale.">1544678803542</sup>.
Champs d'application spatial et temporel
La Convention de La Haye du 19 octobre 1996
Champ d'application matériel
- déterminer les autorités compétentes pour prendre des mesures de protection de la personne et des biens de l'enfant ;
- déterminer la loi applicable à ces autorités ;
- déterminer la loi applicable à la responsabilité parentale ;
- assurer la reconnaissance et l'exécution des mesures de protection dans tous les États contractants ;
- établir entre les autorités des États contractants la coopération nécessaire à la réalisation des objectifs de la convention.
- l'attribution, l'exercice, le retrait total ou partiel, la délégation et l'extinction de la responsabilité parentale ;
- la tutelle, curatelle, et les institutions analogues ;
- le placement de l'enfant dans une famille d'accueil, ou dans un établissement, ou son recueil parkafalaou une institution analogue ;
- l'administration, la conservation ou la disposition des biens de l'enfant.
- la filiation (établissement ou contestation) même par adoption ;
- le nom et prénom de l'enfant ;
- l'émancipation ;
- lestrustset successions ;
- la sécurité sociale.
Personnes n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans
À retenir
Détermination des autorités compétentes
Détermination de la loi applicable
Illustration
Un notaire est chargé d'établir la vente d'un bien situé en France appartenant à un mineur orphelin de père résidant en Angleterre. Pour parvenir à cette vente, la mère, représentant légal de son enfant, devra être autorisée par le juge de la protection des mineurs pour pouvoir réaliser cette vente, conformément aux dispositions de l'article 387-1 du Code civil. Alors qu'en Angleterre une telle autorisation n'est pas obligatoire, le juge anglais pourrait cependant habiliter la mère à la réalisation de cette opération en vertu de l'article 15-2 de la convention à laquelle le Royaume-Uni est un État contractant.
- la loi nationale commune des époux ;
- à défaut de loi nationale commune, la loi du domicile commun 1519892726195 ;
- à défaut, la loi du for s'applique en vertu de sa vocation subsidiaire.
Attribution ou extinction d'une responsabilité parentale
Illustrations
<strong>Succession</strong>
Pour savoir qui devra représenter un mineur de nationalité étrangère résidant en France, dans le cadre du règlement d'une succession soumis à la loi successorale française, la loi française sera donc applicable (Conv. La Haye 1996, art. 16). C'est par conséquent la loi française qui fixe les modalités d'exercice de la responsabilité parentale, et le notaire en charge de la succession devra indiquer au représentant légal de l'enfant la nécessité d'une autorisation judiciaire à solliciter auprès du juge français pour l'acceptation pure et simple ou la renonciation à la succession soumise à la loi française
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 387-1.">1545293967370</sup>.
<strong>Vente</strong>
Pour déterminer la représentation d'un enfant de nationalité américaine ayant sa résidence habituelle en France pour la vente d'un immeuble lui appartenant, la loi française est compétente
<sup class="note" data-contentnote=" Conv. 19 oct. 1996, art. 16-1.">1545294015914</sup>pour déterminer les modalités de représentation de l'enfant : le titulaire de l'autorité parentale devra par conséquent être autorisé par justice en vertu de l'article 387-1 du Code civil.
Illustrations
<strong>Accord dans une convention de divorce</strong>
Dans le cas d'un accord intervenu entre les parents pour les modalités de garde ou de droit de visite de l'enfant mineur à la suite de la procédure de divorce, la responsabilité parentale de l'enfant est soumise à la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment où l'accord est intervenu entre les parents.
<strong>Acte unilatéral comme un testament</strong>
Dans le cadre d'une disposition à cause de mort désignant un tuteur à l'enfant, la responsabilité parentale est régie par la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment du décès
<sup class="note" data-contentnote=" Pour une illustration dans le cadre d'un conflit mobile (changement de domicile) : M. Revillard,<em>op. cit.</em>, p. 445, n° 790.">1544548876396</sup>.
Illustrations
<strong>Tutelle</strong>
En matière de tutelle des mineurs, le juge de la protection des mineurs doit nécessairement intervenir pour désigner le tuteur de l'enfant mineur en vertu de l'article 391 du Code civil.
Par contre, le tuteur n'a pas besoin d'autorisation du juge des tutelles pour accomplir les actes d'administration
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 496.">1545294121113</sup>.
<strong>Administration légale</strong>
Les deux parents, cotitulaires de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, exercent par conséquent seuls la responsabilité parentale
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 382-1.">1545294196050</sup>.
Cependant, si les parents envisagent de faire renoncer leur enfant à une succession, ils ne peuvent agir qu'avec l'autorisation du juge
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 387-1.">1545294208802</sup>.
Exercice de la responsabilité parentale
À retenir
Reconnaissance et exécution des mesures de protection
Champ d'application spatial
Rapport avec le règlement européen Bruxelles IIbis
Les règles de droit européen : le règlement Bruxelles IIbis
Champs d'application
Rationae materiae
Rationae personae
Rationae temporis
Rationae loci
Principe général de compétence
À retenir
Principes subsidiaires de compétence
Le renvoi possible vers une juridiction mieux placée d'un autre État membre (art. 15)
Le mécanisme du renvoi à une juridiction d'un autre État membre
Les modalités du renvoi à une juridiction d'un autre État membre
La notion de «lien particulier»
La prorogation volontaire de compétence (art. 12)
Champ d'application matériel de la prorogation de compétence
Modalités d'exercice de cette prorogation de compétence volontaire
Concernant les parties à l'instance
- au moins l'un des parents doit exercer la responsabilité parentale à l'égard de l'enfant ;
- la compétence de cette juridiction doit en outre être acceptée par tout moyen (de façon expresse comme par toute autre manière non équivoque) par les époux et les titulaires de la responsabilité parentale à la date de la saisine de cette juridiction de l'autre État membre.
Concernant l'enfant dont les intérêts sont à protéger
- lorsque l'un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence ;
- lorsque l'enfant a la nationalité de cet État membre ;
- ou encore lorsqu'il existe la présence de biens appartenant à l'enfant, et situés dans cet autre État membre.
Pouvoir souverain du juge pour accepter cette prorogation de compétence
La reconnaissance de la compétence de Bruxelles dans une relation avec un État tiers
Succession internationale franco-américaine en présence d'un mineur binational
M<sup>me</sup> E., de nationalité française, résidente habituelle à White Plains, dans l'État du New Jersey, y est décédée le 6 février 2018, laissant à sa survivance :
Dans le patrimoine successoral, figure notamment un bien immobilier situé en France, qui appartient en indivision à la<em>de cujus</em>avec son frère, à la suite d'une donation que leur père leur avait consentie en nue-propriété le 24 mai 2002.
Dans ce dossier, deux problèmes principaux sont à soulever : le premier concerne le règlement de la succession, pour lequel le deuxième problème doit être réglé, s'agissant de la minorité de l'héritier.
Avant d'étudier les règles devant être appliquées compte tenu du fait de la minorité de l'enfant, il convient d'abord de comprendre en quoi cette question doit être réglée au regard de la succession.
<strong>Concernant la succession</strong>
Il ne sera ici abordé que de manière succincte les règles applicables au regard du règlement européen n° 650, étudié de façon approfondie par la troisième commission (V. <em>infra</em>, n<sup>os</sup>
et s.).
À défaut de<em>professio juris</em>
<sup class="note" data-contentnote=" Règl. (UE) n° 650/2012, art. 22.">1545297526178</sup>, la loi applicable à la succession est celle du lieu de la dernière résidence habituelle de la défunte
<sup class="note" data-contentnote=" Règl. (UE) n° 650/2012, art. 21-1.">1545297584396</sup>. L'État du New Jersey est un État tiers, appliquant en matière de succession le principe scissionniste (V. <em>infra</em>, commission 3, n°), d'une part, et l'article 34 du règlement (UE) n° 650/2012 «Succession» acceptant alors le renvoi à la loi française, d'autre part, il résulte de tout ce qui précède que la loi successorale applicable au dossier pour le patrimoine immobilier français est la loi française.
L'option successorale relevant par ailleurs de la loi successorale
<sup class="note" data-contentnote=" Règl. «Successions», art. 23-2.">1545297625955</sup>, c'est par conséquent en vertu de la loi française que les héritiers – déterminés selon la loi française, soit le conjoint et l'enfant unique – doivent lever leur option successorale telle que prévue par la loi française, tandis que parmi les héritiers figure l'enfant mineur.
<strong>Concernant la minorité</strong>
<strong>
<em>Quant à l'autorité compétente</em>
</strong>
En France, depuis le 1<sup>er</sup> mars 2005, est entré en application le règlement Bruxelles II <em>bis</em>. En vertu de son article 8, la juridiction compétente pour connaître des questions de la responsabilité parentale est la juridiction de l'État membre de la résidence habituelle de l'enfant. Cependant dans ce dossier, le mineur est domicilié aux États-Unis.
Comment, dans ces conditions, déterminer l'autorité compétente pour connaître de l'autorisation habilitante indispensable au regard du droit français régissant l'option successorale dans ce dossier ?
Comment engager devant une juridiction américaine une procédure pour obtenir l'autorisation du juge à accepter la succession pour le compte de l'enfant mineur, lorsque, avant toute chose, le concept même d'option successorale est inconnu dans le New Jersey ?
Si l'article 8 est inapplicable à l'espèce (résidence habituelle dans un État tiers, non lié à Bruxelles II <em>bis</em>), il résulte cependant de l'article 12-4 de Bruxelles II <em>bis</em>que cet instrument s'applique lorsque l'État tiers avec lequel un État membre est en rapport n'est pas contractant à la Convention internationale de La Haye du 19 octobre 1996.
Si les États-Unis ont signé la Convention n° 34 de La Haye du 19 octobre 1996, ils ne l'ont pas actuellement encore ratifiée. Il en résulte que cet État tiers ne doit pas être considéré comme contractant à ladite convention.
Appliqué au dossier, le juge français, en tant que juge de l'une des nationalités que possède le mineur, d'une part, et en qualité de juge de l'État de situation des biens immobiliers, d'autre part (sous réserve de son pouvoir souverain d'interprétation, comme vu ci-dessus (V. <em>supra</em>, n°) devrait par conséquent se reconnaître compétent.
Bien qu'il n'existe aucune règle de droit interne déterminant le ressort territorial de la juridiction compétente en matière internationale, mais en toute logique, le juge français compétent serait soit celui du lieu de l'office notarial (dans le Tarn), soit celui du lieu de situation des immeubles (Alpes-Maritimes).
Eu égard aux décisions ayant déjà pu être rendues par la juridiction tarnaise, il sera plus prudent de solliciter la juridiction de lieu de situation des biens immobiliers, soit le tribunal de grande instance de Grasse.
<strong>
<em>Quant à la loi applicable</em>
</strong>
Bien que cette question ne semble pas tranchée en doctrine, il semble pertinent de voir appliquer le principe de coïncidence des compétences législatives et juridictionnelles sur lequel repose la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, et espérer ainsi que le juge français, qui accepte de se reconnaître compétent, accepte de rendre sa décision au vu du droit français, par analogie avec les dispositions des articles 15-1 et 15-2 de la convention de La Haye étudiés plus haut (V. <em>supra</em>, n<sup>os</sup>
et s.).
<strong>Il résulte de tout ce qui précède que :</strong>