Le privilège de prêteur de deniers

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Le privilège de prêteur de deniers

Depuis le prisme français, le privilège de prêteur de deniers est défini par l'article 2374, 2° du Code civil : « Les créanciers privilégiés sur les immeubles sont (...) Même en l'absence de subrogation, ceux qui ont fourni les deniers pour l'acquisition d'un immeuble, pourvu qu'il soit authentiquement constaté, par l'acte d'emprunt, que la somme était destinée à cet emploi et, par quittance du vendeur, que ce paiement a été fait des deniers empruntés ; (...) ».
Ce privilège a pour avantage de garantir le principal du montant emprunté et trois ans d'intérêts au taux conventionnel.
En droit international privé, les privilèges sont soumis à la loi qui régit la créance, donc à la loi du contrat. Pour que le notaire français puisse matérialiser une inscription de privilège de prêteur de deniers, il sera nécessaire, ainsi que nous l'avons évoqué ci-dessus, que la lex contractus et la lex rei sitae, la loi française, pour ce qui concerne le notaire français devant matérialiser la prise de ce privilège sur un bien immobilier situé en France, connaissent l'une et l'autre le privilège de prêteur de deniers. Cependant, très peu de législations internes connaissent le privilège de prêteur de deniers. Actuellement, outre la loi française, le privilège de prêteur de deniers existe dans la législation luxembourgeoise 1546866658655, dans la législation monégasque 1546866689374et dans la législation de l'île Maurice 1546866696365.
Depuis le prisme du notaire français, le privilège de prêteur de denier ne pourra donc être inscrit que lorsque le contrat de prêt sera soumis à l'une des quatre lois suivantes : la loi française, la loi luxembourgeoise, la loi monégasque ou la loi mauricienne.
Pour tous les contrats de prêt soumis à une loi différente de ces quatre lois, la garantie ne pourra pas consister en un privilège de prêteur de deniers faute pour l'ordre juridique compétent de connaître cette institution.
Il y a donc peu d'hypothèses où la possibilité de prise d'un privilège de prêteur de denier existe. Face à des opérations qui concernent d'autres systèmes de droit, une idée serait d'utiliser la technique dite « du dépeçage ». Le dépeçage consiste à soumettre le contrat de prêt à une loi identifiée (par ex., la loi allemande ne connaissant pas la notion de privilège de prêteur de deniers) et de soumettre les garanties attachées à ce contrat de prêt à une loi différente qui, elle, connaîtrait la notion de privilège de prêteur de deniers.
Il y a en doctrine un débat sur le dépeçage. L'évolution des différentes positions doctrinales est perceptible notamment à la lecture des différentes éditions de l'ouvrage de Marielle Revillard 1549620681295. La convention de Rome I prévoyait le dépeçage, mais son rapport explicatif en limitait la portée à raison d'une recherche de cohérence contractuelle. Et force est de constater que le règlement Rome I réaffirme le principe du dépeçage sans qu'aucun considérant de ce règlement n'en limite la portée 1549622459287. Il faut cependant être prudents, car la technique du dépeçage peut faire basculer la loi du contrat vers le droit de la consommation français.
Prenons l'hypothèse où un établissement de crédit ne spécifierait pas une clause de loi applicable explicite au contrat de prêt, mais insérerait une simple clause spéciale concernant la garantie (l'article 4 du règlement Rome I nécessite un choix de loi exprès à la loi du contrat). Cette situation pourrait créer une incertitude, car ce choix spécial pour la loi du prêteur de denier pourrait être analysé par le juge comme un choix de loi tacite de loi applicable à l'ensemble du contrat. Ceci aurait pour effet de soumettre l'intégralité du prêt consenti par l'établissement de crédit étranger au doit français et impliquerait le respect de la loi française relative à la protection du consommateur.