Les conditions de forme : le lieu de célébration du mariage

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Les conditions de forme : le lieu de célébration du mariage

Le notaire peut avoir à connaître de trois cas de mariage présentant un élément d'extranéité.
Le mariage peut être conclu :
  • par des étrangers en France ;
  • ou par des Français au consulat de France à l'étranger ;
  • ou par des étrangers à l'étranger.
Pour le mariage célébré en France, même entre deux étrangers, il y a lieu de respecter impérativement les conditions de forme prescrites par la loi française.
Ainsi :
  • deux étrangers peuvent valablement se marier en France, selon la forme française, et ce même en violation de leur loi nationale 1529412416446 ;
  • deux étrangers ne peuvent pas valablement se marier en France selon la forme (privée ou religieuse) prescrite par leur statut personnel.
Cette règle étant rappelée, il va être étudié les conditions de forme des mariages célébrés hors du territoire français, c'est-à-dire tant au consulat de France qu'à l'étranger.
C'est le nouvel article 171-1 du Code civil (en vigueur au 1er janvier 2007) qui fixe les conditions de validité des mariages célébrés à l'étranger :
« Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre.
Il en est de même du mariage célébré par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises, conformément aux lois françaises.
Toutefois, ces autorités ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret ».

Mariage au consulat

Époux de nationalité française

Si les futurs époux sont tous deux de nationalité française, ils peuvent opter pour un mariage auprès de l'ambassade ou du consulat de France. Les formalités seront pour eux simplifiées : notamment la transcription sur les registres de l'état civil français sera effectuée automatiquement.
En principe, ce mariage sera reconnu valable dans le pays étranger. Toutefois, certains États ne reconnaissent pas aux autorités diplomatiques le droit de célébrer des mariages sur leur territoire, ce qui est le cas par exemple de la Suisse 1529909197682, du Royaume-Uni 1529415745764et des États-Unis 1529909239075.
Dans ces pays, les futurs époux n'auront donc pas d'autre choix que de s'unir selon les formes locales en vigueur.

Couples mixtes

La compétence des consulats repose en principe sur la nationalité française des deux époux.
Si seulement l'un des époux est de nationalité française, ceux-ci n'ont en principe pas la faculté de se marier auprès de l'ambassade ou du consulat de France sauf dans certains pays.
En effet l'article 171-1, alinéa 3 du Code civil précise que les autorités diplomatiques ou consulaires françaises « ne peuvent procéder à la célébration du mariage entre un Français et un étranger que dans les pays qui sont désignés par décret ».
La liste de ces pays est limitativement fixée par deux décrets qui visent quatorze pays 1518880669917.
Cette possibilité a été introduite essentiellement dans des pays où le mariage selon les formes locales impose une conversion religieuse. Comme le fait remarquer le garde des Sceaux dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés 1529747674048, « il s'agit notamment d'États où le mariage, selon la loi locale, prend une forme obligatoirement religieuse, si bien qu'à défaut d'une autorisation de mariage par les autorités diplomatiques ou consulaires, les ressortissants français seraient contraints à se soumettre ou à se convertir à une confession que ne recueillerait pas leur adhésion ».
Pour le ministère des Affaires étrangères, une modification de ces décrets pourrait être envisagée. Il pourrait notamment être supprimé de la liste la zone internationale de Tanger qui n'existe plus depuis 1956, date d'accession du Maroc à la souveraineté.

Mariage à l'étranger

Mariage en la forme locale

Il est également possible pour un Français de se marier à l'étranger devant l'autorité étrangère compétente.
Ce sont les articles 171-1 1518881524391et 202-2 du Code civil1518881728268qui le prévoient.
La loi locale est reconnue compétente quelles que soient les formes utilisées dans le pays concerné : forme civile, forme religieuse et même mariage réalisé sous forme de cérémonie privée.
Ainsi le mariage de deux Français célébré à Las Vegas a été reconnu valable 1518882164631.
De même, le mariage religieux célébré entre deux Français en Italie ou en Espagne par exemple sera valable. Toutefois, si un acte civil doit compléter la célébration religieuse, la loi française exigera que cette formalité ait été respectée.
Les tribunaux français ont également reconnu la cérémonie privée, sans acte ni registre, mais en présence de témoins pratiquée dans les pays musulmans 1529765001281.
Il convient de signaler toutefois que depuis la loi du 14 novembre 2006 (qui sera examinée ci-après), tout mariage célébré en la forme locale doit être précédé de formalités en France, ce qui atténue la portée du principe de l'application des règles locales.

Formalités pour l'époux de nationalité française

Avant le mariage

La loi française veut contrôler tous les mariages simulés et les mariages forcés, en ce compris ceux qui sont célébrés hors du territoire français. Elle a ainsi cherché à imposer aux époux français se mariant à l'étranger les mêmes conditions que celles prescrites pour un mariage en France. Ainsi, quelles que soient les conditions prévues par la loi étrangère du lieu de célébration du mariage, le futur époux, de nationalité française, devra suivre les prescriptions de l'article 63 du Code civil qui sont :
  • la production d'un certificat de capacité à mariage 1518883235602.Ce certificat établit que les futurs époux de nationalité française remplissent les conditions de fond de la loi française pour pouvoir se marier. Ce certificat est délivré par l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage après publication des bans et audition des époux. La délivrance de ce certificat conditionne la transcription du mariage sur les registres de l'état civil français 1518883583404 ;
  • la publication des bans prévue à l'article 171-2 du Code civil 1529766361479 ;
  • l'audition des futurs époux ; étant précisé que les consuls peuvent y renoncer lorsqu'il n'y a pas de suspicion de mariage forcé ou de mariage de complaisance 1529766398576.

Après le mariage : la transcription

La transcription du mariage célébré à l'étranger sur le registre de l'état civil français est la dernière des formalités que les époux doivent effectuer. Elle résulte des articles 171-5 à 171-8 du Code civil dans leur rédaction issue de la loi du 14 novembre 2006 1518884967982.
Avant le 1er mars 2007, la transcription du mariage était une simple mesure de publicité : même à défaut de celle-ci, le mariage était opposable aux tiers en France. La transcription était toutefois fortement recommandée, notamment pour une question de preuve. Ainsi les mariages célébrés avant le 1er mars 2007 et non transcrits sont opposables aux tiers. Afin de s'assurer de leur existence, le notaire sollicitera l'acte d'état civil étranger traduit et le cas échéant légalisé.
Depuis cette date, en l'absence d'une telle transcription le mariage est inopposable aux tiers. Il ne produit ses effets en France qu'à l'égard des époux et de leurs enfants 1529418823186.
L'officier d'état civil refusera la transcription lorsque l'une des formalités préalables susvisées n'aura pas été respectée.
Il faut insister sur le fait que la sanction du défaut de transcription n'est pas la nullité du mariage, mais son inopposabilité. Celui-ci est valable et produit ses effets entre les époux et leurs enfants. Mais il est inopposable aux tiers : les intéressés ne pourront donc pas bénéficier des dispositions fiscales relatives aux couples mariés, ne pourront pas prétendre à une pension de réversion…
Il n'est pas aisé de distinguer les effets du mariage entre les époux et à l'égard des tiers. Un contrat de mariage, par exemple, devrait produire effet entre les époux mais non lors d'une acquisition envers les tiers, notamment envers un préteur.
En cas de décès de l'un des époux, son conjoint devrait pouvoir avoir la qualité de conjoint survivant sur le plan civil, mais ne devrait pas pouvoir bénéficier de l'exonération de droits prévue par le droit fiscal au profit des conjoints.
Si le mariage n'a pas été transcrit, il faut inviter les époux à le faire rapidement. Aucun délai n'étant requis, la transcription peut être demandée plusieurs années après la célébration du mariage.
Un arrêt récent 1529419769916est venu limiter la portée de la sanction de l'inopposabilité. La Cour de cassation a précisé « qu'aux termes du premier de ces textes 1540895554637, le mariage contracté en pays étranger entre un Français et un étranger est valable s'il a été célébré selon les formes usitées dans le pays de célébration ; que la transcription prescrite par le deuxième, qui n'est soumise à aucune exigence de délai, rend la qualité de conjoint opposable aux tiers depuis la date du mariage ».
En raison du caractère rétroactif de la transcription, la règle de l'inopposabilité envers les tiers se trouve limitée. Il suffira de procéder à la transcription du mariage pour que celui-ci soit rétroactivement opposable.
Cette opération de transcription est un moyen mis à la disposition des autorités françaises pour contrôler les mariages célébrés à l'étranger et éviter les mariages blancs.
Lorsque le mariage a été précédé de la délivrance du certificat de capacité à mariage prévu par l'article 171-2 du Code civil, il est transcrit sur les registres de l'état civil sauf si des éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux laissent à penser que le mariage encourt la nullité 1529421379865.
Lorsque les formalités de l'article 171-2 du Code civil et des prescriptions prévues à l'article 63 du même code n'ont pas été respectées, les époux peuvent faire l'objet d'une audition, ensemble ou séparément par l'autorité diplomatique ou consulaire ou les personnes auxquelles cette tâche a été déléguée. Cette audition n'est pas requise lorsqu'il apparaît que la validité du mariage n'est pas en cause au regard des articles 146 à 180 du Code civil.

Opposabilité aux tiers du mariage célébré à l'étranger non transcrit

Si le mariage non transcrit a été célébré à l'étranger :
  • avant le 1er mars 2007 : il est opposable aux tiers en France ;
  • après le 1er mars 2007 : il est inopposable aux tiers en France.