Les personnes mineures

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les personnes mineures

Le statut du mineur recouvre un grand nombre de domaines. Aussi, l'ambition de cette partie sera limitée aux modalités de représentation du mineur et à la gestion de ses biens, périmètres relevant essentiellement de l'activité notariale, à la différence d'autres (comme par exemple les enlèvements internationaux, ou la protection de l'enfance, le droit de visite, la pension alimentaire, ou encore les mineurs réfugiés ou apatrides).
La présente partie n'a pas non plus l'ambition de concurrencer des ouvrages de référence comme celui de Mme Mariel Revillard 1544440230715, ou celui de Mme Hélène Péroz et M. Éric Fongaro 1544440345375, ouvrages auxquels il sera fait régulièrement référence pour le lecteur en quête d'approfondissement du thème.
À la différence des règles de protection internationale des adultes vulnérables (V. supra, n°), l'état de minorité en droit international privé fait l'objet de plusieurs conventions internationales, tant bilatérales que multilatérales, outre un règlement européen concernant la responsabilité parentale (qui est synonyme de l'autorité parentale de l'ordre interne).
Cette concurrence de sources internationales pour les mineurs rend la tâche moins aisée qu'en matière de protection des majeurs vulnérables, où une seule convention internationale gouverne la matière 1544440560284.
Seront énumérées dans un premier paragraphe les règles de droit commun qui intègrent des éléments d'atténuation propres à la minorité, avant d'aborder les règles de droit conventionnel (§ II)et de droit de l'Union européenne (§ III).

Les règles de droit commun

Quant à la capacité du mineur

La question de la capacité, qui relève de l'état des personnes, est exclue de l'ensemble des conventions internationales ainsi que des règlements européens 1544450664112.
Selon la règle de conflit française, ainsi qu'il a été vu plus haut (V. supra, nos et s.), énoncée à l'article 3, alinéa 3 du Code civil, les lois françaises concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger, tel qu'interprété par la jurisprudence.
De cette règle générale, les tribunaux ont pu énoncer les principes suivants :
  • la capacité du mineur à conclure un contrat de mariage relève de sa loi nationale (jurisprudencePatino) : pour justifier leur décision, les juges considèrent en effet que les règles habilitant un mineur à conclure un contrat constituent «une simple modalité de son incapacité générale de contracter édictée comme celle-ci dans son intérêt et ressortissant de sa loi personnelle (...) à la date du contrat» 1544453906622 ;
  • la validité d'un contrat n'est pas remise en cause en cas d'ignorance excusable de la loi étrangère, désignée en tant que loi personnelle d'une des parties, par le contractant qui ne savait pas qu'il contractait avec un incapable (jurisprudenceLizardi) : les hauts magistrats considèrent en effet que «le Français ne peut être tenu de connaître les lois des diverses nations de leurs dispositions concernant notamment la minorité, la majorité et l'étendue des engagements qui peuvent être pris par les étrangers dans la mesure de leur capacité civile ; qu'il suffit alors, pour la validité du contrat, que le Français ait traité sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi» 1544455666047.
Ces principes issus de la jurisprudence se retrouvent dans les dispositions de l'article 1-2 a) du règlement Rome I 1544456041422qui prévoit que : «Dans un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays, une personne physique qui serait capable selon la loi de ce pays ne peut invoquer son incapacité résultant de la loi d'un autre pays que si, au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part».

Le notariat et l'erreur excusable en matière de capacité

Attention cependant, car l'erreur excusable retenue par les juges pour le cocontractant français qui ignore la loi nationale de l'autre partie ne devrait pas pouvoir être transposée dans le cadre de l'exercice par le notaire de ses fonctions de notaire instrumentaire.

En effet, ainsi qu'il a été vu dans la partie consacrée à l'état civil (V. <em>supra</em>, n<sup>os</sup>
et s.) et au devoir de contrôle et d'identification incombant au notaire (V. <em>supra</em>, n°), ces obligationsprofessionnelles ne rendent pas compatible l'application de cette théorie afin d'exonérer le notaire de son devoir de contrôle. Le manquement à cette obligation engagerait la responsabilité civile professionnelle de l'officier public
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 92, n° 223.">1544458560333</sup>.

La loi applicable à la minorité ou la capacité de la personne est sa loi nationale, quels que soient la nationalité ou le lieu de résidence habituelle de son représentant 1544460216725.
La loi nationale ou de résidence du représentant n'importe aucunement en la matière : l'organisation du régime de protection ou de représentation ainsi que l'étendue des pouvoirs du représentant, en ce compris les formalités habilitantes, sont déterminées par la loi nationale du mineur incapable 1544460391777selon les règles de droit commun.

Quant à l'attribution et l'exercice de l'autorité parentale

À la différence de la filiation qui bénéficie, depuis l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, d'une section II dans le Code civil français intitulée «Du conflit des lois relatives à la filiation» 1544461100967, la loi applicable à l'autorité parentale (ou plutôt laresponsabilité parentale, terme consacré en droit international privé pour qualifier cette question) semble être déterminée par la doctrine et la jurisprudence qui font une distinction selon que la filiation est légitime ou naturelle 1544461530823.
La loi nationale du mineur détermine en fait «les sources de l'incapacité, ainsi que les règles de protection organique du mineur» 1544462589833.
Pour autant, cette règle de droit commun est véritablement d'exception, compte tenu du fait, d'une part, que la France a d'abord signé et ratifié la Convention internationale de La Haye n° 10 du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs, à portée universelle ; d'autre part que depuis le 1er mars 2005 est entré en application le règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 23 novembre 2003 au sein de l'Union européenne, et qu'enfin, depuis le 1er février 2011 est entrée en application en France la Convention internationale de La Haye n° 34 du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.
Avant d'étudier le règlement Bruxelles II bis (§ III), les développements porteront d'abord dans le paragraphe suivant sur le droit conventionnel (§ II).

Les règles de droit conventionnel 

Plusieurs instruments internationaux régissent la matière complexe de l'enfance et de la minorité.
Des «conventions universalistes» portent sur les droits de l'individu en général et de l'enfant en particulier 1544463003448.
À côté de ces instruments internationaux à valeur universelle, d'autres conventions bilatérales ou multilatérales ont été signées par la France pour la protection de l'enfance 1544466210698.
Parmi ces dernières, seules les conventions de la Conférence internationale de La Haye nos 10 du 5 octobre 1961 et 34 du 19 octobre 1996 retiendront ici l'attention, sous le seul et unique angle de la pratique notariale.

La Convention n° 10 de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs

Champ d'application matériel de la convention

L'objet de la convention est tout entier contenu dans son intitulé, car curieusement, aucun article ne prévoit d'en donner une définition précise 1544467157540.
Par ailleurs, l'article premier énonce que les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'État de la résidence habituelle du mineur sont «compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens».
La convention ne s'applique pas pour les mesures relevant du droit pénal, ou du droit du travail. Elle ne s'applique pas non plus pour la fixation de l'âge de la majorité, ni pour les règles gouvernant l'émancipation 1544506039096.
Cette convention porte sur l'autorité parentale 1544506596805, l'administration légale, ainsi que la tutelle légale ou dative, et l'assistance éducative 1544507306399.
L'article 12 de la convention donne une définition du mineur : est mineure «toute personne qui a cette qualité tant selon la loi interne de l'État dont elle est ressortissante que selon la loi interne de sa résidence habituelle».
Ainsi, la personne protégée doit être «doublement mineure» 1544508616176.
S'agissant des autorités compétentes, la convention détermine les autorités chargées de la protection du mineur. Par conséquent, seule «la protection organique du mineur» est organisée par la convention : il s'agit de celles de la résidence habituelle du mineur 1544515800302.
Plusieurs observations peuvent être ici faites :
  • la première concerne la représentation de plein droit de l'enfant. L'article 3 prévoit qu'un «rapport d'autorité résultant de plein droit de la loi interne de l'État dont le mineur est ressortissant est reconnu dans tous les États contractants». Dit autrement, lorsqu'aucune autorité judiciaire ou administrative n'intervient pour la création ou la mise en œuvre du rapport d'autorité, c'est la loi nationale du mineur qui gouverne la question de l'autorité parentale 1544516194524 ;
  • la deuxième concerne la formalité habilitante pouvant être nécessaire pour le représentant légal qui accomplit un acte pour le compte du mineur : les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'État de la résidence habituelle d'un mineur sont compétentes pour prendre les mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens 1544899397525 ;
  • la troisième concerne les compétences des autorités : la convention ne reconnaît les compétences qui y sont définies qu'aux autorités de l'État du mineur qui est contractant à la convention 1544508019586 ;
  • la quatrième concerne les relations de la convention avec celles déjà signées par l'État contractant : la convention ne porte pas atteinte aux dispositions des autres conventions liant les États contractants au moment de son entrée en vigueur 1544508133688.

Illustrations

Un mineur tunisien, âgé de dix-huit ans et résidant habituellement en France sera réputé mineur selon la loi tunisienne (majorité à vingt ans), mais majeur selon la loi française : la convention ne s'appliquera pas
<sup class="note" data-contentnote=" M. Revillard,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 435-436, n° 770.">1544508884168</sup>.

À l'inverse, un mineur âgé de seize ans révolus, ressortissant écossais et résidant habituellement en France sera réputé majeur selon la loi écossaise, mais mineur selon la loi française : la convention ne s'appliquera pas en l'espèce
<sup class="note" data-contentnote=" Pour une étude en droit comparé de la situation des mineurs et majeurs vulnérables en Écosse : R. Frimston, A. Ruck Keen, C. Van Overdijk et A. Ward,&lt;em&gt;The International Protection of Adults&lt;/em&gt;, Oxford University Press, 2015, p. 225, n° 12.23.">1544511066742</sup>.

Pour une liste générale de l'âge de la majorité en droit comparé : V. M. Revillard,<em>op. cit.</em>, p. 472, n° 827.

Pour la pratique notariale

<strong>S'agissant de l'autorité parentale</strong>

La loi nationale de l'enfant régit la représentation de plein droit par son titulaire
<sup class="note" data-contentnote=" Sont classées dans la représentation de plein droit, outre l&#039;administration légale pure et simple qui est assurée conjointement entre les deux parents, l&#039;administration légale sous contrôle judiciaire, ainsi que la tutelle par les ascendants sans désignation judiciaire, antérieurement à la loi sur la protection de l&#039;enfance du 5 mars 2007.">1544524166947</sup>.

En conséquence, il appartient au notaire français qui doit faire intervenir à un acte pour le compte d'un mineur étranger son représentant légal, de faire établir un certificat de coutume ou une<em>legal opinion</em>

<sup class="note" data-contentnote=" Les documents permettant de connaître le contenu d&#039;une loi étrangère sont étudiés&lt;em&gt;supra&lt;/em&gt;, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt;
et s.">1544516500335</sup>afin d'avoir connaissance de l'étendue des pouvoirs de représentation de la personne ayant autorité sur l'enfant
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 101, n° 271.">1544516721438</sup>.

<strong>S'agissant de la formalité habilitante</strong>

Le notaire français chargé de procéder à la vente du bien d'un mineur domicilié en France devra indiquer à son représentant légal la nécessité d'obtenir du juge de la protection des mineurs du domicile de l'enfant l'autorisation de vendre, quelle que soit la loi applicable à l'exercice de la représentation de plein droit
<sup class="note" data-contentnote=" H. Péroz et E. Fongaro,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 102, n° 273. Les auteurs exposent les difficultés de la question liées aux choix possibles, soulevée par la doctrine. Celui qu&#039;ils préconisent a le mérite concret de reposer sur une formalité courante bien connue en pratique notariale.">1544678803542</sup>.

Champs d'application spatial et temporel

La Convention de La Haye du 19 octobre 1996

Champ d'application matériel

Cette convention a pour objet de remédier aux «imperfections révélées par l'application de la convention sur la protection des mineurs du 5 octobre 1961» 1544534051427. Comme son intitulé l'indique, elle porte sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.
Elle a pour objet de :
  • déterminer les autorités compétentes pour prendre des mesures de protection de la personne et des biens de l'enfant ;
  • déterminer la loi applicable à ces autorités ;
  • déterminer la loi applicable à la responsabilité parentale ;
  • assurer la reconnaissance et l'exécution des mesures de protection dans tous les États contractants ;
  • établir entre les autorités des États contractants la coopération nécessaire à la réalisation des objectifs de la convention.
En conséquence, en vertu de l'article 3, la convention porte sur les matières suivantes :
  • l'attribution, l'exercice, le retrait total ou partiel, la délégation et l'extinction de la responsabilité parentale ;
  • la tutelle, curatelle, et les institutions analogues ;
  • le placement de l'enfant dans une famille d'accueil, ou dans un établissement, ou son recueil parkafalaou une institution analogue ;
  • l'administration, la conservation ou la disposition des biens de l'enfant.
Par contre, sont exclues de son champ d'application, les matières suivantes selon l'article 4 :
  • la filiation (établissement ou contestation) même par adoption ;
  • le nom et prénom de l'enfant ;
  • l'émancipation ;
  • lestrustset successions ;
  • la sécurité sociale.
Le règlement précise qu'il est applicable à toutes les obligations alimentaires « découlant de relations de famille, de parenté, de mariage ou d'alliance » 1541007461476, sans bien entendu concerner l'établissement même de ces relations.
La notion d'obligation alimentaire est une notion autonome qui doit être largement comprise incluant, par exemple, la prestation compensatoire du droit français, peu importe ses caractères forfaitaire et partiellement indemnitaire ainsi que son versement en principe en capital. La notion de créancier d'aliments est également entendue largement par la Cour de justice de l'Union européenne puisqu'elle englobe « tout demandeur d'aliments, y compris celui qui intente pour la première fois une action en matière d'aliments ». Le règlement s'applique donc tant aux demandes initiales d'aliments qu'aux demandes de révision.
Comme déjà précisé, le règlement ne s'applique pas en revanche pour déterminer ce qu'il faut entendre par les notions de « relations de famille, de parenté, de mariage ou d'alliance » servant de fondement à l'obligation alimentaire.
Le règlement n'a pas pris le risque de les définir, et c'est donc en principe chaque État membre qui reste libre de préciser quelles obligations alimentaires existent dans sa législation. Reste néanmoins que la juridiction d'un État membre, saisie d'une demande alimentaire entrant dans le champ d'application du règlement, ne peut, sous peine de frôler le déni de justice, refuser de fonder sa compétence sur le règlement au prétexte que l'action est engagée par un époux homosexuel.
Certes, il semblerait que la liberté des États membres de reconnaître ou non les mariages homosexuels célébrés à l'étranger soit préservée.
Dans cette perspective, l'article 13 du règlement (UE) n° 1259/2010 (Rome III) énonce qu'« aucune disposition du présent règlement n'oblige les juridictions d'un État membre participant dont la loi  (…) ne considère pas le mariage comme valable aux fins de la procédure de divorce à prononcer le divorce ». Transposée au règlement (CE) n° 4/2009, cette directive signifie que les juridictions des États membres « conservateurs » ne sont pas tenues de considérer comme valable l'union homosexuelle sur le fondement de laquelle des aliments sont réclamés.
Il n'en demeure pas moins que, depuis l'arrêt du 5 juin 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne qui s'oppose à ce que les autorités compétentes de l'État membre dont le citoyen de l'Union a la nationalité refusent d'accorder un droit de séjour sur le territoire de cet État membre audit ressortissant, au motif que le droit dudit État membre ne prévoit pas le mariage entre personnes de même sexe, cette liberté semble désormais limitée.
Autrement dit, saisie d'une demande alimentaire, la juridiction de l'État membre devra statuer sur la demande, quand bien même elle n'admettrait pas le mariage entre personnes de même sexe.
Personnes n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans
La Convention n° 34 du 19 octobre 1996 concerne l'enfant, de sa naissance jusqu'à ce que l'âge de dix-huit ans soit atteint. Selon le rapport explicatif, cela ne signifie pas que la convention fixe à dix-huit ans, «par une règle matérielle, l'âge de la majorité dans tous les États contractants. Le texte signifie simplement que les règles conventionnelles de compétence, de conflit de lois, etc. s'appliquent aux enfants jusqu'à cet âge, même dans le cas où, avant cet âge, ils seraient devenus capables d'après leur loi personnelle» 1544534973909.
Dit autrement, la convention s'applique à toutes les personnes âgées de moins de dix-huit ans, même si leur loi personnelle prévoit la majorité à un âge différent, et même si l'enfant a été émancipé selon sa loi nationale en dessous de dix-huit ans.

À retenir

Au-delà de dix-huit ans, et si la situation de l'enfant exige qu'une protection soit organisée, la Convention de La Haye n° 35 du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes vulnérables s'appliquera alors ( étudiée ci-dessus, V. supra, n°).
Détermination des autorités compétentes
La convention a pour objet de déterminer les autorités compétentes pour prendre des mesures concernant la protection de la personne et des biens de l'enfant 1544536704504.
Le principe retenu à l'article 5-1 de la convention est le suivant : sont compétentes les autorités judiciaires et administratives de la résidence habituelle de l'enfant, que la mesure de protection doive être prise pour la personne de l'enfant comme pour ses biens.
Par dérogation, l'autorité compétente peut toutefois considérer que les autorités d'un autre État peuvent être plus compétentes au regard de la nationalité de l'enfant, du lieu de situation des biens de l'enfant, ou de celles d'un autre État avec lequel l'enfant peut avoir des liens plus étroits. Dans ce cas, une concertation est prévue entre ces autorités 1544537326198.
Détermination de la loi applicable
S'agissant de la loi applicable, le chapitre III de la Convention du 19 octobre 1996 prend soin de distinguer la loi applicable aux mesures de protection, et la loi applicable à la responsabilité parentale.
À cette occasion, la convention améliore les notions par rapport à la Convention n° 10 de 1961. Alors que la seconde évoquait un rapport d'autorité de plein droit pour parler de l'autorité parentale de notre droit positif, la première utilise la notion de responsabilité et lui donne la définition suivante : «Autorité parentale ou tout autre rapport d'autorité analogue déterminant les droits, les pouvoirs et les obligations des parents, d'un tuteur ou autre représentant légal à l'égard de la personne ou des biens de l'enfant» 1544539431650.
L'article 15 constitue l'un des apports majeurs de cette convention, en énonçant comme nouveau principe que les autorités des États contractants appliquent leur propre loi pour prendre des mesures concernant la protection de la personne de l'enfant ou de ses biens, à moins que la loi d'un autre État avec lequel la situation présente un lien étroit s'avère plus pertinente 1544540047288.
Le principe de la Convention n° 10 de 1961 selon lequel le rattachement était la nationalité de l'enfant n'a pas été repris. Il est vrai qu'assurer une convergence entre l'autorité compétente qui applique la loi qu'elle connaît le mieux, soit sa propre loi, est un facteur de simplification et d'efficacité.

Illustration

Un notaire est chargé d'établir la vente d'un bien situé en France appartenant à un mineur orphelin de père résidant en Angleterre. Pour parvenir à cette vente, la mère, représentant légal de son enfant, devra être autorisée par le juge de la protection des mineurs pour pouvoir réaliser cette vente, conformément aux dispositions de l'article 387-1 du Code civil. Alors qu'en Angleterre une telle autorisation n'est pas obligatoire, le juge anglais pourrait cependant habiliter la mère à la réalisation de cette opération en vertu de l'article 15-2 de la convention à laquelle le Royaume-Uni est un État contractant.

À défaut de convention bilatérale, il y a lieu d'appliquer au titre de loi des effets du mariage :
  • la loi nationale commune des époux ;
  • à défaut de loi nationale commune, la loi du domicile commun 1519892726195 ;
  • à défaut, la loi du for s'applique en vertu de sa vocation subsidiaire.
La France est partie à des conventions bilatérales qui déterminent notamment la loi applicable aux effets du mariage. Il s'agit par exemple de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 1519890582069ou de la convention franco-polonaise du 5 avril 1967 1519891133809.
Attribution ou extinction d'une responsabilité parentale
L'attribution ou l'extinction de la responsabilité parentale est prévue par la convention dans deux cas de figure : soit l'événement intervient sans aucune intervention d'une autorité, soit un accord, un acte, ou une autorité compétente attribue ou prononce l'extinction de la responsabilité parentale.
Attribution ou extinction automatique (sans intervention) : loi de la résidence habituelle
Lorsque l'attribution ou l'extinction de la responsabilité intervient sans qu'il y ait eu besoin d'une quelconque intervention ou d'un quelconque accord, l'attribution ou l'extinction dans ce cas est alors régie par la loi de la résidence habituelle de l'enfant 1544541750827.

Illustrations

<strong>Succession</strong>

Pour savoir qui devra représenter un mineur de nationalité étrangère résidant en France, dans le cadre du règlement d'une succession soumis à la loi successorale française, la loi française sera donc applicable (Conv. La Haye 1996, art. 16). C'est par conséquent la loi française qui fixe les modalités d'exercice de la responsabilité parentale, et le notaire en charge de la succession devra indiquer au représentant légal de l'enfant la nécessité d'une autorisation judiciaire à solliciter auprès du juge français pour l'acceptation pure et simple ou la renonciation à la succession soumise à la loi française
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 387-1.">1545293967370</sup>.

<strong>Vente</strong>

Pour déterminer la représentation d'un enfant de nationalité américaine ayant sa résidence habituelle en France pour la vente d'un immeuble lui appartenant, la loi française est compétente
<sup class="note" data-contentnote=" Conv. 19 oct. 1996, art. 16-1.">1545294015914</sup>pour déterminer les modalités de représentation de l'enfant : le titulaire de l'autorité parentale devra par conséquent être autorisé par justice en vertu de l'article 387-1 du Code civil.

Attribution ou extinction à la suite d'un accord mais sans intervention d'une autorité
Si l'attribution ou l'extinction de la responsabilité parentale fait suite à un accord ou un acte unilatéral, sans aucune intervention d'une autorité, l'événement est alors soumis à l'application de la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment de la survenance 1544549319773.

Illustrations

<strong>Accord dans une convention de divorce</strong>

Dans le cas d'un accord intervenu entre les parents pour les modalités de garde ou de droit de visite de l'enfant mineur à la suite de la procédure de divorce, la responsabilité parentale de l'enfant est soumise à la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment où l'accord est intervenu entre les parents.

<strong>Acte unilatéral comme un testament</strong>

Dans le cadre d'une disposition à cause de mort désignant un tuteur à l'enfant, la responsabilité parentale est régie par la loi de la résidence habituelle de l'enfant au moment du décès
<sup class="note" data-contentnote=" Pour une illustration dans le cadre d&#039;un conflit mobile (changement de domicile) : M. Revillard,&lt;em&gt;op. cit.&lt;/em&gt;, p. 445, n° 790.">1544548876396</sup>.

Attribution ou extinction à la suite d'une intervention ponctuelle d'une autorité
Une autorité étatique peut intervenir soit dans l'attribution de la responsabilité parentale, soit dans l'exercice de l'autorité parentale. Dans cette hypothèse, la question de la loi applicable se pose après celle de la question de la compétence de l'autorité. C'est la loi de la résidence habituelle de l'enfant qui indiquera si l'acte en question peut être reçu avec ou sans l'intervention de l'autorité 1544550858939.

Illustrations

<strong>Tutelle</strong>

En matière de tutelle des mineurs, le juge de la protection des mineurs doit nécessairement intervenir pour désigner le tuteur de l'enfant mineur en vertu de l'article 391 du Code civil.

Par contre, le tuteur n'a pas besoin d'autorisation du juge des tutelles pour accomplir les actes d'administration
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 496.">1545294121113</sup>.

<strong>Administration légale</strong>

Les deux parents, cotitulaires de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, exercent par conséquent seuls la responsabilité parentale
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 382-1.">1545294196050</sup>.

Cependant, si les parents envisagent de faire renoncer leur enfant à une succession, ils ne peuvent agir qu'avec l'autorisation du juge
<sup class="note" data-contentnote=" C. civ., art. 387-1.">1545294208802</sup>.

Exercice de la responsabilité parentale
L'exercice de la responsabilité parentale est régi par la loi de l'État de la résidence habituelle de l'enfant, selon l'article 17 de la convention.
En cas de changement de résidence, l'exercice de la responsabilité parentale est soumis à mutabilité, et peut ne pas être soumis aux mêmes conditions que dans l'État quitté 1544550936759.

À retenir

Dans le cadre de l'application de la Convention n° 34 du 19 octobre 1996, le renvoi est exclu de la matière 1544551890461.
Reconnaissance et exécution des mesures de protection
Les mesures prises dans un État contractant sont reconnues de plein droit dans les autres États en vertu de l'article 23-1 de la convention.
Des cas de refus de cette reconnaissance sont visés au deuxième paragraphe de l'article 23 (notamment si les règles de compétence prévues par la convention n'ont pas été respectées, ou si l'enfant n'a pas été entendu).
Quant à la reconnaissance des situations, l'article 40 de la convention prévoit que : «Les autorités de l'État de résidence habituelle de l'enfant où une mesure a été prise peuvent délivrer au titulaire de la responsabilité parentale ou à toute personne à qui est confiée la protection de l'enfant ou de ses biens, à sa demande, un certificat indiquant sa qualité et les pouvoirs qui lui sont conférés».

Champ d'application spatial

La Convention n° 34 de La Haye du 16 octobre 1996, ratifiée par la France le 15 octobre 2010, est entrée en vigueur le 1er février 2011 en France. Elle est également entrée en vigueur dans quarante-neuf États, dont quatre ne sont pas membres de la Conférence internationale de La Haye. Il est remarquable qu'à ce jour cette convention ne soit pas encore en vigueur en Argentine, ni au Canada, ni aux États-Unis d'Amérique 1544533917505.
Cependant, en vertu de son article 20, la convention revêt un caractère universaliste, compte tenu du fait que pour ce qui concerne la responsabilité parentale de plein droit, elle s'applique même si la loi de la résidence habituelle n'est pas celle d'un État contractant.
La règle de conflit de loi prévue par la Convention (résidence habituelle de l'enfant) s'applique pour la protection de l'enfant et la responsabilité parentale à tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, et quel que soit l'État où est située leur résidence habituelle.
Autrement dit, la convention s'applique à tous les mineurs qui ont leur résidence habituelle dans un État contractant, même si la loi désignée n'est pas celle d'un État contractant 1544552599815.
Le règlement est applicable dans tous les États membres (y compris donc le Danemark) et il est le premier règlement qui supprime tout renvoi subsidiaire aux règles de compétence nationales. Il précise ainsi que « la circonstance qu'un défendeur a sa résidence habituelle dans un État tiers ne devrait plus être de nature à exclure l'application des règles communautaires de compétence, et plus aucun renvoi aux règles de compétence du droit national ne devrait désormais être envisagé ».
Cet objectif favorise une application extra-européenne du règlement.
La date de l'acte authentique permet là encore de choisir le texte applicable. La délivrance d'un titre exécutoire européen est possible pour les actes signés depuis le 21 octobre 2005.
La convention de Lugano de 2007 s'est substituée à celle du 16 septembre 1988 en raison de l'adoption du règlement Bruxelles I. Elle s'applique pour les actes signés à compter du 1er janvier 2010.
Le passage du règlement Bruxelles I à Bruxelles I bis, qui s'applique aux actes signés à compter du 10 janvier 2015, pose un véritable problème. La procédure de délivrance du certificat constatant le caractère exécutoire de l'acte est plus lourde sous l'égide du règlement Bruxelles I.

Rapport avec le règlement européen Bruxelles IIbis

Dans les relations avec la Convention n° 34 du 19 octobre 1996, l'article 61 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 prévoit que le règlement prime la convention lorsque l'enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre ; le règlement prime également pour la reconnaissance et l'exécution des mesures de protection rendues par une juridiction compétente d'un État membre sur le territoire d'un autre État membre, même si l'enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État non membre qui est partie contractante à ladite convention.

Les règles de droit européen : le règlement Bruxelles IIbis

Le règlement (CE) n° 2201/2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, est un règlement européen qui ne porte que sur les règles de compétence.
Cet instrument, autrement intitulé «Bruxelles II bis», ne comporte aucune règle de conflit de loi.
C'est précisément pour cette raison qu'au sein de l'Union européenne, l'autorité compétente en matière de responsabilité parentale déterminée en vertu de Bruxelles II bisdevra appliquer la loi déterminée par application soit de la Convention n° 10 de 1961, soit par la Convention n° 34 de 1996, soit encore par application des règles établies par la jurisprudence 1544682001018.
L'orientation donnée à ces travaux étant entièrement tournée vers la pratique notariale, seront seulement abordés dans les développements qui suivent les points de ce règlement impactant l'activité du notaire, soit dans l'ordre suivant : les champs d'application de Bruxelles IIbis, les règles de compétence générales et leur prorogation possible pour l'exercice de l'autorité parentale en matière de gestion, administration et disposition des biens appartenant au mineur.

Champs d'application

Rationae materiae

Rationae materiae, le règlement a pour objet l'attribution, l'exercice, la délégation, le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale 1544691189322. Ces matières concernent notamment la désignation et les fonctions de toute personne ou organisme chargé de s'occuper de la personne ou des biens de l'enfant, de le représenter ou de l'assister 1544691417741.
Le règlement détermine les autorités compétentes pour prendre des mesures de protection par ces autorités étatiques, notamment quant à la désignation et aux fonctions de toute personne ou organisme chargé de s'occuper de la personne ou des biens de l'enfant, de le représenter ou de l'assister 1544684066869, et à l'administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens 1544684152571.
Il résulte de cette définition que les dispositifs concernant la tutelle ou toute autre institution analogue relèvent de la responsabilité parentale selon Bruxelles II bis 1544685451546.
Par ailleurs, les conventions internationales de La Haye nos 10 et 34 continuent à produire leurs effets dans toutes les matières non traitées par Bruxelles II bisentre les États membres, d'une part 1544690363812, et à l'égard des pays tiers à l'Union 1544689919563, d'autre part.

Rationae personae

Rationae personae, le règlement s'applique à tous les enfants légitimes, naturels, adoptifs ou même sans filiation établie, puisque Bruxelles II bisne fait plus référence aux enfants communs, d'une part, et ne subordonne pas son champ d'application à l'existence d'une action en divorce, séparation de corps ou d'annulation de mariage, d'autre part (ce que faisait Bruxelles II avant son abrogation) 1544684933763.
Il s'applique par conséquent aussi bien pour un ressortissant mineur d'un État membre que pour un ressortissant mineur d'un État tiers qui a sa résidence habituelle sur le territoire d'un État membre 1544690587169.
Par ailleurs, la définition de la responsabilité parentale que donne l'article 2-7 est plus large que la notion d'autorité parentale de droit interne. En effet, la responsabilité parentale est définie comme étant «l'ensemble des droits et obligations conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d'une décision judiciaire, d'une attribution de plein droit ou d'un accord en vigueur, à l'égard de la personne ou des biens d'un enfant. Il comprend notamment le droit de garde et le droit de visite» 1544686099359.

Rationae temporis

Ratione temporis, Bruxelles II bisest entré en vigueur le 1er mars 2005 en abrogeant purement et simplement à cette date Bruxelles II. Des dispositions de droit transitoire sont toutefois prévues pour tenir compte notamment des actes authentiques reçus postérieurement à la date de sa mise en application, en vertu de l'article 64.

Rationae loci

Ratione loci, Bruxelles IIbiss'applique à l'ensemble de l'Union européenne, à l'exception du Danemark qui n'a pas participé à son adoption, ainsi qu'à la Finlande et la Suède qui, conformément à l'article 59, § 2, pt a), ont déclaré que la Convention du 6 février 1931 entre le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède comprenant des dispositions de droit international privé sur le mariage, l'adoption et la garde des enfants, ainsi que son protocole final, s'appliqueront intégralement dans les relations entre la Suède et la Finlande en lieu et place des règles du règlement.

Principe général de compétence

Comme indiquésupra(n°), pour déterminer la compétence de l'autorité de la juridiction, Bruxelles II bisprévaut sur les conventions n° 10 et 34 de La Haye : Bruxelles II bisattribue la compétence de l'autorité à l'État membre dans lequel le mineur a sa résidence habituelle 1544693918643, en vertu de l'article 8 du règlement. Cette compétence du lieu de résidence de l'enfant est fondée sur le principe de proximité pour la protection de l'enfance 1544686712690.
La notion de résidence habituelle se distingue de celle de domicile. En effet, en droit interne français, le domicile est avant tout une notion de droit, composée de deux éléments, matériel (lieu d'établissement principal) et intentionnel (la volonté d'établir de façon stable et permanente ses centres d'intérêts patrimoniaux, sociaux et affectifs) 1544694909639.
Ces règles de compétence générale énoncées 1544687958274, une autre série de règles attirera plus particulièrement l'attention du praticien, confronté à une situation internationale de représentation et de protection de l'enfant : le renvoi possible à une juridiction mieux placée, mais surtout la prorogation volontaire de compétence. Il est proposé d'étudier ces deux questions.

À retenir

Maintien encore possible de l'application de la Convention de La Haye n° 10 du 5 octobre 1961
Dans les relations entre un État membre et un État non membre de l'Union, la Convention de La Haye n° 10 du 5 octobre 1961 continue à s'appliquer pour les décisions relatives à la responsabilité parentale prises avant le 1er février 2011.
Maintien encore possible de l'application de la Convention de La Haye n° 34 du 19 octobre 1996
De même, dès lors que l'enfant ne réside pas dans un État membre, la Convention de La Haye n° 34 du 19 octobre 1996 continue à s'appliquer pour toutes les décisions relatives à la responsabilité parentale prises (ou devant être prises) après le 1er février 2011 1544687719732.

Principes subsidiaires de compétence

Les principes subsidiaires au principe général de compétence sus-énoncé sont de trois ordres : En premier lieu, il s'agira de certains cas de changement de résidence de l'enfant, pour lesquels une juridiction pourrait décliner sa compétence au profit de celle d'un autre État membre ; en deuxième lieu, d'un accord conclu entre les titulaires de la responsabilité (illustrant une fois encore, s'il en était besoin, l'importance grandissante de l'autonomie de la volonté dans les instruments européens) ; en troisième lieu, d'une reconnaissance unilatérale de l'application du règlement européen par un État membre pourtant en rapport avec un État tiers.
Dans cette dernière hypothèse, et compte tenu du fait que parmi ces États tiers concernés figurent à ce jour notamment le Canada et les États-Unis (deux pays où la population française expatriée est importante), il est apparu intéressant de l'évoquer.
Il sera par conséquent proposé, dans un premier temps, d'aborder les conditions du renvoi à une autre juridiction (I), d'étudier dans un deuxième temps la prorogation volontaire de compétence (II), avant de conclure ces développements par la reconnaissance unilatérale du règlement européen applicable dans une relation entre un État membre et un État pourtant tiers (III), le tout illustré de cas tirés directement de dossiers rencontrés.

Le renvoi possible vers une juridiction mieux placée d'un autre État membre (art. 15)

L'article 15 de Bruxelles IIbis, particulièrement dense et long 1544857319416, envisage la possibilité pour une juridiction d'un État membre de renvoyer à une juridiction d'un autre État membre qu'elle considère mieux placée pour connaître de l'affaire à traiter.
Ce renvoi juridictionnel repose sur un mécanisme (a), une procédure (b)et la notion de lien particulier (c)qu'il convient d'aborder pour en saisir le maniement.
Le mécanisme du renvoi à une juridiction d'un autre État membre
L'article 15 de Bruxelles II bisenvisage la possibilité, si cela sert l'intérêt supérieur de l'enfant, pour une juridiction d'un État membre compétente pour connaître de la demande – en vertu de l'article 8 du règlement –, qui considère qu'une juridiction d'un autre État membre se trouve mieux placée pour connaître de l'affaire (ou une partie spécifique de l'affaire), de surseoir à statuer sur l'affaire, ou sur la partie en question.
Les modalités du renvoi à une juridiction d'un autre État membre
Cette juridiction, qui décline sa compétence, invite alors les parties à saisir d'une demande la juridiction de cet État membre (dans les conditions de l'article 4 dudit règlement) 1544857666463.
Cette juridiction peut également demander directement à la juridiction qu'elle considère mieux placée de l'autre État membre d'exercer sa compétence, dans le respect des conditions de l'article 5 du règlement 1544857705789.
La saisine de la juridiction de l'autre État membre mieux placée peut être faite sur requête des parties 1544857885693, à l'initiative de la juridiction première qui décline sa compétence 1544857905049, ou encore à la demande de la juridiction de l'autre État membre qui accepte de considérer que cet autre État membre a un lien particulier avec l'enfant 1544857933932.
Toutefois, ce renvoi vers une juridiction vers un autre État membre ne peut se faire d'office : il n'est possible que si l'une au moins des parties l'a accepté 1544862271131.
La notion de «lien particulier»
La notion de «lien particulier avec l'enfant» qui permet ce renvoi relève de plusieurs critères alternatifs, dont la résidence habituelle postérieure à la saisine initiale 1544858066040, la résidence d'une manière habituelle antérieurement à la saisine 1544858187384, la nationalité de l'enfant de cet autre État membre 1544858248819, la résidence habituelle de l'un des titulaires de la responsabilité parentale 1544862379206 ; un dernier critère qui retiendra plus particulièrement l'attention du praticien figure au dernier paragraphe de cet article 15-3. Il s'agit de celui relatif aux mesures de protection de l'enfant liées à l'administration, la conservation ou la disposition des biens détenus par l'enfant et qui se trouvent sur le territoire de cet autre État membre 1544862531693.
Après le renvoi à une juridiction d'un autre État membre, la deuxième exception au principe général de compétence repose sur la prorogation volontaire de compétence 1544862728404.

La prorogation volontaire de compétence (art. 12)

Champ d'application matériel de la prorogation de compétence
L'article 12-1 du règlement Bruxelles IIbisprévoit que la juridiction de l'autre État membre qui est compétente pour les questions relatives au divorce, à la séparation de corps ou l'annulation du mariage, est également compétente pour toute question relative à la responsabilité parentale.
Les dispositions de l'article 12-3 du règlement prévoient en outre que les juridictions compétentes d'un État membre sont également compétentes pour toutes les autres procédures que celles visées à l'article 12-1.
Autrement dit, quand l'article 12-1 du règlement prévoit la compétence des juridictions pour les questions de divorce, séparation de corps, ou annulation de mariage, celles de l'article 12-3 attribuent à ces mêmes juridictions la compétence pour toutes les autres procédures dans lesquelles la question de la responsabilité parentale est concernée, comme en matière d'exercice de la responsabilité parentale dans le domaine des successions ou des ventes.
Par ailleurs, cette prorogation volontaire de compétence est même envisageable en l'absence de procédure initiale dans l'État de la résidence habituelle de l'enfant, la Cour de justice de l'Union européenne ayant analysé cette disposition de l'article 12-3 comme étant une règle de prorogation volontaire de compétence purement territoriale 1544866572060.
Modalités d'exercice de cette prorogation de compétence volontaire
Afin de permettre à une juridiction d'un autre État membre d'exercer sa compétence prorogée, plusieurs conditions doivent être remplies. Ces conditions concernent les parties à l'instance (i), l'enfant dont les intérêts sont à protéger (ii), le tout naturellement dans le respect absolu du pouvoir souverain du juge saisi à qui cette compétence de juger a été prorogée et qui accepte ou pas cette prorogation (iii).
Concernant les parties à l'instance
La juridiction d'un autre État membre que celui de la résidence habituelle de l'enfant peut être compétente dans le cadre de l'application de l'article 12-3 du règlement Bruxelles II bissous les deux conditions cumulatives suivantes :
  • au moins l'un des parents doit exercer la responsabilité parentale à l'égard de l'enfant ;
  • la compétence de cette juridiction doit en outre être acceptée par tout moyen (de façon expresse comme par toute autre manière non équivoque) par les époux et les titulaires de la responsabilité parentale à la date de la saisine de cette juridiction de l'autre État membre.
Concernant l'enfant dont les intérêts sont à protéger
De plus, pour que cette prorogation volontaire de compétence soit effective, l'enfant doit avoir un lien étroit avec l'État membre dans lequel la juridiction exerce cette compétence prorogée.
Ce lien est caractérisé comme étant étroit avec cet autre État membre dans les cas suivants :
  • lorsque l'un des titulaires de la responsabilité parentale y a sa résidence ;
  • lorsque l'enfant a la nationalité de cet État membre ;
  • ou encore lorsqu'il existe la présence de biens appartenant à l'enfant, et situés dans cet autre État membre.
En effet, si les deux premiers cas d'espèce sont expressément visés à l'article 12-3, le même article utilise l'expression «en particulier», et non pas «exclusivement» pour les énoncer 1544866243109.
C'est ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne a pu confirmer l'application de cette règle pour fonder la compétence de la juridiction grecque du lieu d'ouverture de la succession (aux lieu et place du juge italien du lieu de résidence du mineur) pour autoriser la renonciation à une succession au nom du mineur, tout en précisant les notions d'intérêt de l'enfant et de liens plus étroits 1544867480836.
De ces éléments étudiés, il peut être déduita contrarioque si l'enfant ne possède pas la nationalité de l'État dont on envisage de saisir la juridiction, ou encore si les parents ne résident pas dans l'État dont on envisage de saisir la juridiction 1544867741817, alors «c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui permettra au cas par cas de savoir si les juridictions de l'État du lieu d'ouverture de la succession ont un lien étroit avec l'enfant» 1544868549186.
Un auteur a pu s'interroger : «Ne pourrait-on alors considérer que le lieu d'ouverture de la succession, dès lors que des biens s'y trouvent, présente un lien étroit et qu'il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant d'accepter la prorogation de compétence» 1544868874642 ?
À cette question, une réponse claire ne peut être donnée que dans le cadre du respect de l'exercice souverain par les juges du fond de leur pouvoir d'interprétation, ce qui parfois créera des situations inattendues.
Pouvoir souverain du juge pour accepter cette prorogation de compétence
Une décision rendue par le juge chargé de la protection des mineurs français illustre de manière frappante le contraste pouvant exister entre l'édiction des principes résultant des instruments européens, d'une part, et la réalité des dossiers, d'autre part.
En effet, usant de son pouvoir souverain d'interprétation, cette juridiction française de premier ressort a pu considérer que : «attendu que si l'enfant est titulaire de droits indivis sur des biens immobiliers situés dans le Tarn et présente de ce fait un lien avec la France, il n'apparaît pas que la compétence du juge français respecte l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors d'une part que le juge des tutelles français ne dispose pas des éléments d'actifs de la succession de la défunte au Royaume-Uni [il disposait toutefois d'une attestation sur l'honneur du conjoint survivant, qui se trouvait également être le représentant légal du mineur que la masse successorale anglaise ne contenait aucun élément de passif ] et d'autre part que la mission de surveillance de l'administration légale dévolue au juge des tutelles en vertu de l'article 388-3 du Code civil pourra être difficilement exercée dès lors que le père habite au Royaume-Uni ; Qu'il convient dès lors de se déclarer incompétent…» 1544869332161.
Pourtant en doctrine, il est indiqué que «la présence de biens appartenant à l'enfant peut aussi être considérée comme créant un lien étroit entre cet État et l'enfant, s'il s'agit de prendre des mesures de protection liées au patrimoine de l'enfant» 1544867933046.
Le renvoi à une juridiction d'un autre État membre, ainsi que la prorogation volontaire de compétence évoqués, il reste une dernière exception au principe général de la compétence du juge de la résidence habituelle de l'enfant à aborder : les cas d'application de Bruxelles II bismême dans des rapports entre un État membre et un État tiers.

La reconnaissance de la compétence de Bruxelles dans une relation avec un État tiers

Lorsque le mineur a sa résidence habituelle dans un État tiers à l'Union européenne, non lié par Bruxelles II bisni par aucune des conventions internationales de La Haye n° 10 du 5 octobre 1961 et n° 34 du 19 octobre 1996, cet instrument européen doit alors s'appliquer de manière unilatérale (certains pourraient dire «de manière radicale»).
L'article 12-4 du règlement Bruxelles IIbisprévoit en effet que : «Lorsque l'enfant à sa résidence habituelle sur le territoire d'un État tiers qui n'est pas partie contractante à la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, la compétence fondée sur le présent article est présumée être dans l'intérêt de l'enfant notamment lorsqu'une procédure s'avère impossible dans l'État tiers concerné».
Les raisons de cette disposition sont données au considérant 33, qui précise que le règlement reconnaît les droits fondamentaux et observe les principes consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l'Union, et notamment le respect des droits fondamentaux de l'enfant énoncés à l'article 24 de la Charte.
Cette disposition fait l'objet à part entière d'une illustration au moyen du cas pratique suivant retiré d'un dossier.

Succession internationale franco-américaine en présence d'un mineur binational

M<sup>me</sup> E., de nationalité française, résidente habituelle à White Plains, dans l'État du New Jersey, y est décédée le 6 février 2018, laissant à sa survivance :

Dans le patrimoine successoral, figure notamment un bien immobilier situé en France, qui appartient en indivision à la<em>de cujus</em>avec son frère, à la suite d'une donation que leur père leur avait consentie en nue-propriété le 24 mai 2002.

Dans ce dossier, deux problèmes principaux sont à soulever : le premier concerne le règlement de la succession, pour lequel le deuxième problème doit être réglé, s'agissant de la minorité de l'héritier.

Avant d'étudier les règles devant être appliquées compte tenu du fait de la minorité de l'enfant, il convient d'abord de comprendre en quoi cette question doit être réglée au regard de la succession.

<strong>Concernant la succession</strong>

Il ne sera ici abordé que de manière succincte les règles applicables au regard du règlement européen n° 650, étudié de façon approfondie par la troisième commission (V. <em>infra</em>, n<sup>os</sup>
et s.).

À défaut de<em>professio juris</em>

<sup class="note" data-contentnote=" Règl. (UE) n° 650/2012, art. 22.">1545297526178</sup>, la loi applicable à la succession est celle du lieu de la dernière résidence habituelle de la défunte
<sup class="note" data-contentnote=" Règl. (UE) n° 650/2012, art. 21-1.">1545297584396</sup>. L'État du New Jersey est un État tiers, appliquant en matière de succession le principe scissionniste (V. <em>infra</em>, commission 3, n°), d'une part, et l'article 34 du règlement (UE) n° 650/2012 «Succession» acceptant alors le renvoi à la loi française, d'autre part, il résulte de tout ce qui précède que la loi successorale applicable au dossier pour le patrimoine immobilier français est la loi française.

L'option successorale relevant par ailleurs de la loi successorale
<sup class="note" data-contentnote=" Règl. «Successions», art. 23-2.">1545297625955</sup>, c'est par conséquent en vertu de la loi française que les héritiers – déterminés selon la loi française, soit le conjoint et l'enfant unique – doivent lever leur option successorale telle que prévue par la loi française, tandis que parmi les héritiers figure l'enfant mineur.

<strong>Concernant la minorité</strong>

<strong>
<em>Quant à l'autorité compétente</em>
</strong>

En France, depuis le 1<sup>er</sup> mars 2005, est entré en application le règlement Bruxelles II <em>bis</em>. En vertu de son article 8, la juridiction compétente pour connaître des questions de la responsabilité parentale est la juridiction de l'État membre de la résidence habituelle de l'enfant. Cependant dans ce dossier, le mineur est domicilié aux États-Unis.

Comment, dans ces conditions, déterminer l'autorité compétente pour connaître de l'autorisation habilitante indispensable au regard du droit français régissant l'option successorale dans ce dossier ?

Comment engager devant une juridiction américaine une procédure pour obtenir l'autorisation du juge à accepter la succession pour le compte de l'enfant mineur, lorsque, avant toute chose, le concept même d'option successorale est inconnu dans le New Jersey ?

Si l'article 8 est inapplicable à l'espèce (résidence habituelle dans un État tiers, non lié à Bruxelles II <em>bis</em>), il résulte cependant de l'article 12-4 de Bruxelles II <em>bis</em>que cet instrument s'applique lorsque l'État tiers avec lequel un État membre est en rapport n'est pas contractant à la Convention internationale de La Haye du 19 octobre 1996.

Si les États-Unis ont signé la Convention n° 34 de La Haye du 19 octobre 1996, ils ne l'ont pas actuellement encore ratifiée. Il en résulte que cet État tiers ne doit pas être considéré comme contractant à ladite convention.

Appliqué au dossier, le juge français, en tant que juge de l'une des nationalités que possède le mineur, d'une part, et en qualité de juge de l'État de situation des biens immobiliers, d'autre part (sous réserve de son pouvoir souverain d'interprétation, comme vu ci-dessus (V. <em>supra</em>, n°) devrait par conséquent se reconnaître compétent.

Bien qu'il n'existe aucune règle de droit interne déterminant le ressort territorial de la juridiction compétente en matière internationale, mais en toute logique, le juge français compétent serait soit celui du lieu de l'office notarial (dans le Tarn), soit celui du lieu de situation des immeubles (Alpes-Maritimes).

Eu égard aux décisions ayant déjà pu être rendues par la juridiction tarnaise, il sera plus prudent de solliciter la juridiction de lieu de situation des biens immobiliers, soit le tribunal de grande instance de Grasse.

<strong>
<em>Quant à la loi applicable</em>
</strong>

Bien que cette question ne semble pas tranchée en doctrine, il semble pertinent de voir appliquer le principe de coïncidence des compétences législatives et juridictionnelles sur lequel repose la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, et espérer ainsi que le juge français, qui accepte de se reconnaître compétent, accepte de rendre sa décision au vu du droit français, par analogie avec les dispositions des articles 15-1 et 15-2 de la convention de La Haye étudiés plus haut (V. <em>supra</em>, n<sup>os</sup>
et s.).

<strong>Il résulte de tout ce qui précède que :</strong>